:al
1L«,^'*'.'^*/H.
m
I^^^S
k^
^^Ie
'^;
^WÊi&^fSÊâ
* ^kPI
pT^j^k «
^i^A
^ CC*^
CC^
i '^ ■ (CT
ciCMd
€ (C
aie
5CCC
^^GCfCCCCC
-CC-
s: ^ oc ç" cx(
-fiUv
^■<^^MiMM
ctc
or^
md
cctcc:
&c
^M^'^Z^
.'iCOCScT'
r/r ^
cccç mM^M
m: <■!
Ê'^^cm:
REVUE
DU
BAS-POITOU
Tome m. — Janvier, Février, Mars 1800. 1
REVUE
DU
BAS-POITOU
PARAISSANT TOUS LES TROIS MOIS
pfjags ^ir-îT^:--!--
5* Mnnée. — r^ Tii
vraison.
FONTENAY-LE-COMTE
BUREAUX : RUE BENJAMIN FILLON
>crcX^^3o^
PARIS
E. LECHEVALIER
39, Quai des Gds-Augustins ^
1890
NIORT
L. CLOUZOT
2, rue des HalleE.
THE GEny CENTER
l IBRARY
REVUE DU BAS-POITOU
•}-©GO-<-
HISTOIRE. LITTÉRATURE, ARCHÉOLOGIE, BEAUX -ARTS
3« Année
nien fie fait mieux un peuple viril el h fortl/ie
contre toutes les épreuves, que le culte et ta
mémoire de ses aïeux.
Au moment où la Revue du Bas- Poitou va entrer dans sa 3* année, il
nous a semblé opportun de jeter un coup d'œil en arrière et de mesurer le
chemin parcouru.
Uniquement appliquée à l'étude des questions littéraires, artistiques et
scientifiques dans notre région, la Revue a prouvé dès ses premiers pas que,
lidèle à son programme, elle entendait se dégager de toutes les questions
irritantes de la politique contemporaine, qui a toujours été pour les historiens
une mauvaise conseillère.
Qui saurait lui en vouloir? Le champ à défricher n'est-il pas assez vaste,
et malgré l'abondance des monographies locales, ne reste-t-il pas assez de
sujets à traiter, de monuments à décrire, de caractères à exhumer ? Nos
huit premières livraisons, dont on trouvera plus loin le sommaire, fournissent
la plus éloquente des réponses.
Nous croyons, au contraire, avoir fait un acte louable, eu unissant les
hommes sérieux sur un terrain, où malgré la diversité des intérêts, malgré
la multiplicité des opinions, tous peuvent travailler de concert et dans la plus
parfaite harmonie.
Cette pensce — Dieu merci ! — a été coDiprise par un grand nombre.
Aussi, fortifié et encouragé par ces adhésions, nous pouvons avec conliance
entrevoir l'avenir de l'œuvre commune.
Les ressources sont abondantes, les documents ne sauraient faire défaut,
et les archives particulières aussi bien que les dépôts publics sont assez
riches pour exciter avec fruit le zèle des érudits, sans jamais l'épuiser. Qu'il
nous soit donc permis d'appeler sous notre fanion tous les travailleurs de
la région, et d'inviter chacun d'eux à faire profiter le pays de ses études et
de ses lumières. Tout le monde y gagnera : les lecteurs de la Revue dont
l'intérêt croîtra de jour en jour, et les auteurs eux-mêmes, par les jouissances
intellectuelles qui les dédommageront amplement des sacrifices que leur
bonne volonté et leur empressement leur pourraient imposer.
LA DIRECTION.
PriiieipaiiT^ eo11al>om<eurs de la Herwe
Louis AuDiAT. — Anatole de Barthélémy. — W^ X. Barbieh de Montault.
— Léon Ballereac. — Babbaud. — D' Marcel Baudouin. — Jos. Berthelé.
— Edmond Biré. — A. Bitton. — H. de Boismartin. — A. Bonnin. — Edgar
BouRLOTOx. — L. Brochet. — H. Colins. — G" de Chabot. — V" de Chabot.
Chartron. — H. Daniel-Laco.mbe. — Le R. P. de la Croix. — C" Louis de
Fleury. — De Gouttepagnon. — Le R. P. Ingold. — Hanaël Jousseaume. —
Lansyer. — J. Laumomer. — C" Régis de l'Estourbeillon. — J. Libaudière.
— Eug. Louis. — L de la Marsonnière. — Olivier Merson. — Claude de
Monti. — Léon Palustre. — D'' Marcel Petiteau. — J. Robucho.v. —
C" L. DE la Rochebruchard. — 0. DE Rochebrune. — iMarius Sépet. —
H. DE Verteuil. — D' Viaud-Grand-Marais. — René Vallette. etc....
Soiiiiiiaire «I(;f4 deux |»reiitièrp»4 aniiéet^
'L'Inventaire de François de la Trémoïlle et les faïences de Saint-P or chaire,
par E. Bonnaffé. — Les Sept Péchés Capitaux, peintures murales de l'Eglise
de la Pommeraie-sur-Sèvre, par M*' X. Barbier de Montault. — Deux
pages d'histoire : Le triomphe de Marai et le mariage de M"" Récamier, par
Edmond Biré. — i/"" de Rohan, littérateurs et poètes, par le C" de Chabot.
— Les Impressions de voyage en Bas-Poitou du citoyen La Vallée (an III),
par Edgar Bourloton. — Esquisses biogrophi/jues. — Deux Familles
Fontenaisiennes : les Collardeau et les De Hillerin, par ]■]. Loris. —
Chroniques Sablaises, par le D' Marcel Petiteau. — Les Anciennes
populations du Bas-Poitou, par J. Laumonier. — Barnabe Brisson et la
Cour de Londres, par Henri Damel-Lacombe. — Les Fouilles du Champ de
Foire de Luron, et l'Ancienne Eglise de Saint-ltl a Ihurin, \)3ir L. Ballereal-.
— M. 0. de Bochcbrune et son Œuvre, par A. Bonnin. — Les Mobiles de la
Vendée au Siège de Paris, par René Vallette. — L'Odyssée d'un tableau,
par E. Laxster. — La Date de C Eglise Abbatiale de Maillezais, par Jos.
Berthelé. — Le Calvaire de Bourgenais (légende), par H. Colins. — La
Renaissance en Bas-Poitou, par Léon Palustre. — Les Cendres de Nalliers,
par le C" L. de Flelry. — L'Office de la Conception h Luçon, par W X.
Barbier de Montallt. — Les Fabriques de poteries gallo-romaines du
littoral Vendéen, par 0. de Rochkbrune. — La Bibliothèque de Pierre
Nivelle, érêque de Luçon, par B. Fillon et E. Loiis. — Epigraphie
fontenaisienne, par A. Bitton. — .1 travers les Clochers du Bas-Poitou, par
Jos. Berthelé. — Maillezais pendant la Révolution, par Edgar Bocrloton.
— L'Ancien prieuré de Courdault, par L. Brochet. — Richelieu et le
Poitou, par l'Abbé Lacroix. — La Vendée et Paris en 1793, par Edmond
BiRÉ. — Les Anciennes nécropoles de Fontenay, par L. Brochet. — Une
Excursion au Château de Glenay, par J. Roblchon. — Un Evêque artiste
(Pierre Nivelle, évêque de Luçon), par 0. de Rochebrine. — Les Cloches de
Luron, par le R P. Ingold. — Nos Marins illustres (l'amira! de Grimouard),
par René Vallette. — Sonnets Vendéens, parE. Lansyer. — Paul Baudry ,
par A. BoNMN. — Le Missel de Sainte- M arie-d'Olonne, par M*'' X. Barbier
DE Montallt. — Etudes sur la Forêt de Vouvent (ses anciens fours à
verriers), par L. Brochet. — Le Lieu de naissance du Cardinal de
Richelieu, par 0. de Rochebrune. — Lettres inédites de Benjamin Fillon,
par le C" L. de la Rochebrochard. — L' Archéologie préhistoriqtie h Mareuil-
sur-le-Lay, par L. Brochet. — Les Seigneurs de la Flocelière. par le
V" de Chabot. — La Restauration de l'Eglise de la Caillère , \r.\r
J. LiBAiDiÈRE. — Ecrin poétique : A l'Aimée, par A. B.nmn.
Ajoutons à ces études de plus ou moins longue ludeinO; une Chronique
et une Bibliographie U"in)eslrielles .nbondamnicnt fournies, et par dessus
tout, des illustrations dues au biu'in. à robjertif ou ;i la [ilume de nos
artistes les plus en renom.
CONDITIONS DE LA COLLABORATiON
Cliaque auteur est responsable des idées ou opinions émises dans ses articles.
— La direction de la Revue offre, à titre ^■•aeieiix à tout collaborateur,
un tirage à pari de rinquante exeni plnires de son travail. — Pour
bénéficier de cet avantage, il faut être abonné à la Revue.
PUBLICATION & ABONNEMENT
La Rente du Bas-Poitou paraît tous les trois mois, en livraison de 96 pages
au moins, format grand in -8", accompagnées d'eaux-fortes, d'héliogravures, de
dessins ou de photographies émanant de nos meilleurs artistes Vendéens.
Le prix de l'abonnemoni est de liuit frasics par an, pour l'édition sur
papier ordinaire, et de quinze francs pour l'édition sur papier vergé à la
forme, dont il n'est tiré que 25 exemplaires.
Pour l'étranger le port est en sus.
ANNONCES
La Revue du Bas-Poitou contient dans chacune de ses livraisons 12 pages
d'annonces, dont les prix ont été fixés comme il suit;
La page, 90 fr. — La demi-page, lO fr. — Le quart de page é fr.
.V. B. — Tout ce qui concerne la rédaction et l'administration de la Revue
doit être adressé à M. René VALLLTTE, rue Benjaaiin-Fillon, à Fontenay
(Vendée).
LA VIEILLE EGLISE DE GHALÂIS
Près MAILLEZAIS (Vendée)
DECOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES
NON loin de Fontenay-le-Gomte, à quelque 1500 mètres
environ de l'antique abbaye de Maillezais, dont les
superbes et imposantes ruines évoquent tant de sou-
venirs, s'élève, au village de Ghalais, ignorée de la plupart
des touristes, une curieuse petite église romane, que bai-
gnaient il y a quelques siècles à peine, les flots de l'Océan,
C'est dans ce sanctuaire élevé il y a déjà bien longtemps,
que nous venons de faire, ces jours derniers, des découvertes
archéologiques importantes, que nous sommes heureux de
signaler aux lecteurs de la Revue du Bas-Poitou.
Mais avant d'exhumer religieusement pour l'enseignement
de l'histoire, ces restes vénérables, avant de remuer cette
poussière de plusieurs siècles qui fut celle de nos pères, nous
croyons devoir adresser nos plus sincères remerciements à
ceux qui nous ont aidé de leurs lumières : MM. de Roche-
brune, l'éminent aquafortiste qui, malgré de très grandes dif-
6 LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS-
ficiiltés, n'a pas craint d'explorer avecnous les sombres galeries
qui rayonnent dans tous les sens, sous l'une des plus vieilles
églises du Poitou, et Boutet, maire de Saint-Pierre-le-Vieux.
qui. aussitôt que l'existence probable d'un souterrain refuge
lui fut signalée, s'empressa de nous en informer, afin que
des fouilles fussent faites avec métliode.
§ 1". — Historique de V église de Clialais.
Si l'on en croit les traditions populaires qui, si elles ne font
pas absolument autorité, ont néanmoins une certaine valeur
qu'il ne faut pas négliger, l'église de Ghalais, placée sous le
vocable de la Vierge, aurait été fondée à une époque fort
éloignée, par des marins échappés au naufrage.
Ce qui donne à cette opinion une certaine autorité, c'est qu'à
la fin du siècle dernier, on apercevait encore sur la voûte en
pierre qui couvre l'autel de la Vierge, douze marins marchant
pieds nus. Faut-il voir aussi dans cette tradition une rémi-
niscence de celle d'après laquelle Saint-Pient, évêque de
Poitiers vers 560 aurait, avec ses compagnons, été jeté par la
tempête sur les côtes du pays qu'il venait évangéliser ?
Gela n'est pas impossible, d'autant mieux que dans l'espèce,
la tradition s'appuie sur les témoignages de Grégoire de
Tours et de Pierre de Maillezais, et aussi sur ce fait que
jusqu'en 942 au moins, Ghalais était baigné par l'Océan.
Quoi qu'il en soit, il est, dès 963, fait mention de Ghalais
(Gala) dans l'Histoire de la Rochelle, du père Arcère, et dans
le Pouillé du diocèse de Lucon.
En 1003, Théodelin, nouvellement chargé de la direction du
monastère de Maillezais, sous l'autorité deOauzbert, abbé de
Bourgueil, sait mettre à profit l'amitié de Guillaume IV ou
WiJhelm, duc d'Aquitaine, pour obtenir de lui le don de toute
l'île de Maillezais, La Sèvre, l'Autise, . . . Souil, Chalais
LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS 7
{Ecclesia ad Calatem), et toutes les dîmes qu'il possédait dans
cette partie du Poitou.
Dans une bulle de 1183, le pape Célestin III proclame que
toute l'île de Maillezais, les églises de Saint-Martin de
Ligugé, . . Souil, Chalais, — appartiennent à l'abbaye de Mail-
lezais qui ne relèvera plus désormais que du Saint-Siège.
Mais quelque puissanteet respectée que fut alors la papauté,
l'irascible Geoffroy de Lezignem, dit Geoffroy la Grand Dent,
méconnaissant la haute autorité spirituelle de Raynald, abbé
de Maillezais, fait en 1232, saisir par ses baillis Chalais et les
biens qui servaient à l'entretien des moines. — Le châtiment
ne devait pas se faire attendre long-temps : sur les réclama-
tions de Raynald, Grégoire IX lance contre le puissant duc
une bulle d'excommunication, qui le met en interdit.
Quand Guillaume paraît, les flambeaux s'éteignent, le ser-
vice divin cesse, la foule s'écoule, les temples sont fermés...
A cette époque de foi profonde, l'interdit était une arme
redoutable entre les mains des papes, et Geoffroy, obligé
comme les plus puissants rois du moyen-âge de s'humilier
devant la tiare pontificale, signe à Spolète, un traité en vertu
duquel l'île de Maillezais tout entière, — Souil, Chalais, sont
libres de toutes redevancs, coutumes, juridictions auxquelles
il prétendait.
Si l'on en croit certains documents (et celan'a rien de sur-
prenant pour qui connojt l'histoire de la féodalité) Chalais
ne relevait pas tout entier au XII* siècle de l'abbaye de Mail-
lezais. En effet, dans une charte de 1085, c'est-à-dire posté-
rieure de deux ans à la bulle de Célestin III, nous voyons
qu'il est fait don à la Sainte-Vertu de Tabbaye de Charroux
par Pierre-Rodolphe de Senac, de sa terre de Chalais et
autres domaines, et par Aymer de Chalais de sa prévôté,
du consentement de Foucher de Verteuil et de Guy de la
Roche.
En tenant compte delà facture générale de l'église de Cha-
lais, ou peut affirmer que la construction de l'abside est con-
LA VIEILLE EGLISE DE Cil A LAIS
lemporaine des évènemsiits que nous veaoas de relater, c'est-
à-dire de la fin du XII* siècle au plus tard. Pour ce qui est des
autres parties de l'édifice, reprises à plusieurs époques, ou
peut leur assigner des dates comprises entre les XIP et XIV'=
siècles.
Le clocher, de construction relativement récente, contient
une cloche brisée pendant la tourmente révolutionnaire du
siècle dernier, et portant l'inscription suivante ;
1710
Tay esté refette par les soins de M" Pierre Conoveteau. Je
m'appelle Henriette. Parrains : He/trt/ d' Appelle-voisin et
Marie Arrivé son épouse et seigjieiirs de Bouille.
Après l'élévation en évêché de l'abbaye de Maillezais par
le pape Jean XXII, f'At'ifyno^z awj; ides d' Auguste i317), la
cure de Ghalais releva au point de vue religieux de l'archi-
prêtré d'Ardin, ce qui n'empêcha pas, en 1665, Pierre Garon,
prieur de Saint-Pierre-le-Vieux, de protester tant pour lui,
que pour le curé dudit Ghalais^, contre la bulle de translation
du Ghapitre de Maillezais en la ville de la Rochelle.
Depuis 1665 jusqu'à la Révolution, aucun événement bien
important ne se produisit à Ghalais dont la cure donnait à
l'évêché de Maillezais 400 livres de revenus. On peut ratta-
cher à la première de ces dates, l'érection dans l'église, des
deux tableaux peints et sculptés sur bois, représentant l'un
saint Roch et l'autre l'Assomption de la Vierge. Dans ce der-
nier tableau dont l'ensemble est assez original, on voit Marie
enlevée sur des nuages, et suivie des yeux par les douze
apôtres qui paraissent ravis d'un tel spectacle.
Sur la voûte de l'abside, où étaient reproduits autrefois
les marins dont nous avons parlé plushaut^ se voient main-
tenant les emblèmes de la Trinité, et une légion d'anges dans
l'attitude de messagers qui attendent un ordre.
Soizi
errôiin - r&
"■^••■■•V^iJ.AiZ
■/:•-;-::• 0.'.;:\ \':
.'I
.o
r-.;-.- c>.;-;c>_.,'-:V'.
•v-r)"=.'- «■'■•■::<■•/ ••.••.^.v.
'•■; •: •(? .•.■.■•.•c:^ :> «^ ••*?• .. ^
'.■.'i''--;:-.V- •••.•. ■•:■■ V
i;,".«>.,».tT
:ifi.i2-
■h
V) oKla i î
Plan
/
^:
Je ChéiJâjS
200'
(Zo^
vzri^ suiYcRn
T
L Ah
t
UoxMpe sviJycinL CD
CovlH
e s-i^iv<aii
t -ET
I.A VIKILI.K ÉGLISE DE CIIALAIS 9
Sur les faces latérales on distingue à peine les portraits
de saint Pierre et de saint Jean l'évangéliste, dégradés pen-
dant la Révolution. A cette date, Jean Mothc administrait à
Chalais, à titre de desservant, cette paroisse succursale de
celle de Saint-Pierre-le-Vieux. ; mais le presbytère était à
Souil. Il fut, l'an IV de la République, vendu à Jean Robin de
Gha,rzais, moyennant treize obligations par le ministère de
M" Girard, notaire à Pontenay, sous le titre de presbytère de
la succursale de Chalais. Le cimetière actuel placé en bordure
de réglisC;, renferme les cendrés de plusieurs représentants
des familles Aymar — Papin — Martineau et autres qui, à des
titresdifférents, furent les bienfaiteurs de cette église fort inté-
ressante au point de vue de son type architectonique, ainsi
qu'onen pourra juger par les magnifiques eaux-fortes qui
accompagnent ce texte'.
§ 2, — Souterrain refuge.
Le souterrain refuge dont nous donnons ci-après un plan
et des coupes, a été déblayé sur environ 35 mètres. Il est
situé sous la vieille église de Chalais.
Les galeries qui le composent ont des largeurs variant de
O'^.SO à l'",20,etdes hauteurs comprises entre 0'",50 et l'",80
qui ne permettent d'y pénétrer qu'en s'y glissant à plat
ventre. Leurs parois ainsi que la voûte sont fort inégale-
ment taillées, presque complètement dans une argile excessi-
vement compacte : ce n'est qu'en bien plus petite proportion
qu'on y rencontre du calcaire crétacé.
Les traces des instruments employés par les ouvriers sont
très visibles, et nous ne saurions mieux faire que de les
* Quelques fragments d'inscriptions tumulaires relevés par nous figurent
sur les croquis ci-joints. Signalons, à titre de curiosité, l'existence sur une
pierre tombale du XVJe siècle d'une quenouille en relief avec fuseau et
accessoires.
10 LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS
comparer à celles que l'on ferait alternativement avec le
ciseau du tailleur de pierre, la tranche et la pointe d'une
pioche ordinaire.
Les surfaces des galeries parfaitement lisses en certains
points portent l'empreinte indiscutable d'un séjour répété
de l'homme dans ces sombres asiles, qu'il avait su rendre
habitables en forant dans la voûte des tubulures cylin-
driques obliques d'environ 0", 15 de diamètre. Ces tubulures
qui, par leur accès à la surface du sol appelaient des cou-
rants d'air destinés à renouveler l'atmosphère du souter-
rain, devaient pouvoir s'ouvrir au milieu des herbes, des
broussailles ou des bois, sans dénoncer l'existence de la
retraite ténébreuse.
Mais s'il n'est pas douteux que ce fut du besoin de se
protéger elles-mêmes, que vint aux populations de Ghalais
la pensée de chercher sous terre un refuge, où elles pour-
raient attendre la fin des fléaux qui ravageaient leur pays, il
n"est pas aussi facile de se prononcer sur la date historique de
ces galeries qui toutes {du moins celles déblayées] viennent
converger vers un pilier de 10", 50 de circonférence, dans
lequel a été ménagée une sorte de niche circulaire comme
celles qui existent en G. H. I.
Faut-il voir dans ces dispositions, ainsi que le prétendent
quelques personnes autorisées, des espèces de petites cata-
combes où d'abord les premiers chrétiens seraient venus prier
et se réfugier, pour se soustraire aux édits sanglants portés
contre eux par les empereurs, et pour éviter les supplices
auxquels ils étaient condamnés? Nous ne le croyons pas. —
Nous ne pensons point que l'on puisse voir dans la niche
creusée dans le pilier central et couronnée par une sorte de
voûte curviligne le tombeau d'un martyr ou autel (méinoria,
confessio, martyrium, testimonhim, tituliis). Si l'on accepte
cette hypothèse, contraire, croyons-nous, à toutes les données
actuelles de l'histoire, il faut admettre que le christianisme-
avait pénétré dans notre région avant la fin du III' siècle, c'est
LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS 11
à-direavant la 9' persécution ordonnée en 275 par Aurélien ;
car il est démontré aujourd'hui que l'édit de Dioclétien (303)
ne fut presque point exécuté dans la Gaule occidentale
surtout, grâce à la modération de Constance-Chlore. Or il est
à peu près certain que l'introduction du christianisme en
Vendée n'est pas antérieure à la fin du IV' siècle.
D'un autre côté;, bien que dos documents importants
fournis récemment par M. Lévrier, avocat à Niort, et des
témoins irrécusables répandus tout le long- du Golfe des
Pictons et à Chalais même, démontrent, pendant les quatre
premiers siècles de l'ère chrétienne, la présence dans ce
pays, d'une population gallo-romaine dense et riche, nous ne
croyons pas non plus que le souterrain-refuge dont il s'agit,
puisse remonter jusqu'à la guerre impitoyable que firent, au
1V° siècle, les paysans soulevés contre cette civilisation étran-
gère qui n'asseyait la magnificence de quelques-uns que sur
ia misère universelle. La forme des vases trouvés, contenant
du charbon de bois que nous décrirons plus loin, donne
croyons-nouS;, à notre opinion un caractère de quasi-certitude.
Ces deux hypothèses écartées, il n'en demeure pas moins
acquis que le souterrain en question a dû être évidemment
fait pendant une de ces époques malheureuses dont est
trop souvent remplie l'histoire du Bas-Poitou.
Dans ces conditions nous estimons que le souterrain de
Chalais a dû être vraisemblablement créé par les habitants
du littoral, pour se protéger eux et leurs objets les plus pré-
cieux, contre les invasions des terribles Normands qui, de
842 à la fin du X* siècle, désolèrent la partie de la Vendée
baignée par l'Océan.
A l'époque en effet oîi fut édifiée sur une sorte de tertre la
première chapelle de Chalais, c'est-à-dire en 963, tout le ma-
rais qui avoisine cette ancienne paroisse située sur les con-
fins de la plaine, était couvert par la mer. Des documents
certains établissent que ce fut en 942, pendant un voyage que
fit à Fontenay, Louis d'Outremer, qu'à la suite d'un cata-
12 LA VIEILLE ÉGLISE UE CHALAIS
clysme, les eaux de l'Océan se retirèrent en partie de notre
région, et que cène fut qu'en 1460, seulement que Maillezais fut
réellement réuni au continent. D'ailleurs, une charte de 1216
dit catégoriquement qu'à cette époque Maillezais était un port
de mer.Rien d'étonnant alors que ces écumeurs des mers qui
laissaient partout derrière eux du sang et des ruines, aient
envahi ce pays, déjà ricue par son sol et sa situation topo-
graphique, en bordure du chemin Sauhiiers, qualifié, dès
953^ de Vieux-Chemin, T^Q^T lequel les sels d'Aunis gagnaient
Poitiers et se répandaient dans le centre de la France.
Du reste, des localités voisines de Ghalais, telles que Liez,
Anchais, Givray, Maillezais, Maillé, d'origine celtique, où l'on
a trouvé des restes de voies romaines, des pieds d'amphores,
des murs, et même des aires pavées de grandes villas agricoles
furent ravagées et détruites par les Normands. Ces invasions
furent tellement épouvantables du IX au X siècle, que, selon
l'expression du moine chroniqueur Pierre de Maillezais, « les
.habitants même disparurent. »
En tout état de causes, si cet asile n'a pas été établi
pendant les invasions normandes, il l'a sûrement été avant
la reconstruction en 1085, de la plus grande partie de l'église
actuelle, et notre opinion est corroborée par ce témoignage
de l'historien Besly :
a Le peuple des bourgs de Petosse, Pouillé, Longesves,
Charzais, Saint-Martin de Fraigneau, jusqu'à Ouïmes et
« autres iceluy plat pays fut en l'anné 1033 et annés suivantes
« battu de maux qui ne sauraient nombrer^ par guerre émue
« entre les seigneurs propres et particuliers et ceux de
tt Golongeset de La Motte-d'Ardin. Les maisons et champs
" furent brûlez, les bardes, coffres et bêtes volez, et habi-
« tants massacrez et mutilez, ce qui en restait forcé de fuir
<( en foretz et abandonner leurs lieux qui de longtemps ne
« furent ensemencez. »
Pour qui connaît le pays qui entoure Ghalais dans un rayon
de plusieurs lieues, il paraîtra tout naturel que ses habitants
"Si
S
S
^
^^
a a l'sT- L . .- T-
/ /J/ve. f\ nGUSTI/)fE .
-vicTTf?flA'Çois finAu'E.T Er/Sorf^iVA/vr /y\A-KI J>EfATtfERl /VE _|
t: . . ol
UJ
Cil
C)
SI
A
>■
m
CL.
1*
or
m
C
lu
H
m
•o
r
^
- H
.0 "^i^V AJOf unod. n-3iaz3ldtL'-il3l JLSnoV.(IaM0r>/fl5 3T3a3Oj
2
3
M ^u>cq'*7^ anaaaaag gya^w ix>ivwi3t>i'gwt>at).H3W aaswwi
LA VIEILLE ÉGLISE DE GHALAIS 13
fissent une citadelle souterraine pour s'y retrancher. Sans
cette précaution, comment auraient-ils pu échapper à la pour-
suite des Normands, ou des seigneurs ennemis, au milieu
d'une plaine où ils ne rencontraient ni forêts, ni accidents de
terrains pour se cacher? Dans cette plaine môme, loin de tout
lieu habité, et notamment sous la route de Fontenay à Mail-
lezais, on rencontre encore des souterrains remontant à cette
époque que nous nous proposons bien d'explorer (juelque
jour. Rien d'étonnant, du reste, que notre pays conserve
encore les traces de la vive résistance, que les bourgades pic-
tonnes opposèrent, ou à leurs terribles envahisseurs les
Normands, ou à leurs non moins impitoyables seigneurs.
Quelle que soit, du reste, la date du souterrain refuge qui
nous occupe^ le souvenir en est toujours demeuré vivant dans
l'esprit des populations de Ghalais qui, aux époques troublées
de notre histoire, notamment pendant l'occupation de Mail-
lezais par le capitaine La Plenne et sa compagnie (vzVs garne-
ments, disent les mémoires de la Ligue), sont venues s'y
réfugier, ainsi qu'en témoignent les pièces de monnaie que
nous y avons trouvées se rapportant presque toutes aux
guerres de Cent ans, de religion et de Vendée.
§3. — Fa.ses et Sépultures .
Les vases en partie brisés, que nous avons trouvés, exé-
cutés en argile commune du pays, présentent des tons dif-
férents, depuis le blanc rosé, jusqu'au noir plus ou moins
intense.
Quelques-uns sont décorés d'une zone de quadrillés im-
primés à la roulette. D'autres ont sur la panse des cercles
parallèles dont l'intervallp est rempli par des raies tracées
à la main. Sur quelques-uns apparaissent des touches de
lustre violacé d'un brun verdâtre.
14 LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS
Ces poteries, dont le système décoratif se rattache par plus
d'un côté à celui employé du V'au IX' siècle, et qui n'a jamais
été tout à fait abandonné, nous paraissent être de la fin de
la période carlovingienne, et de la première moitié du
XP siècle.
La plupart de ces vases renfermaient avec des clous en
fer, du charbon de bois provenant^, sans nul doute, de sépul-
tures, creusées pendant les périodes de calme, pour recevoir,
dans l'intervalle des galeries placées sous l'église, les dé-
pouilles mortelles de quelques prêtres ou de quelques per-
sonnages importants, dont les parents avaient dû payer fort
cher, l'honneur de faire inhumer leurs défnnts dans ces lieux
consacrés, peut-être, par les mystères de la religion.
De tout cela, il ne reste plus guère aujourd'hui que des
ossements épars et brisés, des clous portant l'empreinte d'une
date fort ancienne, et une inscription illisible, sur une petite
plaque de plomb, tristes emblèmes de la brièveté de la vie et
de la fragilité humaine, dont la vue nous rappelait, malgré
nous, ces mélancoliques pensées du chantre des ruines.
« Ainsi périssent les restes mortels des hommes, ainsi
» s'évanonissent les derniers souvenirs qu'ils ont laissés ! »
S 4 . -— Statues.
Les deux statues malheureusement mutilées dont la phy-
sionomie a été reproduite si magistralement par l'éminent
aquafortiste M. de Rochebrune, étaient au moment de leur
découverte renversées sens dessus dessous, et recouvraient
une sépulture sise non loin du chœur. Cette coïncidence et
l'état dans lequel avaient été extraits du sol les personnages
représentés, nous avaient fait croire d'abord à l'existence
d'une pierre tombale sur laquelle étaient couchés deux des
bienfaiteurs de l'église. Mais un examen plus attentif, et les
LA VIEILLE ÉGLISE DE CHALAIS 15
soins apportés pour rendre à ces précieux restes leur phy-
sionomie primitive nous ont démontré, que si ces statues
étaient bien du XIP siècle, elles représentaient, à n'en pas
douter, f'Annonciation de la Vierge. C'est en effet un de ces
sujets qu'aimaient tant à traiter les statuaires de cette époque,
si bien caractérisée à Ghalais, par cette longue tunique re-
couverte chez la mère du Christ, d'une espèce de manteau
aux larges manches, laissant apercevoir des riches étoffes
sur lesquelles se détache une gracieuse cordelière*.
Dans ces statues, on constate de longs bustes, une sorte de
raideur et d'absence de mouvements indépendants de leur
costume et de leur physionomie bysantine.
Si l'on examine attentivement les figures gravées sur les
dessins ci-joints, on ne peut s'empêcher de remarquer la
similitude de pose, la ressemblance des draperies, l'unifor-
mité de type qu'on y rencontre avec ceux des bas-reliefs des
églises de Poussais, Fontaines et la Chaize-Giraud.
Ces types si souvent admis^, et reproduits avec le scrupule
religieux, qui tenait à la fois d'un sentiment de dévotion et à
Timpuissance de l'art, exécutés au moyen de procédés sem-
blables, ne donnent-ils pas la quasi-certitude que l'archange
Gabriel et la Vierge placés dans un tympan de l'antique
église de Ghalais,- sont dus, au ciseau d'un des plus brillants
élèves de l'école poitevine et saintongeaise, à ce statuaire de
Saint-Jean d'Angély, qui a laissé sur l'église de Poussais,
cette curieuse inscription :
ERAVDVS AVDEBERTVS DE SANCTO
10 ANNE ANGERIAGO ME FECIT
et qui faisait, sans nul doute, partie, d'une de ces vaillantes
confréries de travailleurs, qui s'intitulaient « les logeurs du
* Les femmes de cetje époque portaient les cheveux tressés très longs et
descendant plus bas que la ceinture, ainsi qu'on peut le voir au portail de
Saint-Germain-des-Prés, à Paris.
16 LA VIEILLE ÉGLISE DE CUALAIS
bon Dieu et maîtres de l'œuvre, » ([ui, pendant plusieurs
siècles, ont élevé sur le solde notre Poitou tous ces admira-
bles monuments religieux dont nous sommes si fiers à bon
droit.
Fontenay-lc-Comtc, le 14 janvier 1890.
Louis Brochet,
A gent-voycr d' arrondissement ^
membre de la Société des Antiqnah'es de l'Ouest.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Biographies inédites des Vendéens et des Chouans
Par ^I. de la Fontenelle de Vaudoré.
De tous les hommes que l'histoire de la Vendée a inspirés, M. de
la Fontenelle de Vaudoré est sans contredit celui qui, par la multi-
plicité de ses travaux, autant que par ses consciencieuses recherches,
s'impose le plus à l'attention du monde lettré et à la reconnaissance
de ses compatriotes.
Sa carrière si remplie de méritoires labeurs n'a cependant pas
été assez longue pour lui permettre de donner à toutes ses études
la publicité que réclamait leur intérêt. Parmi ces dernières, une
place d'honneur doit être ac^-ordée à la curieuse Biographie des
Yeyidéens et des Chouans, dont la communication nous a été si gra-
cieusement offerte par M. l'archiviste-bibliothécaire de la ville
de Niort.
Fidèle à notre programme, et uniquement soucieux des intérêts
de l'histoire, nous avons extrait de ces pages ce qui concernait plus
particulièrement le Bas-Poitou, persuadé que nos lecteurs ne
sauraient y trouver qu'un hommage à la mémoire d'un peuple qui a
valu aux Vendéens la glorieuse auréole dont leur nom est aujourd'hui
encore environnée.
Tome m. — janvier, février, mars 1890. 2
18 AUTOUR DU DRAPEAuIbLANG
Tout en respectant l'idée première de l'auteur, nous nous sommes
permis de la compléter par l'addition de quelques nouveaux noms
et de nombreuses notes que rendait nécessaire la distance qui nous
sépare de l'époque à laquelle ce manuscrit fut rédigé. R. V.
ALLARD, né à Saint- Jean-de-Liversay, près La Rochelle,
passa fort jeune aux Vendéens, parvint jusqu'au marquis de
Lescure à son camp de Saint-Sauveur-de-Givre et devint
presqu'aussitôt premier aide-de-camp du général comte de
la Rochejaquelein, sur la prière que lui en fit la marquise de
Donissan, à qui il s'était tout d'abord adressé. 11 se distingua
par nombre d'actions d'éclat, notamment à la surprise de
Ghâtillon-sur-Sèvre par Westerman, où il se jeta au milieu
des républicains et en tua plusieurs à coups de pistolets et
presqu'à bout portant.
Ayant suivi son général et la grande armée au-delà de la
Loire, il fit prisonnier près de Fougères un avocat qui avait
été mis de force dans un bataillon républicain. A l'attaque de
Granville, Allard tua d'un seul coup de pistolet un déserteur
qui avait crié : sauve qui peut ! et qui ayant fait reculer la
ligne, occasionna l'échec qui eut lieu sous les murs de cette
ville. A la bataille de Dol, il fut obligé un instant de mettre
tout en œuvre pour empêcher un général qui croyait tout
perdu, de se jeter parmi les républicains pour y recevoir la
mort. Ayant grandement coopéré à la défaite des troupes
républicaines à La Flèche, il fit des prodiges de valeur à la
bataille du Mans où, de concert avec MM. de la Rochejaque-
lein et Forestier, il s'élança trois fois au milieu des rangs
ennemis et fut des derniers à quitter la ville, qu'il n'aban-
donna que vers quatre heures du matin, après avoir combattu
sans relâche. Enfin, lorsque la Rochejaquelein se fut embar-
qué à Ancenis et se fut ainsi trouvé, malgré lui, séparé de son
armée, son aide de camp, qui avait le plus grand désir de ira-
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 19
verser le fleuve y parvint^ en effets le lendemain. Mais ayant
erré plusieurs jours sans pouvoir atteindre son général,
Allard fut pris par les républicains et traduit devant une com-
mission militaire qui le condamna à mort. Au moment où
on allait le fusiller, on cria : Aux armes ! et l'exécution fut
suspendue.
Par réflexion, on trouva qu'il était cruel de mettre à mort
un aussi jeune homme, et à raison de cette circonstance et
de son air de candeur, on l'incorpora dans un bataillon en
garnison à Noirmoutiers. Allard franchit bientôt le bras de
mer qui sépare cette île du continent et il alla ofl"rir ses
services au général Gharette qui, d'abord le reçut assez mal,
mais qui ayant éprouvé ses talents et son courage le choisit
pour remplacer Delaunay dans le poste de chef de la division
des Sables-d'Olonne. Il fut aussi chargé par ce général du
commandement du camp d'observation établi après la paci-
fication de la Jaunais, sous le prétexte de protéger les con-
vois. Pendant ce temps, les républicains avaient établi un
poste à la Mothe-Achard, à cinq lieues de Belleville, quar-
tier général de Gharette. Les Vendéens criaient à l'infraction.
Tous les républicains qui s'écartaient étaient égorgés; et du
côté de ces derniers on usa de représailles. Mais ils ne bor-
nèrent pas là leur action, et, sous l'apparence de l'amnistie,
s'avancèrent de plus en plus des quartiers vendéens, sur-
prirent Allard avec vingt des siens, et les traînèrent dans les
prisons des Sables-d'Olonne.
Le prétexte mis en avant par les républicains était qu'Allard
avait participé au meurtre de quelques soldats. Accusation
d'autant moins fondée que ce divisionnaire était connu pour
avoir des mœurs extrêmement douces. Gela n'empêcha pas
qu'il fut transféré au château de Saumur, et que plusieurs de
ses soldats furent mis à mort.
Le reste de sa troupe s'était réfugié à Belleville, et Gharette
avait en vain envoyé une ordonnance au général Ganclaux
pour avoir des explications. La guerre alors n'était pas
20 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC ,
avouée, mais elle s'annonçait par les préparatifs qui se fai-
saient réciproquement, et chaque parti paraissait ne vouloir
retarder les hostilités que pour mieux se mettre en mesure.
Lorsque cette môme guerre recommença, l'enlèvement
d'Allard et le supplice de ses soldats furent les principaux
griefs mis en avant pour légitimer la reprise d'armes. Allard
fut détenu longtemps; mais la pacification générale de la
Vendée lui rendit la liberté, et alors il vint se fixer dans les
environs de Fontenay-le-Gomte. Il y jouissait de la considé-
ration due à son honnêteté et aux efforts qu'il avait toujours
faits pour s'opposer aux excès qui accompagnent inévitable-
ment la guerre;, et plus particulièrement la g-uerre civile.
En 1814, Allard devait jouer un rôle dans l'insurrection
royaliste que les événements de Paris devancèrent. Il ne se
rendit pas moins, lors de l'arrivée du marquis Louis de la
Rochejaquelein comme pacificateur, auprès du frère de son
ancien général pour lui offrir ses services. Il souscrivit en-
suite l'adresse au Roi, et fut maréchal des logis de la garde
"d'honneur à cheval du département de la Vendes, formée
lors du passage du duc d'Angoulême à Bourbon-Vendée,
dans le mois de juillet 1814.
En 1815, il fut également un des premiers à prendre les
armes contre Napoléon, et devint un des principaux officiers
du quatrième corps de l'armée royale de la Vendée dont il
commanda une des divisions — celle des Aubiers'.
ANGÉLY (d'), g-arde du corps, domiliô à Sainte-Foi, près les
Sables-d'Olonne, département de la Vendée, fut condamné à
mort comme chef de Vendéens^ par la commission militaire
dudit lieu des Sables.
ARNAUD était régisseur de la terre de la Guyonnière,
paroisse de Saint-Nicolas de la Ghaise-le-Vicomte, apparte-
* Fait chevalier de Saint-Louis, il est mort entreposeur des tabacs, à Bres-
auire, le 6 mai 184G.
, AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 21
nant au baron Duchesne-clc-Dcnant, lorsque la guerre de la
Vendée éclata. Il y prit part et fut d'abord l'un des chefs de
division de l'armée du centre sous Royrand. Il se trouva
comme simple officier attaché à la division de Vieille-Vigne,
au combat que le général Gharetfe livra, le 26 avril 1794, aux
républicains, à la Roche-sur- Yon. Ces derniers furent battus,
et le général Haxo, qui les commandait, blessé et abandonné
de ses soldats, mit pied à terre en disant qu'il ne se battait plus
en général, mais en soldat. Alors on lui cria de rendre ses
armes; mais il s'y refusa en jurant. Un cavalier s'avançant
pour lui donner un coup de sabre, il le blessa au visage. Un
autre, nommé Domès, s'approcha de lui, et comme il portait
un casque, Haxo le prit pour un de ses soldats, et réclama
son assistance. Domès lui porta un coup de sabre qu'il para
en faisant sauter l'arme de la main de son adversaire.
Cependant Arnaud arriva avec quatre cavaliers vendéens, et
voyant l'obstination du général républicain, il descendit de
cheval et le renversa d'un coup de mousqueton. Haxo, tombé,
faisait le moulinet avec son sabre, et d'un mouvement si ra-
pide qu'on n'osait pas encore l'approcher. Plein de valeur, et
vociférant mille injures contre ses ennemis, il en blessa
encore un d'un coup de pistolet au moment oi^i il allait expirer.
Charette fut très contrarié de ce qu'on ne se fût pas emparé
vivant d'Haxo et il en témoigna publiquement son méconten-
tement à Arnaud. Quoi qu'il en soit, cette mort délivra le chef
de la Basse- Vendée d'un ennemi extrêmement redoutable, et
inspira beaucoup de confiance à son armée. Arnaud se fit
encore remarquer par d'autres faits d'armes parmi les roya-
listes. Il n'existait plus au moment du traité de la Jaunais.
ARNAULT DE LA MOTHE, d'une bonne famille du
Bas-Poitou, occupant des places à la chambre des comptes
de Nantes, habitait Mouilleron-en-Pareds lorsque les Ven-
déens prirent les armes. Il prit une part active à cette guerre,
et fut distingué par sa bravoure. Il ne survécut pas à la pre-
mière guerre.
22 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
ARNAULT DE LA SALIÈRE, frère puîné du précédent,
servit aussi comme officier parmi les Vendéens, mais s'y fit
peu remarquer. Il ne survécut pas non plus à la première
insurrection.
ARNAUDEAU. l'un des premiers officiers de la Basse-
Vendée. Il concourut, le 9 décembre 1793, à la nomination
du chevalier de Gharetle au grade de général en chef, et fut
même l'un des officiers chargés de notifier à ce chef cette
délibération, qui fut prise aux Herbiers.
AUVYNET, sénéchal de Montaigu, fut, en 1789, député du
tiers-état des Marches communes de Poitou et de Bretagne
aux Etats-généraux. Il prit parti ensuite parmi les Ven-
déens, et devint secrétaire du général Gharette. Il exerçait
ces fonctions lors des conférences de la Jaunais, et son état
d'aisance lui faisait désirer la paix, mais il avait peu d'in-
fluence. Auvynet s'éloigna ensuite de Gharette, et étant
membre du conseil de Legé, il figura dans le parti qui vou-
lait effectuer le désarmement des campagnes, isoler le chef
de la Basse-Vendée de ses soldats, et le contraindre de se
soumettre à la République. Après la pacification définitive de
la Vendée, il devint juge, puis président du tribunal de l'ar-
rondissement de Montaigu, et, par suite, président du tribunal
du chef-lieu judiciaire du département de la Vendée.
Auvynet a été considéré dans ses derniers emplois comme un
magistrat intègre et instruit.
AUVYNET, fils aîné du précédent, figura parmi les chefs
de la Vendée, et se soumit à la République, le 17 février 1795.
Il faisait, comme son père^, partie du conseil de Legé, lors-
qu'il se déclara pour le parti qui voulait la paix, et pour toutes
les mesures qui pouvaient ramener.
Auvynet, après la guerre vendéenne, se livra avec dis-
tinction à la profession d'avocat, et il fut, en outre, conseiller
de préfecture du département de la Vendée et sous-préfet des
Sables-d'Olonne. Démissionnaire en 1830, il resta président
du Conseil général jusqu'à sa mort.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 23
D'AUZON, de Treize-Vents (Vendée), fit la campagne
d'outre-Loire; fut pris à Blain et fusillé fin décembre 1793*.
BARBARIN DES COUTEAUX , gentilhomme poitevin ,
capitaine de cavalerie et aide de camp dans l'armée catho-
lique et royale, signa l'adresse au Roi, présentée par une
députaiion vendéenne, présidée par le général Sapinaud.
Au mois de juillet 181i, il était dans les rangs de la garde-
royale à cheval formée à Bourbon-Vendée, pour faire le
service auprès du duc d'Angoulôme.
BARBARIN (le chevalier de], frère du précédent, servit
quelque temps dans la Vendée, et était, en juillet 1814, dans
la garde-royale à cheval de Bourbon-Vendée.
BARBATRE (le maire de), ayant eu des intelligences avec
Charette, éprouva la vengeance des républicains, et fut mis
à mort quelque temps avant la prise de Noirmoutiers.
BARBOT, des environs des Herbiers, figura de bonne
heure parmi les Vendéens, et fut un des principaux officiers
de cavalerie de l'armée de Stofflet. Ce fut lui que ce général
chargea d'arrêter M. Bernard de Marigny qui se trouvait dans
les environs de Gerisay. Il exécuta cet ordre, et eut ensuite
la mission de conduire ce chef à Saint-Florent, où son procès
devait être réyisé. Il s'acquitta de cette commission désa-
gréable avec tous les égards qui étaient dus au malheur. Il
offrit son cheval à M. de Marigny, qui refusa de le monter;
et, plein de respect pour la décoration de saint Louis de ce
vieux militaire, il marcha à pied comme lui. Cependant
Stofllet n'avait pris la détermination d'envoyer son rival à
Saint-Florent que sur la réclamation d'un grand nombre
d'officiers ; mais bientôt l'abbé Bernier et M. de Rostaing
arrivèrent, et le firent changer d'avis. Il demanda à M. Soyer
* Généraux et chefs de la Vendée militaire, par Alexis Des Nouhes. Paris.
Retaux-Bray éditeur, 1887.
24 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
l'aîné, son major-général, un capitaine de chasseurs avec
vingt hommes, et on lui donna le capitaine Savary avec un
détachement. Stoffïet dit tout bas à Savary d'aller trouver
B;\rbot. etde fusiller M. de Marigny. Savary rejoignit bientôt
Barbot, et lui fit part de l'ordre verbal du général. Barbot,
aussi surpris qu'affligé de ce qu'il venait d'entendre, laissa
Savary mettre à mort un des chefs les plus distingués de. la
Vendée, et refusa de participer à cette exécution barbare
Depuis, il remplit momentanément les fonctions de major-
général, et, en cette qualité, il donna des conclusions, le 12
mars 1795, devant le conseil militaire qui condamna à mort
Julien Prodhomme, chef de la division du Loroux, pour avoir
quitté le parti royaliste^ et être passé à celui de la république.
Barbot avait aussi signé l'arrêté de Jallais, du 2 du même
mois de mars, dirigé contre Charette, et motivé par la pacifi-
cation qu'il venait de faire avec les républicains.
Lors de la tranquillité dans la Vendée, Barbot se fil recevoir
notaire à Saint-Michel-Montmalchus, près la Flocellière, et
lors de l'insurrection de 1799, il se réfugia à Fontenay.
Il prit de nouveau les armes en 1815, fut fait chevalier de
Saint-Louis et signa la lettre du 13 septembre 1817, adressée
au général d'Autichamp.
BARBOT, jeune, frère du précédent, servit aussi comme
officier parmi les Vendéens, et survécut à la pacification.
B.\HB0T1N fut l'un des premiers généraux des Vendéens.
Il était un de ceux qui commandaient l'armée qui se porta
sur Chalonnes, en mars 1793, et il signa, avec d'Elbée, Bon-
champ, Stofflet et Leclerc, la sommation faite aux habitants,
laquelle fut suivie de la reddition de cette ville.
BASGHER se fit distinguer par son attachement à la cause
royale. Se trouvant en Allemagne et brûlant de se réunir à
ses compatriotes de la Vendée, il se dirigea sur ce pays,
habillé en paysan, et ne voyageant que la nuit à l'aide d'une
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 25
boussole. Arrivé à Poitiers, il y resta six mois, et ne trouvant
pas jour pour se réunir aux royalistes, il retourna en Alle-
magne et passa en Angleterre d'où il parvint enfin parmi les
Vendéens. Il devint chef de la division de Saint-Philbert de
Grandlieu et donna, dans ce poste, de nouvelles preuves de
son courage. En 1815, il fut employé comme commissaire
ordonnateur en chef des corps du centre de l'armée royale
de la Vendée.
Bascher, jeune homme très royaliste, fut obligé d'entrer
dans le troisième régiment de garde d'honneur. Il déserta de
ce corps à Troyes et vint se cacher chez un de ses parents
dans les environs de Nantes^ au commencement de 1814.
Ayant rencontré là le comte de Suzannet, ce général l'envoya
à Bordeaux auprès du marquis de la Rochejacquelein, afin
d'avoir des instructions sur ce qu'il y avait à faire et annoncer
qu'on était prêt à se lever dans la Vendée et demander des
armes et des munitions. Bascher parvint à travers mille
dangers jusqu'àÉtauliers(?), quelquesheures après le combat,
et en traversant continuellement des troupes françaises. Il
fut admis auprès du duc d'Angoulême qui l'accueillit de la
manière la plus gracieuse.
BAUDRY, notaire à la Garnache, prit parti parmi les
Vendéens^ et y jouit d'une grande considé)'ation. Il présida
l'Assemblée qui se tint aux Herbiers, le 9 décembre 1793,
afin d'élir un général en chef. 11 fit valoir les droits de
M. Charette de laContrie ; mais il ajouta qu'il lui semblait
covenable de proposer la place à M. de Couëtus, qui en avait
autant, qui était plus ancien militaire, et qui était décoré de
la croix de saint Louis. Cette proposition ayant été débattue
et partageant les esprits, M. de Couëtus entra dans l'As-
semblée, et fit valoir généreusement les droits de son adver-
saire, ajoutant que pour lui, vu son âge, il ne se chargerait
point de l'emploi auquel il s'agissait de pourvoir. Sur cela,
M. de Charette fut élu unanimement général en chef. Une dé-
26 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
putation fut nommée pour aller lui notifier sa nomination et
prendre son acceptation, et Baudry de la Garnache fut cons-
titué gardien de la délibération^ qui fut renfermée dans un
portefeuille scellé de cinq cachets. Peu après, Charette en
organisant son armée, nomma Baudry intendant général des
vivres, et lui donna Bousseau pour adjoint. Il était aussi
Tan des commissaires généraux de l'armée de Charette. Ces
fonctionnaires étaient chargés de l'administration du pays
et de l'armée, et particulièrement de la gestion des biens des
absents.
(A suivre.)
René Vallette.
LES dictons populaires sont souvent d'une vérité con-
testable, mais celui qui s'applique à Vairé « qui voit
Vairé n'est pas au pied, » se trouve n'être que l'expres-
sion exacte de la réalité.
Lorsqu'on aperçoit se profiler sur le ciel bleu, les blanches
maisons et le clocher aigu de l'église de ce petit bourg ven-
déen, on s'imagine devoir y parvenir en peu d'instants.
Déception ! Plus on marche^, moins on paraît s'en rapprocher.
Des vallons cachés se creusent devant vous, la route s'al-
longe dans des circuits nouveaux, et, Vairé tout ensoleillé
sur son coteau, semble sourire de votre peine.
28 VAIRÉ
Du restp, comme dit le fabuliste :
Souvenez-vous que dans la vie.
Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.
Une fois arrivé, vous n'aurez pas trop à regretter votre
excursion, si vous êtes ami de la nature pt des choses du
passé.
De Vairé, la vue est fort étendue et le paysage très
agréable. Au bas, se déroule, la vallée de l'Auzance avec ses
vertes prairies. La plaine ondulée montre ses champs cultivés,
ses haies de genêts aux fleurs d'or, et, au milieu de bouquets
d'arbres, les clochers de nombreux villages. A l'horizon, der-
rière les marais salants les dunes et la forêt de pins d'Olonne,
surgit resplendissante, la nappe immense de l'océan, au bord
duquel la ville des Sables offrel'aspect d'une vaste et puissante
cité orientale.
Le temps et les hommes ont fait sentir à Vairé,^ comme
partout ailleurs, leur action destructive, mais si les monu-
ments des âges précédents ont été détruits, de vivaces sou-
venirs, lierre des ruines, se sont fixés sur leurs débris. Et
ils justifient la fierté proverbiale des habitants, qu'on sur-
nomme « les orgueilleux de Vairé. »
Sans s'arrêter àl'étymologie «Vari-acus » qui nous ramène
à l'époque romaine et rappelle la mémoire d'un Varus quel-
conque, l'antiquité de Vairé est suffisamment démontrée par
son patron, Saint-Pierre, dont le nom signale toujours les
premières paroisses chrétiennes.
Sur le territoire de la commune s'allonge cette curieuse
crête rocheuse, les Pierres Garatelles, sur laquelle on croit re-
trouver des dolmens ruinés.
Au Brandeau, subsistent des tumulus avec souterrain, que
le moyen-âge entoura de retranchements considérables.
Aux vieux châteaux de la Papinière, de la Verron?iière, de rOr-
frère, il existe d'intéressants restes anciens.
VAiiiÉ 29
A la Çombe, un mciiliir, la Galoche du Diable, se dresse
à côté d'une énorme pierre plate le Palet de rAnge et non Loin
d'une autre, le Palet du Diable.
Placé sur les Pierres Garatelles messire Satan avait
parié avec un ange de renverser le menhir, pardon, la
galoche. La distance est bonne, aussi malgré sa vigueur et
son, habileté, manqua-t-il sua coup. Son palet s'arrôta en roule
tandis que celui de l'Ange atteignait lebut.De honte, le prince
des ténèbres s'enfuit vers Saint-Nicolas de Brem, où, en guise
de consolation, il écrasa sous un autre bloc (menhir de la
Crulière), une vache et un petit berger qui avait eu l'impru-
dence de se donner à tous les diables^ lui et sa bête !
Dans le bourg, on remarque la maison, aujourd'hui école
libre des Sœurs, où fut transporté le général Grosbon, blessé
par les Vendéens au combat de Saint-Gilles, en 1815.
Çà et là, notamment sur la place de l'église, apparaissent
des cercueils en pierre, de grandes dalles funéraires.
L'église, bien que de construction moderne, mérite une
visite. Elle fait honneur à la piété des habitants, au zè"
leurs pasteurs, particulièremeni a ceiui du curé actuel, qui
apporte dans l'exercice de son saint ministère, autant d'in-
telligence que de dévouement.
Ornée intérieurement avec beaucoup de goût, l'église pos-
sède un bel autel de pierre blanche taillée et de riches reli-
quaires ne renfermant pas moins de quarante-neuf reliques ;
reliques de saint Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Paul,
saint André, saint Jacques, saint Basile, saint Grégoire-le-
Grand, saint Auctus, saint Louis, etc.
Mais, la principale curiosité de Vairé est la Croix des Pèle-
rins, pVdcée à peu de disLance du chevet de l'église, sur la
route de la Mothe-Achard. C'est une simple croix de pierre
dressée sur un bloc carré de maçonnerie. A sa base, sont
couchées deux pierres tombales brisées en plusieurs mor-
ceaux. L'une porte en relief, une croix de pèlerinage encore
bien visible'.
30 VAIRÉ
Ce petit monument rappelle, ainsi qu'un autre calvaire
nommé la Croix de Vàne, et situé sur la même route, à 500
mètres environ du bourg, une touchante histoire, dont une
fête spéciale perpétue le souvenir. Cette fête, particulière à la
paroisse de Vairé, est solennisée avec autant d'éclat que la
fête de Pâques. L'on chante grand'messe et vêpres, et l'on
porte en procession sur la croix des Pèlerins, les reliques,
entourées de bannières retraçant les principaux épisodes de
la tradition.
/Vu temps jadis, vers la fm du treizième siècle, une église
nouvelle venait d'être bâtie à Vairé. Rien n'y manquait, rien,
si ce n'est des reliques. Les fidèles s'en désolaient et
cherchaient vainement le moyen de s'en procurer.
Nous sommes à une époque, ne l'oublions pas, où des luttes
ardentes déchiraient l'humanité. Les guerres de châteaux à
châteaux, de villes à villes, de provinces à provinces déso-
laient tous les pays, entravaient toutes les communications.
Les grandes voies romaines avaient disparu après l'invasion
des barbares, les chemins étaient presque impraticables, et des
bandes armées toujours en campagne, accroissaient pour le
voyageur, les difficultés et les dangers.
Aussi, grand fut l'étonnement, lorsque deux jeunes gens dé-
clarèrent vouloir se rendre àRomepourdemander desreliques
au Saint-Père. L'entreprise fut jugée impossible. En vain, on
leur montra les périls d'un pareil voyage. En vain, on plaça
sous leurs yeux, en regard de la vie calme et heureuse dont ils
jouissaient dans leur pays, tous les maux qui les attendaient
sur la route. En vain, parents et amis réunirent leurs prières
pour les retenir, les pieux enfants de Vairé persistèrent
dans leur dessein.
Le jour du départ fut un jour de deuil pour la paroisse.
Après une messe solennelle des morts chantée à leur inten-
tion, nos courageux voyageurs prirent le bâton et le bissac
des chercheurs de pain. Accompagnés par la population
VAIRÉ 31
jusqu'aux confinsde la commune, bénis une dernière fois par
leur pasteur vénéré, ils s'éloignèrent dans la direction de
Poitiers, en criant, comme les croisés :
— « Dieu le veut ! »
Qui saurait dire les dangers courus, les souffrances en-
durées, les fatigues supportées dans ce long voyage ? Dieu
seul fut témoin de leurs épreuves, de leur vaillance !
Ils entrèrent, déjà vieillis, dans la capitale de la chrétienté,
la veillede ce grand Jubilé de 1300, ordonné par Boniface VIII.
Confondus avec les pèlerins accourus à Rome à cette occasion,
ils suivirent tous les exercices religieux, visitèrent tous les
lieux où reposent les corps des martyrs, et obtinrent enfin
audience du Souverain-Pontife.
Touché de leur récit, Boniface VIII fit droit à leur requête;
il leur accorda en outre, des indulgences plénières. De plus,
le Pape voulut leur fournir les moyens de regagner leur
patrie sans demander l'aumône. Les deux pèlerins refu-
sèrent tout secours, n'acceptant que le don d'un jeune âne
pour porter les reliques
Les années s'étaient écoulées. Pendant longtemps , au
village, on avait attendu le retour des voyageurs. Puis, on
crut qu^ils avaient succombé. Un à un, leurs parents, leurs
amis descendirent au tombeau. Et le souvenir des enfants de
Vairé, allait s'effaçant, lorsqu'un matin, ô miracle, les cloches
sonnèrent toutes seules, appelant les fidèles à l'église.
La population, dans l'attente de quelque grand événement,
se mettait en prières^ quand un cri se fait entendre :
— Les Pèlerins reviennent !
On se précipite sur la route , et , l'on rencontre deux
vieillards, agenouillés près d'un âne mort de fatigue.
Les cloches s'étaient mises en branle lorsque les pèlerins
avaient franchi les limites de la paroisse , au pont des
Rivières !
32
VAIRÉ
En grande pompo, on transporte les reliques à l'église. A
l'instant où elles sont posées devant le tabernacle, les cloches
cessent de lancer leurs notes triomphales, le gk.s funèbre
retentit à son tour, et les pèlerins s'alîaisscnt au pied de
l'autel !
Et chaque année, le 27 avril, Vairé célèbre l'anniversaire
du retour de ses enfants, par « la Fête des Reliques. >>
G. Henri Colins.
UN AMI DE DOM FONTENEAU
L'ABBÉ DE LESTRANGE'
Archidiacie de Luçon
Au nombre de ses amis, dom Fonteneau comptait un
certain abbé de Lestrange, archidiacre de Luçon,
lequel appartenait à l'une des familles les plus distin-
guées de la Saintonge.
Cet abbé, qui ne manquait pas d'ambition, et qui vivait
petitement, à Luçon, avec sa sœur et une cousine, désirait
fort un gros bénéfice, voire même une abbaye, et s'en étai
confié à son ami dom Fonteneau dont il connaissait le crédit
auprès du grand aumônier de France et de M'"^ de Lusignan.
L'abbé de Lestranges était, du reste, fort bien apparenté et
' M. de la Marsonnière, président de la Société des Antiquaires de l'Ouest
a prononcé, le 5 janvier dernier, à la réunion générale de cette savante
compagnie un remarquable discours sur les Amitiés et les épreuves de Dora
Fonteneau, l'illustre auteur des Mémoires manuscrits conservés à la
Bibliothèque de Poitiers.
Grâce à l'obligeante communication de l'auteur, nous avons la bonne
fortune de pouvoir offrir à nos lecteurs la primeur de quelques-unes dcg
pages de ce discours, qui intéressent plus particulièrement l'histoire du
Bas-Poitou. (N. D. L. R.)
Tome ni. — Janvier, Février^ Mars 1890. 3
34 l'abbé de LESTRAiNGE
les protecteurs ne lui eussent pas manqué dans sa propre
famille^ sans une circonstance qui n'était point faite pour le
servir. iLavail, à Paris, un oncle fort répandu, le comman-
deur de Soudeilles, plein d'amitié pour lui^, mais paralysé
dans son bon vouloir, par certaine belle-soeur, chez laquelle
il demeurait et dont l'autorité pesait sur lui d'un poids très
lourd. C'est ce qui ressort du passage suivant d'une lettre
que, le 15 février 1771, l'abbé de Lestrange écrivait à dom
Fonleneau, alors à Paris :
« Le commandeur de Soudeilles, écrit-il, est logé chez
M"' de Ghateaumorand, rue Vienne, derrière la petite
porte du palais royal. Il faut observer qu'il ne faut pas lui
parler de moi en présence de M"" de Ghateaumorand, parce
qu'elle aune sœur religieuse pour laquelle mon oncle s'est
intéressé à lui obtenir une abbaye, et qu'il lui a toujours
caché les démarches qu'il a faites pour moi, parce qu'elle
craindrait que cela pourrait nuire à sa sœur*, en ce que le
commandeur de Soudeilles ayant obtenu quelque chose pour
moi, le ministre ne voudrait plus rien lui accorder'. »
Gette situation intéressa dom Ponteneau qui, déjà avait
recommandé l'affaire de son ami à M""* de Lusignan. La
comtesse s'empressa de se rendre auprès du grand aumônier;
mais là, ses sollicitations trouvèrent un obstacle insurmon-
table.
Il est bon que vous sachiez que, quelques années aupara-
vant, l'abbé de Lestrange, de concert avec son évêque et
avec ses confrères, avait, plaidé contre le chapitre de la cathé-
drale de Luçon, et s'était refusé, avec raison, à un arrange-
ment proposé. Il avait gagné son procès, mais soulevé bien
des colères ; or, en ce temps-là, si l'on voulait perdre
quelqu'un, il suffisait d'un mot. On disait : « C'est un Jansé-
niste. » Or, à l'appui de cette accusation contre le pauvre
abbé de Lestrange, on prétendait qu'en se refusant à l'arran-
« Cette sœurdeM"» de Ghateaumorand était M"» d'Yversais.
» Collection de dom Fonteneau, tome 58, page 735,
l'abbé DR LESTRANGE 35
gement proposé, il avait entendu obtenir un arrêt au profil
des Jansénistes contre les Molinistes. Après cela^ la cause
était entendue. Il n'y avait plus rien à faire auprès du grand
aumônier, qui répondit par une fin de non-recevoir absolue
aux sollicitations de M"* de Lusignan*.
Désappointé dans cette tentative pour obliger son ami, dom
Fonteneau essaya de lui rendre un autre service qui fut éga-
lement suivi d'un échec
Il faut vous dire que dom Fonteneau était universel, et
qu'au milieu de ses absorbants travaux historiques, il trou-
vait encore le moyen de cultiver l'art d'Hippocrate et de
Galien. Si bien que, s'il eût vécu de notre temps, au lieu
d'être du XVIII" siècle , ses prétentions à l'art dé guérir
l'eussent exposé aux foudres de la Faculté médicale, et
l'eussent peut-être conduit sur les bancs de la police correc-
tionnelle. A vrai dire, il faisait de la, médecine comme les
amateurs font de la musique, en chambre, c'est-à-dire à huis
clos et pour ses amis. Pour en revenir à l'abbé de Lestrange,
il avait une sœur malade et les médecins désespéraient de la
guérir. Dom Fonteneau, consulté par le frère, écrivit une
belle ordonnance et envoya des remèdes à l'aspect desquels
la demoiselle se révolta, refusant de les prendre. Il n'y eut
pas moyen de l'y décider. Ce que voyant, le pauvre abbé de
Lestrange écrivit au docteur Fonteneau une lettre mélanco-
lique dont je vais vous lire le passage intéressant' :
« Mon révérend Père, j'attendais, de jour en jour, que ma
sœur eût commencé les remèdes que vous avez eu la bonté
de m'indiquer, pour marquer l'effet qu'ils lui auraient fait, et
pour vous en faire mes très humbles remerciements, ainsi
que du mémoire que vous m'avez, en même temps, adressé.
Mais il n'y a pas eu moyen de la déterminer à les entre-
prendre. Elle a continué jusqu'à présentie lait de chèvre qui,
bien loin de lui faire le bien qu'elle en espérait, n'a fait qu'ai-
« Collection de dom Fonteneau, tome 58, pages 435, 743,747, 759, 765 et 769.
a Id., tome 58, p. G69.
36 l'abbé de lestrange
grir la maladie et la rendre de plus en plus incurable. Cepen-
dant, malgré l'expérience qu'elle en a, elle ne veut point
prendre d'autres remèdes. Je crains fort que son entêtement
ne lui coûte cher. Néanmoins, je ne cesserai de la persécuter
pour lui faire exécuter votre consultation. »
Nous ignorons si les instances de l'abbé réussirent à avoir
raison de l'obstination de M"^ de Lestrange, mais tout nous
porte à croire que, dans cette seconde tentative pour obliger
son ami, dom Fonteneau n'a pas eu la main plus heureuse
que dans la première.
L. DE LA MaRSONNIÈRE.
A TRAVERS
LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
LES PAROISSES OCCIDENTALES DE LA VENDÉE
INTRODUCTION
ORIGINE DES CLOCHES
LES auteurs ne sont pas d'accord sur l'époque à laquelle
il faut faire remonter l'invention des cloches.
Les uns* soutiennent que le principe en fut trouvé
a dès que l'homme parvint <à durcir par le feu le vase d'argile
« qu'il s'était jusqu'alors contenté de faire sécher au soleil. »
L'arg-ile plus tard fut remplacé par les métaux.
Les autres, sans donner de date historique, nomment les
Égyptiens comme les inventeurs de la cloche. Il y a un fait
* La Cloche. Eludes sur son histoire et sur ses rapports avec la société
aux différents âges, pu- J. D. Blavignac, architecte, pages 309 et suivantes.
38 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
certain, c'est que dans des fouilles, faites en Egypte, on a dé-
couvert assez souvent des clochettes qui semblent avoir ap-
partenu aux premiers âges du monde.
Quelques savants attribuent aux Chinois l'invention dont
il s'agit. Il paraît en effet, d'après les annales du Céleste-
Empire, que vers Tan 2202 avant Jésus-Christ, un empereur
fit fondre douze cloches dont les sons gradués exprimaient
les cinq tons de la musique. »
Neuf siècles plus tard, Moïse, écrivant dans YExode, sous
la dictée de Dieu même, marque les prescriptions suivantes,
touchant la tunique du grand-prêtre : « Deorsum vero, ad
« pedes ejusdem tunicee, per circuitum, quasi mala punica
« faciès, ex hyacintho et purpura et cocco bis tincto, mixtis
« medio tintinnabulis, ita ut tintinnabulum sit aureum et
« malum punicum ; rursùmque tintinnabulum aliud aureum
« et malum punicum^ et vestietur eâ Aaron in officio minis-
« terii^ utaudiatur sonitus quando ingredietur et egredietur
« sanctuarium in conspectu Domim... y^ [Exode, xxviii, 33,
34 et 35.)
Voici la traduction du texte sacré : Tu mettras en bas et
autour de cette robe, des grenades d'hyacinthe, de pourpre,
d'écarlate teinte deux fois, entremêlées de sonnettes^ en sorte
qu'il y aura une sojinette d'or et une grenade, et une sonjiette
d'or et une autre grenade ; et Aaron sera revêtu de cette robe
lorsqu'il remplira les fonctions de son ministère, afin qu'on
entende le son de ces sonjiettes, lorsqu'il entrera dans le sanc-
tuaire devant le Seigneur ou qu'il en sortira.
11 serait trop long de citer tous les textes de l'histoire
ancienne qui mentionnent l'usage des cloches et des clo-
chettes.
On nous saura ^vé de rappeler seulement que le char
funèbre sur lequel fut transporté le corps d'Alexandre-le
Grand, était orné de grandes sonnettes dont le bruit se faisait
entendre de fort loin ; et que chez les Athéniens, au temple
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 39
de Proserpine, comme à Rome, sous l'empereur Auguste, au
temple de Jupiter Gapitolin, on se s»;rvait d'instrumenîs
sonores en métal pour convoquer le peuple aux sacrifices.
Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, à cause de la
persécution, les disciples du vrai Dieu ne purent imiter
les idolâtres et se servir de la cloche pour appeler les fidèles
dans les églises. La liberté de le faire ne leur fut laissée que
dans les premières années du cinquième siècle, lorsque
Théodose ordonna, dans tout l'Empire, la suppression du
paganisme. « Alors, dit l'auteur déjà cité, les chrétiens
purent consacrer au service de la vérité les vibrations de
l'airain polluées jusque-là par un culte qui avait divinisé le
vice lui-même. »
Dès le VP siècle, les cloches se multiplient en France et
mention en est faite particulièrement dans les Œuvres dé
saintGrrégoire,deTo\iTsei dans la Vie de saint Colomban.
De cette même époque, date également la pieuse pratique de
la bénédiction et du baptême des cloches et dès lors « la robe
des chantres de bronze » se couvre d'inscriptions et de
dessins, intéressants pour l'archéologie et l'histoire locale.
Depuis, l'œuvre des fondeurs s'est perfectionée de siècle en
siècle et aujourd'hui ce n'est point sans jouissance, ni sans
profit qu'on examine de près ces monuments artistiques,
témoins fidèles du passé, qui se cachent à l'ombre de nos
clochers.
Aussi, on comprendra que nous ayons voulu faire une
étude spéciale sur les cloches de notre région, essayer d'en
déchiffrer les inscriptions et d'analyser les dessins embléma-
tiques dont elles sont ornées. Sans doute, nous n'aurons pas
à présenter aux lecteurs de la. Revue du Bas-Poitou, des bour-
dons aussi pesants que celui du Kremlin, à Moscou (201,266
kilog.), ni des cloches aussi ravissantes à entendre que celle
de Reims (année 1570 — 11, 500 kil.) qui a, paraît-il, le son le
plus beau et le moelleux de toutes les cloches connues.
40 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
Cependant, comme on le verra par la suite de ce modeste
travail, nos cloches vendéennes ont bien leur intérêt, quelques-
unps par leur ancienneté, plusieurs par leurs curieuses ins-
criptions et presque toutes pour leurs ornements symboliques.
I
DOYENNÉ DE BEAUVOIR-SUR-MER*
A. — Le Clocher de Beauvoir.
L'église de Beauvoir, qui est de style roman^ date du
douzième siècle. La toiture du clocher ayant été ébranlée par
le feu du ciel, a été remplacée par la pyramide qui existe
aujourd'hui. « Plus tard, le 11 février 1783, à neuf heures du
« matin, comme le raconte l'honorable historien que nous
« citons en note, le tonnerre tomba de nouveau sur le clocher
« coupa la girouette, enleva du plomb et des ardoises, entra
u dans la sacristie et de là dans l'église, en faisant un trou
« dans la muraille ; un autel fut renversé, ainsi que plusieurs
« personnes qui n'eurent d'autre mal que la peur. Le même
« jour, la foudre frappa les églises de Saint-Gilles-sur-Vie et
« de Saint-Jean-de-Monts ; le lendemain, elle renversa le
« clocher de l'Aiguillon. »
Le clocher de Beauvoir renferme quatre belles cloches.
M. le curé-doyen s'est plu à rechercher dans les archives
de sa paroisse les noms de ses prédécesseurs et les faits les
plus intéressants qui ont marqué leur ministère. Le résultat
• Beauvoir est 'lésigné dans les anciennes chartes sous les noms de Belveer,
Belvearinm, Bellus-Visus, Bello-Visus, Belvedeir (Felvédère, lieu élevé d'où
l'on voit au loin). Cette ville doit son nom à une colline artificielle de 12 à.
*5 mètres d'élévation, adossée h une maison partiiculière. Cette butte était,
gelon toute probabilité, un tumulus, c'est-à-dire un lieu de sépulture à
• uBagedes ancienî habitants de ce pays. (M. E. Oallet. Histoire de Beauvoir.)
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 41
de ces précieuses études a été imprimé. Nous y avons lu les
deux mentions suivantes :
« En i 723, bénédiction d unn r/ rosse cloche sous l'invocation
de saint Philbert. En 1761, bénédiction de trois cloches. »
Les cloches dont il s'agit ici ont, comme tant d'autres, dis-
paru pendant la Révolution* Les plus anciennes que possède
actuellement l'église de Beauvoir sont de 1805.
Sur la plus grosse, nous avons cru lire, non sans dificulté,
les renseignements qui suivent et que nous donnons sous
toutes réserves :
Callard, fondeur, 1 805', Marc-Léo7i est mon nom.
Sur la plus petite, nous n'avons pu déchiffrer que ces mots :
André Gerrjaud, curé. Marie- An7ie.
C'est bien peu, sans doute, mais cela suffit pour nous faire
connaître l'âge, le fondeur, les noms de ces deux cloches qui
évidemment sont de la même époque. Nous savons par ailleurs
que M. l'abbé Gergaud était curé de Beauvoir en 1805.
Les cloches n'ont pour to'it ornement que de simples filets.
D'après la tradition, elles auraient été fondues à Beauvoir
même, dans le cimetière. Les deux autres cloches de Beauvoir
sont de date plus récente.
1° La plus grosse : L'an de N.-S. J.-Ch. 1 865, Pius pp. IX,
Carolus Colet, episcopus Lucionensis, Renatus- Maria Soulet,
rector de Beauvoir.
(Main) Petrus Gallet, magister, patrinus. Celestia Mignon,
matrina. Mon nom est Céleste-Marie.
Voici la traduction : Pie IX étant pape. M*"" Charles Colet,
évêque de Luçon, M. l'abbé René-Marie Soulet , curé de
* .A. la fin de 1794, elles furent brisées et transportées, à l'Hôtel des
Monnaies, i\ Nantes, avec celles de Saint-Gervais et de Noirmoutier.
42 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
Beauvoir, j'eus pour parrain. M. Pierre Gallet, maire, et
pour marraine, M'"' Céleste AJiuijon. Mon nom est Céleste-
Marie.
Bollée, père et fils, fondeurs-accordeurs au Mans.
La robe de la cloche est ornée, d'un côté, d'une croix fleurie,
et de l'autre, d'une Vierg-e couronnée d'étoiles. Les pieds de la
sainte Vierge écrasent la tête du serpent infernal, et reposent
sur un globe que porte un agneau nimbé, devant lequel se
tient un ange, les mains jointes.
Au pied de la croix^ le fondeur a placé deux médailles d'ar-
gent obtenues par lui, l'une à Tours en 1839 et l'autre au Mans
en 1842. Quatre guirlandes;, dont deux (celles d'en bas), sont
formées de pampre et de raisins, complètent l'ornementation
de cette cloche.
2° Sur la 4* cloche, on lit : L'an de N.-S. J.-C. 1865, mon
nom est Henri-Séraphie. Laudo Deum, plebem voco, defunctos
ploro, pestem fugo (main), festa decoro. Hejiricus Lepot patri-
nus. Seraphia Auviiiet matrina. Renatus-Maria Sollet, rector
Beauvoir.
Bollée, père et fils, fondeurs-accordeurs au Mans.
Les mots latins peuvent se traduire ainsi : Je loue Dieu,
j'appelle le peuple, je pleure l(!s déliints, je chasse la peste, je
célèbre les fêtes. M. Henri Lepot fut mon parrain, et M''" Sé-
raphie Auvinet, ma marraine.
Les ornements de cette cloche sont ceux de la précédente,
avec cette différence, que les guirlandes sont faites avec des
roses, au lieu d'être en feuilles de vigne.
Cette inscription : Laudo Deum.... est fort ancienne. Il est
probable qu'elle fut composée en Lorraine. En tout cas, on la
trouve sur une cloche de 1350, dans une paroisse voisine de
Metz. Elle se lisait en tout ou en partie sur le bourdon de
Strasbourg, coulé en 1427; sur la grosse cloche de Genève,
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 43
qui datait également de 1527 ; sur une autre cloche de 1493,
dans l'église Saint-Gervais, à Genève, etc., etc.
Celle inscription a été paraphrasée par un prêtre d'Annecy,
de la manière suivante :
Nous louons Dieu, nous rassemblons de môme
Peuple et clergé devant les saints autels ;
Sur les trépas que partout la mort sème.
Nous gémissons comme vous, ô mortels !
Quand nous tintons au bruit de la tempête,
Vous la chassez en tombant à genoux ;
Et lorsque brille un nouveau jour de fête,
Un carillon vous le rend bien plus doux.
B. — Le Clocher de Bouin'.
. L'église actuelle occupe le point central d'une forteresse
construite au IX" siècle pour défendre les habitants contre
les descentes réitérées des Normands ; son style moitié roman,
moitié gothique, indique manifestement la fm du XIP siècle.
La tour et la flèche semblent plus récentes ; elles seraient du
XIV« siècle, si on en juge par les ornements qui la décorent.
Le 24 décembre 1777, veille de Noël, vers 8 heures du soir,
le tonnerre tomba sur le clocher et de là sur l'église, sans
faire de mal aux prêtres de la paroisse et aux 60 fidèles qui
s'y trouvaient en ce moment. La flèche qui souffrit de sérieux
* Avant le huitième siècle, l'île de Bouin se nommait l'île d'Orée, c'est-à-
dire l'île d'entrée, parce qu'elle se trouvait située à l'entrée de la baie de
Dain, baie d'une largeur primitive de plus de deux lieues. Elle se nomma
plus tard Bonuo, Bonduim, Boginum, Buginum, Buniacum, mais toutes
ces variantes équivalent au mot Boign, Boing, Bouing, que nous trouvons
dans les chartes françaises du moyen-àge et qui signifie baigner, en patois
liougner, ;\ cause des submersions fréquentes auxquelles l'île était exposée.
Dans le cours du seizième siècle seulement, Bouin disparut plus de quinze
fois sous les eaux de la mer. (Luneau et Gallet. Noies et documents sur l'île
de Bouin.)
44 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
dégâts dans cette circonstance et dans plusieurs autres,
fut démolie et reconstruite, en 1850, aux frais du g-ouverne-
mentqui, sur Tavis d'hommes éclairés, la considéra comme
un point d'amer très important dans la baie de B'jurgneuf.
Nous ne savons en quel siècle le clocher de Bouin reçut ses
premières cloches.
Nous avons cependant consulté avec soin les nombreux
documents publiés par les éminents historiens de cette pa-
roisse et la plus ancienne mention que nous ayons rencontrée
ne date que du 2 août 1579. C'est dans un acte de transaction
entre les habitants et le seigneur de Bouin sur le droit de
cens des sels, que nous lisons ce qui suit :
« Ce fut fait et passé... (en) l'église de Bouin, les parois-
« siens y étant congrégés et assemblés pour cet effet, au
« son de la Cloche Capitale^ accoutumée à sonner pour as-
« sembler les dits paroissiens en forme de corps politique,
« pour les affaires publiques de la dite isle de Bouin. »
Plus tard, le 23 décembre 1714, dans une pièce intitulée :
Acceptation volontaire et remerciements de la part des princi-
paux habitants de Bouin, de la coutume de Poitou et du res-
sort du parlement de Paris, pour la partie de Bouiji qui estait
de la coutume et du parlement de Bretagne, dont il a plu au
Roy faire distraction — il est dit :
« Nous habitans de l'isle de Bouin, capitulairement assem-
« blés le jour, après le son de la cloche, dans la sacristie de
« l'église paroissiale, à l'issue de la Grande Messe, pour déli-
« bérer des affaires de la paroisse... avons unanimement
« supplié Ms' le comte de Pontchartrain, seigneur de cette
« isle, de rendre pour nous de très humbles grâces à Sa
« Majesté... »
Il nous est impossible d'affirmer ce que devinrent les
cloches de Bouin pendant la tourmente révolutionnaire.
Cependant on nous a assuré que par ordre supérieur, la
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 45
municipalité avait dû lob lain; transporter à Machecoul, pour
être envoyées de là à Nantes. Nous n'avons de renseigne-
ments précis que sur les cloches actuelles, au nombrede trois.
1° La grosse cloche. — Inscription :
Confitehor Domino nwiis in ore meo et in medio multoriim
laiidaho eum. Ps. 108, v. 29.
J. Rousseau rector insulœ viUgo Bouin, auno Domini 1 839.
Maria ex Assumptionne Josephina-Henrica nominarunt
D.D. Josephus Durand et Henrica Nathalia-Cœcilia Guignard.
Voruz fratres me Nannetidus conflaverunt.
Traduction : Ma voix rendra grâce au Seigneur de toute ma
force et je le louerai au milieu d'une grande assemblée.
(Psaume 108, verset 29.) M. l'abbé J. Rousseau, étant curé de
Bouin, dans l'année 1839, M. Joseph Durand et M"* Henriette-
Nathalie-Gécile Guignard m'ont nommée : Marie de l'Assomp-
tion, Joséphine-Henriette.
Les frères Voruz m'ont fondue à Nantes.
Pour tout ornement, il n'y a que deux croix, à l'opposé
l'une de l'autre. La première est très simple, mais la deu-
xième est fleurie et encadrée de deux branches de rosier
2» La cloche moyenne. Inscription :
Magnificate Dominum )necum : et exultamus nomen ejus
in idipsum.
Publiez avec moi combien le Seigneur est grand et célé-
brons tous ensemble la gloire de son nom. (Psaume 33, v. 4.)
J. E. JJurandet, curé. A. Lecler maire, Van du Seigneur
1877. Marie-Caroiine-Joséphine- Marguerite. Achille Lecler,
parrain et Joséphine Groleau, dame Pelletier, marraine.
Astier fondeur à Nantes.
Ornements : D'un côté de la cloche, il y a une croix fleurie.
Du côté opposé;, on voit la sainte Vierge tenant d'une main
l'Enfant-Jésus et de l'autre un lis immaculé. Sur la robe, on
distingue des feuilles d'acanthe et une guirlande de roses.
4b A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
3" La petite cloche. — Inscription : Sit nomeii Dominibene-
dktum (Que le nom du Seigneur soit béni) !
J. E. Durandct, curé. A . Lecler. maire. L'an du Srigncur
iS77.
Jacqueline- Léonide- Jeanne- Philomène. Jacqun; Nauleuu,
parrain et Jeanne Chartier, marraine
Astier, fondateur à Nantes.
La croix et la Vierge sont disposées comme sur la cloche
précédente. Tout autour, il y a 3 guirlandes ; la première est
formée de feuilles de chêne avec glands ; la 2^ de feuilles de
vigne avec raisins et la 3*, de petites fleurs ressemblante des
pâquerettes.
Les Voruz, dont il est parlé plus haut, vinrent s'établir à
Nantes vers la fm de la Révolution. Depuis quelques années,
ils ne s'occupent plus de la fonderie des cloches*.
La maison Astie'r à Nantes a été fondée, en 1861, par
M. J.-B. Asticr, élève de M.Bollée d'Orléans. En 1879, à la mort
desonpère,M. AdhémarAstier,sorti du pensionnatdes Frères,
continua les mêmes travaux. A la fin de l'année dernière, la
maison Astier avait fondu 99 cloches pour la Vendée, la Bre-
tagne et les colonies'.
C. — Le Clocher de Saint-Gervais.
Depuis plusieurs années, l'ancienne église, dédiée à saint
Gervais et à saint Protais, martyrs, est détruite et n'existe
que dans les souvenirs : elle n'avait rien de bien remar-
quable et semblait remonter au XII» siècle.
Louis de Rivaudeau, seigneur de la Guillotière et de
Villebon, y fut inhumé le9 avril 1670. Il était petit-fils du
* Communication de M. Jos. Berthelé, archiviste des Deux-Sèvres,
auteur de l'ouvrage : Recherches pour sertir à l'histoire des Arts en Poitou.
— Nous sommes heureux de lui offrir, à cette occasion, l'expression de
toute notre reconnaissance pour les nombreux services qu'il nous a rendus.
« Communication de M. J. B. Adhémar Astier. 4 juin 1889.
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 47
poète, André de Rivaudeau, dont M. C. Mourain de Sourdeval
a publié les œuvres en 1859'.
M. Denogent, ancien vicaire de Barbâtre, ensuite curé de
Notre-Dame-de-Monts, fut massacré, par les soldats de la
Révolution, dans cette même église, à la porte du confes-
sionnal où il s'était caché. , ,
Cet antique édifice et son clocher viennent de disparaître,
comme nous l'avons dit, pour faire place à une charmante
église ogivale, dont la construction honore le digne pasteur
qui, en connaisseur émérite, en a surveillé les travaux. Le
clocher sans doute viendra à son heure et ne méritera pas
moins de louanges, nous en sommes convaincu, que le reste
du sanctuaire. En attendant, nous allons faire connaissance
avec les cloches qui doivent l'habiter.
Nous lisons dans V Annuaire de la Société d'Emulation de
la Vendée (année 29% page 141) : « A Tépoque de la Révo-
lution, les cloches (de St-Gervais) restèrent longtemps sur
« le pavé de l'église, mais à la fin de 1774, elles furent brisées
« et Iransportées à l'hôtel des Monnaies de Nantes, avec celles
« de Noirmoutier et de Beauvoir. On ne les remplaça qu'en
« 1806. »
* Les œuvres poétiques d'André de Rivaudeau, gentilhomyne du Bas-
Poitou, nouvelle édition, publiée et annotée par F. Mourain de Sourdeval.
12, à Paris, chez Auguste Aubry, 1859. Cette édition contient une tragédie,
douze pièces diverses et cinq complainctes . La tragédie est intitulée : Aman
et comme son auteur est mort en 1580, il s'ensuit qu'elle fut composée plus
de cent ans ?>.\dt.niVEsther de Racine. Il faut tenir compte de cette remarque,
pour apprécier ses qualités ; la vie manque un peu dans cette composition
littéraire, qu'il ne faut pas jugc>r d'après les ri^gles actuelles, mais les vers
ont un certain mérite, qu'il serait lujuste de dédaigner. Voici la première
strophe chantée par une fille d'Esther :
Or, est-il temps il'oublier, mes compagnes.
Les biens du temps heureux.
Or, est-il temps de remplir les campagnes
De regrets douloureux.
Ma vie cesse
La mort me presse
L'heure est voisine
De ma ruine.
Nous sommes près du destin malheureux.
48 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-1'OITOU
■ M. Eugène Louis, professeur au lycée de la Roche-sur- Yon,
qui a écrit ce qui précède, ignore sans doute que les parois-
siens de Saint-Gervais ont roussi à sauver de la destruction
l'une de leurs anciennes cloches, dont l'inscription est
ainsi conçue :
t M" Charles Guinbaiild. de la Millière. Marguerite
f Gourdeaii, son épouse.
1761
Comme ornement, il y a une couronne de fleurs de lys sur
le cerveau de la cloche; puis de deux côtés, on voit le chiffre
ordinaire de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec le Sacré-Cœur
qui est surmonté des clous de la Passion. Cette cloche est la
plus petite de Saint-Gervais. La moyenne porte ce qui suit
J'ai pour parrain M^ Guerry de Vilbon (main) et pour
marraine M""' Geneviève Pelletier, F" Musset (main). Ils m'o?it
nommée Luce, de la paroisse de Saint-Gervais. Curé, M* Pitaud.
(main) Lambert m'a fondue à Nantes, en Van 1817.
Les mots de Vilbon et Madame, sans doute oubliés par le
fondeur, ont été gravés ensuite en interligne.
La Croix, dont le pied est très élargi^ est couverte de
pampre, mais les trois extrémités supérieures sont terminées
par des fleurs de lys. A droite de la Groix^ on distingue assez
bien les armes de France avec les fleurs de lys et le diadème
royal.
A l'opposé, se trouve la sainte Vierge tenant l'Enfant-Jésus
dans ses bras. Il n'y a pas d'autre ornement sur cette cloche.
La maison de Villebon, qui existe encore aujourd'hui, dans
le bourg môme, fut habitée vers 1640 par Louis de Rivau-
deau, dont nous avons déjà parlé ; elle passa ensuite dans la
famille Eveillard. Elle était occupée^ au moment de laRévo-
A TRAVERS LES HLOCHEnS DU BAS-POITOU 49
lution, par la famille de Guerry, dont l'un des membres fut
à la tèto des armées royaliste en 1793'.
On pourrait se demander si ce Lambert qui a fondu la
cloche de Saint-Gervais, en 1817, est le môme que le fondeur
dont parle M. G. Vallier, dans ses Inscriptions camprmaires
de l'hère (p. 23?) et qui a fondu la cloche de Varces en 1819,
en la signant : J. M' Lamberl, fondeur'.
Voici l'inscription de la grosse cloche de Saint-Gervais :
(Main) Je me nomme Gervais et Protais, fai pour parrain
Pierre-Charles Philippon et pour marra (main) ine Marie-Rose
Cormier., V" Masson. Arnaud, curé. De Régnier, Taconnet,
Crochet, Jodet membres du Conseil de la Fabrique de Saint-
Gerv ais.
Faite à Nantes, par Voruz, frères, novembre l'an 183 7.
Cette cloche n'est ornée que d'une croix, qui est fleurie de
myosotis, ainsi que les trois degrés sur lesquels elle se dresse.
On peut voir plus haut sur les Voruz, fondeurs à Nantes,
ce que nous avons dit à propos des cloches de Bouin.
Parmi les fabriciens de 1837, on remarquera le noni de
M. de Régnier, qui habitait la Gilletière, maison où mourut,
en 1670, Louis de Rivaudeau. Cette propriété, après avoir
passé à la famille Mourain, à la famille de la Forêt, en 1750,
appartient à la famille de Régnier, continuation de celle de
Louis de Régnier, seigneur de la Planche, auteur de VÉtat de
la France sous le règne de Fraricois IP.
* L'origine des frères Guerry est peu connue des historiens. Ils sont nés au
Cloudy, paroisse de Saint-IIilaire-de-Riez. L'ainé prit le nom du manoir
paternel, l'autre s'appela Guerry de la Fortinière, ferme située en la Barre-
de-Monts. Il y avait en outre, Guerry du Bois-Joly même commune ; Guerry
de Villebon en Saint-Gervais et Guerry de la Vergne, en Saint-Révérend.
{Annuaire de la Société d'Emulation de la Vendée. 1868. p. 101.)
' Communication de M. Jos. Berthelé.
^ Annuaire de la Vendée, 1882, p. 142.
Tome m. — Janvier, Février, Mars 1890. 4
50 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
D — Le Clocher de Saint-Urbain.
A quelle époque faut-il faire remonter la construction de
l'église et du clocher de Saint-Urbain ? 11 serait difficile de
répondre à cette question d'une manière très précise.
M. l'abbé Simonneau, l'archéologue que nous regrettons
tous, ne craint pas d'assigner à certaines parties de l'édifice
l'époque qui précède l'apparition de l'architecture romaine.
Nous nous contenterons de dire qu'on y fit de sérieuses répa-
rations au XIV' siècle, comme l'attestent les grands meneaux
d'un vitrail qui est assez bien conservé.
M. Pierre Legast, curé de la paroisse, fut inhumé dans le
sanctuaire le 14 mars 1698.
En 1788, l'église qui primitivement était carrée^, dut être
allongée du côté de la façade et c'est précisément sur cette
nouvelle partie qu'on construisit le clocher. Incendié trois
fois pendant la Révolution, il fut restauré en 1798.
Les registres conservés aux Archives de la paroisse nous
donnent quelques détails sur les anciennes cloches de Saint-
Urbain.
En 1713, les cloches saluent le nouveau curé^, M. l'abbé
Mossard, qui après 34 années de ministère, eut la consolation
de finir sa carrière pastorale au lieu même oii il l'avait com-
mencée. Il fut enterré, à la suite de ses prédécesseurs, dans
l'intérieur de l'église, où il repose encore aujourd'hui. Ce
digne prêtre a laissé un acte de 1730, dans lequel il rapporte
qu'il a bénit, avec la permission nécessaire, deux^cloches,'la
plus grande dédiée à Saint-Urbain etl'autreà la Sainte-Vierge,
pour remplacer les anciennes, dont rune.etait"*fôlée et dont
l'autre avait les anses tout à fait usées. La première datait
de 1509 et la seconde de 1G18.
Que devinrent ensuite ces deux cloches de 1730? M. Maze-
rolles, curé de Saint-Urbain avant et après la Révolution, va.
nous le dire :
A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU 51
« Le 13 août 1777, j'ai béni les deux clL)::hes de cette église
» qu'on a fait refondre, la plus grosse dédiée à Saint-Urbain
» et l'autre à la Trôs-Sainte-Vierge. De celles qui étaient au-
» paravant, l'une était fêlée et l'autre avait ses anses presque
» usées, ayant été fondues l'an 1730. Cette opération (la fonte
» des cloches) qui s'est faite dans le ballet (lequel a existé
» jusqu'en 1850) a terni la dorure et causé un grand dom-
» mage à l'église et au ballet. »
Ce M. Mazerolles, qui cessa d'être curé en 1797, mourut
en 1803 et fut inhumé dans le cimetière. Il était originaire du
Berri. Pendant la Révolution, la plus petite des deux cloches,
celle qui était dédiée à la Sainte-Vierge disparut et fut vrai-
semblablement brisée, puis transportée à l'hôtel des Mon-
nais, tandis que l'autre fut cachée dans un abreuvoir par
quelques zélés paroissiens et retourna dans son clocher aux
premiers beaux jours de la liberté.
Cette cîoche qui date de 1777, ne pèse que 450 livres et
donne le si de l'ancien diapason. Elle garde toujours, paraît-
il, une couleur terreuse, souvenir du lieu où elle a passé la
période révolutionnaire. ,
Voici son inscription :
t L'an 17 77. Saint Urbain, pries pour nous.
En fait d'ornements, il n'y a qu'une croix fleurie, qui s'élève
sur deux degrés, et deux fleurs de lys en médaillon.
L'autre cloche est beaucoup plus récente : elle fut bénite
par M. Moquet^ curé-doyen de Beauvoir.
L'an 1875, f ai été bénite pour l'église de Saint- Urbain et
nommée Henriette-Rose par M. Mathurin Daniau (propriétaire
au Fief-Marceau) et M"" la vicomtesse de laJaille, née Jacque-
mine de la Tour du Pin-Chambly. M. Simonneau, curé,
M. Thibaud, maire, M. Bollée, père et fils, fondeurs-accordeurs
au Mans.
52 A TRAVERS LES CLOCHERS DU BAS-POITOU
Cette cloche porte une croix lleurie de myosotis, à l'opposé
de laquelle est représentée la sainte Vierge. On voit aussi
d'un côté les clefs de saint Pierre surmontées de la tiare et
de l'autre un médaillon du Sacré-Cœur. La robe est ornée de
guirlandes de roses, et de sept petites croix disséminées à
des intervalles réguliers, au bas de la cloche.
Madame la vicomtesse de la Jaille nommée plus haut est la
fille de Monsieur le baron de la Tour du Pin, le sympathique
président du Conseil général de la Vendée, qui habite le
château de la Bonnetière.
Celte maison s'élève presque sur les ruines du manoir de
rOuriôre, qui semble avoir été détruit pendant la guerre de
cent ans.
Klle présente le cachet de la Renaissance et c'est bien la
seule, de tout le pays, qui soit restée debout à travers les
révolutions des derniers siècles et qui ait conservé la physio-
nomie des demeures féodales.
Nous ne laisserons pas saint Urbain sans parler de la pré-
cieuse croix de procession, en argent massif et fleurdelysée,
que possède cette paroisse. Les connaisseurs la font dater
du XV* siècle, à cause de la statuette de la sainte Vierge,
tenant l'enfant Jésus dans ses bras, qui se trouve au pied du
Christ. Un paroissien, nommé Fleury, la sauva, d'après la
tradition, de la fureur révolutionnaire, en la cachant, pendant
plusieurs années, dans la paillasse de son lit*.
L. Teillet,
Vicaire de Challans.
(A suivre.)
' La plupart des renseignements qui précèdent sont dus à l'obligeance de
M. l'abbé Grelier, curé de Saint-Urbain.
UNE EXCURSION ARCHEOLOGIQUE
AU LANGON (Vendée;
Si mes frères en archéologie sont jamais fn peine d'un
puissant protecteur aux Ghamps-Elyséens, je leur re-
commanderai volontiers le grand saint Martin. Grâce,
en effets au dernier été dont il a ensoleillé notre région,
nous avons pu réaliser plusieurs alléchants projets d'ex-
cursion, parmi lesquels celui du Langon mérite à tous
égards d'être marqué d'un caillou blanc.
Que ne suis-je poëte ! Je vous chanterais en manière de
préface, les charmes mélancoliques de l'automne, cette
saison merveilleuse qui n'a ni les rigueurs'de l'hiver, ni les
mollesses d'avril, ni les ardeurs de juilletj'^j'essaierais de
vous peindre l'agonie de la nature, les feuilles tombées sur
le sol, mêlant à la verdure des mousses leurs tons de rouille
ou d'ocre jaune, et la printannière violette exhalant son
dernier parfum sous les regards voilés du soleil jaunissant.
Mais hélas! depuis longtemps j'ai brisé les faibles cordes de
ma lyre, et je craindrais fort que les coursiers du chef de la
caravane ne perdissent patience avant que j'aie pula remettre
en état.
J'ai dit caravane, et ce n'est pas sans raison ; car, en
dehors de l'éminent aquafortiste, M. 0. 'de Rochebrune et
de votre serviteur, la moelleuse f berline delTerre-Neuve
entraînait, le 12 novembre 1889, sur la route du Langon notre
zélé collaborateur,*M. L. Brochet — le plus grand fouilleur
des temps modernes — et son jeune surnuméraire, le pho-
54 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
tographe de la bande — déjà initié par son patron à tous
les secrets de la science archéologique.
Nous saluons au passage, Gaillardon^ les Gourfailles, Pahii
et le Martrais, tous lieux fertiles en vestiges gallo-romains ;
la Folie-Roiichereau , l'un des points des réunions celtiques
les plus attractifs de tous les alentours ; Puybernier dont un
Grellier du Fougeroux était jadis seigneur, et au pied duquel
serpentait naguère l'antique Chemin Vert ; la Lime, qui doit
sans doute son nom à quelque ancienne auberge, disparue
avec ces grosses diligences dont je n'ai guère apprécié les
charmes qu'à travers les récits de Louis Veuillot ; et enfin la
Vallée des tombeaux, dont la dénomination redit elle-même
les trésors anciens que la charrue y a mis à jour.
Puis, plus rien. Devant, derrière, partout, l'interminable
plaine s'offre à l'œil dans toute sa laide nudité. C'est à peine
si on aperçoit à gauche, à travers la brume bleuâtre du loin-
tain, les derniers contreforts de Notre-Dame de la Coussaye,
Tancienne église paroissiale du Poiré, et à droite la maigre
silhouette des clochers de Longévies et de Pouillé ; à peine,
si l'on rencontre, de ci de là, quelques bouquets d'arbrisseaux
rabougris, qui semblent étonnés d'avoir survécu à la cruauté
de la serpe ou à l'aridité du sol
11 est neuf heures. Nous franchissons la ligne ferrée de
Bordeaux à Nantes, laissant à notre droite les restes de l'an-
cienne gentilhommière du Petit-Logis, dont les Maynard
étaient autrefois seigneurs, et nous faisons une solennelle
entrée dans Le Langon, où nous attend, armée de pelles et de
pioches, une brigade de travailleurs, sous les ordres de
M. Coulais, l'intelligentmairedel'endroitjetdeM. Richer,dont
le scepticisme archéologique nous a valu duranttoute la jour-
née tant d'aimables saillies. — Qui donc osait prétendre que
l'esprit gaulois était l'apanage des citadins?
AU LANGON, 55
1
Il en est des appellations de villages comme des noms de cer-
tains individus : le temps amène dans leurs allures orthogra-
phiques des modifications parfois profondes. Avant de s'ap-
peler Le Langon, le bourg où nous venons de pénétrer, se
nomma, dit-on, successivement Alingonium, Alingon, puis
Alangon. Je n'y vois aucun inconvénient. En matière d'éty-
mologie, toutes les suppositions sont permises, et la preuve
c'est qu'on a voulu faire dériver Pétosse de Peto et Ossa ; le
Boupère d'/4 /ôa Petra. La science a quelquefois des idées
moins géniales.
Ce qui est certain, c'est que le bourg situé sur les confins
de la plaine et du maraiS;, est de très ancienne origine. Les
Chroniqueurs qui ont étudié son histoire avant nouS;, sont
unanimes à le reconnaître, et à défaut de cette merveilleuse
entente, par laquelle — il faut bien le confesser — les archéo-
logues ne brillent généralement pas, nous avons de cette
lointaine origine d'irrécusables témoignages dans les décou-
vertes successives qui ont été faites sur le territoire de cette
commune. Ces découvertes ont révélé l'existence d'innom-
brables débris gallo-romains, recouvrant des vestiges cel-
tiques, sur une surface d'environ 1500 mètres. Monnaies de
bronze, d'or et d'argent, vases de bronze, déterre, de toutes
formes et de toutes dimensions, clefs, épingles, bracelets, sta-
tuettes et bas-reliefs, — les objets les plus variés et les plus
intéressants tout à la fois — ont été à diverses époques arra-
chés au sol, et sont venus enrichir les collections du musée
de la Roche-sur-Yon et celles de nos antiquaires Vendéens.
Mais de toutes ces trouvailles, la plus précieuse est à coup
sûr celle faite en 1858, dans un ancien cimetière du voisinage.
J'entends parler des débris du mausolée d'un martyr du IIP
siècle nommé Verpant. M. Fillon, h qui nous devons la dé-
couverte et sa relation, n'hésite pas, du moins, à qualifier de
martyr ce personnage, à cause de la palmette qui précède son
nom. Mais dom Chamard, dans son Histoire ecclésiastique du
Poitou (p. 94. T. i), y met plus de réserve, et n'admet pas que
56 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
la seule présence de la palmette implique l'idée du martyre.
Celte opinion paraît corroborée par les affirmations de
MM. de Rossy et Martigny qui accordent la palme à toutes les
sépultures chrétiennes. Ce qui n'est pas douteux c'est que
le nom d'un Verpant quelconque ne se rencontre dans aucun
martyro-loge, et pas davantage dans la collection des Bol-
landistes. A plus avisés, le soin de trancher le différend.
Grâce aux érudites communications de notre aimable colla-
borateur, M. l'abbé H. Boutin, il nous sera peut-être plus aisé
de fournir des renseignements précis sur le Saint-Graoust qui
a donné son nom au champ témoin de cette découverte, et qui
est'încore, sous la dénomination transformée de Saint-Graut,
l'objet d'un culte public et continuel au Langon.
11 existait, au moyen âge, une petite chapelle dans louche de
09 nom situéeàl kilomètredubourg.On présume avec quelque
raison qu'elle a été détruite pendant les guerres de religion.
Le souvenir en est conservé aujourd'hui par un petit arceau
gothique élevé par les soins de M. Guibert, ancien curé du
Langon. Cet arceau renferme la statue du saint en costume
de moine, ayant à ses pieds une femme à genoux qui tient
en ses bras un enfant mort. Ce groupe traduit aux yeux et
perpétue une légende du pays d'après laquelle saint Graut
aurait ressuscité un enfant mort en faisant sur lui le signe
de la croix. Au devant de l'arceau, on peut voir une pierre
portant des croix de Malte et que l'on a trouvée dans ce même
champ. C'est sur cette pierre que les mères viennent encore
déposer leurs enfants atteints de convulsions, pour les re-
commander au saint. Après cela, ne me demandez pas Vétat
civil de ce dernier ! Je serais contraint de vous replonger dans
l'océan des conjectures.
C'est non loin de cet ancien champ de repos, dans unténe-
meni d\l la. Petite- fiivière que nous avions décidé d'arracher
à la terre quelques nouveaux secrets.
AU LANGON (VENDÉE) 57
Tandis que les pioches fouillent les premières couches du
sol, j'explore rapidement les environs. Ici, on me montre
l'emplacement de l'ancien port, dont l'importance étaitn-B
guère assez considérable pour qu'en mars 1570, le capitaine
calviniste, M. de la Maisonneuve d'Auzay, jugeât utile d'y
faire élever un fort.
Délogés une première fois par les troupes de Montsoreau,
les protestants y revinrent peu de jours après avec Jean
d'Avagne, qui construisit un second fort au bout de la Grusil-
leuse et imposa pendant 99 jours une garnison aux habitants
du Langon. Ce n'était pas, paraît-il, petite affaire à cette
époque là d'héberger garnison L'historien Bernard raconte,
en effet, « qu'il eut pour sa part six soldats et autant de goujats,
à loger pendant quatre jours, et qu'ils lui burent une
barrique de vin, lui mangèrent un demi-porc et quatre ton-
neaux de froment. . . sans compter les meubles emportés. »
Un peu plus loin, au carrefour des Groix, on m'indique l'en-
droit précis sur lequel s'élevait la po^e?îC(? oîi furent pendus
et étranglés en 1563, sur les ordres d'Anne de la Roche, dame
Le Langon, les huguenots Guillaume de Nuchèze, Julien Dre-
nin et Jean Ragot, les principaux auteurs de la ruine de
l'église.
Car il est de fait que si cet édifice s'offre aujourd'hui à nous
sous un aussi pauvre aspect, il faut en accuser hautement
le vandalisme des protestants. Jecrois même que peu d'églises
vendéennes ont été aussi cruellement maltraitées que ne l'a
été celle du Langon, durant les luttes religieuses du XVI'
Si cle.
Le premier pillage date du 1" mars 1562. « Linges, joyaux,
ornements, pupitres, fonts baptismaux, couverts d'autels »
furent impitoyablement enlevés. Le second ne se fit pas at-
tendre longtemps. Peu de jours après la Fête-Dieu, trois
huguenots de marque, — ceux-là mêmes dont les cadavres
devaient un jour orner les fourches patibulaires du carrefour
des Grois, — a renversèrent la croix hosannière, dépecèrent
58 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
partie des cloîtres du chœur et jetèrent dans une fosse les
images de Saint-Pierre et de Notre-Dame fort bien faits et
peints richement et donnés jadis à l'église par Henri Laubourg
écuyer, grand-père de M"* Jeanne Laubourg, dame de la
Petite-Léaulière. »
Le 2 juin de la même année, nouvel assaut fut donné à la
malheureuse église : vingt-cinq calvinistes armés de bâtons à
feu y pénétrèrent, renversèrent par terre les tables des
autels^ rompirent un vieux bénitier en granit^, firent brûler
les crucifix, les images en bois de Notre-Dame, de saint Gilles,
sainte Anne et saint Antoine, et brisèrent celles qui étaient
en pierre, comme celles de sainte Catherine, saint Nicolas
et saint Joseph.
Enfin en janvier 1567, les protestants de Marans ache-
vèrent l'œuvre de destruction de leurs coreligionnaires
du Bas-Poitou. La couverture et la charpente de l'église
furent jetées à terre, les voûtes furent rompues, les cloisons
et les rétables brûlés, les ornements emportés, ainsi que
l'horloge dont le cadran extérieur — chose rare alors dans nos
campagnes — avait été préalablement brisé par eux, etenfinles
quatre cloches furent descendues et entraînées vers Marans
avec le reste du butin. (Que n'étiez-vous là, ô Jos. Berthelé,
pour leur faire de votre corps un salutaire rempart !)
Le chroniqueur Langonnais, songeant sans doute aux
campanologues de l'avenir, a pris soin de nous laisser sur
ces « sonnantes » les indications qui suivent :
tt L'une pesant 1300 livres, nommée Jacques, était de l'an
1531 ; l'autre, nommée Pierre, pesait 1000 livres ; une autre
s'appelait Anne ; et la dernière, Marie, pesant comme la pré-
cédente 600 livres, remontait à l'an 1561. »
L'église du Langon ne s'est point relevée de cette série
d'exactions ; aussi la visite quenouslui avons faite ne nous y
a-t-ellc révélé la présence d'aucun objet vraiment digne d'être
mentionné. Signalons toutefois dans le chœur, une grande
dalle funéraire en marbre noir, aux armes des Darcemalle,
AU LANGON 59
— quand ce ne serait que pour avoir l'occasion de rappeler
l'aventure tout à la fois burlesque et barbare, arrivée au siècle
dernier à un huissier de Luçon, qui s'était avisé d'aller porter
un exploit au baron du Langon. Ce dernier, homme très
violent, fit tout simplement saisir le pauvre sergent par ses
valetS;, dépouiller de ses vêtements, étendre sur une table, et
ayant fait rougir le sceau de la baronnie. il lui marqua le
bas des reins d'une double empreinte ; puis il fit passer une
omelette sur les plaies et le força à la manger ensuite. Le
pauvre diable eut beau porter plainte à la justice ; les rieurs
ne furent pas de son côté, et Darceraalle, en fut quitte pour
se cacher pendant quelques semaineset donneruneindemnilé
pécuniaire à l'huissier.
Tandis que je jetais ainsi un rapide coup d'œil à travers
les curiosités de la cité langonnaise, nos archéologiques
pionniers mettaient à découvert, en même temps qu'une
sépulture entière pourvue de tous ses ossements, d'innom-
brables débris de vases de toutes nuances, de toutes
formes et de tous grains, et notamment des poteries
romano-gauloises en terre rouge vernissée des IV° et V''
siècles, à figures saillantes sur la panse, avec des perles des
fleurettes, un véhicule attelé de deux chevaux et conduits par
un personnage, un cerf, etc Des débris de lampes en
grès très fin, des tessons et des gueules d'amphores en
énorme quantité furent également mis à jour.
D'où proviennent tous ces vestiges du mobilier gallo-
romain ?Sommes-nous en présence de déchets d'une fabrique
de poteries, ou des ruines amoncelées par quelque cata-
clysme dont l'histoire a perdu le souvenir? Il serait téméraire
de se montrer trop précis.
Quoi qu'il en soit, midi s'avance et, pour obéir aux aspira-
tions de notre estomac, nous prenons allègrement le chemin
du Breuil, oii nous attend un exquis déjeuner, dont la plume
60 UNE EXCURSION ARCHÉOLOGIQUE
de Brillat-Savarin eût pu seule redire les succulents mérites.
Pour être archéologue, on n'en est pas moins homme.
Entre une aiguillette decanard sauvage, tombé sous le plomb
d'un moderne Collibert, et un petit verre de fine Champagne
chevronnée comme un grognard de la Vieille-Garde, M. Cou-
lais, qui joint à l'amabilité de l'amphytrion les charmes d'un
spirituel conteur, nous refait brièvement l'histoire du Breuil,
dont il a relevé les ruines en 1874.
Au XIP siècle, le Breuil était habité par le seigneur du
Langon. 11 l'abandonna au siècle suivant, pour aller fixer sa
résidence aux Léolières.
C'est pendant qu'il habitait le Breuil que fut plantée l'ave-
nue qui a fait l'objet de la délicieuse eau-forte dont M. 0. de
Rochebrune a bien voulu illustrer ces pages.
Quand vint la Révolution, le Breuil fut jeté bas et impito-
yablement rasé. Il y existait une superbe cheminée, aux
armes du seigneur, dont les restes mutilés survécurent de
longues années à la ruine du manoir. On y voit encore un
vieux bénitier qui rappelle l'existence de la chapelle sei-
gneuriale.
Les anciennes douves qui étaient fort profondes, furent'
comblées en 1849, et sur les débris du château féodal, s'éleva
en 1874, un moderne logis dont l'hospitalité, pour n'être pas
écossaise, n'en revêt pas moins les plus appréciables aspects.
Le Breuil, — de même qu'aujourd'hui — avait un accès
immédiatsur le Communal. Ce voisinage avait vraisembla-
blement déterminé le seigneur du lieu à fixer là son habi-
tation. Les 863 hectares de marais mouillés que possède la
commune du Langon dépendaient alors en grande partie du
communal. En 1773, le seigneur revendiqua ce dernier aux
habitants. Le procès dura jusqu'en 1783, époque à laquelle
une transaction, ménagée par les soins des abbés de Moreilles
etde Saint-Michel-en-l'Herm, mit fin à ce long débat. Par suite
de cette transaction, cette immense propriété fut divisée en
deux parties, dont l'une est encore possédée parles habitants
AU LANGON (VENDÉE) 61
du Langon. Acte de cette transaction est conservé auxarchives
de la Mairie.
Des huttes se dressent timidement sur les levées qui
ourlent de leurs terre-pleins gazonnés le Communal. Jadis
peu nombreuses, elles étaient construites en roseaux et ser-
vaient exclusivement au logement des pâtres chargés de
la garde et de la surveillance des bestiaux que seigneurs et
habitants envoyaient au communal.
Pendant la saison d'hiver, les malheureux huttiers se li-
vraient passionnément à la chasse et à la pêche, et leur isole-
lement des bourgs en faisait une population à part dont l'exis-
tence était partagée entre le vol et le libertinage.
Mais hélas 1 le soleil — ce grand traître — menace de nous
abandonner, les chevaux piaffent d'impatience à la porte du
logis ; il fautdire adieu àla Cosse-Cabourne ei à. son pittoresque
entourage. Ne maudissons cependant pas notre sort. Car
nous rentrons à Fontenay, les poches gonflées de richesses
archéologiques, le carnet bourré de notes et de croquis, et
l'esprit embaumé des radieux souvenirs d'une journée sans
nuage.
René Vallette.
Février 1S90.
DE L'ABUS DU CELTICISME
LA CHAPELLE-HERMIER
ET NOTRE-DAME DE CARREAU
EN aucun temps, peut-être, l'étude de Thistoire locale
n'a été en honneur autant que dans le nôtre. Et nous
constatons avec plaisir que la Vendée est entrée dans
ce mouvement et s'y tient en bon rang. A la suite des Mar-
chegay, de la Boutetière, Baudry^Fillon, Aude, etc . . . un grand
nombre de travailleurs infatigables se sontmis à l'œuvre avec
une noble émulation, interrogeant les monuments archéolo-
giques de toutes sortes, les vieilles archives sauvées des auto-
da-fé révolutionnaires, les ruines^ les traditions populaires, et
leurs recherches ont obtenu souvent les résultats les plus inté-
ressants et les plus instructifs. Ces résultats ont été consignés
dans des livres, brochures ou revues où le passé revit et est
rattaché aux temps présents. Grâce à ces publications, un
texte manuscrit qui aurait pu disparaître un jour ou l'autre,
une tradition qui ne survivait plus que dans quelques mé-
moires, de vieux témoignages du passé, en un mot, sont
assurés de l'avenir. « Ne peream unus multiplex renascor. »
LA CHAPELLE-IIERNIER ET NOTRE DAME DU CARREAU 63
Au nombre de ces chercheurs qui aiment à exhumer de
la tombe de l'oubli les souvenirs d'antan et à interroger les
pierres de nos anciens monuments pour leur faire raconter
leur histoire et les faits dont ils furent les témoins, a pris
place, depuis longtemps, M. l'abbé Pontdevie, aumônier du
lycée de la Roche-sur- Yon. Notre histoire vendéenne lui doit
plusieurs notices intéressantes dont nous n'avons pas à nous
occuper ici, qui, pour la plupart, ont paru dans la Semaine
catholique du diocèse de Luçon. L'une de ses dernières études
publiée dans V Annuaire de la Société d'émulation de la Ven-
dée (iSSl) a été consacrée à Y Histoire de la Chapelle de N.-D.
de Garreau et de son pèlerinage. Cette histoire, il l'a écrite
avec le talent d'un érudit^ voire même d'un littérateur. Ce-
pendant, nous nous permettrons de ne pas l'admirer sans
réserves et de soumettre aux lecteurs de la Revue du Bas-
Poitou une petite critique à son sujet. Si cette critique, ins-
pirée par l'amour de cette vérité historique que l'auteur a
lui-même tant à cœur, lui paraît intempestive, nous espé-
rons, du moins, qu'il voudra bien ne pas y voir le fait d'une
émulation jalouse, mais simplement une franche et sincère
application de l'adage « Amicus Plato, sed magis arnica Ve-
ritas. » Au surplus, il n'apprendra pas par la voie de la presse
nos appréciations sur son œuvre, car nous nous sommes
fait un devoir de délicatesse de les lui communiquer en ma-
nuscrit avant de les livrer au public*.
Lq celticisme semble être devenu une manie de notre siècle.
Par une sorte d'amour-propre, fort mal placé, à notre humble
avis, on y veut trouver les origines de bien des monuments,
ou coutumes qui n'ont avec lui pas le moindre lien de
* Notre critique paraîtra d'autant plus désintéressée que M. l'abbé Pont-
devie pourrait, sur un point du moins, la rétorquer contre nous et nous
dire : Medice, cura teipsum. Dans notre Poème-Légende de N.-D. de Gar
reau, nous avons admis, en effet, sur l'autorité de l'historien du sanctuaire
l'origine celtique qu'il donne du nom de la Chapelle-Hermier, d'après une
conjecture entièrement erronée. La poésie a suivi l'histoire et l'on ne pour-
rait équitablement imputer à celle-là les erreurs de celle-ci.
64 LA CHAPELLE-IIERMIER
parenté ou d'affinité. De nos jours surtout, la cause celtique
a été bruyamment plaidéedans un volumineux ouvrage, qui,
dès le principe, a obtenu un succès étonnant. Si l'on en croyait
l'auteur, l'organisation de notre société, nos mœurs, nos
idées religieuses, notre génie national, tout nous viendrait
des Geltes.Comptons-nous quelques héros dans notre histoire?
Ceux-là sont des Gaulois pur sang. Sainte Geneviève est une
druidesse détournée de sa vocation ; Jeanne d'Arc est l'héri-
tière de Velléda; saint Martin lui-môme, l'adversaire
acharné des superstitions druidiques, est i< aidé par l' esprit
de l'ancienne Gaule.* » Et pourlcnt qu'y a-t-il au fond de toute
cette doctrine? Depuis longtemps, l'Académie française Ta
jugée. Dès 1856, M. Villemain, parlant au nom de cette docte
compagnie, s'exprimait ainsi dans le rapport même qui expli-
quait le prix décerné à M. Henri Martin k le zélé patron des
Celtes, » comme il l'appelle : « Ici tout manque au paradoxe,
a le témoignage des faits, la logique des conséquences. Le
tt druidismen'a pas servi de modèle à la constitution de notre
« Église ;il ne portait pas dans son sein l'idée de la France ;
« il ne s'est pas retrouvé jusque dans l'héroïsme du moyen-
« âge'. » Et, il y a quelques années à peine, dans une séance
orageuse de l'Académie des sciences morales et politiques,
nous avons entendu M. Giraud prononcer une sentence non
moins sévère contre ces théories. D'après le procès-verbal,
M. Giraud « regarde comme chimérique la plus grande partie
de ce qui a été écrit depuis bien des années sur les institu-
tions celtiques. »
Or, dans la petite brochure qui nous occupe, M. l'abbé
Pontdevie a, croyons-nous, un peu trop sacrifié à cette
manie du celticisme et nous allons en fournir la preuve. Nous
la trouvons dans la manière dont il traite et explique les
légendes de Garreau.
* Henri Martin Hist. de France et Hist. populaire passim.
' Rapport sur les concours de 1856. (Séance du 26 août 1856.)
ET NOTRE-DAME DE GARREAU 65
Nous avouerons ingénument que nous aimons beaucoup
les légendes, surtout celles qui respirent un doux et forti-
fiant parfum de foi chrétienne. Ce n^est pas à dire que nous
les acceptions comme des témoignages historiques qu'on ne
puisse révoquer en doute. Telle n'est pas notre pensée. Nous
reconnaissons volontiers qu'un grand nombre d'entre elles
sont souvent de pures fictions, brodées par une pieuse imagi-
nation sur un fait ou simplement une croyance naïve, et qu'el-
les ne soutiendraient pas l'épreuve d'une rigoureuse critique.
Celles de Notre-Dame-de-Garreau sont, peut-être, de cette
espèce. Mais ce que nous ne pouvons accepter, c'est qu'on
nous les présente comme a- une hardie transformation » (ce
sont les expressions mêmes de l'historien de Notre-Dame-de-
Garreau) de quelque vieux conte ou superstition celtique.
Qu'on ouvre la brochure (p. 6* et ?•). L'auteur, après avoir
cité la légende de la Sainte Vierge lavant les langes de
l'Enfant-Jésus sur la pierre du Jaunay, se hâte d'ajouter :
« Cette étrange lavandière ne serait-elle point lune des
» laveuses de nuit, l'une des belles lavandières des supersti-
» lions celtiques....? » Et pour que personne n'en ignore, on
peut lire dans la note mise au bas de la page, toute une liste
des noms de ces dames blanches. « C'est Aurinia, fille de
Sido, c'est Velléda... Fréa... Holda. »
De même, un peuplus*loin, après avoir rapporté la légende
du chevalier attardé qui, voulant traverser à gué les eaux du
Jaunay grossies par un orage, allait se noyer inévitablement,
quand la douce Vierge accueillit son vœu de lui bâtir une
chapelle, en cas de délivrance, et fit surgir du fond de la
rivière une pierre merveilleuse qui lui servit de radeau à lui
et à son palefroi, notre savant conteur ne peut s'empêcher
d'entrevoir en ce délicieux récit légendaire l'ombre du
« cheval Malet si appréhendé des vieux Celtes. » (p. 8.)
Est-ce que, franchement, l'on ne pourrait pas trouver
d'autres explications plausibles de ces légendes, sans invo-
quer les superstitions celtiques ? Conjecture pour conjecture,
Tome m. — Janvier, Février, Mars 1890. 5
6Q LA GHAPELLE-HERMIER
puisqu'il n'y a ici aucune preuve qui puisse étayer une opinion
plutôt qu'une autre, nous préférerions, quant à nous, une
interprétation différente, et, dans le cas, le témoignage histo-
rique que nous citons plus loin semble nous donner raison.
En présentant ces légendes comme de « hardies transforma-
tions » de contes celtiques, on détruit presque tout leur
charme et on leur enlève du même coup le vivifiant arôme de
foi antique qui s'en exhale, arôme si propre à relever nos
âmes et à les consoler des tristesses de la vie.
L'historien de Garreau est trop perspicace pour n'avoir pas
prévu le reproche que nous lui adressonp ici. Aussi bien y
a-t-il répondu d'avance en terminant son premier chapitre
(p. 12). « Ici, dit-il, la respectueuse expression de nos regrets
« au pèlerin de Garreau de ne pouvoir accepter tous les dires
« de ces naïves légendes. Il nous aura taxé de témérité, peut-
« être, de nous voir rattacher, dans le lointain passé des
« âges, notre préveil du 8 septembre au rendez- vous idolâ-
« trique des Celtes, des Galls et des Kymris. Toutefois, que
« sa piété se rassure : comme lui nous aimons Garreau...
« etc.. »
Le chapitre II se termine par la fraîche légende de la petite
bergère sourde-muette guérie par la Sainte Vierge qui lui
apparut sur la pierre du Jaunay. Notre historien n'a trouvé
sans doute à cette légende aucune parenté celtique, car il
n'en invoque aucune ; mais il y met néanmoins toujours la
même conclusion où perce une légère pointe de scepticisme
voilée sous un si. Ce si produira l'efîet d'une douche d'eau
froide sur la foi simple et confiante des bons pèlerins. « Si
« votre légende, bons pèlerins, mérite créance, autant qu'elle
« respire grâce et fraîcheur, vos hommages à la pierre de
« l'apparition n'ont, en vérité, rien que de très fondé. » (p. 12.)
Gomme nous l'avons dit, toute cette érudition qui donne
aux pieuses légendes de Garreau des origines celtiques, de
prime abord, ne nous a pas paru de bon aloi et nous n'aurions
pas été fâché de trouver notre celtiste en défaut dans ses
ET NOTRE-DAME DE GARREAU 67
savantes interprétations. Or, le hasard d'une lecture nous a
servi à souhait^ il y a quelques mois. Il s'agissait justement
de l'origine du nom de la Chapdle-Ilcrmier sur laquelle
M. l'aumônier du lycée a bâti tout un échafaudage de con-
jec.tures pour démolir la vieille tradition religieuse que nos
pères nous ont transmise relativement à la pierre de Gar-
reaii. Naturellement, l'historien de Garreau a flairé un Her-
mès ou Mercure celtique quelconque dans le nom séduisant
de la Cliapelle-Hermier. Pour que l'on ne nous accuse pas
d'exagérer, nous lui laissons la parole. Après avoir longue-
ment disserté sur la pierrC;, le culte dont l'entouraient les
anciens peuples, et dit, entre autres choses, que « à son avis
Garreau et son pèlerinarje auraient pour origine l'ancien cult^
de la pierre, sur lequel est venu se greffer, en le transformant
l'idée chrétienne, » (p. 8,) que, pour lui -c Garreau est un vieux
point celtique où primitivement les populations venaient
adorer la pierre, » (p. 9,) toutes affirmations qui ne sont rien
moins que prouvées ; après avoir témoigné sa surprise de ne
pas voir figurer la pierre de Garreau dans le dénombrement
des monuments celtiques de la côte du Poitou qu'a fait com-
mune par commune le regretté abbé Baudry, curé du Bernard,
(p. 10,) l'auteur continue en ces termes :« Quel dieu était adoré
» sous la forme d'une pierre dans la vallée de Garreau? La
» vieille dénomination d'Hermier dans Chapelle-Hermier,
» Bois-Hermier semble ne point laisser de doute à cet égard :
» Capslla-Hermetis dans les anciens Fouillés, c'est-à-dire
» d'Hermès ou Mercure. Le Bois-Hermier aurait été l'un des
» bois sacrés ou lucus ombreux de la divinité locale. Les
') auteurs s'accordent à regarder Mercure comme la divinité
» suprême des Gaulois : Hermès était le dieu pilier ou
» menhir. Le dieu Garantis, la Grue dont le ruisseau du Gué-
« Garan, un affluent du Jaunay, semble avoir conservé le
» souvenir, ne serait autre que Mercure lui-même qui se
» changea en ibis : Hermanubis.
» A Garreau donc et dans ses bois sacrés, les pèlerins de
» l'ère païenne ont pu venir présenter au dieu Hermès, que
68 T^A. CHAPELLE-HERMIER
» symbolisait notre pierre des légendes, le lait et le miel, les
» premières figues de l'automne et autres oblations idolâ-
» triques.
» Nos populations, bien que converties au chris-
» tianisme, ne se seraient pas moins obstinées à venir, tous
» les ans, dans les premiers jours de l'automne, au vieux
» rendez-vous païen. La pierre de Garreau continuait d'être
» l'objet des hommag-cs traditionnels. C'est alors que pour
>) ne pas se heurter à l'impossible, c'est-à-dire à la suppres-
» sion du concours populaire, les apôtres de la contrée au-
» raient transformé, en ces lieux sauvages, l'objet et le but
» du culte antique. » (p. 10 et 11.)
N'avions-nous pas raison de dire que cet échafaudage est
ingénieusement construit et savamment étayé, en apparence
du moins ? Par malheur, il a un défaut un peu grave : il pèche
par la base et repose tout entier sur un fondement ruineux.
Le nom de la Chapelle-Bermier, de Bois-Hermier, n'a aucune
affinité avec celui du dieu Hermès des Gaulois, auquel
M. l'abbé Pontdevie sacrifie, au nom de la science archéolo-
gique, toute la tradition chrétienne du pays. Son origine
serait plus récente et plus simple sans être moins respectable
pour cela. Si nous en croyons le savant archiviste-paléo-
graphe, M. Paul Marchegay, ancien président de la Société
d' émulatioji de la Vendée, le nom iVHermier, dans Chapelle
Hermier, viendrait du nom d'un seigneur de cette paroisse.
Voici, en effet, ce que nous lisons dans ses Cartulaires du
Bas-Poitou, page 30, où il analyse les chartes relatives au
prieuré d'Aizenay, de 1050 à 1251 : « Dans la paroisse de^i Cha-
'> pelle-Hermier , Arnonl , fils du personnage dont cette paroisse
3> porte encore le nom, donne une terre appelée les Hersis.. . »
Mais ne nous contentons pas de l'analyse de M. Marchegay,
car, pour emprunter les expressions de M. Pontdevie lui-
môme, dans une controverse récente*, « quand il s'agit de
• Avec M. le docteur Petiteau, des Sables-d'Olonne, dans Y Etoile de la
Vendée.
ET NOTRE-DAME DE GARREAU 69
» piger un fait historique si important, il est convenable de
» ne s'appuyer que sur des documents officiels. » Citons
donc les passages de la charte sur lesquels s'appuient
les affirmations de M. Marchcgay. Cette charte est de
l'an 1050 environ flfist. de Marmoutiers, /Impartie, N° 176 et
P)'euves n" 33G]. On remarquera qu'elle est bien antérieure
aux anciens Poiiillés dont lautorité est invoquée par l'his-
torien de Carreau en faveur de sa thèse, puisque les plus
vieux d'entre eux, en ce qui concerne la Chapelle-IIermier,
ne remontent pas au-delà du XVI* siècle (voir Fouillé
de Luçon, p. 14-15 et Pouillc de Poitiers, p. 60). « Nosse
» debebitis si qui eritis posteri nostri. . . . quemdam ex Pictavensi
» pago Arnulfum nomine, Airemari filium, donasse pro ani-
» ma siiâ sancto Martino et nobis quamdam mansurayn
» terrx quamdicunt Mansiiram de Arsiriis... » Puis, quelques
lignes plus bas, on lit : « Est autem prœdicta terra in pago,
» lit dictum est, Pictavensi, in parechid videlicet Sancti Pétri
» quam dicunt Gapellam Airemari ; conjuncta de orientali
» latere parecJiiœ asianensi. » (Cartulaires du Bas-Poitou,
p. 66 et 67.)
Devant un document aussi clair et aussi formel, M. l'abbé
Pondevie reconnaîtra, nous l'espérons, que le dieu. Hermès
des vieux Celtes n'a rien à réclamer ni dans l'origine du
pèlerinage à la pierre de Carreau, ni dans le nom de la
Chapelle'Hermier, vu que le nom d'Hermier rappelle tout
simplement celui d'un seigneur de cette localité.
A la deuxième édition de son histoire de N.-D. de Carreau,
il fera donc bien de faire disparaître Hermès de son intéressante
brochure. L'élément païen qui déparait ses légendes, cédant
la place à l'élément chrétien, celles-ci, loin d'y perdre de leurs
charmes, ne pourront qu'y gagner, à notre avis, du moins.
Dans la nouvelle édition de notre petit Poème-Légende de
N.-D. de Garreau, que nous préparons en ce moment, sur la
demande de M. le curé de la Chapelle-Hermier, nous nous
70 LA chapelle-hermii:r et autre-dame de carreau
sommes empressé de lui donner l'exemple. Hermès a été
justement expulsé de notre poésie et nous avons ainsi rendu
tous ses droits à la vérité historique qui, par ce point im-
portant, corrobore indirectement la tradition religieuse.
L'abbé H" Boutin.
Saint-Etienne-du-Bois, 8 janvier 1890,
JOURNAL
D'UN FONTENAISIEN
PENDANT LA RÉVOLUTION
1791
3 juin. — Des gardes nationales parties de Gholet (Maine-
et-Loire) envahissent l'établissement des missionnaires de
S*-Laurent-sur-Sèvre ; s'y livrent à des perquisitions ; y
brisent les armoires et enlèvent les papiers. Après s'être
retirées à la chute du jour, elles reviennent au milieu de la
nuit^ s'emparent des missionnaires Dauche et Duguet et les
emmènent avec elles. Transférés au district de Montaigu,
celui-ci arrête qu'ils seront traduits devant le tribunal;
mais le Directoire fait biffer l'arrêté^ et ordonne l'élargis-
sement des deux prêtres arrêtés, attendu que n'ayant été ni
accusés, ni décrétés, leur arrestation était illégale'.
4 juin. — La Vendée est appelée à fournir six cents hommes
dans le contingent des cent mille auxiliaires, décrété le 16 avril
précédent.
5 juin. — Les évêques constitutionnels de la Vendée, du
Lot-et-Garonne et des Deux-Sèvres, sont préconisés à
Bordeaux.
< Ils furent relâchés le 14 juin suivant.
72 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
10 juin. — La municipalité de Fontenay fait acquisition de
remplacement du vieux château et de ses dépendances, pour
la somme de 4,000 livres.
Rodrigue part de sa cure de Fougère, escorté par une
députation de douze membres de la Sociétii populaire, et
depuis Montdoré, parles gardes nationales de S'«-Gemme
do Luçon. La m*é de cette ville va au-devant de lui, le re-
çoit et le complimente, à l'entrée de la ville, en présence d'une
foule considérable accourue des paroisses voisines. Le prélat
va descendre chez Parenteau, chirurgien, qui le loge chez lui.
11 juin. — Les partisans de M. de Mercy, apprenant,
avec désespoir, le remplacement du prélat, ameutent
la population pour s'opposer à l'installation de l'intrus.
Le peuple se porte à l'évêché ; menace de commettre
des dégâts si Rodrigue se présente, et s'assemble sous les
fenêtres de son hôte. La m^é parvient à rétablir l'ordre.
Rodrigue s'est ensuite rendu à la séance, tenue par la Société
populaire, laquelle, par l'organe de Moulins, son vice-pré-
sident, lui a adressé un compliment.
12 juin. — Les délégués de la m'* de Fontenay, chargés'
d'assister à la cérémonie de l'installation de Rodrigue,
arrivent à Luçon, à huit heures du matin. Ils se transportent
aussitôt à la maison Parenteau, et ayant été présentés à
l'évêque, le maire Moreau, lui adresse l'allocution suivante :
« Monsieur, c'est par mon organe que la m'é (jg Fontenay
<r vous offre ses hommages respectueux. Soyez persuadé qu'il
« ne peut 6tre de plus douce satisfaction pour son cœur, que
« d'assister à l'auguste cérémonie d'installation de Rodrigue
« à l'évêché du département. » Rodrigue les remercie des
sentiments que vient de lui exprimer la m''' de Fontenay,
par la bouche de son maire, et les reconduit jusqu'à la rue.
— De retour h l'auberge, à neuf heures, les commissaires y
reçoivent la visite des officiers municipaux de Luçon, et sont
PENDANT LA RÉVOLUTION 73
invités à les accompagner à la cathédrale. Les divers délégués
des municipalités se réunissent à l'hôtel de ville, et se rendent
en corps chez le sieur Parenteau, pour y prendre l'évêque. Le
cortège, escorté par la garde nationale, se met alors en
marchC;, au milieu d'un concours considérable de spec-
tateurs, et se rend à la cathédrale. A la porte principale,
Rodrigue est complimenté par un officier de la garde
nationale des environs. — Entré dans l'église et arrivé au
chœur, le prélat gravit les marches de l'autel, accompagné de
ses deux grands vicaires, lesquels prononcent successi-
vement, à haute voix, le serment civique. Rodrigue, ayant
ensuite été revêtu de ses ornements sacerdotaux, a célébré
là grand'messe, qui a été chantée avec le cérémonial usité. Il
est ensuite reconduit, par le même cortège, jusqu'à son
logement.
Le 1" bataillon du 84^ de ligne arrive aux Sables.
15 juin. — Moreau, maire ; Garos. Perreau. Vinet. offi-
ciers municipaux, et Pichard, procureur de la c"", commis-
saires chargés de représenter la municipalité, à l'installation
de Rodrigue, lui apportent le rapport rédigea cette occasion.
17 juin. — Les citoyens actifs de la com"^ sont invités à
se réunir à l'Assemblée primaire pour procéder au choix des
nouveaux électeurs, lesquels se rassembleront, en cette ville,
avec ceux des autres cantons du dép', le 29 du même mois,
pour nommer les neuf députés de l'Assemblée Législative.
18 juin. — Pranger* (Antoine-Léon), professeur de seconde
au collège de Fontenay, publie le prospectus du Journal du
* Né à Paris, en 1707, nommé professeur au collège de Fontenay. lors de son
organisation à la fin de 1790. Il compose, en 1792, un petit poëme intitulé la
Bataille de Jemmapes, in-8» de 18 p. en l'honneur de Dumouriez, qu'il avait
eu occasion de voir chez Pervinquiêre, son beau-frère. Sa liaison avec Carrière
l'entraîna à faire partie du comité royaliste. Menacé d'être arrêté, le 10 juillet
1793, il se sauva, et devint chef de la division de Pouzauges. Fait prisonnier
à Rochetrejoux, il fut amené à Fontenay, jugé et fusillé le 7 mars 1796.
74 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
dép' delà Vendée, dédié à la Société des Amis delà Consti-
tution du département.
L'ôvêque de Mercy proteste contre l'élection de Rodrigue.
Le tribunal criminel le décrète d'accusation, ainsi que les
abbés Brumauld de Beauregard et Herbert, curé d'Aizenay,
sous la prévention de pousser à la révolte, et d'écrire des
lettres anonymes.
20 juin. — L'Assemblée Nat^^ décrète que les fonction-
naires publics, ecclésiastiques assermentés, qui se seraient
rétractés ou se rétracteraient, seront privés de tout traite-
ment ou pension.
Le Roi quitte clandestinement Paris, accompagné de la
Reine, du Dauphin, de M">' Royale^, de M""* Elisabeth, sa sœur,
et de M™* de Tourzel, gouvernante des enfants.
23 juin. — A 6 heures du soir, on apprend la fuite de Va-
rennes. Le direct" de départ^ ordonne aux districts d'afficher
et publier, dans les communes, les décrets rendus par l'As-
semblée à cette occasion.
La m^^' arrête que la garde de la nuit suivante sera doublée,
défend aux loueurs de chevaux ou aux maîtres de poste
de reconduire personne, sans un consentement écrit ; aux
marchands de vendre ou donner de la poudre^, sans autorisa-
tion, et aux aubergistes de prendre les noms de ceux qui
logeront chez eux et de l'en informer.
'C
24 juin. — La m*^ institue un règlement provisoire pour le
service de la garde nationale. Elle exhorte les citoyens au
calme, à la concorde^ à faire acte de patriotisme et de
fermeté.
25 juin. — La m*^ fait parvenir à l'Assemblée Nationale
une adresse à l'occasion de l'enlèvement du Roi, conçue en
ces termes ■
PENDANT LA RÉVOLUTION 75
« Messieurs, si l'enlèvement critique de la personne royale
» a consterné les bons Français, les nouvelles preuves de
» fermeté et de sagesse, données par nos législateurs, aug-
» mentent et raniment dans nos cœurs, le feu sacré du pa-
» triotisme.
» L'univers entier, Messieurs, dans l'admiration, a les yeux
ï) fixés sur vos travaux immortels. Les Français sont pénétrés
» du civisme que vous leur avez inspiré ; et c'est entre vos
» mains que nous en jurons la plus vive reconnaissance. Si
» vivrelibre est le bonheur que vous avez préparé à tout notre
» empire, nous, organes de nos concitoyens, pourrions-nous
» nous taire, en ce moment, que nous sommes animés du
)) plus saint désir d'offrir nos vies à la patrie, et de verser
» pour elle et pour vous, Messieurs, jusqu'à la dernière
» goutte de notre sang. »
Sur les dix heures et demie du soir, les maires et officiers
municipaux apprennent qu'il vient d'arriver. un courrier au
département. Ils s'y rendent aussitôt en corps. On leur an-
nonce l'arrestation du Roietde la famille royale. Ils retournent
aussitôt à l'hôtel-de-ville, et font annoncer la nouvelle, à son
de caisse, pour faire participer les citoyens à la satisfaction
qu^ils en éprouvent, les invitant, en même temps, à illu-
miner la façade de leurs maisons. Des danses ont été orga-
nisées aussitôt dans divers quartiers, pendant toute la nuit;
et la garde nat'«, musique en tête, a parcouru les rues de la
ville, comme témoignage de la joie que cette nouvelle venait
de lui faire éprouver.
Des administrateurs du dép' informent les municipalités
que le Roi et la famille royale ont été arrêtés à Varennes;
au moment où ils quittaient la route de Verdun.
25 juin. — Le citoyen Legeay, juge de paix du canton de
Poiroux^ informe le district des Sables^, que, le 23 courant,
il a entendu, par le son de la cloche;, l'annonce d'une assem-
blée ; que, s'y étant transporté, il y trouva nombre d'habi-
76 JOURNAL d'un fontenaisien
tant, réunis sous la présidence du sieur Gouin, ci-devant
sénéchal de Poiroux ; que, parmi eux, se trouvaient Massonet
ci-devant prieur d'Avrillé, un ci-devant chanoine de Luçon^,
l'abbé Lézardière ; le sieur Arraudet, curé de Poiroux, et
quelques autres ecclésiastiques ; qu'hier, en revenant de
chez Rig-ourdain, présid' de l'assemblée primaire de Poiroux,
il entendit, sous les halles, une danse avec les cris de :
'i Vivent les ai^istocrates ! Le Roi est pris ; nous avons gagné ! »
Le Direct" du district des Sables apprenant, à 10 h. du soir,
que 80 nobles environ, 200 paysans et quelques ecclésias-
tiques insermentés, sont rassemblés, avec armes et muni-
tions de guerre, au château de la Proustière, donne l'ordre
à un détachem' de 30 soldats du 84'rég'^ (ci-devant Rohan), et
à un nombre égal de gardes nationales commandé par le lieut^
de grenadiers, Ant"' Laverand, d'aller fouiller le château et
de se saisir de la personne du s"" Deloynes ; de tous autres
complices, et d'enlever les armes qui s'y trouvent, ainsi qu'à
La Marzelle.
26 juin. — La m'é de Luçon, pour rassurer le peuple sur la
fuite de Varennes, et manifester sa satisfaction d'apprendre
son arrestation, arrête : 1° que les cloches des églises de la
ville sonneront de huit à neuf heures du mal;in; et, qu'au
préalable, cette nouvelle sera publiée à son de caisse et affi-
chée ; 2" qu'un Je Z)^?/wî d'actions de grâces sera chanté, à
l'issue des vêpres, après lequel sera allumé un feu de joie,
auquel assisteront les troupes ; 3° qu'il y aura illumination
générale, depuis neuf heures du soir jusqu'à minuit.
A 2 h. du matin, la force armée, commandée par Laverand,
part des Sables et se rend à La Marzelle, où elle arrive à 7h. 1/2
du matin. On n'y trouve que quelques fusils. La colonne
reçoit l'ordre de se rendre à Avrillé et d'y séjourner.
27 juin. — La division des Sables arrête que les attroupés
devront remettre leurs armes de toute espèce et devront se
PENDANT LA RÉVOLUTION 77
rendre, avecla troupe, aux Sables, pour y demeurer en état
d'arrestation.
A trois iieures du soir, se présente au district des Sables,
le sieur François Pillaud, maire de Poiroux, qui déclare que
depuis hier matin, il s'est successivement réuni un grand
nombre de personnes au château de la Proustiùre, les uns en
voiture, les autres à cheval, tous armés de pics de sabres et
pistolets ; et que sur le siège de quelques-uns étaient des
faisceaux de fusils ; que l'u-n des enfants du sieur Lezardière
a dit dans la matinée, au sieur Gouin, qu'avant la fm du jour,
il fallait mettre trois têtes sur le carreau.
Le Directoire arrête aussitôt que le command*^ du 1" ba-
taillon du 84* régiment sera requis de joindre, sans retard, à
la troupe détachée cette nuit, un renfort qui, en suivant la
même route, ira la joindre à Avrillé, par oii elle doit passer.
28 juin. — Le Direct" du dép', avisé des rassemblements
de la Proustière, informe la m'^ deFontenay qu'il fera partir,
le lendemain, trente-six hommes de l'escadron du 16* rég* de
cavalerie (ci-dev' Royal-Lorraine) pour se porter aux environs
deLuçon. De Sarcus, commandS requiert la m'^ ^e fournir
cent cartouches audit détachement.
A la tête de cinq centsoixante-quatrehommes,le command'
Laverand marche d'Avrillé sur la Proustière. On y arrive à
3 heures du soir, et l'on trouve le château dévasté. Il venait
d'être livré aux flammes par Loiseau, garde national des
Sables, faisant partie de l'avant-garde du détachement.
29 juin. — Le détachement de cavalerie, mis en réquisi-
tion, part de Fontenay pour se rendre à la Proustière. Pichard
du Page et Luminais sont désignés comme commissaires
pour l'accompagner.
La m'é décide la suppression de la paroisse de Saint-Jean^
de-Fontenay, qui devint une succursale de celle de Saint-
Nicolas ; mais elle est provisoirement conservée, jusqu'à
l'agrandissement de cette dernière. Dans la nuit du 29 au 30
78 JOURNAL d'un fontenaisien
Lézardière*, ses deux fîls^ et un domestique sont arrêtés. Ils
sontconduits aux Sables, par ordre des commissaires, envoyés
sur les lieux par le dép', et enfermés , avec trente-sept de leurs
compagnons, dans la prison de la Coupe.
— Luminais et Pichard du Page se présentent au district
des Sables pour prendre la direction des opérations. Us
arrêtent que copies de toutes les pièces pouvant servir à la
conviction des prévenus d'attroupements se sont remises à
l'accusateur public avec expédition du présent arrêté, lequel
servira de dénonciation.
30 juin. — Le Directoire du district de Pontenay convoque
les anciens électeurs pour procéder^, le 10 juillet suivant, au
remplacement des curés non-conformistes.
1" juillet. — Une lettre du district de Montaigu apprend
à. celui des Sables l'arrestation à S'-Fulgent^ dans la nuit du
29 au 30 juin, du sieur Robert de Lézardière, de deux de ses
enfants, et d'un domestique;, lesquels ont été incarcérés à
Montaigu.
Le sieur Soindre, écrivain à la Proustière, annonce au
district que vendredi ou samedi dernier, il s'y est réuni
plusieurs ci-devant gentilshommes, bien armés ; que ce même
jour, MM. de Lézardière attroupèrent plusieurs paysans, au
nombre de deux cent cinquante environ ; qu'il y a reconnu ce
dernier avec ses quatre enfants ; M. de Vaugiraud, ci-devant
* Robert de Lézardière, Louis-Jacques-Gilbert, baron de Poiroux, chef des
conspirateurs, hommui d'une instruction rare, à cette époque, parmi les gen-
tilshommes du Poitou. C'était lui qui avait rédigé, arec le chevalier de La
Coudraie, savant et marin distingué, le cahier de la noblesse de la province.
Il avait épousé Marie-Jeanne-Chariotte Babaud de la Chaussade. Arrêté, le
29 juin 1791, avec ses deux fils à Saint-Fulgent, il fut conduit en prison
aux Sables, et ne fut relâché que le il septembre suivant, lors de l'amnistie
accordée par la Constituante. Après bien des périls, il se retira à Bayeux avec
sa fille, puis émigra à l'étranger à la suite du 18 fructidor. Il mourut à,
Nantes en 1801, au moment où il allait reprendre possession de la Proustière.
» Jacques-Paul, né en 1762, et Sylvestre- Joachim, né en 1767, officiers de
marine, guillotinés le 8 avril 94.
PENDANT LA RÉVOLUTION 79
chevalier et son fils ; les deux Masson de la Morinière de
Nieuil ; M. du Gl^afîault do l'Ordre de Malte ; M. Deloynes de
la Goudçaye ; M. René Baudry de la Vesquière ; le ci-devant
chevalier d'Achiais ; un des Gazeau de l'Allièru ; M., Nicollon
de l'Aumandière ; M. Gentet de la Ghesneliùre ; M. Robert de
la Verie et plusieurs autres dont il a oublié les nonas ; formant
environ trente maîtres ; les sieurs Michaud, aumônier de la
maison ; Massonet, ex-curé d'Avrillé; Sicard, hebdoma-
daire à Luçon, l'abbé Robert d'Aspremont; le petit abbé
Duchafîauct, d'environ douze à treize ans ; le s' Fleurisson,
clerc ; le s' Dugandeau de S'-Georges de Montaigu ; le
s"" Maroilleau de Jart, aussi écrivain ; que cette troupe, après
un séjour de trois à quatre jours, pensant qu'il n'y avait plus
de garnison aux Sables, rebroussa chemin ; que les paysans
revinrent chez eux, et que les nobles se rendirent à La Mori-
cière de Nieuil, oii les dames de la Proustière et autres étaient
réunies qu'ils se rendirent, de là, à l'Ayraudière et aux Gats,
paroisse de Dompierre ; qu'ayant appris là l'arrestation du
Roi, ils avaient résolu de se retirer chez eux.
— Pichard et Luminais, dressent le procès-verbal des
mesures prises par eux, à l'occasion de troubles de la
Proustière.
3 juillet. — A dix heures du soir, est conduit au directoire
des Sables, le sieur René Gabriel Baudry, de la Vesquière*,
arrêté vers les trois heures et demie, se rendant à
la maison de la Côte. Il a déclaré que le samedi, 25 juin
dernier, sur les cinq heures du soir, arrivèrent chez lui les
sieurs Deloynes et Duchaffault, qui l'effrayèrent lui et sa
femme, lui disant qu'il fallait partir sur-le-champ, pour ne pas
être exposés à être égorgés, s'ils restaient ; qu'ils s'équipèrent
sur-ie-champ et se rendirent avec eux, à La Marzelle, où ils
* Ex-noble, domicilié àLongeville. Convaincu d'avoir fait sonner le tocsin
à Lingeville et d'avoir été l'instigateur des divers soulèvements qui eurent
lieu dans le pays, il fut traduit devant la Commission militaire des Sables
et condamné à mort le 26 avril 93.
80 JOURNAL D UN FONTENAISIEN
arrivèrent vers huit heures du soir ; qu'après soleil couché,
ils en partirent et rencontrèrent, au PortrVieux, le sieur
Ghesnelière et son épouse;, dans une voiture avec la dame
Deloynes» sa fille ; l'épouse dudit Baudry et sa fille ; qu'ils
firent roule, tous ensemble pour Bois-Grolland, où ils arri-
vèrent vers minuit et demie. Que le lendemain dimanche, ils
se rendirent tous à la Proustière, où ils restèrent jusqu'au
mardi matin ; qu'il en partit entre cinq et six heures pour
se rendre à La Moricière ; que pendant son séjour à la Prous-
tière, il a vu dans la foret, une troupe de paysans armés ;
qu'il y avait en outre, le sieur Baudry, aîné de la Burcerie ;
le s' de l'Aumondière ; le s' de Vaugiraud et son fils; les deux
Masson ; les deux Gazeau de l'Audière ; le s^ d'Archiais le
jeune ; le s"" Hemery et autres ; que tous étaient armés ; mais
qu'il nest point du nombre de ceux ayant marché jusqu'au
moulin Moizeau. — Le Directoire le fait arrêter.
4 juillet. — A 2 heures du soir, arrivent aux Sables,
venant de Montaigu, Robert de Lézardière et deux de ses
enfants^, ainsi que Jacques Villeneuve, domestique de Beau-
regai'd;, de L'Allière de Ghavagnes^arrêté en même temps que
les Lézardière. Ils sont incarcérés, avec 37 de leurs complices
de la Proustière, dans la prison de la Coupe.
5 juillet. — Robert de la Salle, maréchal de camp, frère du
sieur Lézardière, se présente au district et demande quatre
cavaliers pour l'aider à rechercher Robert de la Vérie, son
frère et sa sœur, errant dans les bois, depuis l'incendie de
leur manoir, et exposés à y périr de faim et de misère.
6 juillet. — Le commande du 16"= régim^ de cavalerie reçoit
l'ordre de diriger treize cavaliers sur Talmont et treize
autres sur la Molhe-Achard.
9 juillet. — Un décret de l'Assemblée ordonne aux émigrés
de rentrer en France.
PENDANT LA RÉVOLUTION 81
10 juillet. — Hervé, Guillaume, capucin, est élu caré de Saint-
Jean, et Perreau, Jean-BaplisLe, curé de N.-D. de Fontenay.
Sur los sept heures du soir, Dmnonriez', maréchal de camp
de la 12" division mililairu, se présente au district des Sables
et remet une lettre des administrateurs de la Loire-Inférieure
annonçant que le s"" Dumouriez se transporte dans cette ville
à l'effet d'y rétablir l'ordi-e troublé, par suite de l'insubordi-
nation du Si'' régiment, suivant avis donné par M. Dupeloux,
lient' colonel dudit régiment. Le général annonce que son
intention est de passer quelques jours aux Sables, pour se
renseigner sur les troubles qui ont éclaté dans la contrée.
10-11 juillet. — On procède à l'élection des curés constitu-
tionnels du district de Fontenay*.
13 juillet. — Dumouriez se rend au club des Amis de la
Constitution des Sables et y prononce un discours.
14 juillet. — On célèbre la cérémonie de la 2^ fédération.
Sur les dix heures du matin , la municipalité suivie des
gagés de ville se rend à l'hôtel du département. Elle y trouve
réunis les administrateurs du dép' et du district, auxquels
viennent se joindre les juges du tribunal. A dix heures 1/2,
le cortège se met en marche. Un coup de canon annonce son
arrivée sur la place Royale, où les officiers de l'état-major
viennent le recevoir. Le cortège, se plaçant alors entre deux
haies de gardes nationales;, s'est dirigé, tambour battant;,
* Dumouriez, Charles-François, né à Cambi-ay (NordJ, en 1739, maréchal
de camp de la 12» division militaire sous les ordres du lieutenant-général
Verieuil, dont le quartier-général était La Rochelle. 11 mourut, en 1823, en
Angleterre.
^ Les élections eurent lieu pour les paroisses ci-apiès : Notre-Dame et ;
Saint-Jean de Fontenay ; L'hermenault ; Sainte-Hermine ; Maillé ; Denant ;
Payré ; Vix ; le Gué-de-Veluire ; Doix ; Mouzenil ; Saint-Sigismond ; Ouïmes ;
Champagne ; Chaix ; Corps ; Triaize ; Saint-Jean de Beugné ; les Magnils ;
Nalliers ; L'Orberie ; Thiré ; Ste-Gemme-la-Plaine ; Marsais, Chasnais ;
Saint-Denis-du-Payré ; Puyvavault ; Charzais ; Pissotte ; etc.
Tome m. — Janvier, Février, Mars 1890. 6
82, JOURNAL d'un PONTENAISIEN
drapeau déployé, vers la prairie, où déjà se trouvaient réunis
l'escadron de cavalerie en garnison dans la place, et la gendar-
merie nationale. Arrivé dans la prairie, le cortège a été invité
par le maire àmonter sur l'amphithéâtre;, qui y avait étéélevé^
recouvert de tapisseries, et surmonté de colonnes blanches,
entourées de guirlandes de feuilles de chêne. La troupe s'est
rangée alors en demi-cercle au devant de l'estrade. Sur un
signe du maire, les tambours et la musique ont cessé de se taire
entendre, et deux coups de canon ont été tirés dedessusla place
Royale. Le maire, s'avançant alors sur le devant du théâtre, a
prononcé un discours, tout empreint du respect et de l'obéis-
sance dus à la loi, de l'importance du serment fédératif pour
l'affermissement de la Constitution et le salut de la patrie.
Donnant ensuite lecture de la formule, tous les corps admi-
nistratifs ont prêté simultanément le serment. L'Etat-major,
les dix compagnies de la garde nat'% la musique, la gendar-
merie nationale et la troupe de ligne ont également suivi cet
exemple. Il en a été de même pour une quantité considérable
de filles, de femmes et de citoyens, non armés- Le cortège
est descendu de l'estrade ; a parcouru, dans le même ordre,
les diverses rues de la ville, j usqu'à l'hôtel du dép^ où le maire
a remercié les officiers de l'état-major et toute la garde
nationale, qui se sont alors retirés. Les administrations étant
entrées dans la salle, le président les a haranguées, et leur
a dit que ce jour était le plus beau de sa vie^ puisqu'il voyait
tous les corps administratifs unis d'esprit et de cœur.
La même cérémonie s'accomplit aux Sables, sur la place
Garcado. Dumouriez et les troupes de la garnison y prêtent
le serment exigé par la loi.
Avant de partir pour Luçon^ Dumouriez adresse des
Sables^ au procureur-général-syndic, la copie de son serment
d'obéissance à la Constitution. Dans la soirée, il se rend au de-
vant du régiment de la Sarre, arrivant de la Rochelle, et
allant tenir garnison dans la Vendée, la Loire-Inférieure et les
Deux-Sèvres.
pendant'la révolution 83
15 juillet. — Dumouriez requiert la m'é de Luçon de se
rendre, à six heures du soir, sur la place d'armes, à l'effet
d'assister à la prestation de serment de la troupe de ligne et
de la garde nat'% lequel est conçu en ces termes : « Je jure
» d'employer les armes, mises dans mes mains, à la défense
» de la patrie, et à maintenir, contre tous ses ennemis du
» deliors et du dedans, la Constitution décrétée par l'Assem-
» blée Nationale ; de mourir plutôt que de souffrir l'invasion
»• du territoire français par les troupes étrangères; et de
» n'obéir qu'aux 0""dres qui seront donnés en conséquence
» des décrets de l'Assemblée Nationale. »
16 juillet. — L'Assemblée Nat'" décrète qu'il sera envoyé
incessamment en Vendée deux commissaires civils avec
mission d'étudier la source des troubles de la Vendée et de
prendre les moyens nécessaires pour rétablir la tranquillité.
— Cochon de Lapparent' donne lecture à la Constituante de
son premier rapport sur les événements de la Vendée.
17 juillet. — A huit heures et demie du matiU;, la garde
nat'* a été convoquée sur la place Royale, pour assister à la
prestation de serment de Hervé, curé de Saint-Jean et Perreau,
curé de Notre-Dame. Faisant escorte à la m^é , elle s'est ren-
due, sur deux rangs, tambours et musique en tête, à l'église
Saint-Jean A l'arrivée du cortège, Hervé, s'est placé sur
les marches de l'autel;, et a prononcé un discours auquel
le maire a répondu. Le curé a prêté le serment voulu
par la loi, et acte en a été dressé sur le registre, qui lui
a été remis pour être déposé dans l'église. Il a ensuite célébré
l'office, à la suite duquel la m^é i'^ introduit dans la maison
* Cochon de Lapparent, Charles, né le '^4 janvier 1750, à Champdeniers
(Deux-Sèvres), conseiller à la sénéchaussée de Fontenay, député du Tiers à
l'Assemblée Nationale, président du tribunal des Deux-Sèvres en 1791, député
à la Convention, puis au Conseil des Anciens, ministre de la police générale
en 1796, préfet de la Vienne et des Deux-Nèthes, sénateur et comte de l'Em-
pire en 1809, exilé en 1816, amnistié en 1818, mourut à Poitiers le 7 juillet
1825.
84 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
curiale, restée vacante par le départ du précédent curé. Sur les
dix heures, le cortège^, accompagnant les sieurs Hervé et Per-
reau, s'est rendu à Notre-Dame, où se sont trouvés rassemblés
les membres des direct"^ de dép' et de district, les juges du
tribunal, les officiers de gendarmerie et la troupe de ligne.
Perreau, après avoir gravi les marches de l'autel^ a prononcé
un discours approprié à la circonstance, auquel a répondu le
maire. Il a alors prêté le serment requis^ et acte en a été
également dressé sur un registre remis par la m'é. Le curé
a ensuite célébré la grand'messe, pendant laquelle ont été
exécutés divers morceaux de musique, en présence d'une
foule considérable. L'office terminé, le s' Perreau a été con-
duit à' la maison curiale^ également vacante par le départ
du s' Bridault, et en a pris possession.
18 juillet. — Dumoariez adresse une proclamation à la
jeunesse vendéenne, pour l'appeler au secours de la patrie,
menacée par l'étranger.
22 juillet. — Un décret appelle 97,000 gardes nationales à
l'activité.
23 juillet. — Louis XVI nomme Gauvain-Gallois' et Gen-
sonné', commissaires civils en Vendée, à l'effet d'y étudier
les causes des troubles et les moyens d'y rétablir la tranquil-
lité publique.
24 juillet. — Balthasar Tixier, vicaire de Saint-André-
des-Arts, à Paris, prête serment dans la Cathédrale de Luçon,
en qualité de grand vicaire de la Cathédrale.
(A suivre.) A. Bitton.
* J.-Aiit. Gauvain-Gallois., C''» de l'Instruction publique de Paris, tra-
ducteur des œuvres de. Filangieri (Gaétan) .
' Gensonn^ lArmand), né à Bordeaux, en 1758, avocat au Parlement de
cette ville. Il fut envoyé, en 1791, à l'Assemblée ly-gislative, puis à la Con-
vention 11 y forma, avec Guadet et Vergniaud,le noyau du parti de la Gironde.
Arrêté le 2 juin 179:i, décrété d'accusation le 3 octobre, il fut traduit devant
le tribunal révolutionnaire, condamné et exécuté le 31 octobre 1793. C'était
l'ami et le confident de Dumouriez.
CHRONIQUE
L'inauguration du monument dédié à Paul Baudry dans
le cimetière du Père-Lachaise a enfin eu lieu, le 20 fé-
vrier 1890.
Nous avons dit précédemment ce qu'est le monument. Il nous
reste à parler de la cérémonie.
A l'heure dite, tous les invités étaient présents. Outre la délégation
de l'Institut et de la Société des Amis des Arts, nous retrouvons là :
M. Larroumet,directeur des Beaux-arts ; Charles Garnier,réminent
architecte de l'Opéra, M. Poubelle, préfet de la Seine, MM. Bonnat,
Gérôme, Henner, Glaize, Clairin, Lenepveu, le comte de Nouy, Ber-
teauî, Toulmouche, Maurice Chabas, M. Edmond Robert, MM. Aris-
tide Batiot et Le Roux, députés de la Vendéa, M. le sénateur Halgan,
M. Alasonnière, le graveur vendéen, MM. Bouet et Bastard, délégués
du Conseil municipal de la Roche, Bailly, Richard, représentant le
Conseil municipal de Paris, M. Torrès, MM. Edme Paz et Marcel
Baudouin, et au premier rang, la famille composée de Madame
Clergeau, de MM. Auguste et Ambroise Baudry qui entouruient
Madame Paul Baudry et ses deux enfants.
A deux heures précises, le voile qui couvrait le monument tombe
brusquement et au milieu de l'émotion générale, apparaît le buste
du grand artiste. Un mouvement se fait dans la foule, et debout
sur la marche du monument, M. Larroumet prend la parole au nom
de l'Etat. Dans un très éloquent discours, M. Larroumet rappelle
86 CHRONIQUE
les fegrets que la France entière témoigna de cette perte inat-
tendue « le jour où son cercueil gravit cette colline où tant de
« morts illustres l'accueillaient comme un égal. » II constate que
les quatre années qui ont passé sur la mort du grand artiste ont
respecté intacte cette grande gloire, et il essaie de déterminer le
caractère de ce beau talent. « On apprécia au prix de quels efforts et
« de quelle volonté toujours tendue il avait conquis cette puissance
« de création, si facile en apparence, qui lui permettait de renou-
vêler l'admiration à chaque oeuvre nouvelle... A ces dons d'ori-
c gine, se joignirent une sensibilité délicate, le besoin d'émotions
« personnelles, d'impressions fraîches et vives, la haine de la con-
« vention : il a aussi le goût bien français de l'élégance, de la clarté;
.. il aime les lignes sveltes, la souplesse des formes féminines, les
o colorations lumineuses et franches. » Après lui, Bouguereau et
Meissonnier prennent la parole, et ces deux artistes, grands entre
les grands, saluent en Baudry un rival admirable qui a tenu, dans
la peinture française, une place pour longtenips vide. MM Thomas,
au nom de l'association du baron Taylor, etBailly au nom des ar-
chitectes français, se font l'interprète des regrets de leurs collègues.
Puis successivement MM. Halgan, Le Roux et Edmond Robert
parlent au nom de ce département de la Vendée qui a vu naître le
■grand artiste, qui l'a (encouragé dans cette carrière si difficile, qui
l'a soutenu à Paris et à Rome ensuite, lui permettant ainsi d'élargir
ses inspirations et de s'enivrer des visions du passé et des modèles
éclatants de Michel-Ange et de Raphaël. Et M. Robert revendique
justement pour un de ses prédécesseurs M. Gauja, l'honneur
d'avoir deviné dans l'enfant amoureux du beau, le créateur et le
grand peintre.
• Enfi'n, M, Garnier prend la parole à son tour, après le discours de
M. Richard, au nom du Conseil municipal de Paris. L'émotion de
réminent architecte est profonde, et, à chaque instant, sa voix se
mouille de larmes. C'est que Baudry n'a pas été seulement son
collaborateur; il a étésonami,son ami leplus tendre et le plus intime,
depuis la villa Médicis jusqu'au jour où ensemble ils entreprirent
la décoration de l'Opéra. La péroraison est d'un grand effet, o Dieu
« a voulu que les souvenirs amers s'adoucissent avec le temps et se
« fissent plus tendres et plus affectueux. La vie s'est poursuivie et
a on se surprend à dire avec moins de tristesse le nom des chers
« absents. C'est que l'homme sent bien qu'il y a deux existen';es, que
« les douleurs de l'une sont épargnées ii l'autre et que s'il est permis
« de pleurer celui qui nous quitte, c'est presque un sacrilège que de
CHRONIQUE 87-
« le plaindre.... Nous savons bien que l'ami n'est plus que pour
« quelques-uns, tandis que l'artiste est à, la France entière ! » Et
c'est tout. Les invités, douloureusement émus, défilent devant la
veuve du grand peintre, sans chercher à consoler cette douleur qui
est, hélas! inconsolable, et le préfet de la Seine a, seul, l'inspiration
attendrissante d'embrasser les deux enfants de celui qui dort
maintenant, dominant Paris et cet Opéra, gardien de ses chefs-
d'œuvre et de son souvenir.
Des raisons de santé nous ayant empêché à notre grand regret de
répondre à l'invitation de M. Bouguereau, président de la commis-
sion du Monument, et d'assister à la cérémonie d'inauguration, nous
avons dû en emprunter les détails à notre confrère Joël Lefort,
correspondant parisien du Libéral de la Yenclée.
Le Publicateur de la Vendée àw. 23 février '1890 a reproduit les
discours prononcés à cette occasion par M. Halgan, sénateur et par
M. Le Roux député de la Vendée.
Par arrêté du Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts, en date du 15 janvier 1890, le château de l'Ile-d'Yeu a été
classé parmi les monuments historiques. M. Chaîne, architecte atta-
ché au service des monuments historiques, a çté chargé de visiter
ces restes intéressants et d'examiner s'il y aurait lieu de prendre
quelques mesures pour assurer leur conservation.
C'est un heureux résultat de la campagne précédemment pour-
suivie par M. J. Robuchon, en faveur de ce curieux monument.
Notre collaborateur et ami, M. Louis, professeur au lycée de la
Roche-sur-Yon, vient d'être promu à une classe supérieure.
Nos plus cordiales félicitations.
L'église Notre-Dame de Fontenay vient d'être dotée d'un grand
orgue sortant des ateliers de M. Debierre, à Nantes. Ce remarquable
instrument a été solennellement inauguré, le 13 février 1890, sous
la présidence de Mf Catteau, évéque de Luçon.
Accordons par la même occasion un juste tribut d'éloge à la par-
faite exécution de la nouvelle tribune qui le supporte.
Un très brillant concert a été offert en février, par la Lyre
Fontenaisienne à ses membres fondateurs, sur la scène de notre
ville. Nous avons plus particulièrement été heureux d'y applau-
dir la sérénade à V Aimée de nos compatriotes A. Bonnin et A. de La
Voûte, merveilleusement chantée par M^^« Lucie del Bernardi, une
très gracieuse artiste du Palais-Royal ; et un nouveau choeur de
88 CHRONIQUE
M. Alfred Rousse — Honneur au travail— exécuté avec un rare
mérite par la Société Chorale de Fontenay.
Au moment de mettre sous presse, on nous signale une importante
découverte de monnaies de diverses époques, faite sous le seuil de
la porte d'un moulin, près Longèves (Vendée). Nous en reparlerons.
Une autre découverte aurait également été faite à Saint-Hilaire-
de-Vousti ; il s'agit, cette fois, d'un souterrain refuge. A bientôt les
détails.
Un acte de vandalisme, contre lequel. on ne saurait trop protester,
vient d'être commis par le Conseil municipal de Poussais (Vendée).
Malgré l'énergique opposition de M. Hubert de Fontaines, cette
assemblée a décidé la réédification de l'ancien ballet qui défigurait
si fâcheusement le remarquable portail xn« siècle de l'église de
cette localité.
Sans se préoccuper davantage de la Commission des monuments
historiques qui avait cependant à se prononcer, dans l'espèce,
puisque le monument est classé, le Conseil municipal a fait immé-
diatement exécuter le travail.
Nous en appelons à qui de droit.
A la réunion publique de la Société des Antiquaires de l'Ouest
(.5 janvier 1890), M René Vallette a lu un travail sur les Femmes illus-
tres du Bas-Poitou, qui sera publié ultérieurement dans cette Revue.
M. Lièvre, dans sa conférence d'archéologie régionale à la Faculté
des lettres de Poitiers, a traité de la Sidérurgie chez les Gaulois et
des cendres de Nalliers.
Comme l'année dernière, la session du congrès des Sociétés*
savantes, aura lieu à I^aris, en 1890, dans la semaine de la Pentecôte.
Une exposition de Beaux-Arts rétrospectifs aura lieu à Tours
pendant les mois de mai et de j uin, sous la présidence de M. Palustre.
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 89
NÉCROLOGIE
M Charles SOUCIIET, ancien maire de Maillezais, ancien pré-
sident de la Société des Marais de la Jeune-Autise, ancien
conseiller général du canton de Maillezais, décédé à Mail-
lezais, le 13 décembre 1889, dans sa62« année.
M. l'abbé F. MOUILLÉ, aumônier des Frères de Saint-Gabriel,
décédé le 21 décembre 1889.
Né à Cugand, le 13 décembre 1828, et ordonné prêtre le 17 décembre
1853, M. l'abbé Mouillé-avait été nommé aumônier de Saint-Gabriel
au mois d'octobre 1863, après avoir été professeur pendant 11 ans
au Séminaire des Sables.
M. Albert-Marie-Regis MARCETTEAU DE BREM, lieutenant de
vaisseau, chevalier de la Légion d'honneur, âgé de 43 ans, décédé à
l'hôpital de Rochefort, le 8 janvier 1890.
Fils du trop modeste auteur de V Histoire populaire de la Yendèe,
du Boyihomme-Quatorze et du Moulin de Landerose, et de beaucoup
d'autres nouvelles vendéennes, M. Régis de Brem était un officier
de grande valeur, qui s'était particulièrement distingué par son
héroïque conduite à la prise de Sfax
Le R. p. BONNIN, de la Compagnie de Marie, décédé le 1.5 janvier
1890, à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
Madame Henri TILLIER, née Adèle-Agathe Tillier, décédée à Saint-
Hermine, le 17 janvier 189(i, à l'âge de 79 ans.
M. l'abbé Auguste SIMONNEAU, décédé à l'Ile d'Elbe, le 20 janvier
1890.
M. l'abbé Simonneau était un érudit d'un talent original, auquel
on doit un grand nombre d'études historiques intéressantes, h' An-
nuaire de la Société d'Emulation, la Revue historique de l'Ouest, le
90 CHRONIQUE — NÉCROLOGIE
Conservateur de la Vendée, la Semaine Catholique de Luçon ont été
à plusieurs reprises honorés de sa collaboration.
M. Henri-Joseph de BONNEGENS DES HERMITANS, président
honoraire du tribunal civil de Saint-Jean-d'Angély, et chevalier de
la Légion d'honneur, décédé au château des Hermitans, commune
de Venansault (Vendée), le 21 janvier 1800, dans sa 84^ année.
Issu d'une ancienne famille dérobe, M. de Bonnegens joignait à
la distinction de ses manières, une érudition profonde, dont sa
conversation conservait la plus heureuse réminiscence, et une
sîireté de relations due à la bienveillance de son caractère, autant
qu'à la générosité de son cœur.
Marié à M"" Mercier, il avait fait bâtir en Vendée, au milieu de
vingt et quelques fermes, un château qu'il avait baptisé du nom d'un
fief du canton de Saint-.Iean-d'Angely, possédé aujourd'hui par un
neveu du défunt : Les Hermitans.
M. l'abbé JAGEXEAU, ancien curé de la Merlatière, décédé le
26 janvier 1890.
M. Constant VERGER, décédé à Nantes, fin janvier, à la suite
d'une courte maladie.
Sa compétence et son autorité en agriculture lui avaient valu le
titre de président d'honneur du Syndicat des agriculteurs de Vendée.
Les choses de l'esprit ne le laissaient pas davantage indifférent
témoin, la très savante étude qu'il publiait sur ï Abbaye de Bois-
GroUand, dans la Revue historique de VOuest,diVi moment où la mort
est venue le surprendre.
M. Emilien CHARRIOT, docteur en médecine, décédé à Chaillé-
les-Marais, le 29 janvier 1890, dans sa 55* année.
M. Morin d'YVONNIÈRE, ancien conseiller général du canton du
Poiré-sur-Vie, décédé fin janvier 1890.
« Un seul mot — dévouement — résume la vie de l'homme de
bien qui n'est plus, dit à son endroit le Publicateur de la Vendée^
(N» du 2 février 1890). Dévouement à son pays et au canton qui lui
était si cher. »
M. Adolphe BOUTILLIER DE SAINT- ANDRÉ, banquier, décédé à
Cholet, à l'âge de 48 ans, et inhumé à Mortagne, le 4 février 1890.
« Issu d'une famille des plus honorables, dit le Publicateur de la
Vendée i}^" dn 7 février 1890, M. Boutillier de Saint-André laisse
dans le monde des affaires comme dans celui de la bienfaisance un
vide qui ne sera pas comblé de longtemps. »
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 91
M. le docteur Bourgeois, député de la Vendée, a prononcé sur la
tombe du regretté défunt un discours plein d'émotion (voir le Pu-
blicateur de la même date).
Madame Aimée-Clarice MÉREL, veuve de M. Auguste-Joseph-
Paul Rousse, décédée à Fontenay-le-Comte, le 6 février 1890, dans
sa 08® année.
Madame Rousse était la tante de notre excellent collaborateur et
ami, M. Henri-Daniel Lacombe, 'auquel nous adressons nos plus
sympathiques condoléances.
Le R. P. Adolphe BRAZILLE, missionnaire de Chavagnes, dé-
cédé le 13 février 1890, à Chavagnes-en-Paillers.
Marie-Hyacinthe-Agathe POSTAIRE, veuve de Pierre-Victor du
Garreau de la Méchenie, décédée aux Sables-d'Olonne, à l'âge de
58 ans (11-17 février 1890).
M. Victor TREUTTEL, ancien percepteur des contributions di-
rectes, décédé à Longèves, le 19 février 1890, dans sa 68^ année.
Le R. P. LEBOSSÉ, eudiste, ancien professeur de l'Institution
Richelieu à Luçon, décédé, le 20 février 1890, au séminaire de la
Roche du Theil, près de Redon.
M. le chanoine Louis-Edmond BOURBON, décédé le 24 février 1890,
à Luçon.
Né le 2 janvier 1816, au Biotissandeau, paroisse d'Ardelay,
M. Bourbon, après de brillantes études faites au séminaire de Saint-
Sulpice de Paris, fut nommé professeur de philosophie au grand
séminaire de Luçon en 1839, puis chanoine titulaire en 1863.
Partageant son temps entre la prière et l'étude, dit la Semaine
catholique du l" mars 1890, M. Bourbon s'occupait plus particu-
lièrement dans ses dernières années du plain-chant et de musique
religieuse.
Les pauvres perdent également en lui un bienfaiteur insigne.
Après les obsèques célébrées à la cathédrale de Luçon, le corps
a été transporté à Ardelay, où il a été déposé dans le caveau de la
famille.
M. de WARESQUIEL DE MESGALAND (Albéric-Henri), officier
de la Légion d'honneur, inspecteur en chef de la marine en retraite,
décédé à Fontenay-le-Comte, à l'âge de 69 ans (février 1890).
Madame Louise BLAY, épouse de M. Jean Coulais, maire du
Langon, décédée au Breuil, le 12 mars 1890, à l'âge de 63 ans.
92 CHRONIQUE ~ BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
DE tous les héros que les guerres de la Vendée ont fait naître,
Henri de la Rochejaquelein est à coup sûr celui dont la mâle
physionomie, personnifie le plus complètement le caractère
de cette lutte de géants. Mais après les Mémoires de la marquise de
la Rochejaquelein et les nombreux ouvrages qui s'en sont inspirés,
il semblait difficile de publier à son endroit quelque chose d'inédit.
L'ouvrage qui vient de paraître sous le titre de Henri de la Ro-
chejaquelein et la Guerre de la Vendée, diaprés des documents iné-
dits nous prouve éloquemment le contraire.
Dans ces pages admirablement écrites, La Rochejaquelein revit
tout entier, avec son courage merveilleux, son activité incomparable,
sa modestie dans le conseil, sa décision dans le combat, tel que l'ont
apprécié tous les historiens, mais comme nul encore ne l'avait fait
si complètement revivre.
A la fin de cette biographie, qui semble comme le corollaire des
Mémoires de la grande marquise, nous trouvons rassemblés, des
détails empruntés aux archives de la famille et surtout à celles de
Clisson, des prières vendéennes, les diverses versions historiques
sur la fin du héros, l'exhumation de ses restes.
Une excellente eau-forte de M. 0'. de Rochebrune nous montre la
chapelle de St-Aubin de Baubigné sous laquelle sont ensevelis les
membres de la famille. Une carte donne le tracé de la marche d'Outre-
Loire et une héliogravure reproduit fidèlement le seul autographe
que la postérité ait conservé d'Henri de la Rochejaquelein.
Cet ouvrage, imprimé avec grand luxe chez Lacuve, à Melle, a été
édité à Paris, chez Champion.
Vous demandez le nom de l'auteur? — Mystère et discrétion.
En publiant Paris pendant la Terreur, notre savant collaborateur,
M. Edmond Biré, vient de donner une nouvelle preuve de son
inépuisable érudition et de son merveilleux talent d'écrivain*.
' 1 vol. in-lG. Librairie académique Perrin et C'«, 35 quai des Grands-
Au^ustins.
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 03
Ce livre est la suite et lo complément de Paris en 1703, couronné
cette année par l'Académie Irançaise {second prix Gober t). Ce nouveau
volume comprend la période qui va du :n mai au 31 octobre 1703,
de la chute et de la proscription dis Girondins à leur procès et à
leur exécution. 11 renferme les scènes les plus tragiques, la mort et
les funérailles de Marat, l'exécution de Charlotte Corday, le procès
du général Custine, le supplice de Marie-Antoinette. Plus encore
que dans Paris en 1793, l'auteur s'est attaché à peindre la vie de
Paris pendant la Terreur, et il conduit tour à tour le lecteur au
club des Jacobins, au tribunal révolutionnaire et dans les tribunes
de la Convention, dans les cafés, les restaurants et les théâtres.
Tous les détails sont de la plus rigoureuse exactitude. Pas un fait
n'est avancé sans une preuve, sans un document à l'appui, C'est
une œuvre historique de haute valeur, en même temps qu'un récit
de l'intérêt le plus dramatique.
Notre éminent confrère et ami, M. Marius Sepet, a récemment fait
paraître chez Retaux-Bray, 8i, rue Bonaparte, un ouvrage intitulé :
les Préliminaires de la Révolution, qui n'aura pas un moindre suc-
cès que son précédent livre sur Jeanne d'Arc.
Ce volume comprend deux parties. La première a pour suj^
La Société française à la veille de la Révolution^ . L'auteur s'est pro-
posé d'y tracer un tableau clair et attachant de l'ancienne France
telle qu'elle était au moment de l'ouverture des États généraux. Il
passe successivement en revue les moeurs, les idées, les institu-
tions, et décrit le mécanisme complexe du gouvernement et de l'ad-
ministration, en l'expliquant par l'histoire. Il montre l'origine et le
jeu des diverses influences dont l'action combinée prépara la ruine
des vieilles institutions françaises.
Le tableau a un complément nécessaire dans la seconde partie où
sont racontés les événements, trop oubliés, des dernières années de
Vancien régime. L'auteur s'est attaché à présenter un récit fidèle et
impartial des tentatives, des luttes, des péripéties qui marquèrent
successivement la fin du ministère de Calonne, celui de Loménie de
Brienne et le second ministère de Necker. Les délibérations des
Notables, les conflits avec le Parlement, les troubles de Bretagne et
du Dauphiné, le mouvement électoral de 1789, offrent une suite de
scènes émouvantes et curieuses.
L'auteur s'est efforcé, en exposant les faits avec exactitude et en
les appréciant avec équité, de leur conserver dans le récit leur va-
♦ Beau volume in-18 jésus, 3 fr. 50.
04 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
leur dramatique et pittoresque. Il n'a pas négligé non plus, dans la
mesure de ses forces, de faire ressortir les portraits, les caractères
des personnages qui y figurent, et dont plusieurs : Necker, Mira-
beau, Mounier, La Fayette, Sieyès, devaient bientôt jouer un rôle si
considérable dans la Révolution elle-même.
Il a fait, en un mot, tout ce qui lui était possible pour que ces
événements, qui nous touchent encore de si près, joignissent dans
son livre, comme ils le font en eux-mêmes, aux graves leçons de
l'histoire, quelque chose de l'intérêt que l'on cherche et que l'on ne
trouve pas toujours dans les compositions romanesques'.
Dans le même journal, n"^ du 31 janvier 1890, un article de R. de
TnivERrAY, intitulé : En Emigration.
Le Pub Licateur delà Vendée, à\x\ A vci-avA 1890, a inséré dans ses
colonnes une pièce de vers de notre distingué compatriote et ami,
M. Emile Grimaud.
Titre : Le duc d'Orléans.
Dans la Semaine catholique du diocèse de Luçon, n° du 8 mars
1890, h citer: Un article consacré à Paul Baudry, au point de vue
des sentiments religieux du grand artiste (pp. 227 et 228).
Promenades historiques à travers Fontenay-le-Comte, tel est le
titre du feuilleton que publie dans lejournal la Vendée M. Braud,
instituteur libre à Auzais.
Chez Léon Piquet, éditeur, 25, rue de Vaugirard, et chez Bideaux,
imprimeur-libraire, à Luçon : La nouvelle guerre de Vendée, épisode
de la Gaubretière.
Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs qu'un Annuaire
du département de la Vendée va être prochainement publié.
Ce genre d'ouvrage qui existe dans la plupart des départements
manquait totalement à la Vendée, et nous ne saurions trop louer
MM. Chaillou et Grit, employés à la mairie de la Roche-sur-Yon, de
leur intelligente initiative.
Outre les renseignements statistiques, administratifs et commer-
ciaux, VAymuaire vendéen fournira sur chaque commune une courte
notice archéologique, géologique et'liistorique.
Nous avons déjà eu l'occasion de signaler l'intérêt historique que
présente le Bulletin tnunicipal de Poitiers, fondé dans cette ville
au mois d'août 1889, par M. Puisay.
Le supplément du numéro de janvier 1890 mérite, à notre point
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 05
de vue vendéen, une mention toute spéciale, en raison des Variétés
qu'il contient. Nîous entendons parler de VAbrégê historique de la
province de Poitou et de sa capitale en 1790, qui renferme de pré-
cieux renseignements sur plusieurs localités du Bas-Poitou, et
notamment sur Fontenay-le-Gomte, Luçon, Sainte-Hermine, Benêt,
les Sables d'Olonne, Saint-Gilles, JSoirmoutiers, Montaigu, etc.
Le 2« fascicule (Aud à Bas) du Dictionnaire des faniilles\du Poitou
vient de paraître. Nous ne pouvons mieux faire que de renouveler
à son égard tous les éloges que nous adressions naguère à son
devancier.
Les Archives du diocèse d% Luçon continuent avec un intérêt
soutenu leur publication sous la savante direction du P. Ingold et
de M. l'abbé Pondevie,
Viennent d'y paraître : Dans la série Notices historiques et
Monographies :
r La suite et la fin du canton de la 'Roche-sur-Yon, et le com-
mencement de celui de Chayitonay .
2° Les Abbés du monastère de la Blanche, par M. le docteur Viaud-
Grandmarais.
Dans la série Visites canoniques :
1° Les Visites antérieures au XlVe siècle ;
2° La Visite de Bertrand de Got.
Sous le titre : Fontenay dans le passé, notre distingué collabo-
rateur, M. L. Brochet poursuit dans les colonnes du journal
V Avenir-Indicateur, avec la science profonde qui lui est accou-
tumée, la très intéressante histoire de notre cité. Il est à souhaiter
que cette consciencieuse étude soit, un jour, réunie en brochure.
Du même : Une page d'histoire locale — Napoléon et Joséphine à
Fontenay, publiée également dans V Indicateur (N"^ des 2(3 et 28 mars).
M. Lucien Darville, l'auteur de la Belle-Olonaise, publie depuis
le 2 février 1890 dans V Etoile de la Vendée un intéressant feuilleton
intitulé : Les Frères de la Côte, et qu'il dit être l'écho fidèle de
« Nosles recueillyes par Renry-Charles de la Trémoylle, prynce de
Tarente et de Talmont, né à Thouars en 1616, et découvertes dans
les ruines du château de Talmont.
Notre vénérable collaborateur et ami, M. le docteur Petiteau, à la
maison duquel M™» Loïc Trèmor accordait naguère dans VEtoile
de la Vendée, les meilleures notes de sa lyre (La maison du Méde-
cin, janvier 1800), continue dans ce journal la publication de ses
Ephémérides Sablaises et Poitevines.
96 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
Dans le journal la Vendée, n" du 12 mars 1890 : Les deux combats
de Lvçon, extrait de l'ouvrage récemment édité chez Champion et
dont il est question plus haut : Henri de la Roche] aquelein et la
guerre de la Vendée, d'après des documents inédits.
Sous presse chez M. Gouraud, imprimeur-libraire, Fontenay :
Le Cahier du clergé poitevin en 1789, par H. Beauchet-Filleau.
Le tome VII de ['Histoire dit Poitou par M. l'abbé Auber.
A propos de ce dernier volume, il nous est permis de rassurer les
esprits inquiets, en annonçant que des dispositions sont prises
par l'éditeur afin que l'ouvrage soit terminé d'ici un an.
Viennent de paraître chez M. Baud, imprimeur-libraire, Fontenay :
Histoire-Sommaire de la ville de Poitiers par BélisaircLedain (réim-
pression de la notice publiée dans les Paysages et Monuments du
Poitou.)
Le Bulletin de la Société d'horticulture de Fontenay-le-Comte
(t. VI, n»^ XI et XII), broch. in-8», pp. 104-136.
La Revue Poitevine nous apprend que M. Frédéric Ritter, an-
cien ingénieur des ponts-et-chaussées, a terminé sa traduction
complète des œuvres mathémathiques de François Viète, et qu'il
met présentement la dernière main à la biographie du célèbre ma-
thématicien fontenaisien.
De M. Imbert de Saint-Amand :
Les Femmes des Tuileries. — La Captivité de la duchesse de Berry.
Nantes et Blaye. Paris-Dentu, in-12, 396 p.
De M le docteur Viaud-Grand-Marais : Etudes sur Noirmoutiers .
— Notre-Dame de la Blanche, broch. in-B", 34 p. avec dessin. Luçon,
Bideaux, 1890 {Ext. des Archives historiques du diocèse).
Dans le Niort-Artiste, n" du 22 décembre 1800 : Un Disparu : Jules
Fleury, dit Champfleury . Article signé : II Pi.ick, dans lequel nous
retrouvons tous les détails publiés précédemment par M. R. Vallette,
dans la Vendée, sur la visite du grand céramiste à l'abbaye de
Maillezais.
La Revue Poitevine, sous la signature autorisée de son directeur,
notre ami Jos. Berthelé a commencé la publication dune sorte de
dictionnaire des Anciens Artistes et Artisans poitevins ou ayant tra-
vaillé pour le Poitou. (X° du 15 mars 1800.)
Nous y relevons les noms de : Nicolas Clerleau « habile horloger
de la paroisse de Péault-sur-Mareuil » 1751 ; Yon, adjudicataire des
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE ^7
travaux des casernes de l'hùtel de ville et dos maisons du quai de
Fontenay-le-Corate (1751) ; Parent de Curzon, sous-ingénieur des
ponts-et-cliaussées, char^fê du devis des réparations à faire au
clocher de la même ville (17r)9) ; André Laine et Louis Berlin, maître
entrepreneur et conducteur dos ouvrages du roi aux Sables d'O-
lonne(1773); François Laidet, invQniewv d'une pendule en cuivre
à carillon à Challans, 1770).
Echos du Bocage Vendéen. — Sommaire du n" VI de la sixième
anné? : I, Abailardel Héloïse, par Paul Perret. — II. M. deSt-Gilles
d'Asson et le<! Provinciales. — 111. La Madeleine de Clisson, par A.
Amaury. — IV. Donation faite par Guillaume Sauvage et Catherine,
sa femme, aux Templiers de la Madeleine de Clisson, par Dugast-
Matifeux. — V. Mort du général Eaxo, par Le Bouvier-Desmortiers.
— VI. Marguerite de Belleville, dame de Montaigu, par Louis Prével.
Dans Va, Revue historique de rOMe5i(6' année, l""" livraison, p. 58 et
suivantes) : continuation de l'étude de M. Constant Verger sur V Ab-
baye de Bois-Grolland en Poitou (la Liste des Abbés).
Du R. P. Ingold, prêtre de l'Oratoire, ot l'un des plus savants
collaborateurs de cette Revue :
Jean-Juvénal Ancina, de VOratoire, évoque de Saluées. Lille,
Desclée et de Brouwer. 1890, broch. in-32, -i^ p. avec grav.
Le dernier numéro (n" 17. — -!« année. — 1890) de l'A^rti des
monuments, que dirige avec tant de talent notre conlrère et ami
M. Charles Normand, contient deux très jolis dessins de M. Balleyr
guier sur le château de Tiffauges (restitué). Une petite notice
accompagne les deux planches (p. G).
Le même lascicule, renferme sous la rubrique générale : Curiosités
françaises, une note sur le Lieu de naissance du Cardinal de
Richelieu, qui est le résumé de l'article publié par M. 0. de Roche-
brune dans notre précédente livraison (p. 49.)
Notre éminent collaborateur Monseigneur X. Barbier de Montault,
dont la science est inépuisable, vient de fonder un nouveau recueil
qui nous paraît appelé à rendre les plus importants services aux
archéologues. Il a pour titre : Reçue des Inventaires ecclésiastiques,
civils et militaires, et paraît tous les deux mois, dans le format de
la Revue de VArt chrétien dont il est un annexe'.
Nous adressons à ce nouveau confrère nos meilleurs souhaits de
bienvenue.
* Bureaux : rue Bergère, 9 Paris. Abonnement : 5 francs par an.
98
CHRONIQUE
ntBI.lOGRAPHIK
De notre excellent ami -Tos. Berthelé, directeur de la Revue
Poitevine : Essai sur Vari campanaire en Poitou dn XI U^ au
XIX* siècle siècle. Paris, Leroux, 1889, broch. in-S", 1-j p. (Extrait du
Bulletin archéologique du comité des travaux historiques et scien-
tifiques).
Qu'on nous permette de terminer par une note qui pourrait pa-
raître un peu personnelle, si l'intimité la plus parfaite ne régnait
pas entre tous les collaborateurs de cette Revue :
Dans son rapport à l'assemblée générale de la Société des Anti-
quaires de l'Ouest, qui s'est tenue le 5 janvier dernier, M. de la Bou-
ralière, secrétaire de cette compagnie, a bien voulu dans les termes
suivants rendre hommage à nos efforts :
• « A Fontenay, M. René Vallette soutient les traditions de sa ville
natale qui fut de tout temps une source de beaux esprits. Sous son
intelligente direction, la Revue du Bas-Poitou a tenu toutes les pro-
messes de son programme et elle achève brillamment la deuxième
année de son existence. »
Au nom de notre directeur, nous adressons à M. de la Bouralière
nos plus sincères remerciements.
R. DE Thivercay.
Ij' hirecteur-Géranl : K. Vallkttk
Vannes. — Imprimerie Euf/ène LAFOLYE, 2, place des Lice».
"' •*«'-^*>"-' CllAPlTEAUX.::.=..uE';Lr^E.Dg.B O URHtAU. '•^'"*'-^
DÉCOUVERTE D'UNE CHAPELLE
DU XVr SIÈCLE DANS L'ÉGLISE DE BOURNEAU
UNE découverte intéressante au point de vue artistique
et archéologique a été faite dans l'église de Bourneau,
le 5 septembre 1886. Depuis plusieurs années, Mon-
sieur le curé de cette paroisse s'occupe de restaurer avec
infiniment de goût, les murs intérieurs de cet édifice qui a eu
la bonne fortune de conserver toutes ses voûtes d'arête à ner-
vures saillantes. Les retables en pierre ont disparu pour
faire place à de jolies verrières d'un ton doux laissant tamiser
facilement la lumière, ce qui n'assombrit en rien la nef et les
bas-côtés. La plus belle de ces verrières, terminée depuis peu,
avec le concours toujours généreux d'un donateur proche
voisin de cette commune, produisait un effet éclatant derrière
le maître-autel* ; mais par contre, elle faisait ressortir davan-
tage la pauvreté d'un grand mur nu, formant le flanc de la
dernière travée du bas-côté septentrional. Ce mur n'avait
pour toute décoration, à environ 4 mètres 50 de hauteur, qu'un
superbe cul de lampe en pierre de Charente, recouvert de ces
» Ces verrières ont été exécutées par M. Meuret, de Nantes.
Tome m. — Avril, Mai, Juin 1890.
100 DÉCOUVERTE DUNE CHAPELLE
délicieux motifs à figurines et à entrelacs que les premières
années du XVI" siècle semaient par la main de nos artistes,
avec une si étonnante profusion sur tous les monuments
qu'on leur donnait à édifier; ce cul-de-lampe ainsi placé n'a-
vait aucunement sa raison d'être ; aussi détonnait-il là, comme
un diamant tombé dans une ornière; et cependant ceux qui
l'y avaient placé, avaient su lui donner un cadre digne de lui ;
mais il a fallu peut-être plusieurs siècles pour en faire recon-
naître toute la magnificence. M. le curé de Bourneau, toujours
en quête de nouveaux arrangements artistiques, et de plus en
plus choqué de l'aspect misérable du tympan portant le
cul de lampe, eut l'ingénieuse pensée d'y percer une ouver-
ture ogivale avec dentelle de pierre.
Lorsqu'il fallut démolir le grand mur au-dessous de ce cul
de lampe et dans la partie lisse qui s'étendait jusqu'au pavé
de l'église, quelle ne fut pas la surprise des ouvriers, de
trouver, sous l'enduit jaune simulant un appareil de pierres
de taille, une grande voussure plein cintre de 3 mètres de
large sur près de 4 mètres de hauteur, sur laquelle avaient
été ciselés avec amour tous les plus riches motifs de cet art
si charmant des premières années du XVP, qui s'étend de
1510 à 1530 ; l'extra-dos de cette grande arcature est décoré
de feuilles menues refendues à chaque pétale, comme le cer-
feuil ; une guirlande beaucoup plus importante composée de
feuilles de chicorées, rappelant le XV siècle, remplit l'espace
entre le dessous de la voussure et cette moulure ; puis ce sont,
sur les bandes plates des reliefs d'une délicatesse infinie (d'une
saillie d'un tiers de centimètre) offrant à l'oeil la plus exquise
variété de motifs religieux : ostensoirs, calices, bénitierS;, en-
censoirs, chasubles, croix processionnelles^etc.;, etc. Sur le cha-
piteau de droite soutenant la retombée de l'arc plein cintré, le
sculpteur a modelé avec une entente parfaite un petit enfant
supportant l'écu chargé des trois mâcles des du Puy-du-Fou.
En face, c'est Adam et Eve, et Samson luttant avec le lion. Sous
la voussure, de petites têtes ravissantes de facture et d'ajus-
UU XVl" SlÈCLli DANS l'ÉULISE UE liOURNEAU 101
temeiiLs, nous font l'effot do camées antiques dans leur petit
cadre de pierre. Les clefs des voûtes, car il reste encore une
travée de la voûte, sont formées de pendentifs ronds ou de
motifs religieux malheureusement détruits intentionnelle-
ment sans doute, en 1793, pendant cette période imbécile et
sanguinaire qui semblait n'avoir d'autre but que de tout
anéantir.
C'était donc l'entrée d'une petite chapelle ou d'un enfeu
que le marteau des ouvriers venait démettre au jour, et dont
on avaitmuré complètement l'entrée et la première travée de
la voûte, dans l'énorme épaisseur de la muraille (1° 45») du
chœur de l'église. Continuer les travaux en démolissant cette
belle voussure^ c'eût été un acte de vandalisme que pas un
seul instant M. lecuré,ni les personnes s'intéressant à l'œuvre,
n'ont voulu laisser germer dans leur esprit; tous au contraire
sont tombés d'accord pour conserver et réparer ce délicieux
monument, qui est devenu depuis le joyau le plus précieux
de l'église de Bourneau. La petite chapelle a donc vu relever
son mur du nord et son flanc occidental ; on a mis la fenêtre
à meneaux dans le fond ; elle se trouve magnifiquement enca-
drée par la baie plein cintre et nous n'avons pas tardé à voir
refleurir dans cette baie, complètement rajeunis par le si
habile ciseau de M. Métiyier, les charmants caprices dont
nous ne pouvons nous lasser d'admirer la brillante exécution,
malgré les outrages subis sous la main du temps et des
hommes.
Après avoir examiné avec soin l'ensemble et les détails de
cette élégante création, nous y trouvons, au point de vue ar-
chitectural et décoratif, une étonnante confraternité avec la
jolie voûte de la sacristie de N.-D. deFontenay, également à
compartiments carrés et à clefs arrondiesMe faire est le même,
seulement à Bourneau le travail est beaucoup plus fin et
mieux senti, étant exécuté tout entier en très belle pierre de
* Au pilier qui supporte le clocher de Saint-Jean, il y avait des motifs d*
la même maio.
102 DÉCOUVERTE DUNE CHAPELLE
Charente' ; tandis qu'à N.-D. les sculptures sont taillées dans
notre pierre blanche du pays, pleine de nœuds, maigre, et ne
gardant pas ses arêtes. Nous n'hésitons donc pas un instant
à ajoutef ce nouveau et charmant fleuron à la couronne ar-
tistique de celui qui a signé I. G. M. sur l'un des culots de la
voûte des chapelles de N.-D. de Fontenay*.
Néanmoins la date ne saurait être la même ; toute la déco-
ration du délicieux enfeu de l'église de Bourneau est certai-
nement antérieure de 15 ou 20 années aux travaux exécutés
dans les églises de Fontenay ; elle appartient aux premières
années de la Renaissance et nousne croyons pas nous tromper
en la fixant entre les années 1530 à 1535. La merveilleuse
bâtisse deChambord, élevéeprèsdeBloisàcesmêmes époques,
devait produire un retentissement général dans le monde
des maîtres maçons du XVI* siècle et Pierre Neveu, ce hardi
novateur, ne pouvait manquer de grouper autour de son
œuvre grandiose les regards de tous ceux qui maniaient
l'équerre de l'architecte, ou le ciseau du sculpteur; toujours
est-il que l'un et l'autre, sans doute, avaient dû sur le bruit de
la renommée, aller visiter cette perle de la Renaissance fran-
çaise, car le petit bénitier restauré avec tant de goût par
M. Métivier, dansl'enfeude Bourneau, est la réduction servile,
quoique minuscule, d'une des petites lucarnes du château de
Chambord. Il n'est pas jusqu'aux beaux chapiteaux soutenant
la grande archivolte, qui n'aient un véritable air de con-
fraternité avec ceux de ce célèbre château. Ici comme là-
bas, l'éternel fleuron du tailloir a été remplacé par une
figurine concordant avec la destination du monument ; dans
le chapiteau de droite, c'est le génie de la mort portant Técu
lozangé de Marie du Puy-du-Fou ; dans le chapiteau de
gauche c'est l'image elle-même de la défunte ciselée
avec un goût tout particulier d'ajustements. Cette tête
• M. B. Fillon n'hésite pas à. voir dans ces trois lettres le monogramme de
Jacques Coiraud de Montaigu, auquel la fabrique de N.-D. avait confié la
décoration des chapelles placées derrière le grand autel, vers 1520.
DU XVI" SIÈCLE DANS l'ÉGLISE DE BOURNEAU 103
de jeune fille en taille, à demi décolletée, présente un buste
dont le galbe est très jeune, ainsi que celui de la poitrine sur
laquelle retombe un très riche collier. Marie du Puy-du-Fou
dut en eiïet y être ensevelie à la fleur de ses jeunes années ;
lors de la fouille qui fut exécutée et dans laquelle ses osse-
ments furent retrouvés intacts, la dentition du crâne parfai-
tement conservée indiquait un âge peu avancé. Ces restes fu-
nèbres ont été religieusement replacés dans un coffre de chêne
au même lieu où ils avaient si longtemps reposé. Pour com-
pléter la décoration intérieure de ce joli édicule, M. Métivier
fut chargé de sculpter un second cul-de-lampe, afin d'en orner
chaque côté de la verrière ; un petit autel de même style fut
également placé par lui au-dessous de cette même verrière,
pendant qu'une balustrade en pierre découpée à jour fermait
l'entrée du petit oratoire ; les pendentifs des clefs de voûte,
formés de personnages la tête en bas ont été également res-
titués avec beaucoup de bonheur par notre habile sculpteur
fontenaisien*. Puisse cet exemple encourager Messieurs les
desservants des diverses paroisses, à restaurer avec le même
soin et la même allure artistique les débris d'un autre âge,
qu'un aussi heureux hasard peut les amener à découvrir
dans les édifices religieux confiés à leur sauvegarde !
Terre-Neuve, 8 mai 1890.
0. DE ROCHEBRUNE.
Le grand autel a été exécuté depuis par le même artiste, d'après
des dessins d'O.de Rochebrune. Tous ceux qui verront cet immense
travail, jugeront que notre sculpteur est le digne émule de celui
qui, en 1530, composait et ornait de motifs si délicats la chapelle
funéraire voisine de cet autel.
* C'est Madame Edmond Moller, née de Fontainea, qui a tenu à honneur de
conserver intact ce délicieux spécimen de notre architecture PoiteTÏne de la
Renaissance; par ses soins, tout a repris sa physionomie première et longtemps
encore ce charmant enfeu excitera l'admiration des véritables connaisseur».
45^'Â\*v^i*
g'^^^'S^^'r'^v^^^
S; ''t\ Jj^'J^Sf***
>i;i'i^'.':
S7^
■^^^.jS|
WMfk
^
ÏÏV
i^^p
'■.■/ajb' ,V(^ "^^ZiJ^LJ
■ '^4ifi^ J^^r^]fti^p
>''^^T(^jL L^^/ji^^^
^3?r^^-.j;*J^-~?
'^^■M.e
^ J^S^-'.-
O y^^^^^m
S^0
làai-^^^i^
m
Il^vl f
1^
^^^
'^■•'(S^
é^
^^
^^S
^m
■ 77 ! \3*fly.-. -'^ .-Vi.-.I^^T — 1^
■ €
L^^
S^â
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Biographies inédites des Veniéens et des Chouans
Par M. (le la Fontenelle da Vaudoré.
- - ^^T'^ S ^r'T-- -.
BAUDRY D'ASSON (Gabriel), chef vendéen, d'une
fougueuse intrépidité. Né en 1755 d'une famille noble
du Bas-Poitou, il avait quitté l'état militaire avant la
Révolution, et s'était retiré à sa terre de Brachain, située entre
la Ghataigneraye et la Forêt-sur-Sèvre'. Il fut nommé, en
1789, commandant de la garde nationale de son canton, ce
qui lui donna de Tinfluence. S'étant ensuite montré opposé à
la Révolution, lorsqu'il vit qu'elle avait pour but d'abattre la
royauté et la noblesse, les paysans le nommèrent leur chef,
en août 1792, époque du premier mouvement insurrectionnel.
Ce fut une bande armée de bâtons, de faux, de fourches et
de fusils de chasse, et encouragée par Delouche', maire de
' Paroisse de Saint-Marsault.
• Adrien-Joseph Delouche, ancien poëlier à la Châtaigneraie, puis avoué
el maire de Bressuire. Condamné à mort par le tribunal de Niort, le
18 novembre 1792, il eut la bonne fortune de voir cet arrêt annulé par la
Cour de Cassation et il se retira à Nantes où il mourut.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 105
Bressuire, qui se porta àBrachain et qui élut Baudry d'Assou
son chef par acclamation. A la tôte de ce rassemblement,
Baudry se porta sur Ghâtillon-snr-Sèvrc, mal.qré Topposition
de Delouclie, (^ui voulait qu'on attaquât d'abord Bressuire,
s'empara de Ghàtillon où il iuula l(;s papiers du district el
revint ensuite sur Bressuire. Mais bientôt les patriotes
marchèrent contre lui et dispersèrent ses soldats, après un
combat sanglant. Ce furent les gardes nationales de Thouars
et d'Airvault. quelques compagnies de chasseurs et les habi-
tants de la ville, qui eurent à soutenir Bressuire pendant
plusieurs jours. Cette petite cité était enfin sur le point de
succomber, lorsque l'alarme, devenue générale dans le parti
républicain en France, dirigea sur ce point les gardes natio-
nales de Parthenay, Saint-Maixent, Niort, Cholet, Angers,
Nantes, Saumur, Poitiers, Tours, la Rochelle et Rochefort.
Elles arrivèrent au moment où les patriotes ne pouvaient plus
tenir. Ce fut le 24 août 1792 que les deux partis en vinrent aux
mains avec le plus d'acharnement : le combat ne fut pas long.
En vain les insurgés se formèrent-ils en colonnes serrées ;
mal armés, pressés de toutes parts, mai commandés, ils furent
bientôt entamés et mis en déroute. Six cents royalistes furent
tués dans cette affaire ; le nombre des blessés fut consi-
dérable,, et plusieurs jours après l'action on en découvrait
encore dans les bois. Les patriotes portèrent leur perte à
soixante hommes tués ou blessés; mais elle fut plus consi-
dérable. Ils souillèrent cet avantage par des cruautés sans
nombre; ils massacrèrent dans les campagnes voisines des
vieillards, des femmes et des enfants, et ils firent des trophées
de leurs membres sanglants. Les Vendéens faits prisonniers
se signalèrent par une fermeté incroyable et par le mépris le
plus prononcé de la mort. En vain leur ofîrit-on la vie s'ils
voulaient crier Vive la 7iation, vive la liberté \ ils s'y refu-
sèrent, se mirent à genoux, prièrent avec ferveur, et atten-
dirent la mort sans paraître aucunement la craindre. La seule
faveur qu'ils implorèrent fut d'êlre, après leur mort, couverts
lOG AUTOUR DU DRAPEAU HLANC
d'un peu de terre, pour ne pas devenir la pâture des animaux
carnassiers.
Après cette funeste expédition, Baudry-d'Asson fut forcé
d'errer dans la campagne pour se soustraire à la rage des
patriotes. Il était accompagné de son fils aîné, et caché dans
des champs de genêts. Accablé de faim et de soif, il rôda
longtemps autour du château de Brachain^ sans oser y entrer.
Enfin, il saisit un instant favorable pour cela : il creusa dans
cette même habitation un trou profond, une espèce de sou-
terrain, et le père et le fils s'y ensevelirent. Dans ce réduit,
ils ne recevaient les rayons du soleil que par une étroite
ouverture, et leur seule nourriture était du pain d'orge et de
l'eau qu'une servante de confiance leur apportait pendant la
nuit. Ils restèrent pendant six mois dans ce refuge, sans
aucune communication extérieure ; car madame Baudry
d'Asson, la femme de l'un et la mère de l'autre, avait été
arrêtée par les républicains. Ils entendaient chaque jour les
patriotes qui passaient sur leurs têtes pour aller de la Cha-
taigneraye à la Forêt-sur-Sèvre, et qui restaient des jours
entiers dans le château, menaçant de tout tuer^ de tout incen-
dier si on ne leur livrait pas le propriétaire dont on s'obs-
tinait toujours à paraître ignorer la retraite. Baudry d'Asson,
serrant son fils contre son sein, n'avait que lui pour conso-
lation, et il nourrissait dans son cœur le désir de la ven-
geance et l'amour de la gloire.
Enfin, en mars 1793, l'explosion générale éclata dans la
Vendée militaire, et les deux proscrits abandonnèrent leur
tombeau pour voler à de nouveaux combats. Baudry d'Asson
reparut à la tête des paysans de son canton et il commanda
une division de l'armée du centre, formée et commandée
alors par M. de Royrand. Cette armée menaçait Fontenay, et
les républicains, pour arrêter ce torrent, se portèrent sur
Chanfonnay ; les Vendéens les surprirent et les chassèrent
de là dans la soirée. Alors les commissaires de la Convention
et le général Marcé sentirent l'importance du passage du
AUTOUR Di: DRAl'EAU BLANC 107
Ponl-Charron, et on s'en empara pondant la nuit. Mais ce
général, le 19 mars 1793, abandonna ce poste et s'engagea
imprudemment dans le vallon formé par la rivière du Lay, et,
à six heures du soir, il y fut attaqué par toute l'armée ven-
déenne. Marcé n'avait que treize cents hommes, et les roya-
listes étaient formés en deux colonnes, placées, l'une sur la
hauteur, et l'autre sur la grande route. Ils fondirent avec
impétuosité sur les républicains , dont l'artillerie ne put
servir, et qui, dès le premier moment, se mirent en désordre.
Le combat dura trois heures, et bientôt la déroute des pa-
triotes devint complète ; ils abandonnèrent leurs blessés et
une pièce de canon. Leurs débris se réfugièrent à Marans,
sur la route de la Rochelle, à dix lieues de là, et les gardes
nationales rentrèrent dans leurs foyers. Baudry d'Asson
commandait une des colonnes royalistes, et il contribua par-
ticulièrement à l'avantage de cette journée-
, Après ce succès, Baudry d'Asson se porta au château de
l'Oie, où fut transféré le quartier-général de l'armée du
centre. Il eut alors à combattre son propre frère Esprit
Baudry, qui commandait un corps républicain, et qui
depuis fut colonel d'un régiment d'artillerie de marine à
Rochefort.
Pendant que les Vendéens s'emparaient de Saumur, occu-
paient Angers et attaquaient Nantes , l'armée du centre,
commandée par Royrand, et particulièrement Baudry d'Asson,
tenaient en échec l'armée de Niort et la division de Luçon.
Bientôt le général Royrand sentit qu'il était dans l'intérêt de
son parti de faire une diversion, et il se porta sur Ghanton-
nay, oii il rassembla toutes ses divisions, qui étaient com-
mandées par Baudry d'Asson, Amédée de Béjarry, Sapinaud
de la Verrie aîné, de Verteuil et de Hargues. Le 28 juin 1793,
cette armée, forte de huit mille hommes, se présenta devant
Luçon , et elle n'était qu'à deux cents toises des portes,
lorsque les républicains se mirent en bataille. La canonnade
s'engagea alors, et les royalistes se déployèrent pourenvelop-
108 AUTOUR DL' DRAPEAU BLANC
per les républicains, dont le nombre ne s'élevait qu'à environ
douze cents. Le général Sandoz qui les commandait, ei
qui crut que l'infériorité de ses forces ne lui permettait pas
de tenter les hasards d'un combat, ordonna la retraite et se
retira avec un bataillon de la Charente-Inférieure. Il prit la
route des marais, et, en traversant les rues de Luçon, on
l'entendit dire que contre la force il n'y avait pas de résis-
tance. Cependant les chefs des deux ailes n'ayant pas reçu
ses ordonnances, restèrent sur le champ de bataille, et sou-
tinrent avec intrépidité le choc des royalistes. Pendant ce
tempS;, plusieurs prisonniers et déserteurs du régiment de
Provence, que Royrand avait mis en première ligne, firent
volte-face et se rangèrent sous les drapeaux républicains.
Cette défection jeta du découragement parmi les Vendéens,
qui croyaient d'ailleurs que Sandoz ne se retirait pas, mais
bien qu'il faisait un mouvement pour se rendre sur leurs
derrières et leur couper la retraite. Pendant ce temps,
Lecomte. chef de bataillon des Vejigeurs, qui commandait la
gauche, fit des prodiges avec son corps d'armée et quelques
chasseurs à cheval du 7* régiment. Il enfonça enfin son
ennemi, et le poursuivit longtemps. Telle fut la première
bataille de Luçon, qui coûta à l'armée vendéenne quatre cents
morts et un caisson. Il est à remarquer que les royalistes
échouèrent trois fois devant cette petite ville, toujours avec
des forces supérieures, et il faut attribuer la première cause
de ce revers à sa situation dans une plaine unie, où les Ven-
déens ne pouvaient pas pratiquer la guerre qui leur convenait,
celle des tirailleurs.
Bientôt cependant l'armée du centre reprit l'offensive
et parvint à contenir les forces républicaines de Luçon,
Fontenay et Niort ; Baudry d'Asson, à la tête de sa division,
partagea ce service avec les divisions commandées par
Royrand en personne, et avec celle d'Amédée de Béjarry. Mais
le général Tuncq, chargé de la division de Luçon, attaqua peu
après les postes de Saint-Philbert et du Pont-Charron, occupés
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC lOW
par l'armée du centre, et, le 25 juillet 1793, il s'en empara avec
d'autant plus de facilité^ que le mot d'ordre des Vendéens lui
avait été livré par un transfuge qui avait servi dans les vo-
lontaires républicains. Avec quinze cents hommes il tourna le
Pont-Charron par Saint-Philbert. Ces deux endroits étaient
retranchés ; il égorgea les sentinelles et emporta les postes.
Chantonnay fut par suite occupé ; le tocsin sonna de toutes
parts pour annoncer ces désastres, et l'armée de Royrand
fut presque désorganisée. D'Elbée, instruit de ces malheurs,
marcha avec célérité au secours de cette contrée et réunit l'ar-
mée du centre. Alors fut livrée la seconde bataille de Luçon
(30 juillet), qui ne fut pas plus heureuse que la précédente pour
les Vendéens ; toutefois, son résultat fut tel que le général
Tuncq, victorieux, rentra à Luçon, et que Baudry d'Asson et
Beaurepaire eurent encore des rassemblements assez considé-
rables pour envahir la plaine de Fontenay et pour retenir
dans Niort, par la crainte d'une attaque, la partie la plus
imposante de l'armée de la Convention.
Enfin Baudry d'Asson fut encore appelé par sa destinée, le
14 août 1793, à se mesurer avec les patriotes sous les murs de
Luçon. On croit que ce fut au premier moment de cette
bataille, qu'animé d'un courage imprudent, il courut s'exposer
aux premiers coups, et se fit tuer en avant de sa troupe. Un
serviteur fidèle, qui avait juré de mourir avec lui, se précipita
sur son corps inanimé, et fut bientôt percé de mille coups.
Ainsi finit ce premier héros de la Vendée. On le regretta
vivement malgré la rudesse de sa nature, parce qu'il était un
excellent officier d'avant-garde et que tous les braves étaient
l'idole des Vendéens'.
BAUDRY D'ASSON, fils du précédent, accompagna son
père lorsqu'il fut proclamé premier chef des Vendéens, et se
trouva à l'attaque de Bressuire. Après cet événement, il fut
Il avait été condamé à mort par contumace, comme brigand de la Vendée,
le 26 avril 1793, par la commission militaire séant aux Sables d'Olonne,
110 AUTOUR DU DRAPEAU BUAMC
obligé de se cacher avec son père dans un souterrain crei^sé
dans le château de Brachain, et il n'en sortit que lors du
soulèvement général de la Vendée. Il servit depuis avec dis-
tinction, et fut tué à l'attaque de Saumur, en combattant dans
la division de Sapinaud. C'était un jeune homme de grande
espérance ; il avait l'intrépidité de son père, sans en avoir
les défauts. 11 s'était surtout acquis l'amour du soldat.
BAUDRY D'ASSON de PUYRAVEAU, cousin germain de
Gabriel, figura dans l'insurrection vendéenne, fut major
général de l'armée de Gharette, et signa le traité de paix
conclu à la Jaunais en 1795.
BAUDRY DE LA JOUSSENIÈRE (le chevalier), ancien
capitaine de canonniers, fut major de division à l'armée de
Gharette et signa l'adresse au Roi, en 1814; au mois de
juillet de la même année, il figurait dans la garde royale à
pied du département de la Vendée, formée à l'occasion du
passage de S. A. R. le duc d'Angoulême.
BEAUMONT (Armand de) émigra, revint en France au
commencement de 1796, servit quelque temps à l'armée du
vicomte deScépeaux, où il se trouva à plusieurs affaires, et
vint joindre son cousin, le chevalier d'Autichamp, alors
général en chef de l'armée du Haut-Poitou.
BEAUREGARD (Jean BRUM.AULD de), vicaire général du
diocèse de Luçon, né à Poitiers, d'une famille recomman-
dable, fut déporté en Angleterre vers le milieu du mois de
janvier 1793, puis désigné par M. de la Marche, évêque de
Saint-Pol-de-Léon, pour aller notifier aux généraux vendéens
le bref du pape Pie VI, du 31 juillet 1793, qui leur dénonçait,
comme intrus et sacrilège, Guillot de Folleville, se disant
évêque d'Agra, et en fut empêché par le ministère britan-
nique et par des Français de marque. Nommé, vers la fin de la
même année, aumônier du corps d'officiers émigrés attaché à
l'exDédition de lord Moyra, commandée par M. de Lowen-
AUTOUR DU DRAPEAU lîLANU 111
daletM.de la Béraudière père, il revint à l'île de Whight
aussitôt que cette expédition eut manqué son but, qui était
de joindre la grande armée vendéenne. En 1794, l'abbé de
Beauregard retourna à Londres, et employa tous ses moyens
pour solliciter, de concert avec le jeune la Roberie, l'envoi
dans la Vendée d'une partie des secours que le comte de Pui-
saye faisait destiner pour la Bretagne. A cette époque le mi-
nistre Windham, depuislord Melville, lui donna l'ordre d'aller
annoncer au général Charettc l'expédition de Quiberon et
de l'engager à faire une forte diversion en reprenant les
armes. Le 21 juin 1795,1e vaisseau qu'il montait rencontra
la flotte de lord Bridport, qui lui défendit l'approche de la
Vendée avant quinze jours, et toucha un roc vers le cap Fi-
nistère. Ayant pris terre à Quiberon, l'abbé de Beauregard
reçut de Puisaye un accueil très froid et s'embarqua pour
la Vendée. Jeté dans un léger canot avec quelques autres
zélés partisans des princes, il parvint, après bien des dan-
gers, au lieu où le jeune la Roberie avait péri. Etant arrivé
enfin auprès du général Charette, il administra le spirituel,
de concert avec l'abbé Charette de la Golinière, forma un
hôpital à Ghauché, y fut pris par les républicains, puis re-
lâché, et encore une fois repris. L'abbé de Beauregard s'étant,
en efïet, réfugié à Poitiers, y fut arrêté conduit à Rochefort,
et de là déporté à Gayenne à la fin de 1797. Ramené par un
corsaire anglais et conduit à Lisbonne, il arriva en France
en 1801.
BEAUREPAIRE (Gharles-Eusèbe-Gabriel, GIRARD de),
gentilhomme bas-poitevin , seigneur de Beaurepaire, près
Montaigu, département de la Vendée, joignit les Vendéens
dès le mois d'avril 1793, et forma ensuite une division qui se
réunissait tantôt à l'armée du centre, tantôt à celle du mar-
quis de Lescure. Il marcha sur l'Hermenault, bourg situé
dans les environs de Fontenay et s'en empara; mais il en
fut bientôt chassé, et ses troupes se retirèrent même dans le
11*2 AUTOUR DU DllAPEAU BLANC
plus grdiid désordre. Pea après, Beauropaire répara cet échec
en faisant une incursion dans le pays patriote, du côté de
Thiré et de Saint-Etienne de Brillouet, et y enleva plusieurs
attelages de mules qui servirent à porter les bagages de la
grande armée catholique et royale, à la([uelle il se rallia.
Lorsque cette même armée attaqua Saumur, il se porta sur
Nantes, et fit de nouveau une diversion utile dans le Midi de
la Vendée, vers Fontenay et Luçon, puis rejoignit le général
de Lescure à Parthenay avec cent cinquante cavaliers. Chargé
de veiller à la garde de cette ville, menacée par le général
Biron^ il négligea les précautions arrêtées, qui consistaient à
faire partir d'heure en heure des patrouilles qui devaient
aller à une lieue do distance^ de manière qu'il devait toujours
en a\oir une dehors. Girard de Beaurepaire alla se coucher,
la patrouille de minuit ne sortit pas; Westermann arriva avec
lavant-garde républicaine, égorgea le factionnaire, surprit la
batterie et s'empara par suite de la ville, en faisant un grand
carnage de royalistes. Quoique coupable d'une imprudence
aussi marquée, ce chef vendéen se distingua dans plusieurs
combats, et il commanda l'infanterie vendéenne sous le mar-
quis de Lescure, à la seconde bataille du Moulin-aux-Chèvres,
près Ghàtillon, dans le mois d'octobre 1793. Il y fut blessé
grièvement de douze coups de sabre qui l'abattirent, et ne
dut qu'à l'attachement de ses soldats de ne pas être laissé
parmi les morts. Lors du passage de la Loire par les Ven-
déens, Beaurepaire se fit porter au-delà du fleuve et mourut
peu de jours après des suites de ses blessures*.
BÉJARRY (Amédée de) , l'un des fils puîné de M. de
Béjarry, seigneur de Saint-Vincent-du-Fort-du-Lay. Cette
famille, l'une des plus anciennes du Poitou, a fourni beaucoup
de chevaliers à l'ordre de Malte. Amédée de Béjarry était des-
tiné à l'état ecclésiastique, et fit ses études à Saint-Sulpice
de Paris. Resté en France, il figura de bonne heure parmi
les Vendéens, ainsi que deux de ses frères. Ils formèrent avec
« A Fougireg.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC il3
Verteuil, le 12 mars 1703, la première armée du centre dont
le comman(iement fut donné quelques jours après à M. de
Koyraiid, et se trouvèrent avec lui à la bataille de Luçon, du
28 juin 1793. Dès cette époque, Amédée de Béjarry comman-
dait une division, qui, peu après, aida Royrand à maintenir
les forces que les républicains possédaient à Luçon, Niort et
Fontenay.
Amédée de Béjarry suivit la grande armée vendéenne au-
delà de la Loire et fut un de ses chefs secondaires les plus
marquants'. Il survécut à ses désastres, et se sauva en
Bretagne. Il eut d'abord un commandement dans les environs
de Rennes, et fut bientôt après envoyé dans le Morbihan.
Mais, dès qu'il le put, il rentra dans son propre pays, où il
devait être d'une plus grande utilité au parti royaliste.
De retour en Vendée, Amédée de Béjarry fut apprécié
à sa juste valeur par le général de Sapinaud, qui lui confia de
suite le commandement d'une division, — celle qu'il con-
duisait avant le passage de la Loire. Il montra dans ce com-
mandement la plus grande intrépidité, et fut surtout utile
dans les conseils. On l'envoya avec de Bruc pour négocier la
paix de la Jaunais, et il s'y fit distinguer par son caractère
conciliant. Cette mission, au surplus, avait surtout pour but
d'observer; et aussi les envoyés n'avaient-ils que des
pouvoirs restreints. Accompagnés de Bureau de la Batar-
dière, à qui on doit en grande partie l'idée de ce rappro-,
chement, ils ouvrirent, à Nantes, des conférences avec les
délégués Conventionnels. Ces derniers exigeaient que le gou-
vernement républicain fût explicitement reconnu par le
général Gharette et tous ses officiers ; qu'il fut permis aux
réfugiés patriotes de rentrer dans la Vendée ; que les émigrés
admis dans l'armée vendéenne fussent renvoyés, et que les
biens des nobles absents du Poitou fussent confisqués au
profit de la République. En faisant ces conditions ils consen-
' A la, mort de Iloyrand, il fut proclamé leur chef par ses camaradei, et mis
hors de combat à la bataille du Mans.
114 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
laient à ce qu'il n'y eût pour l'administration intérieure de
la Vendée ni autorité municipale, ni districts, mais seulement
une commission centrale chargée, sous leur surveillance
directe et immédiate, de faire respecter la Convention et ses
lois. Quant à l'armée royaliste, elle devait être réorganisée
en garde territoriale à la solde de la République, sous le com-
mandement de ses anciens chefs. Béjarry et de Bruc vinrent
faire part de ces propositions aux généraux Charette et
Sapinaud, et la paix de la JaunaiS;, commandée par l'état
de l'armée, s'ensuivit bientôt. Le général Stolllet, non com-
pris dans le traité, fit bientôt souscrire à son état-major
l'arrêté de Jallais, du 2 mars 1795, dirigé contre ceux qui
venaient de se soumettre à la Convention, et les deux chefs
qui avaient facilité la négociation ne manquèrent pas d'être
signalés comme traîtres à la bonne cause par les Angevins.
La pacification ayant été signée, et pour la Vendée, et
pour les royalistes de l'autre côté de la Loire, Amédée de
Béjarry et le vicomte de Scépeaux furent envoyés à Paris
auprès du comité de salut public, avec la mission de presser
l'exécution du traité, et d'en prévenir les infractions. Ce
n'était là que le prétexte apparent ; gagner du temps, con-
naître l'esprit de Paris, rechercher les agents des princes et
se concerter avec eux, tenter l'enlèvement de Louis XVII,
alors détenu au Temple ; voilà quelles étaient leurs instruc-
tions secrètes, ou plutôt le véritable motif de leur voyage.
Mais la Convention s'en aperçut après un assez grand nombre
de conférences, et on les engagea à retourner chez eux.
Bientôt la guerre vendéenne recommença. Elle ne fut pas
lieureuse, puisque les deux principaux chefs, Charette et
Slofflet, succombèrent l'un après l'autre. Après cette époque,
les frères Béjarry, voyant l'impossibilité de se défendre, et
étant abandonnés par presque tous leurs soldats, mirent bas
les armes. Ils furent arrêtés et mis en détention à Fontenay,
avant que l'insurrection de 1799 se déclarât, ce qui les
empêcha d'y prendre part. En mars 1814, l'insurrection
AUTOUR DU DRAPEAU BLANU 115
s'organisa de nouveau, et les Béjarry, — notamment Ame-
née, — devaient y jouer un rôle conforme à leurs anciens
services. C'ctaitdans les lêLes de Pâques que la prise d'armes
devail nvMJr lieu Mais les événements de Paris, qui
rendaient ce nouvel efîort inutile, furent connus avant cette
épociue. Amédée de Béjarry ci-ut cependant devoir, bientôt
après, se montrer au roi et aux princes Français, comme l'un
des' députés de la Vendée militaire, et il en fut accueilli
comme un serviteur fidèle.
Doué d'un caractère froid et d'un esprit très vif, Amédée de
Béjarry se fit remarquer parmi les royalistes comme un
excellent officier, et comme un bon négociateur. Il obtint
comme récompense de ses loyaux services le brevet de colonel
et la décoration de Saint-Louis.
BÉJARRY (Auguste de), frère du précédent, prit les
armes avec lui, dès les débuts de l'insurrection vendéenne,
et figura d'abord dans les rangs de la première armée
du centre , commandée par M. de Royrand . Il passa
ensuile la Loire, et survécut aux malheurs de la grande
armée royaliste. Revenu dans la Vendée, il commanda en
second la division de son frère Amédée, qui faisait partie de
l'armée de Sapinaud. Lors de la reprise d'armes qui suivit
la paix de la Jaunais, il combattit de nouveau, et fut bientôt
obligé de mettre bas les armes avec ses frères et plusieurs
autres chefs. Il resta alors tranquille, reparut seul lors de
l'insurrection de 1799, et finit par rester soumis jusqu'en
1814. Il s'apprêlait à combattre de nouveau, lorsque la révolu-
lion de Paris vint rendre la France à ses princes légitimes.
Auguste de Béjarry signa l'adresse au roi de 1814, et figura
plus tard dans la garde royale vendéenne*.
* Fils de Charles-François de P^jarry qui figurait à l'assemblée de la no-
blesse tenue à Poitiers en 178!) pour nommer des déput's aux Ktats jiénéraux,
et de Marie-Françoise Paule de Ré^non dj Chaligny, Auguste de Péjarry, (ut
un officier vendéen distingué. Il est mort en 1824, chevalier de Saint-Louis.
Tome m. — Avril, Mai, Juin 1890. 8
116 AUTOUR DU DRAPEAU HLANU
Bl^JARRY DE PRONT[N, frër<- aîné des précodents, servit
sou-^ son frère Vmôdée, comme commandant en second de
division, «^t signa en 181 i, redresse au Roi.
BKRNARD DE M '.RIONY (AuGUSTii-ETiENNE-GASPARo), né
à Luçon, lo 2 novembre 1754, officier distingué, commanda
avant la Révolution le parc d'arlillerie de Rochefort, et
habitait ordinairement cti"z son parent, le marquis de Les-
cure. auchâleau de Clisson'. C'était un très bel homme, d'une
grande taille, d'une force prodigieuse, plein de bravoure et
d'esprit. Il était bon etcomplaisantà l'excès, mais son extrême
vivacité le faisait parfois sortir entièrement de âon caractère
et ané mtissait ses bonnes qualités, de sorte que dans la
Vendée il fui un des chefs les plus violents. Marigny avait
environ quarante ans lorsque la Révolution éclata. Attaché
à la fortune du marquis de Lescure, il le suivit à Paris en 1792
dans l'intention d'émigrer;, et revint avec lui en Poitou après
avoir échappé au 10 août.
Détenu à Bressuireavec son parent et le marquis de Donis-
san, par ordre de l'administration départementale des Deux-
Sèvres, comme soupçonnés d'avoir fomenté la première ré-
volte, il fut délivré par le comte de la Rochejacquelein, le 14
mars 1793, se joignit à lui, et eut longtemps beaucoup de
crédit dans l'armée vendéenne dont il commandait en chef
l'artillerie. Dès le 5 mai, il contribua à la prise de Thouars et
employa inutilement toute sa logique pour engager Quétineau,
général républicain fait prisonnier, à se réunir aux Vendéens ;
il concourut à la prise de Pontenay, et y signa une proclama-
tion adressée aux Français. Après avoir grandement con-
couru à la prise de la ville de Saumur.en dirigeant l'arLillerie
et en envoyant soutenir par un gros de tirailleurs la cavalerie
vendéenne que la mort de Dommaigné venait de décider à
la retraite, il fut un des commissaires chargés de régler les
' Officier des plus capables, c'est lui qui fit établir les jetées des Sables-
d'Olonne.
AUTOUIl I)L' UP.AI'EAU BLANC 117
conditions de la capitulation du châtnau de Snumur ot fut
pour cela envoyé en parlementaire ; il établit des moulins à
poudre à Beaupréau et à Morlagne. Gedernier endroit devint
aussi le dépôt de l'artillerie.
A la seconde bataille de Lugon, il ne put sauver l'artillerie,
((ui, presque toute, tomba au pouvoir du vainqueur et il fut,
en cette circonstance, accusé mal à propos de lâcheté. On sait
que ceux ({ui commandent des bandes indisciplinées, comme
étaient la plupart des Vendéens, sont souvent dans l'impossi-
bilité d'empêcher les déroutes. Plus malheureux encore à la
troisième affaire livrée près de Luçon, Marigny se trompa de
chemin, égara l'aile droite et n'arriva sur le champ de bataille
qu'au moment de la déroute qu'il ne put empêcher. Cependant
la grande armée vendéenne avait passé la Loire. Lors de sa
réorganisation à Varades, où le marquis de la Rochejacque-
lein fut nommé généralissime, Marigny conserva le comman-
dement de l'artillerie, ayant sous lui pour officiers supérieurs
Pérault, de la Ville de Beaugé, Grelier et Chesnier-Duchesne.
Les royalistes avaient alors cinquante-quatre pièces de
différents calibres, servies par cent quatre-vingts artilleurs,
divisés en quatre compagnies.
A la bataille de Laval, Marigny ordonna un feu à mitraille
sur l'armée de Mayence qui, malgré l'intrépidité de ceux qui
l'essuyèrent, fut très utile ; à Dol, il combattit à Tavant-garde
et harcela les fuyards. Lorsque la grande armée se fut presque
entièrement débandée, il figura parmi les débris réunis dans
les environs de Blain, et prit part à l'effroyable bataille de
Savenay où il se battit en désespéré, portant lui-même le
premier drapeau de l'armée, brodé des mains de la marquise
de Lescure. Entrevoyant que tout était perdu, il plaça deux
pièces d'artillerie sur la route de Guérande, de manière à fa-
voriser la retraite des Vendéens en arrêtant la marche des
patriotes ; puis il se porta avec ses canons vers un petit bois,
et tint encore longtemps pour donner aux siens la facilité de
s'éparpiller. Il ne quitta lui-même la partie que quand il
118 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
n'y eut plus rien à faire. Dans cette journée, six à sept mille
royalistes eurent à combattre contre des forces infiniment
supérieures, balancèrent longtemps le succès, et finirent par
se faire presque tous tuer'.
Bernard de Marigny échappa malgré tout à cette déroute
et se tint caché dans la campagne. S'étant déguisé, il apprit
le langage des paysans, s'adonna à leurs occupations et
poussa l'audace jusqu'à aller en plein jour à Savenay, à
Pont-Château et môme à Nantes. Il forma alors un plan pour
mettre ce pays eu insurrection et la chose paraissait d'autant
plus facile à exécuter que les habitants de cette contrée
étaient très royalistes. Mais peut-être navaient-ils pas les
qualités qui rendirent les Vendéens si éminemment propres
à la guerre civile. Quoiqu'il en soit la tentative deM.de
Marigny n'eut aucun succès. Ayant voulu surprendre Savenay
pendant la nuit, il indiqua un rendez-vous où 600 bretons se
rendirent, mais à des heures différentes, de sorte que le ras-
semblement ne put se former. Ce projet, connu des patriotes,
provoqua de nouvelles recherches, et le général royaliste
voyant qu'il n'y avait plus rien à faire dans ces parages, tenta
de repasser la Loire, ce qu''il exécuta heureusement.
Revenu dans la Vendée peu après la mort du comte de la
Rochejacquelein, Marigny prit le commandement de la
seconde armée du centre, dite de la Gâtine, qu'avait formée
son parent, le marquis de Lescure,et fixa son quartier général
habituel à Cerizay, où il réunit cinq ou six mille soldats. De
concert avec La Rochejacquelein et Stofflet, il s'opposa au
général républicain Turreau, laissa prendre Tiffauges, où il
n'avait mis que trois à quatre cents hommes, et concourut à
l'invasion de Cholet. Quelque temps après, instruit que les
républicains n'avaient que huit cents soldats et cent
cinquante patriotes pour garnison à Morlagne, et point d'ar-
* Un monument, récemment élevé à Savenay k l'aide de souscriptioos
consacre cet h<^roique fait d'armes.
AUTOUR DU DRAWIîAU BLANC 119
tillerie, il forma le projet de s'en emparer. Pour parvenir à
ce bul, il cerna la ville pendant plusieurs semaines, de
telle sorte qu'elle ne communiquait plus avec les autres
cantonnements républicains. A la fin de mars 1794, la gar-
nison ayant besoin de fourrages, fît une sortie ; mais le convoi
fut intercepté, et l'escorte taillée en pièces. Alors Bernard de
Marigny parut avec quatre ou cinq mille hommes, et planta
le drapeau sans tache en vue des anciens remparts de
Mortagne qu'on avait réparés. Mais l'alarme était donnée en
ville; les portes qui étaient murées furent occupées, et, les
Vendéens sans artillerie, eurent recours à l'escalade qu'or-
donna leur chef. Un feu soutenu et la perte d'un grand
nombre des siens engagèrent Marigny à abandonner
momentanément prise, en indiquant une nouvelle attaque
pour le jour suivant. Pendant la nuit les républicains
tinrent conseil, se décidèrent à abandonner la ville, et se
dirigèrent en silence sur Nantes, en écartant quelques partis
royalistes. Le lendemain, à la pointe du jour, lorsque le
général vendéen voulut faire donner l'assaut, il apprit la
retraite de l'ennemi. Déguisé en chaudronnier, et distingué
seulement par deux croix, il pénétra dans la ville, enleva les
magasins qu'il fit transporter à Gerizay, brûla le château et
les portes de la ville, rasa les fortifications, et se retira un
jour après à son quartier-général.
Ce fut aussi vers cette époque, le 18 avril, qu'eut lieu le
combat de Boismé, dont les détails sont à connaître. M. de
Marigny commandait alors l'armée de Gerizay et avait
opéré un rassemblement de quatre cent cinquante hommes
au château de Glisson, commune de Boismé, lorsqu'il sut
qu'un corps de quinze cents républicains se portait sur lui
pour l'attaquer. Il fit en conséquence poster sa troupe
dans le parc ou bois d'agrément de Glisson. Les républicains,
qui savaient oîi Marigny s'était retranché, marchèrent sur
lui. Un feu très vif les accueillit. La cavalerie chargea, mais
inutilement, les Vendéens. Elle fut repoussée avec perte.
120 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Enfin les i-oyalistes mirent leurs ennemis en déroute, leur
tuèrent sur le champ de bataille environ douze cents hommes
et poursuivirent le petit reste des fuyards pendant quelques
lieues, de manière que peu leur échappèrent. La cavalerie ré-
publicaine étaittrès bien montée. Une soixantaine de chevaux
restèrent vivants au pouvoir des Vendéens. Leur général,
qui n'avait qu'un faible corps de troupes, et qui voyait que
la cavalerie n'était point propre à défendre son pays, fit
couper les jarrets des chevaux pris, pour empêcher ses sol-
dats de les monter et de quitter son service pour devenir de
simples pillards.
Peu après, Bernard de Marigny eut quelques autres avan-
tages, et se réunit à SLofflet pour attaquer l'adjudant-général
Désirât, cantonné à Saint-Florent, qui fut repoussé dans ses
retranchements. Ils battirent les républicains sur les hau-
teurs de la Gaillandière, près Ghemillé. Deux attaques contre
l'adjudant général Lapierre, ancien marchand de faïence, et
appelé par dérision le géiiéral Pot-de-Chambre, lequel était
posté à la Ghâtaigneraye, ne furent pas aussi heureuses, parce
qu'il n'y eut point d'accord entre les deux chefs vendéens.
Cette rivalité devint funeste à Marigny, ainsi qu'on va le voir.
Cependant les républicains étaient dans l'inaction, et les
généraux Charette et Stofflet ayant des vues secrètes, autres
que celles de l'intérêt de leur parti, firent proposer à Bernard
de Marigny un pacte fédératif pour la défense commune.
L'entrevue fut fixée à Jallais ; là on arrêta que rien ne serait
fait qu'avec le concours de toutes les armées ; tous les chefs
signèrent le traité. Déjà la mort de Marigny avait été arrêtée
dans des conférences secrètes entre Charette et Stofflet, aux-
quelles Sapinaud, général de l'autre armée du centre, fut
entièrement étranger. Extrêmement confiant, Marigny avait
remis ses vivres aux préposés de Stofflet, et ses soldats en
manquèrent, tandis que tous les autres en étaient abon-
da nment pourvus. Bientôt les soldats de l'armée de Cerizay
se plaignirent : leur chef se transporta aux magasins, et on
AUTOUR DU DRAPEAU HLANG 121
promit une égale distribution, ce qu'on ne fit pas. Alors les
soldats de Marigny désertèrent pendant la nuit, et le géné-
ral, sûr de leur affection monta à cheval pour les ramener. A
peine Marigny fut-il parti, que Gharette convoqua un conseil
de guerre, où, remplissant les fonctions du ministère public,
il le fit condamner à mort comme traître à son Roi et à sa
cause, sans même qu'il fut entendu. Stofflet se chargea de
l'exécution. Marigny eut pu s'y soustraire, car il fut prévenu ;
mais il ne put croire à un jugement aussi inique; ou plutôt
il pensa qu'on ne voulait que lui ôter son commandement,
intention qui lui paraissait d'autant plus probable qu'aupa-
ravant on lui avait proposé de se contenter de la direction
de l'artillerie sans avoir de territoire, et que Stofflet lui
avait paru être de ses amis. Cependant étant malade, il se
retira à la Grepelle, près de Cerizay, où il fut bientôt arrêté
par des chasseurs de Slofflet, commandés par le capitaine
Barbot. Plusieurs des officiers de ce général, et notamment
MM. Soyer, Nicolas et Chalon, engagèrent leur chef, qui
s'était rendu avec eux au châleau du Soulier, à ne pas se cou-
vrir d un crime atroce en faisant fusiller M. de Marigny.
Stofflet parut se rendre à ce conseil, et fit même partir
l'illustre prisonnier pour Saint-Florent, où son procès,,
disait-il, devait être révisé ; mais bitntôt, soit de son propre
mouvement, soit sur l'avis de l'abbé Dernier, il envoya le
capitaine Savary courir après M. de Marigny et son escorte.
Savary l'ayant atleint très près dd lieu du départ, fit connaître
à Barbot l'ordre qu'il lui portait de mettre à mort leur
prisonnier. Aussitôt les chasseurs de l'escorte traînèrent
leur victime dans le jardin, où ils le fusillèreut, sans même
lui permettre de recevoir les secours de la religion. M. de
Marigny n'ayant pu désarmer ses bourreaux, à qui il énu-
méra inutilement ses services, mourut bravement et com-
manda lui-même le feu qui mit un terme à sa vie*.
* L'ex<'cuticn eut lieu à la Girardière, près Cerizay» le 14 juillet 1794.
122 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Cet assassinnt judicinirp, qu'un apologiste de Charette a
eu cepondant la hardiesse de tenter de justifier, outra tous
les bons royalistes, qui virent avec douleur disparaître un
des plus fermes soutiens du trône. En etîet, Marigny était
dévoué à sa cause au-delà de toute expression. Il avait en
outre l'avantage de connaître parfaitement le pays. Il pouvait
réunir une armée formidalile, formée de tous les débris de la
grande armée, et il était considéré comme Ttiérilier néces-
saire, le légitime et véritable successeur du généralissime
La RochejacquL'lein. Aussi chaque jour, des officiers et des
soldats des armées de Charette et de Stofflet venaient le
joindre. Ces défections, quoique non convoitées, engagèrent
ces deux chefs, ennemis auparavant, à se réunir, pour se dé-
faire par un crime affreux d'un de leurs compagnons
d'armes, d'un des premiers héros de la Vendée*.
BERNARD (Jean-Charles-Elie) , de l'Hermenault , près
Fontenay-le-Comte', était, à l'époque de l'insurrection ven-
déenne, fermier-général de la terre de Puyguyon, commune
de Gerizay, appartenant au marquis de Lescure. Il suivit son
propriétaire et fit toute la guerre. Bernard de Marigny, dont
il fut un des officiers d'état-major , l'appelait son cousin,
parce qu'ils portaient le môme nom de famille, et avait en lui
la plus grande confiance. Bernard de Puiguyon a survécu à
la Restauration.
' Dans la notice qu'il lui a consacrée (Généraux et chefs de la Vendée
niilitaire), M. Arthur des Noulies cite un fait de l'existence de Marigny qui
prouve l'intrépidité de son caractère. C'était après le désastre de Savenay, en
février 1794 ; il voulut aller h Nantes et se présenta directement chez Carrier :
« Citoyen, lui dit-il, en ouvrant sa vrste de pavsan et en montrant ses
armes cachées, je suis Marigny, le rhef tJrs Vendéens, j'ai besoin dépasser
quatre heures à Nantes et te préviens de veiller à ma sécurité ; je ne te de-
mande pas ta parole,! u ii'en as pas ; mais si tu me fais ou me laisses arrêter,
sache que ta mort précédera la mienne. » Carrier, p;ile d'effroi, promit tout
et de fait Marigny put, quatre heures après, sortir paisiblement de la ville.
» Né k Fontenav-le-Comte, le 15 mars 1752.
AUTOUR UU DFiAl^EAU ULANC 123
BESSAY (Paul, comte de), gentilhotime poitevin, d'une des
branches de la maison de Lusignan, qui avait pris le nom de
la terre de Bessay, près Luçori , qu'elle possédait, servit
parmi les Vendéens, et fut aide-de-camp du général S;ipinaud.
Il signa l'adresse présentée au Roi, à l'époque de la Restau-
ration, par les officiers des armées vendéennes.
BIRfi), gouverneur des deux jeunes Lemaignan de l'Ecorce,
allait avec eux à toutes les batailles que livraient les Ven-
déens. Ils étaient tous trois des volontaires déterminés. Ils
furent pris et fusillés à Noirmoutiers par ordre du général
Turreau.
BOISY DE LANDEBAUDIÈRE', gentilhomme poitevin,
ancien lieutenant de cavalerie, ami de d'Elbée, dont il a
passé mal à propos pour le beau-frère. S'étant joint aux
royalistes de la Vendée, il devint un de leurs généraux,
commanda une de leurs divisions, et fut nommé, en juin 1793,
membre du Conseil militaire de Farmée catholique et royale.
En celte qualité, il signa, le 12 du même mois, la délibé-
ration prise à Saumur, portant nomination deCathelineau au
poste de généralissime. Il avait en outre le titre de lieu-
tenant du roi dans le pays conquis, charge qu'il remplissait
sous le marquis de Donissan, maréchal de camp. A la ba-
taille de Vihiers, Boisy commanda la droite de l'armée, avec
la Guérivière, et l'on sait quelle fut à cette affaire le succès
des Vendéens. N'abandonnant point le généralissime d'Elbée,
qu'il recevait souvent à son joli château de Landebaudière,
près les Herbiers, il le suivit lorsqu'il se réfugia dans Tîle de
Noirmoutiers. Pris avec lui en janvier 1794, il fut fusillé le 7,
parles républicains, et mourut avec courage.
BOUHIER (Joseph-Alexandre), s^' de Maubert, chef de
division des gardes-côtes à Noirmoutiers, chevalier de
' Pierre-Prosper Gouffipr, chevalier marquis de Boisy, seigneur de Lande-
baudière, en Bas-Poitou, né au château de la Courtaiserie, en .Injou, le
5 octobre 1750.
1~4 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Sainf-Louis, avait émigré en 1791. Après avoir fait la campa-
gne de l'armée des princes, dans la3* compagnie de la noblesse
du Poitou, il passa en Angleterre, d'où il revint chercher la
mort en France. On retrouve, en effet, son nom sur le monu-
ment élevé en 1825 à la mémoire des victimes du massacre
de Quiberon'.
BOUTAUD, de Nantes, mais ayant habité l'île de Noirmou-
tiers, fut employé en Italie, dans les poudres et salpêtres et
entra ensuite dans l'artillerie. En 1815, au retour de Bona-
parte, il quitta son corps, se rendit à Noirmoutiers, passa en
Angleterre, fut de là à Gand, puis retourna à Londres, pour
s'embarquer avec l'expédition commandée par le marquis
de la Rochejacquelein. Débarqué dans la Vendée, il fut très
utile à son parti qui l'employa comme officier supérieur
d'artillerie. Se trouvant à la fin de la campagne au quatrième
corps, il fut chargé d'organiser et de commander des compa-
gnies régulières qui formèrent le noyau de la légion des
Deux-Sèvres.
BOUTILLIER DES HOMELLES, de Mortagne, fut membre
du Conseil supérieur des Vendéens à Châtillon-sur-Sèvre ; en
cette qualité, il souscrivit le règlement général sur les biens
dits nationaux, du 11 juillet 1793, l'ordonnance sur le même
objet du 24 du dit mois, le règlement général du 2 août
1793 sur les assignats républicains, et celui sur l'organisa-
tion judiciaire du 1" août de la même année.
BOUTILLIER DU RET AIL (Louis-Marie), ancien capitaine
de cavalerie^ futund3s meilleursofficiers vendéens de l'armée
du centre, de 1793 à 1796'.
BRÉCHARD (Charles), fils d'un homme de loi des Sables-
d■01onne^ joignit les Vendéens et fut employé d'abord comme
' Beauchet-Filleau. Diciionyiaire des familles du Poitou.
'Pap. de la famille de Sapinaud.
' Fils du dernier sénéchal des La Trémouille, à Talmond, et de Marie-
Louise Kamfrav, né aux Sables-d'Olonne, le 8 novembre 1/68.
AUTOUR DU IJRAI'EAU HLANf: l::^;j
commissaire civil. Lors de l'établissement du Conseil supé-
rieur de Cliâlillon-sur-Sèvre, il eut diverses commissions et
il les remplit très bien, ayant de l'esprit, des connaissances
et de la facilité pour écrire et pour s'exprimer en public. Il
suivit la grande armée au-delà de la Loire et ayant survécu à
sa destruction, il alla rejoindre le comte de Puisaye, dont il
devint bientôt le coopérafeur. Peu à près, dans une retraite,
Brécliard abandonna son chef et rentra furtivement dans la
Vendée, où il acheta le repos au prix de son opinion, prêchant
partout la soumission aux lois de la Convention. Il fit même
imprimer un écrit oij il faisait une espèce d'amende hono-
rable à la République'. Bréchard se fixa dès lors à Fontenay-
le-Comte oii il exerça les fonctions d'avocat. Cependant on
doit ajouter en sa faveur qu il se montra royaliste dans les
Cent-Jours. Ce retour lui valut une place de juge au tribunal
de Fontenay, place que, du reste, il n'accepta pas.
BRETESCHE (le marquis Jousséaume de la'!, seigneur de
plusieurs terres importantes de la Vendée, servit comme
officier à l'armée de Charette ; il faisait partie de la garde
royale à cheval formée dans la Vendée, lors du passage
du duc d'Angoulême en juillet 1814^ et en 1815 il joua un rôle
important dans l'armée de Suzannet.
BREVET, de la BrufTière, près Montaigu, cavalier vendéen,
donna des preuves de courage presque sans exemple. Il fut
un de ceux qui unirent leur fortune à celle de la fille Langevin
et, lui cinquième, il mit en fuite cinquante républicains dans
le bourg de Saint-Lézin.
BRIN, doyen et curé de Saint-Laurent-sur-Sèvre, fut en
1793, membre du Conseil supérieur d'administration de l'ar-
mée catholique et royale de la Vendée à Châtillon-sur-Sèvre.
' Le citoyen Charles Bréchard, nncÀen commissaire du Conseil supérieur
de la Vendée près les armées, rentré dans le sein de la patrie, à ses
anciens compagnons d'armes. (Nantes, impr. Hérault (179.-)), in-8o, 7 p.^
126 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Il signa par suite le règlement général et l'ordonnance sur
les biens dits nationaux, des 11 et 24 juillet 1793, le règlement
général du 2 août même année sur les assignats émis parla
République et celui organique de l'ordre judiciaire dans la
Vendée du i" dudit mois d'août.
Après les affaires de Tiffauges et de Mortagne, où le corps
des Vendéens commandé par le général de Bonchamp fut
battu par Aubert-Dubayet, qui venait de recevoir sa desti-
tution et qui, ainsi que Ganclaux, laissa son armée, aussitôt
la victoire. L'armée de Mayence, lasse de se voir enlever ses
généraux, fit des propositions pour passer au service des
royalistes, ne mettant pour condition que l'assurance d'une
solde régulière. Le chevalier des Essarts, qui avait reçu la
proposition, dépêcha de suite un courrier à Ghâtillon pour en
instruire l'intendant-général de l'armée. Beauvollier con-
voqua immédiatement le Conseil supérieur et proposa de
pourvoir aux fonds nécessaires, en convertissant en monnaie
l'argenterie d'église trouvée à Fontenay-le-Comte. Cette pro-
position, appuyée par plusieurs officiers, ne fut pas combattue
par le curé de Saint-Laud. Le doyen de Saint-Laurent et le
curé de Chollet, qui avaient été appelés extraordinairement
au conseil, furent les seuls qui repoussèrent la proposition
comme sacrilège. Dès lors ceux qui l'avaient appuyée crurent
devoir se taire, de crainte que leur avis étant connu, il ne
leur attira l'indignation des Vendéens. Cependant les vases
sacrés, auxquels on ne voulut pas toucher, devinrent ensuite
la proie des républicains et furent irrémédiablement perdus
sans aucun profit pour le parti.
M. Brin jouissait à l'armée d'une grande considération, due
à ses éminentes vertus. Il avait beaucoup de zèle et aucune
ambition.
BROCHARD (Sébastien), capitaine de cavalerie de la divi-
sion des Marais de Saint-Jean-de-Monts et de Bouin.
Au premier signal de rassemblement contre la République,
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC * 127
le 1" mars 1793, ses deux frères aînés abandonnèrent la
maison paternelle et prirent les armes, l'un avec le général
Charette, et l'autre avec le comte Dubois. Resté seul avec
son père, Sébastien Brochard fut pris par les républicains et
conduit, le 17 mars 1793, aux Sables d'Olonne, oîi il resta en-
fermé jusqu'au 10 juin. A cette date, il put s'échapper et vint
rejoindre au Perrier le commandant de cette paroisse,
M. Dubois. Il était alors âgé de dix-sept ans. Le capitaine
Dubois le prit en amitié et le garda à ses côtés jusqu'au mois
de décembre. C'est alors que Brochard alla trouver dans le
Bocage MM. Fortin et Nicollon des Abbayes, qui le firent
nommer, à Saint-Fulgent, capitaine de cavalerie.
La part glorieuse qu'il avait prise aux batailles de Mor-
tagne, de Beaufou et de Saint-Fulgent méritait à coup sûr
cet avancement.
Un de ses frères mourut des suites de ses blessures, Tautre
fut grièvement atteint. Son père dut quitter la vieille chau-
mière familiale livrée aux flammes par les troupes de la Ré-
publique. Quant à Sébastien Brochard, il se retira à Saint-
Jean-de-Monts, où il épousa la fille d'un autre brave, victime
de son dévouement à Dieu et au Roi'.
BRUNET, capitaine de chasseurs vendéens à pied, natif
du Boupère, où il exerça après la guerre la profession de
notaire. Il signa^ en 1814, l'adresse au Roi et reprit les
armeS;, en 1815.
BUOR DE LA GOUPERIE (Alexandre), gentilhomme du
Bas-Poitou ; servit dans les rangs vendéens, en 1799 et 1800,
avec le grade de capitaine. En 1815, il devint major de la
division de Luçon.
» Cf. Chroniques du Bas-Poitou, 1886-1887, p. 140-143.
128 • AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
BUOR DE VILLENEUVE, prit également part à l'insurrec-
tion vendéenne et fut second aide de camp de Gharette. Son
nom se trouve au bas de l'adresse faite au Roi par les chefs
de la Vendée, au moment de !a Restauration'.
La Funtenellk ue Vaudoré.
A suivre).
N. B. Depuis la publication des premières biograptiies vendéennes
de M. de la Fontenelle de Vaudoré, nous avons eu la bonne fortune
de rencontrer de nouveaux documents qui nous permettent de com-
pléter, d'une très intéressante façon, l'article consacré à la famille
Bascher. Nous nous empressons d'en faire part à nos lecteurs :
BASGHER, (Joseph-Julien) né en 1762, à Nantes.
Emigré en Allemagne au momeiit où la proscription frappait
tous les hommes fidèles à leur Dieu et à leur Roi, il fit partie
de l'armée des Princes, et servit comme fourrier dans le
régiment formé des officiers de la marine. Après la retraite
de Champagne, il passa en Angleterre oii son caractère et son
dévouement ayant été appréciés des princes, il fut chargé par
eux, de concert avec l'abbé Brumauld de Beauregard, plus
tard évêque d'Orléans, et le comte de Kersabiec d'une mission
auprès des généraux vendéens. Ce ne fut qu'après les plus
grandes difficultés et un périlleux naufrage sur les côles de la
Vendée qu'il y pénétra au moment des désastres deQuiberon.
Depuis lors, jusqu'à la fin de la guerre de Vendée, Bascher
servit comme officier supérieur dans le corps d'armée de
Charette.
Nommé par le Roi chevalier de Saint-Louis en 1814, il reçut
en outre le brevet de colonel, et fit en 1815 avec ce grade la
« Baor (Théodore), seigneur de La Voy, fils de M. Louis-Alexandre Buor,
oé àFont«nay en 17G5, fut massacré à Laval au cours de la guerre.
AUTOUR UU URAFEAU BLANC 129
campagno des Gents-Jours, sous les ordres du comte de
Suzannet(cinqBascherservaientàlafoisdanscettecampagne).
En 1818, le Roi lui donna, pour lui et pour sa famille, des lettres
de noblesse héréditaires et pour perpétuer le souvenir des
grands services de tous ceux qui avaient glorieusement porté
ce nom dans les temps difficiles;, ces lettres ajoutèrent à
l'ancien écusson des Bascher ; « Une croix fleuronnée de
sinople, chargée d'une épée d'or posée en pal. »
En 1832, âgé de 72 ans, il apporte encore au service de sa
cause sinon la vigueur de son bras, au moins le prestige de
son nom.
Son dévouement et celui de son fils sont signalés par le
sanglant épisode rapporté dans les auteurs (Grétineau-Joly
et abbé Deniau), où son fils perdit la vie.
Son fils aîné avait été arrêté au début du soulèvement.
Le colonel Bascher fut condamné lui-même par contumace
aux galères à perpétuité. Pour se soustraire à cet arrêt, il se
réfugia en Suisse, puis en Italie. Il rentra en France en 1836
et mourut en 1841 à Nantes.
BASCHER (Joseph), fils du précédent ; fit partie en 1815,
comme son père, son frère et ses cousins, du corps de Suzan-
net, et y servit avec distinction.
Devenu sous la Restauration officier dans la garde royale, il
prit part à l'expédition d'Espagne en 1823. Sa grande bra-
.voure à la prise du Trocadéro 'ce fut lui qui y pénétra le pre-
mier) lui valut de ses camarades et de ses contemporains un
glorieux surnom : on l'appela jusqu'à la fin de sa vie : Bas-
cher-Trocadéro. Il brisa son épée en 1830, et fut parmi les
serviteurs dévoués qui voulurent suivre jusqu'à Cherbourg
leur Roi détrôné. Il y eut là des scènes déchirantes qu'il ne
pouvait raconter sans pleurer. Au moment de la séparation, à
l'instant oii le capitaine du navire donnait aux marins
les derniers ordres du liépart, un cri de : Vive le Roi ! entre-
coupé de sanglots salua les nobles exilés, puis Bascher et ses
130 AUTOUR DU DRAPKAU BLANC
compagnons se partagèrent le drapeau blanc et en avalèrent
les morceaux, dans la crainte qu'il ne fût profané.
En 1832, toujours fidèle aux traditions de sa famille, il se
disposait à se joindre en Vendée, à son père et à son frère
lorsque le gouvernement, qui connaissait son inflaence le fit
arrêter et le garda emprisonné plusieurs mois.
BASGHER, (Charles), frère du précédent.
Il fit, à peine âgé de 14 ans, la campagne de 1815 en qualité
de volontaire. Constamment à l'avant garde, il se trouva à
tous les combats et fut blessé d'une balle à la tête à celui de
Roche-Servière, pi es du général de Suzannet frappé mortelle-
ment dans cette affaire.
En 1832, répondant au dernier effort fait en faveur de la
cause royale, il vint prendre sa place dans les rassemblements
de Maisdon. Surpris par les Rouges, dangereusement blessé
d'abord, et, tombé entre leurs mains, il fut massacré par eux
avec une férocité inouïe ; son cadavre fut mutilé, et les débris
de sa tête dispersés sur le chemin.
BASCHER (Pierre-Paul) avait couru de grands dangers
dans sa mission, en 1814, auprès du duc d'Angoulême;
elle lui fit grand honneur. Le prince le distingua d'une
manière particulière et lui fit remettre une écharpe de soie
blanche et verte portant brodée la date du 12 mars 1814.
En 1815, commandant en second la cavalerie du corps de
Suzannet, il prit une part très active à la campagne des Cent
Jours, se battit dans les combats du Ponl-de-Salmon_, de
Rocheservière. C'est dans ses bras que tomba le général de
Suzannet frappé à mort dans celte affaire.
La famille Bascher conserve précieusement, au milieu d'au-
tres souvenirs glorieux, la balle qui priva de son chef le
3» corps de l'armée royale.
N. D. L. R,
UN DOLMEN INÉDIT
A XANTON-CHASSENON (VENDÉE)
A cent mètres des rives ombreuses et poétiques de l'Autise
dont les flots bleus se déroulent en capricieux
méandres, entre des peupliers gigantesques, des
saules à la tige tremblante et des noyers à laustère feuillage,
en face du coquet moulin de Xanton, perdu dans un îlot de
verdure, s'élève un dolmen de 25 mètres de surface reposant
encore sur ses primilifs piliers.
Si j'étais, poète et pêcheur j'essayerais de vous raconter
dans la langue des dieux, comment le maître graveur M. de
Rochebrune, dans une chasse au goujon et à la truite aperçut
émergeant au-dessus du sol, cette immense table sous
laquelle a dormi pendant des milliers d'années'peut-elre, un
des chefs de ces vieux Aryens partis de l'Inde, cette antique
contrée nommée jadis Lémurie, que INIichclct dans son
admirable livre de V Humanité appelle « cette source vraie
« des races, des idées et des langues de l'Europe moderne. »
« Cette pierre parle « s'écrierait Louis Galles, mais sa
langue primordiale qui nous l'apprendra ? les sa/ants de
l'avenir peut-être ! Mais en attendant nous voulons voir,
Tome m. — Avril, Mai, Juin 1890. 9
132 UN DOLMEN INÉDIT .
nous, dans sa situation particulière aux rives du petit fleuve,
autre chose qu'un caprice du hasard*.
Une race qui avait placé le pays de ses rêves, son paradis
futur^ par de là les vagues bleues de l'Océan, ne pouvait choisir,
pour un des siens, un site plus conforme à sa pensée que
cette dernière halte sur le bord de ces eaux tranquilles qui
devaient porter vers le pays de l'avenir l'âme du défunt.
Ainsi encore aujourd'hui, sont hantés par cette même idée
du voyage vers les terres inconnues, les Indiens du bord du
Gange, confiant aux calmes vagues du fleuve sacré les restes
de leurs chers défunts.
Et en France, Garnac, le pays des mégalithes, cerné par
l'immense rivière d'Etel, par le bras de mer de la Trinité,
était la place idéale du lieu de repos de ceux qui attendaient
le départ pour l'au-delà !
Mais avant d'effleurer davantage l'examen de ces redou-
tables problèmes qui touchent à ce que l'homme a de plus
sacré, nous allons donner une description aussi exacte que
possible de ce dolmen dont divers dessins, notamment une
magnifique eau-forte du maître, sont ci-annexés, pour rendre
plus intelligible la monographie que nous en avons entreprise.
§ 2. — Description du Dolmen,
Ce mégalithe, situé dans un terrain appartenant à M.
Sabouraud "propriétaire à Nieul-sur-l'Autise, à qui nous
adressons ici nos plus sincères remerciements, pour la
grande liberté qu'il nous a accordée de faire des fouilles,
était connu dans la région sous le nom de Pierre Mouilleron
ou Pierre qui vire.
* Un dolmen que nous avons visité, le 29 mai, ;iu lieu dit la Pierre-Folle ou
les Carns, commune de Thiré est exactement placé dans les mêmes conditions
par rapport m h\ rivière la Smagne ?
UN UOLMK:! INKUIT i3;i
Cette pierre, d'après les bonnes gens, du pays venait chaque
année se baigner dans l'Autise le matin de la Saint-Jean et la
nuit de Nool. — Une vieille madrée nous racontait mêm(>
sérieusement qu'avant « la grande Révolution » les mariés
du jour venaient se frotter contre les rugosités du mégalithe
pour demander au vieux celte qui repose sous la pierre des
enfants digne de leur puissant aïeul.
Une autre, renchérissant encore sur le tout, voyait dans les
trous de la pierre les points d'attache de navires d'une époque
tout à fait préhistorique!
La table émergeait du sol sur environ quinze mètres ; dix
étaient recouverts par les terres que l.i charrue avait peu à
peu ramenées près du mégalithe, et qui formaient autour
de sa périphérie des talus fortement inclinés sur l'horizon.
Ce mégalithe est formé d'une roche connue en minéralogie
sous le nom de poudingue ; son épaisseur moyenne est
d'environ O^TO. Les molécules qui le composent sont forte-
ment agrégées, et leur densité peut être évaluée à 2400 kilos
par mètre cube, ce qui donne pour l'ensemble du bloc un
poids de 42000 kilos. Il doit provenir des carrières de Cha-
vagné situées à 8 kilomètres de distance, à la limite de la
Vendée et des Deux-Sèvres.
Sa surface extérieure, du côté du levant surtout, est cou-
verte de circonférences presque tangentes de 1"40 de dia-
mètre, et d'entailles profondes parfaitement caractérisées,
qui semblent indiquer que pendant le moyen âge des essais
ont dû être faits pour détacher de cette pierre gigantesque
des meules de moulin. Plusieurs tubulures circulaires hori-
zontales de 0'"02 de diamètre, environ sur 1 " de longueur,
existent à la surface extérieure de la table, ainsi que deux
grossières em^^reintes de pieds humains. Bien que des spé-
cimens de ces dessins se rencontrent sur certains dolmens
du nord de l'Angleterre et de l'Ecosse, nous nous refusons
à y voir, dans le cas actuel surtout, des signes symboliques
quelconques, non plus que des rigoles à sacrifices humains,
134 UN IJOLMEN INÉDIT
comme en l'a prétendu longtemps. Peut-être néanmoins
peut-on voir dans le dessin de deux pieds, l'usage constant,
paraît-il, en Orient, d'après Prisses d'Avesnes, de marquer
sur le sable ou sur la pierre le contour des pieds de celui
qui était venu visiter un tombeau. « Je suis venu ici, disait
le voyageur, et j'ai rendu hommage ; et la preuve, c'est que
voila la trace de mes pas, que baiseront plus tard mes des-
cendants à venir. »
L'intrados ou voûte de la table est l'unique côté tangible,
et le seul qui fut visible autrefois: les dolmens étant presque
toujours recouverts d'un tertre ou tumulus. Cet intrados
porte en creux l'empreinte grossière, mais parfaitement
caractérisée de la charrue primitive, ou hoyau, qu'on voit sur
les monuments égyptiens.
Cet outil qui fournit le pain, et qu'on trouve dans sa vraie
forme en Océanie, en Chine, dans l'Inde, en Afrique enfin,
ne pouvait manquer d'être considéré comme saint par tous'
les peuples, et les Gallo-Romains en conservèrent le souvenir
en inscrivant sur leurs stèles funéraires des charrues avec
la formule sacrée : « Sub ascia dedicavit. » Ils en font la dédi-
cace sous le signe de Vascia ou de Vhaschen qui veulent sim-
plement dire charrue.
Des fouilles exécutées avec précautions les 17 et 21 avril
dernier en présence de MM. de Rochebrune et Valette, le
distingué directeur de la Revue du Bas-Poitou, mirent à nu
les anciens supports du dolmen : ceux du pourtour étaient
renversés ou inclinés ; celui du centre était d'une verticalité
parfaite, mais la table ayant éprouvé un léger déversement
vers l'ouest, par suite de l'enlèvement des surfaces dont nous
avons parlé plus haut, une partie seulement de l'arête était
en contact avec la paroi inférieure.
Une énorme pierre renversée bouchait jadis la chambre
sépulcrale au levant. Cette chambre renfermait des osse-
ments humains, des défenses de sangliers, un racloir en sileX;,
des morceaux de fer, des fragments de vases de l'époque
UN DOLMEN INÉDIT 135
gauloiso ot de l'époque gallo-romaine, des morceaux de tuiles
à rebords, une luile creuse de même date, presque intacte,
placée au centre même du dolmen, et une clef avec spirale
presque semblable à celle du quatrième siècle trouvée à Saint-
Thomas^ dans le jardin de M. Lalande, et gravée dans Poitou-
Vendée.
A en juger par les dimensions du tibia et du fémur, les
ossements devaient être ceux d'un homme de haute taille.
Du côté de l'ouest, dans une autre chambre sépulcrale, les
restes d'un repas des funérailles, la couche funèbre en
pierres calcinées, des ossements humains brûlés, des char-
bons de bois, mêlés à de l'argile cuite, nous donnèrent la
certitude que l'inhumation ordinaire et l'incinération avaient
été pratiquées par nos vénérables aïeux, à une époque bien
éloignée, si l'on en croit les documents irrécusables que
nous croyons devoir analyser pour l'intelligence plus grande
de notre travail.
^ ?>. — Antiquité des mégalitJies.
Dans le monde entier, des falaises armoricaines aux rives
du Pacifique, sur les monts de l'Oural et dans les plaines de
la Sibérie, sur les bords du Gange et les plateaux de l'Ara-
rat, les voyageurs rencontrent encore aujourd'hui ces monu-
ments mégalithiques, qui n'ont aucun rapport avec la reli-
gion des Druides, et qui, depuis un demi-siècle surtout, pas-
sionnent le monde des chercheurs.
Un certain nombre retracent le souvenir d'événements
écoulés, tous excitent notre intérêt par Tantiquité qu'ils nous
rappellent et les mystères qui les entourent.
Si nous interrogeons Vlliade (chant XVIII) et YOdyssée
(chant VIII) nous y lisons que l'assemblée des chefs, se réunit
en séance solennelle sur des sièges en pierres rangées en
cercle comme les cromlechs.
136 UN DOLMEN INÉDIT
Du temps d'Homère même, quelques-uns de ces monu-
ments étaient déjà antiques et mystérieux. Ainsi aux fimé-
railles, de Patrocle quand Nestor indique à son fils Antilochus
le chemin pour la course des chars, il lui dit : « La route dont
je te parle estdirecte et tu ne peux te tromper... De chaque
côté à l'endroit oi^i le chemin se rétrécit, alors que tout ce qui
l'entoure est plat, s'élèvent deux pierres blanches, placées
là pour indiquer le tombeau de quelqu'un mort depuis long-
temps, ou pour préserver le souvenir d'un événement ac-
compli dans les âges écoulés Clliade XXIII).
Hector frappé parla lance d'Achille est enterré sous un
tertre tumulaire, composé de pierres et de terre. Son meur-
trier édifie sur les restes de son ami Patrocle un tumulus de
plus de 100 pieds de diamètre.
Alexandre fait élever sur les restes de son favori Héphestion
un tumulus qui lui coûte 1200 talents (5.812.500) et selon les
plus anciens historiens, dont les récits ont été confirmés
parles recherches des archéologues, l'élévation de collines
sur les tombeaux se pratiquait anciennement chez les
Scythes, les Grecs, les Etrusques, les Germains et d'autres
peuples.
Les Juifs eux-mêmes ont érigé des mégalithes^ la Genèse
nous parle de Jacob dressant une pierre comme monument,
— de Moïse élevant douze piliers de pierre sur le mont Sinaï.
— L'Exode nous montre Absalon faisant élever pour lui-
même, un pilier dans la vallée du Roi. « Je n'ai pas de fils
pour garder mon souvenir et perpétuer ma mémoire » s'écrie-
t-il, et il donne son nom à ce pilier qui s'appelle encore au-
jourd'hui " le pilier d'Absalon. »
§ IV. — Quelques 'mégalithes et surtout des dolmens sont
postérieurs à l'ère chrétienne.
La plupart des tumuli de l'Europe occidentale sont certai-
nement préhistoriques, mais il en est quelques-uns cepen-
dant dont la dato et l'oricine nous sont connus.
UN DOLMEN INÉDIT . 137
En 285 Locliaid, roi d'Irlande, est enterré sous un dolmen.
Ossian dans son poème immortel s'écrie : « Place-moi^,
Fingal, sous quelque pierre mémorable qui atteste la gloire
de Calma Cathula, dresse une tombe sur la colline et place
sur cette tombe une pierre grise où tu écriras : « Ici repose
sous ce bloc dressé, le chef de la race de Dermud, et cette
pierre dira mon nom aux siècles à venir : elle parlera aux
années qui s'élèvent derrière les âges. »
Les Sagas danoises nous disent aussi qu'au milieu du
VHP siècle, Sigurd Ring ayant vaincu son oncle le roi Harald
Hildeland à la bataille de Braavalla « lava le cadavre, le plaça
sur le char de guerre de Harald et l'enterra dans un tumulus
qu'il avait élevé dans ce but. »
Le cheval de Harald fut sacrifié et enterré avec lui, ainsi
que la selle, afin que Harald put se rendre aa Walhalla à
cheval ou en voiture, comme il le préférerait. Puis Ring donna
un grand festin après lequel il recommanda aux chefs présents
de jeter leurs ornements et leurs armes dans le tumulus en
l'honneur de Herald. Enfin le tumulus fut fermé avec soin.
En 950, le roi Gorma et la reine Tyra sont inhumés sous
des tumuli à Jellinge en Danemark; et en Angleterre, d'après
le savant John Lubbock, la coutume d'enterrer sous ces
monument ne fut décidément abandonnée que pendant
le X* siècle.
En France, malgré les Conciles d'Arles (452), Tours (567),
Nantes (743), déclarant en substance « que les démons seuls
stationnaient auprès des mégalithes » et que les adorations
qu'on y faisait étaient impies au premier chef, il fallut en 789
un capitulaire de Charlemagne daté d'Aix-la-Chapelle, or-
donnant « d'abolir absolument l'usage qu'avaient conservé
« quelques insensés d'aller allumer des chandelles et prati-
« quer d'autres rites odieux près des arbres, des pierres et
« des fontaines antiques » pour faire cesser les inhumations
sous les dolmens.
La tradition de la pierre droite élevée en souvenir d'un
138 UN DOLMEN INÉDIT
mort s"est conservée bien plus lard encore. A deux pas de
Sainte-Anne d'Auray à l'endroit môme oîi périt en 1364,
Charles de Blois. compétiteur de Jean de Montfort, devant
l'abbaye de la Chartreuse fondée par le vainqueur sous le
nom de « coIU'gialp de Saint-Michel-du- Champ » en souvenir
de son triomphe, se voit au pied d'une croix restaurée der-
nièrement un Icch. planté là le jour même de la bataille, à la
place où l'on trouva parmi d'innombrables cadavres, le corps
inanimé du prétendant.
Au XIV* siècle, on élevait encore des menhirs en Basse-
Bretagne.
11 se trouve au milieu de la forêt de Paimpont en Bretagne,
un cromlech avec dolmen, fontaine sacrée et le reste, et les
libations qu'on y fait encore sont tellement respectées que le
clergé catholique lui-même n'a pu les abolir^ et qu'en 1835,
les habitants de Concoret (la vallée des fées) les accomplirent
solennellement avec les cérémonies dont Robert Wace et
Ghrestien de Troyes nous avaient gardé la mémoire.
i^' V. — Les Dolmens sépultures .
Les découvertes nombreuses faites depuis 25 ans dans
toutes les parties du monde et en Bretagne notamment, par le
distingué Louis Galles, ingénieur des ponts et chaussées, ont
démontré que si quelques monuments mégalithiques ont été
édifiés en commémoration de quelque événement remarqua-
ble, comme par exemple le monticule élevé par les Dix mille,
quand ils aperçurent la mer pour la première fois pendant
leur célèbre retraite, les dolmens surtout n'étaient autre chose
que des tombeaux, de simples ossuaires dressés parles peu-
ples primitifs à la mémoire de leurs guerriers et de leurs
ancêtres. Dans ces dolmens on déposait souvent les objels
que le dofiinf avait lo plus nimés pendant sn vie: sps armes,
UN DOLMEN INÉDIT IMO
ses bijoux, son cheval de bataille, et aussi les aliments né-
cessaires pour entreprendre le grand voyage.
« Quand un grand homme mourait en Scandinavie, dit
« Lubboch, déjà cité, on l'asseyait sur son siège favori, on étalait
« devant lui de quoi boire et de quoi manger, on plaçait ses
<> armes à ses côtés, on fermait sa maison et on en recouvrait
« l'entrée avec de la terre, pour la rouvrir cependant quel-
« quefois quand sa femme où. ses enfants allaient le rejoindre
« dans la terre des Esprits ».
Aujourd'hui encore, et c^est un fait remarquable, quelques-
unes des tribus des régions montagneuses de l'Inde, notam-
ment les Khasias, continuent à élever des dolmens pour l'in-
humation de leurs chers morts, auxquels ils font des funé-
railles qui par leur magnificence ont étonné les voyageurs.
De temps en temps, comme aux premiers jours du bou-
dhisme, ils invitent leurs âmes à prendre part au repas funè-
bre Sraddha « Lève-toi ditBaratha dans le Rig-Veda, lève-toi
« pourquoi dors-tu, me voici arrivé sur ton ordre. ... Pour-
« quoi m'as-tu délaissé.... Yama permets que le trépassé
« descende pour jouir des libations du matin et du soir » (du
Cleuziou.)
Et puis du reste le culte pour ceux qui ne sont plus ne
remorite-t-il pas aux premiers âges de l'humanité ? « Le jour
dit Ernest Feydeau dans son magnifique ouvrage intitulé :
Histoire des usages funèbres, le jour où l'homme aida et
secourut son semblable, il pleura sur sa dépouille mortelle et
la respecta. »
Lorsque le premier homme pressa sur son sein désolé
l'image de sa compagne, il refusa longtemps de croire à
l'éternelle impossibilité de son retour à la vie, longtemps il
conserva l'espoir de réchauffer^ de ranimer ce corps inerte,
mais enfin lorsque les signes expressifs de la décomposition
lui apparurent, se refusant à l'idée djn néant, il creusa, aidé
des siens, la dernière demeure de celle qu'il avait aimée, la
tapissa de la mousse sèche du premier nid de leurs amours
et y coucha celle qu'il espérait voir un jour se réveiller.
140 UN DOLMEN INÉDIT
De cette idée devait naître nécessairement la croyance à
une résurrection future.
Sur les monuments égytiens fait remarquer l'auteur des
Premiers âges de Vhumanité, le grand sphinx plantant la vie
dans la mort nous indique encore que la même pensée d'im-
mortalité surhumaine a traversé le monde, et que le génie
celtique, en écrivant, au cap Finistère, au milieu des tombes,
cette belle devise: Merva del veva: mourir c'est vivre, était
bien le père de celui qui inspira jadis les grands penseurs de'
Thèbes et de Memphis.
§ VI. — Des objets trouvés sous les dolmens. — De leur
construction.
Il est acquis aujourd'hui que beaucoup de chambres sépul-
crales de dolmens ont été violées par les Gallo-Romains qui
espéraient y trouver des objets précieux, bien que certains
de ces tombeaux ne continssent aucune espèce d'objets, soit
en pierre soit en métal : beaucoup ne renfermaient que des
vases à aliments.
On peut affirmer aussi que ces tumuli qui nécessitaient pour
leur construction beaucoup de travail etde dépenses, n'étaient
élevés qu'en l'honneur des riches et des grands, quoiqu'ils
aient pu servir, et qu'ils aient sans doute servi de tombeaux
pour les pauvres.
Ces tumuli nous apprennent également que ces peuples
inconnus avaient des chefs très obéis, dont la volonté despo-
tique pouvait mettre en mouvement des milliers de bras
pour leur bâtir ces tombeaux qu'ils entendaient habiter un
jour.
La coutume d'inhumer sous de vieux dolmens, coutume qui
s'est perpétuée ainsi ^ue nous l'avons dit, jusqu'au X' siè-
cle, a produit quelque confusion, parce que des objets de dates
très différentes se sont rencontrés dans le même tombeau.
UN DOLMEN INÉDIT 141
Il a dû en être ainsi selon toute probabilité pour celui de Xan-
ton, où se sont trouvés réunis des objets appartenant aux
périodes comprises entre l'époque moustérienne, caractérisée
par le racloir en silex, et l'époque gallo-romaine avec sa clef,
ses tuiles -à rebords et ses vases.
Quoi qu'il en soit, et en admettant que la présence du silex
indiquât une sorte de déférence pour d'anciennes coutumes,
il est certain pour nous que le signe de l'ascia gravé grossière-
ment sous la paroi du dolmen est un sûr indice certain d'une
très haute antiquité qu'il est impossible de déterminer même
approximativement, non plus que le motif pour lequel a été
construit ce monument. Mais il est hors de doute que les po-
pulations qui ont érigé cet édifice étaient animées d'un désir
d'immortaliser leur mémoire comparable à celui des Egyptiens.
Le transport de ce mégalithe, comme celui de ses congé-
nères, a dû coûter beaucoup de peines et de dépenses, et
ces preuves de puissance sont constantes, de quelque temps
qu'on veuille les supposer.
Quelques auteurs ont nié la participation des Gaulois et des
Celtes à l'érection des monuments mégalithiques. Or les Gau-
lois et les Celtes n'étaient que les successeurs directs des
Aryas, premiers architectes de ces monuments, et cette race
tout entière mérite d'être appelée le peuple des dolmens.
L'ère des dolmens a duré des siècles, puisqu'en Bretagne
et dans l'Aveyron, certains d'entre eux sont sûrement con-
temporains de l'âge de bronze et de la première apparition du
fer, qui, d'après M. Bertrand, aurait été connu et utilisé dans
le monde hellénique, 1400 ans avant notre ère: C'est ce qui
explique qu'en plein âge de bronze on peut trouver acciden-
tellement du fer dans quelques tombeaux, puisque d'aucuns
prétendent aujourd'hui qu'en Orient l'art de travailler le fer
est aussi ancien que l'art de travailler le bronze. Néanmoins
en Scandinavie, et par suite de certains préjugés, les habitants
se sont obstinés à exclure le fer de toutes leurs îles jusqu'a-
près l'ère chrétienne, et les Egyptiens ne s'en sont jamais
servi qu'à regret.
142 UN DOLMEN INÉDIT
Malgré tout, nous sommes encore à l'enfance de l'art, en
fait d'études archéoiog-iques sur les dolmens et leur mode de
construction. Ce n'est guère qu'à l'aide des peintures et des
dessins tracés sur les monuments de l'antique Egypte, no-
tamment à Berscheh, qu'on a pu, par hypothèse, reconstituer
le système employé par les Aryens pour l'érection de ces
monuments gigantesques à une époque où manquaient;, sans
doute , les voies de communication faciles et les engins
puissants dont dispose l'industrie moderne. Nous pensons
être agréable au lecteur de la Revue du Bas-Poitou, en
annexant à notre travail une autographie en petit d'un
tableau de du Gleuziou intitulé : Construction d'un dolmen.
Nous espérons aussi que notre modeste étude aidera à
préserver d'un vandalisme sans nom les monuments méga-
lithiques qui restent encore dans notre pays, et à faire aimer
davantage notre chère Vendée qui, pour nous servir d'une
expression du grand duc de Toscane « n'est encore pour
beaucoup de Vendéens qu'une belle inconnue. »
Fontenay-K-Comte. le 2 juin 1800.
Louis Brochet.
CHARTES
CONCERNANT LA FONDATION
DB
NOTRE-DAME LA BLANCHE
A. NOIRMOTTTIER
Notre-Dame la Blanche , dont nous avons écrit
récemment l'histoire', était un monastère de l'ordre
de Gîteaux, filiation de Glairvaux, fondé en 1172, sur
le Pilier [Insula de Pyllers, de Piglers, de Pilliario, par un
essaim venu de Buzay, puis transféré, en 1201, dans la partie
septentrionale de Noirmoutier {Hero itisula, Hero monaste-
rium, et plus tard Nigrum monasterium).
Son véritable nom, au point de vue ecclésiastique, était
Notre-Dame de VIsle-Dieu [Bcata Maria de Insula Dei), mot
qu'il ne faut pas confondre avec l'Ile-d'Yeu [Insula Oya
ou de Oys).
Le chartrier de Buzay est muet sur la première fondation
de Notre-Dame de l'Isle-Dieu, sur le Pilier, le jourdes calendes
de juillet 1172. On trouve, au contraire, les noms ou au moins
les initiales de ses preiTiiers abbés dans diverses donations
faites à la maison-mère et les relations entre les deux monas-
* Etudes sur Noirmoutier : Notre-Dame de la Blanche (Monasteritim
Beatx MarisB de Insula Dei), Luçon, impr. Bidenux, 1890, et Archives du
diocèse de Luçon, môme année.
144 CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
tères restèrent intimes, pendant les deux siècles suivants.
Le frère Heymeri, de l'Isle-Dieu, en Neir-Moustier [Cartul. de
Buzay), céddiii, en 1334, aux moines de Buzay,xxv sols de cens
sur les marais de Boismarde, en Prigny, et sur les vignes
de Pornic, contre pareille somme, sur les prés de Saint-
Sauveur, au Perrier, et la maison Galyot , à Beauvoir. En
1365, Denis, abbé de Buzay, traversa la baie de Bourgneuf
pour porter des secours et des conseils à Jean de Glermont,
ruiné par suite de faits de guerre, et nous le voyons apposer
son sceau et celui de son abbaye au bas d'un acte d'arrenle-
ment fait par les moines de l'Isle-Dieu, auprès des sceaux de
leur abbé et de leur monastère*.
L'acte de fondation octroyé aux Cisterciens, par Pierre IV
de la Garnache, après leur translation à Noirmoutier, est la
première pièce que nous ayons à signaler. Il paraît impos-
sible que d'autres donations n'aient pas été faites de cette
époque à 1225, et il serait bon de les rechercher à Chel-
tenham, en Angleterre, dans la bibliothèque de sir Thomas
Phillips, devenue la propriété de sir T. F. Feuwich'.
En dehors des manuscrits de dom Fonteneau conservés à
la bibliothèque de Poitiers, nous avons puisé nos principaux
renseignements dans les archives d'Antonin et de Ludovic
Jaeobsen, contenant un certain nombre de pièces originales et
d'anciens vidimus. Qu'ils veulent bien agréer tous les deux
nos meilleurs remercîments. Nous les offrons aussi à S. de ja
NicoUière, sans lequel nous n'aurions pu déchiffrer plusieurs
pièces de difficile lecture.
Le lecteur bienveillant nous pardonnera le nombre des
chartes citées; toutes ont leur intérêt. Elles nous font assister,
à plus de six cents ans de distance, à la manière, dont se fon-
daient les abbayes, grâce à la libéralité des grands, aux dons
des personnes pieuses et à la haute protection du Saint-Siège.
.* Collection do M. Antonin Jaeobsen.
» N» 7406. — N.-D. de lalBlanche de Noirmoutier, 1632. Parch.
i 123 pages; 355 X 295'"'.
DE NOTRE-DAME LA BLANCHE A NOIRMOUTIER 145
Elles nousmontrentles précautions qu'il leurl'allail prendre,
à cette époque d'arbitraire, pour ne pas être dépossédées de
leurs legs et donations ; de là ces confirmations répétées.
obtenues des seigneurs de divers degrés, les unes à prix d'ar-
gent^ les autres gratuitement, [liberaliter, in puram eleemo-
synain), pour le salut de l'âme des donateurs et de leurs
parents. Puis ces vieux papiers font connaître un grand
nombre de droits et de devoirs, qui nous paraîtraient de
véritables exactions;, si, reportant les yeux sur notre temps,
nous ne nous trouvions en face des lourdes charges écra-
sant Id propriété, sous les noms d'impôt foncier, de droit de
succession, de droits de mutation, et autres. Enfin, ils nous
donnent les noms de nombreuses localités et ceux de fa-
milles, dont les unes sont éteintes et les autres encore repré-
sentées parmi nous.
ACTE DE FONDATION
Fondation et dotation de l'abbaye de d'Isle-Dieu, ou de la
Blanche, dans l'île de Noirmoutier, par Pierre de la
Garnache, héritier et seigneur de la Garnaghe {1205^].
L'original sauvé des mains des Hollandais en 1674, se
trouvait aux archives de la Blanche, au moment de la Révo-
lution. Il fut de nouveau préservé, en 1790, de la destruction
parJ.G. Jacobsen; puis passa des mains de son fils, Alexandre,
dans celles de B. Fillon. Après la mort de celui-ci, nous
perdons sa trace.
*La pièce est donnée d'après une charte confirmative de 1273,
faisant partie de la collection de Lud. Jacobsen. Maurice de
* Cette pièce a déjà été publiée avec traduction, par Françoii Piet (.W-
moires laissés à mon fils, note 1) et par Jules Piet (Recherches topogra-
phiques statistiques et historiques sur Noirmoutier), d'après le texte
incomplet, donné par dom Lobineau [Hist. de Bretagne, t. ii p. 389).
140 CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
Belleville y rapporte en entier la lettre de Pierre de la Gar-
nache et en confirme le contenu'.
Nous aurons l'occasion de citer une traduction du XVIP
siècle, intéressante, malgré ses lacunes, et que nous devons
à l'extrême obligeance de Léon Brunschvicg*.
• Ant. Jacobsen possède un cidimus de la lettre de Mauiùce de Belleville,
fait en 1395. par Guillaume Marlet, ^'arde du sceel de la seigneurie de Noir-
moutier, à la demande du frère Louis Pilait, procureur de l'ablaye de la
Blanche.
La partie la plus difficile à lire n'a pas été reproduite dans le ridimus.
qui présente quelques variantes portant sur les noms propres, mais beau-
coup moins nombreuses que celles offertes par la copie de dom Fonteneau
{Mo.nusc. t. I, p. 343), et .surtout par celle de dom Lobineau.
' Elle est siirnée par J. Bethuis, sergent royal, pour ridimus et C0}iie et a
été collationnée à son original par G. Maublanc, notaire.
A la suite du pillage de l'abbaye par les Hollandais, Joseph de U
Trémoille retira du chartrier d'Apremont les titres lui permettant de
retrouver ses droits comme abbé de la Blanche. Un procès étant survenu
entre lui et les Noirmoutrins, au sujet de la rançon de l'ile, J. Bouhyer
du Sableau, mandataire de ceux-ci, se fit donner les copies que nous a re-
mises Brunschvicg. Une des pièces porte : « L'extraict sy dessus et des
aultres parts contenant les papiers concernant quelques droicts de l'abbaye
Blanche et du prieuré de Sainct-Filleberd de Noirmoutier, a esté par nous
soubsignés. notaires dudit Noirmoutier, fidèlement collationné et vidimé sur
son original estant en papier, et qu'avons trouvé sain et entier en son écri-
ture et signet. Ce jourdhuy vingt et uniesme jour du mois de mai mil six
cents quatrevints et un ; ce requérant noble Jehan, sieur du Sableau, dont acte
Signé: Dl' Sableau-Boiihyer : Beillet, notaire ; J. Sortkst, notaire. »
CHARTE DE FONDATION
-é-^^ei»-j-
EGO, Petrus de Gasnapia, hè-
res et dominus Gasnapie,
notum lacio omnibus pre-
sentem cartam inspecturis,
quod,ego,Deo et abbacie Insuie Dei,
cysterciensis ordinis, quam in
insula de Pyllers' primo funda-
tam, propter difficultatem loci,
in Hero yisula, divina inspirante
gracia, transtuli, et ibidem in ho-
nore Domini nostri Jhesu Christi
et Béate Marie semper Virginis,
genitricis ejusdem, et omnium
Sanctorum, pro salute anime mee
et parentum meorum in perpetuum
lundavi.
Dono et concedo tantum de
nemore meo, in quo sita est»,
quantum durât a capella Béate
Marie Magdalene^, dicte nemori
proiima, usque in finem dicti
nemoris inferius, cumtota riparia*
maris sibi contigua et cum dicta
JE, Pierre de la Garnache,
héritier et seigneur de la
Garnache, fais savoir à tous
ceux qui la présente lettre
verront, qu'inspiré par la grâce
divine, j'ai, à cause de la difficulté
du lieu, transféré l'abbaye de l'Isle
Dieu, de l'ordre de Gitau-x, précé-
demment fondée sur l'ile du Pilier,
dans celle d'Héro, où je l'ai établie
en l'honneur de N.-S. Jésus-
Christ, de la bienheureuse Marie
toujours vierge, sa mère, et de
tous les saints, pour le salut de
mon âme et de celle de mes parents.
Je donne et concède, à titre de
fondation perpétuelle à Dieu et à
la dite abbaye la partie de mon
bois dans laquelle elle est située,
telle qu'elle s'étend de la cha-
pelle de la bienheureuse Marie
Magdeleine, touchant au dit bois
* Dom Fonteneau écrit Piblers, par erreur de copiste.
* La charte constate que l'abbaye était déjà transférée à Noirmoutier ; les
Cisterciens avaient quitté le Pilier au mois de janvier 1200 (1201 n. s.). Voir
N.-D. de la Blanche page 7.
» Elle dessfiTait une léproserie, rappelée pareillement par le Pwi^s cie /a Borde,
et qui, plus ancienne que l'abbaye, dépendait du prieuré bénédictin de Noir*
moutier. Une pièce de 1758 dit qu'à cette époque elle était en ruines, depuii
an temps immémorial. Des pans de murs existaient encore en 1806. Il n'en
reste plus de vestiges, mais, au village de la Magdeleine, une pièce de terre cul-
tivée en jardin porte encore le nom de la Chapelle.
* La vieille traduction dit arée pour riparia. Les Barbàtrois appellent leur
fflte la Grande-arée.
Tome in. — Avril, Mai, Juin 1890. 10
148
CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
insula de Pyllers, habendum in
perpetuum et tenendum.
Dono iteruni et concedo dicte
abbatie, in perpetuum, totum usa-
gium suum plenariumliabentium
et capienduin, libère et expedite,
per totam forestam meam de Gas-
napie', ad edificia sua et omnia
alia sibi necessaria facienda, sine
dare, vel vendere aliquid de ipsa
foresta.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie unam biroteam brande ,
sive bruerie, ad usum furni sui,
singulis septimanis capiendam in
perpetuum et habendam, in deser-
tis, sive landis, Hero insuie, in
quibus branda, sive brueria, ad
usum furnorum castri Hero insuie
capietur.
Dono iterum et concedo dicte
abbatie in perpetuum totum, clau-
dicium meum de Barbastre^ et
totum claudicium meum de Hero
insula, quod vocatur claudicium
domine Gélose et terras que dicun-
tur les Isleas, dicto claudicio
proximas,necnon et totas retractas*
maris, dictis claudicio et terris
contiguas, prout longe lateque
durare videntur.
jusqu'à l'extrémité inférieure de
ce bois, ainsi que tout le rivage de
la mer, qui lui est contigu, avec
l'île du Pilier, pour les avoir et
tenir à perpétuité.
Je donne encore et concède à
ladite abbaye, à perpétuité, pleins
pouvoirs de prendre librement et
sans aucune formalité, dans toute
ma forêt de la Garnache, le bois,
dont elle a besoin pour ses édifices
ou pour les autres qui pourraient
lui être nécessaires, sans toutefois
qu'elle puisse rien donner ou
vendre de cette forêt.
Je donne encore et concède à
ladite abbaye, pour son four,
une brouettée de brande, soit de
bruyère,àprendre chaque semaine,
à perpétuité, dans les lieux in-
cultes, 01 landes, de l'île d'Héro,
dans lesquels la brande, ou bruyère,
est prise pour l'usage des fours du
château de l'ile d'Héro.
Je donne encore et concède à
ladite abbaye, à perpétuité, tout
mon clos de Barbâtre et tout mon
clos de l'île d'Héro, appelé le clos
de Madame Gélose et les terres
dites les Isleaux, touchant au dit
clos et tous les lais de mer attei-
gnant aux dits clos et terres, telles
qu'ils se poursuivent tant en lon-
gueur qu'en largueur.
' La forôt de la Gavnache couvrait une grande partie de la plaine com-
prise entre la Garnache, Bois-de-Cené et Sallertaine.
' La brande (Erica scoparia), ou bruyère à balais, est employée pour chauffer
le» fours et construire des magasins.
' Plus tard la Granye ou ferme de Barbûlre.
* Retracte, retraits ou lais de mer. On dit de nos jours, retraictes ou retraites.
La pièce de Brunschvicf:, traduit ce mot par sartière, de sart (Suœda fruc-
ticosa), plante commune dans les terrains salés.
DE NOTRE-DAME-LA-BLANCHE A NOinMOUTlER
149
In Montibus* vero, doito et con-
cedo dicte abbacie, in perpetuum,
totas retractas de la Besse, secus
Oroez sitas.
lionn iterum et concède dicte
abbacie, in perpetuum, in insulade ■
Oys, viginti modios vinipuri, quod
primo trahetur de cuvis meis in
tempore vendemiarum, annis sin-
gulis capiendos ; necnon et quin-
decim libras annui redditus super
terras de fo resta ejusdem insuie, ad
culturam reductas, in perpetuum
assignatas, etmolendinum adven-
tum habendum in perpetuum in
eadem insu a et tenendum.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie quadraginta libras annui
redditus in terra mea acquirendas.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie. in perpetuum de liomini-
bus meis : in Hero insula, Guiller-
mum Haymkt, David Belle Amie',
Guillexmum Pinchon et Aymeri-
cum PiNcnoN*, fratrem ejus ; in
Belveario*, Petrum Bechet, Oetu et
Johannem de Maciieco, generum
ejus. Gaufridum Le Mercer', Pe-
Dansles Monts, je donne et con-
cède à ladite abbaye, à perpétuité,
tous les retraits de la Besse, près
d'Orouet.
Je donne encore et concède, à
perpétuité, k ladite abbaye, dans
l'ile d'Oys, vingt muids de vin pur,
qui seront les premiers tirés de
mes cuves, chaque année, à l'é-
poque des vendanges; et, en outre,
quinze livres de rente annuelle
assise à perpétuité sur les terres
de la forêt de la même île, actuel-
lement en culture ; enfin, le mou-
lin à vent de cette île, pour l'avoir
et tenir à perpétuité.
Je donne encore et concède à la
dite abbaye quarante livres de re-
venu annuel à prendre sur ma
propre terre.
Je donne encore et concède à la
dite abbaye, à perpétuité, parmi
mes hommes de l'île d'Héro, Guil-
laume Haymet, David Belle Amis,
Guillaume Pinchon, Aymeri Pui-
CHON, son frère ; parmi ceux de
Beauvoir, Pierre Bechkt, Oeth et
Jean de Machecoul, son gendre ,
Godefroy Le Mercer , Pierre Le
« Lisière de terrains et dunes comprise entre le marais et la mer, au sud de
Beauvoir. Elle forme les paroisses de Saint-Jean, de Notre-Dame et de la Barre-
des-Monts.
' Depuis la Grange ou ferme abbatiale d'Orouet. Le bras de mer, appelé la
Besse, n'est plus qu'à l'état de vestiges. De Sourdeval traduit Oroez par Nord-
Ouest, ces lais de mer étant au N. 0. de l'ancien canal.
' La partie nord de l'Ile d'Yeu porte le nom de Fouras, tandis que le S. 0.
est appelé Creuzland ou pays de la Croix.
* Dom Lobineau lisait Bebalne ; d'autres Beleame.
* Ailleurs Pinçon et Pinçon.
< Beauvoir-sur-Mer : Dellovisus, Belvearius, Belvedeir, Belveir, en patois
Béavoir, à cause de la butte artificielle, située dans le jardin de la maison
Dupleix et qui domine la petite ville.
' D'après d'autres copies, Lo Mercer et Lemercier.
150
CHARTE CONCERNANT LA FONDATLON
trum Le Mercer et Laurenoium Le
MERCER,l"ratrem ejus; inGasnapia,
Margaritam et R. Minet' ; in Oys,
Petrum Aulay», et heredes om-
nium supradictorum, cum omni-
bus teneuris^ suis, per totam ter-
ram meam, ab omnibus costumis*
et serviciis omnimodis mihi debitis
libères in perpetuum et immunes.
Yolo in perpetuum et concedo
dicte abbacie plenarium posse re-
cipiendi in suos homines quos-
cumque alienigenas ad terram
meam venturos, et ipsos sub suc
dominio et protectione habere, ab
omnibus costumis et serviciis
omnibus mihi debitis in tota terra
mea omnino liberos et immunes.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie, in perpetuum quidquid
fratres dicte abbacie, aut homines
MERCgR et Laurent Le Mercer, son
fi'ère ; parmi ceux de la Garnache,
Marguerite et R. Minet ; à l'ile
d'Oys, Pierre Aulay. Tous les sus-
dits ainsi que leurs héritiers et
leurs teneures seront à l'avenir
libres et dégagés de toutes les cou-
tumes et services de toute nature
m'étant dus par toute ma terre.
.le veux à tout jamais et concède
à la dite abbaye, à perpétuité, le
plein pouvoir de recevoir au
nombre de ses hommes les étran-
gers quels qu'ils soient, qui, à l'a-
venir, viendront s'établir sur ma
terre, et de les conserver sous sa
domination et protection, libres et
exempts de tous les coutumes et
services qui me sont dus dans
toute ma terre.
Je donne encore et concède à
la dite abbaye, à perpétuité, tout
ce que ses frères ou leurs hommes
' Alias : R. Moisnel ; la vieille traduclion dit : Robert Minion poui' Mignon.
^ Piet écrit Alais ; Dom Fonteneau Olay.
3 Tenkork, teneura, tenura (Voir du CangeJ : Teneurs est appelée la manière,
pourquoi les tenements (tenamenta) sont tenus du seigneur ; l'une des tenues
est tenue du seigneur par hommaige, l'autre par parage, et l'autre par aumône
(Charta Mattheœi de Marliaco, 1202).
* Costuma. Consuetudo : prsBstatio , vel pensitatio, qux ex consuetudine
prxstatur, cujus initium ignoratur. 'DuCange. U y avait à Noirmoutier des
droits de cette origine sur l'exportation du blé et du sel. Pour cette dernière
denrée, on les distinguait en grande et petite coutumes : la première avait pour
base la quantité de sel exportée ; la seconde, correspondant au droit de planche,
se percevait sur la durée du chargement — « Toutvaessel marchand forain doibt
par grand coustume, sur toute charge de sel, XVI sols VI deniers, en laquelle
grand coustume, le doïen de Saint-Philibert de Nermoustier prant sur la d.
somme, Xll deniers ; et aussi à savoir que chacun vaesssel qui charge sel en la
dite ysk, quelque numbre que poiet ledit vaessel, doibt pour chacune charge
I denier de petite coustume, et, par chacun jour qu'il charge de sel, il doibt pour
la mesure dudit sel IIII deniei's. Et à. laquelle petite coustume et mesure, .Tehan
Goion (le gouverneur du château) prant la moitié et Monseigneur l'autre moitié.
{Manusc. du commencement du XV" siècle communiqué par M. le duc de la
Trémoille.)
DE NOTRE-DAME-LA-BLANCHE A NOIRMOUTIER
151
sui, in toto mari ad dominium
meum pertinente, piscaripoterunt,
aut forsitan invenire.
Dono iterum et concedo Deo et
béate Marie et omnibus Sanctis et
abbacie supradicte, habendum in
perpetuum ettenendum,quodcum-
quejus atque dominium habeo et
habere possum et debco in rébus
omnibus prenominatis dicte ab-
bacie a me donatis, ut supra di-
ctum est, et concessis.
Preterea dono in perpetuum et
confirme dicte abbacie feodum,
quem nobilis domina, Agnes mater
mea, cum una domo in Hero
insula et mostonagio* suo de
Boing eidem abbacie in perpetuum
donavitmisericorditeretconcessit.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie, in perpetuum, et confirme
quadraginta solides' annuireddi-
tus super burgensiam^ Beren-
GARii, militis, et tr\ginta solidos
pourront pêcher, ou trouver par
hasard, dans toute la mer dépen-
dant de mon domaine.
Je donne encore et concède à
Dieu, à la bienheureuse Marie, à
tous les Saints et à abbaye susdite,
pour avoir et tenir à perpétuité,
tous les droits dei suzeraineté que
j'ai, puis et dois avoir sur toutes
les choses précitées données et
concédées par moi à ladite abbaye,
comme il est dit ci-dessus.
En outre, je donne et confirme
à la dite abbaye, à perpétuité, le
fiefque noble dame, AGNÈs,ma mère,
a pieusement donné et concédé à
perpétuité à la dite abbaye, une
maison dans l'ile d'Héro , et son
moutonnage de Boing.
Je donne en outre et concède à
la dite abbaye, à perpétuité, et je
lui confirme quarante sous de
rente annuelle sur la bourgesie du
chevalier Berknoer, et trente sous
* MosTONAoïuM, niotonagium : tribuium ex vervecibus, seu mutonibus. —
Le droit de moutonnage consistait, à Noirmoutier, en une dime sur les brebis
une sur seize; à. Bouin. en une dîme sur la laine et sur les agneaux nourris Jiors
de la procession de Saint-Marc et autres lieux francs (la ville et le village
d'Aunois). Il y avait aussi, à Bouin, un autre droit de moutonnage de six
deniers par feu, au terme de la Pentecôte. (J. Piet : Nomenclature comparée
des privilèges et devoirs seigneuriaux des îles de Noirmoutier, de Bouin
et d'Yeu.)
> La valeur du sou tournois de cette ("'poque était, d'après Wailly, de 1 fr. 01 ;
celui de la livre, de .!0 fr. 20. Le sou pariais, au contraire, équivalait à 1 fr. 25
et la livre parisis à 25 fr. 30. Il s'agit ici de sous et de livres tournois.
' BuROENsiA, burgesia, burgagium, bourgesie: Burgaoidm, certum et anniium
vectigal quod burgensis, aut burgi incola, pro domicis suis seu tenementis gux
in burgo possidet, burgi domino prmstat Littleton. Redevance fixe et annuelle
que tout bourgeois, ou habitant d'un bourg, doit au seigneur du dit boui'g, pour
ce qu'il possède dans le bourg. Du Cange ajoute : Burgesia est idem quodbur-
gagium, seu quod à burgensibus domino pensitatur. Il renvoie à la charte, de
Pierre de la Garnache, Pro monasterio S. Maria! de Blancha et cite une charte
de 1277, de Johannes de Castilione, comes Blesensis, dans laquelle il est dit :
Ay donné en perpétuelle aumi'ne à l'abhaye des Nonains de N.-D. de Soissons
à prendre sur mes bourgésies de Guyse, par la main de cely qui tens recepvraieg
dites bourgésies. »
152
CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
annui redditus super lurgensiam
Pétri Gaut et Hayrois uxoris sue,
decem so lidos annui redditus sup?r
burgensiam Haurose*, quondam
filie Pagam OciLi Lupi, et decem
solidos annui redditus super bur-
gensiam Moranti molendinarii,
quos nobilis vir Guillermus de
Cantamërula, et nobilis domina
MAXEXDisuxor ejus, cumomnialio
jure quodin dictis burgensiis ha-
bebant, eidem abbacic donacione
perpétua misericorditer conces-
serunt.
Donc iterum et concedo et con-
firmo in perpetuum dicte abbacie
quidquid juriset dominii domina
Thorauda habebat in Campo-pe-
troso, Masura et teneura Heu-
donis Honrbure et rébus aliis in
Hero insula sitis, quod dicta Tiio-
rauda dicte abbacie donavit in per-
petuam helemosinam et concessit.
Dono iterum et concedo dicte
abbacie in perpetuum et confirmo
burgensiam Buchardi, militis, in
Belveario sitam, quam Gaufridus
BïRTAUT, miles et Bucharda, uxor
ejus, quondam filia dicti Buchardi,
dicte abbacie in perpetuum dona-
verunt misericorditer et conces-
sexunt.
Dono iterum et concedo in per-
petuum et confirmo Deo et béate
Marie et omnil)US sanctis et ab-
bacie supradicte, habcndum tota-
liter et tenendum, quodcumque
jus et dominium liabeo ethabere
possum et debeo in rébus omnibus
de revenu annuel sur la bourgesie
de Pierre Gaut et d'HayroÏs, sa
femme; plus dix sous de revenu an-
nuel sur la bourgesie d'Haurose",
fille de Payen Œil-db-Loup; plus
dix sous de revenu annuel sur la
bourgesie de Morant, le meunier,
que noble homme Guillaume de
Chantemerle et noble dame
MAXENCE.sa femme, ont pieusement
concédés à perpétuité àcette abbaye,
avec tous les autres droits qu'ils
avaientdans les mêmes bourgesies.
Je donne également, concède et
confirme, à perpétuité, à la dite
abbaj^e tout ce qui appartenait à
Madame Ihoraude en Champoi-
roux, Mazure et la teneure d'Eudes
Honreure, et dans les autres cho-
ses, situées dans l'île d'Héro, que la
dite dame a données et a concédées
à la dite abbaye, en perpétuelle
aumône. ,
Je donne encore, concède et
confirme, à perpétuité, à la dite
abbaye, la bourgesie du chevalier
Bouchard, située en Beauvoir, que
le chevalier Godefroy Bertaut et
BoucHARDE sa femme, fille dudit
Bouchard, ont pieusement donnée
et concédée à perpétuité à la dite
abbaye.
Je donne encore, concède pour
toujours et confirme à Oieu, à la
bienheureuse Marie, à tous les
saints et à l'abbaye susdite, pour
avoir entièrement et tenir, tous
droits et souveraineté que j'ai,
puis ou dois avoir, dans toutes les
' Sur le TJdemus d'Antonin Jacobsen on lit Jlamose, forme du mot Aimée •
Dom P'ont«neau écrit Jlat/tois, pour Hayroïg ou Hérois.
dh: notre-dame-la-blangiie a noirmoutter
153
prenominatis, dicte abbacieasupra-
dictis donatis, ut supradictum est
etconcessis;necnon et omnimodas
rationabiles helemosinas à quibus-
cumque aliis dicte abbaciefactas in
tota terra raea, etdc cetero facion-
das, gratas habeo in perpetuum, et
quidquidjuris in ipsis habeo, dicte
abbacie dono in perpetuum et
confirme, nullam mihi inde juri-
dictionem retinens, nec meis here-
dibus in futuro.
Quia vero gesta hominum longo
processu temporis ab humana me-
moria, que labilis est, labuntur de
facili, nisi scripti memorie com-
mendentur, ideo donaciones pre-
missas presentis carte memorie
commendo, ut perhennis earum,
memoria habeatur, et dicte abbacie
eamdem cartam sigilli mei muni-
mine roboratam exhibeo, in per-
petuum veritatis testimoninm et
muninem.
Actum anno ab Incarnatione
Domini M« CC° quinto.
choses sus-désignées, données et
concédées, comme il a été dit, par
les susnommés. J'ai de plus pour
agréables, toutes les aumônes
raisonnables, faites par quelque
autre personne que ce soit à la
dite abbaye, dans toute ma terre,
ou devant êtrt^ faites plus tard, et
j'abandonne et concède à, perpé-
tuité à la dite abbaye, tous les
droits que je puis avoir dans ces
divers dons, ne faisant aucune
réserve, ni pour moi, ni pour mes
héritiers à l'avenir.
Les actes des hommes, tombant
facilement, à la longue, de leur mé-
moire, à cause de sa fragilité, s'ils
ne sont mis par écrit, je confie les
donations ci-dessous à la présente
lettre, pour en assurer le perpétuel
souvenir, et je remets cette lettre
à l'abbaye, en la munissant et cor-
roborant de mon sceau, comme
preuve et témoignage, à jamais,
de la vérité.
Fait l'an de l'Incarnation
Seigneur rail deux cent cinq.
du
« Au bas de l'original, dit dom Fonteneau, pend un cordon
de soye vertC;, plat et autrefois tressé. On y voit encore un
reste de sceau de cire verte, dont on ne peut rien tirer pour
le blason du seigneur de la Garnache ; l'écriture du titre,
tient de celle du XIP siècle. »
La traduction, que nous a communiquée Brunschvicg,
donne au contraire les armes. « La donation ci-dessus, y
est-il dit, est scellée de cire verte avec un lac de soye verte,
auquel sceau, il y a d'un costé un léopart, et un chevallier
de l'autre costé, les armoiries en yyiains : deux léoparts. »
154 CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
Deux léopards passant à gauche se voyaient sur l'écu des
Bouchard, dont le nom plusieurs fois cité dans la charte,
reparait, trois siècles plus tard, à Noirmoutier, avec Catherine
de l'Ile Bouchard, dame de la Trémoille, portant de gueules à
deux léopards passant d'or.
L'histoire des sires de la Garnache et le passage de leur
seig-neurie aux familles de Montaigu et de Belleville sopt
loin d'être complètement, connus, malgré les recherches de
Mourain de Sourdeval', et de Dugast-Matifeux.
Quatre seigneurs du nom de Pierre se sont transmis la
seigneurie au XII" siècle : Pierre I, fils de Goscelin, qui eut
pour femme Amiote ; Pierre II, époux de Gélose ; Pierre III,
dit Meschin, à cause de sa frêle santé, et enfin Pierre IV,
Pétri Meschini et Agnetis fdius, qui, en 1201, fait comparaître
comme ténioins de dons faits par lui à l'abbaye de Buzay,
sa mère Agnès, son fils Pierre et son frère Chalon*. Tous
les trois étaient morts en 1205, puisqu'on ne les retrouve pas
dans l'acte de fondation de la Blanche.
Que valait Pierre IV;,et quel cas faut-il faire de la lettre d'un
seigneur anglais ; écrivant à Henri Plantagenet contre son fils
Geoffroy, comte de Nantes, qui, dit-il, Petrum de Ganaspia,
proditorem ut ique summum, adversiwi me sustentat^'l
La situation était difficile pour les seigneurs du duché
d'Aquitaine, pris entre leur suzerain direct, le roi d'An-
gleterre, et le non moins puissant roi de France.
En 1206, Philippe Auguste donnait ordre à Maurice de
Craon d'occuper le château de la Garnache ; Pierre venait de
* Notices sur les châteaux et seigneuries de la Garnache etde Beauvoir,
Nantes, 18rjS.
> Les autres t^'-moins de l'une de ces donations furent : Willemus Moran-
dus, Willemus Farner, presbyter, Mauricius Chatuys, Guillermus Ros-
celin, Joltatmes de Boscheau, Uaufridus de Besc/i, Gaufridus SocJieau,
Willemus Archembaud et Andréas Vellach. Johannes da Boscheau ne doit-il
pas se traduire par Jean de Rois de Cené (de Bosco cenato) ?
ï Geoffroy le beau, fils du roi d'Angleterre, devenu plus tard duc de Bre-
tagne par son mariage avec la duchesse Constance.
DE NOTRE-DAME-LA-RLANCHE A MOUTIER 155
mourir. Par suite do son décès, ses domaines passèrent
dans la famille de Montaigu.
Les legs de Pierre, malgré leur importance, ne furent con-
sidérés par les moines que comme une restitution , les
sires de la Garnache s'étant emparés des biens que les
Bénédictins, successeurs de saint Filbert, avaient à Noir-
moutier, et Pierre lui-même ayant commencé par dépouiller
les ordres religieux d'une partie de ce que sa famille leur
avait légué*.
La première donation que nous ayons rencontrée, depuis
la charte de fondation, est l'abandon, fait en l'an de grâce
1225, par Garsirc de Raiz {Garsirius, dominns Radesiantm),
de certains droits qu'il possédait dans l'île de Bouin.
€ Notum facio, dit-il, quod ego dedi et concessi in eleemosina Deo
et ahb((cie Insula Dei, pro soluté anime mee, pairis et malris mee,
quidquid ego habebam et cupiebam in tenementis Johannis Geler,
sacerdotis, apud Bugnium, tant in salinis et vineis, quam in terris
domibus et etiam in rébus aliis, intègre, quiète et paci/îce, inperpe-
tuum possidendum et tenendum. »
Cette lettre {cartida) se trouve dans les manuscrits de
dom Fonteneau, [tome 1 , p. 349.) Ant. Jacobsen en possède
un vidimus de 1457, délivré par Guillaume Helya, netayre juré
à la court de Vysle de Noirmoust.ier et garde du sccel estasbly
aux coutraz, en dit ysle, pour très puissajit senteur, Monsei-
gneur de la Trémoille.
Garsire, deuxième du nom, fils d'Harscouet III, montra
une certaine libéralité envers les moines de Buzay^ tandis
qu'il n'accepta d'être le défenseur des religieuses du
Ronceray d'Angers, établies aux Moutiers, que moyennant
remise d'une partie de leurs biens*.
« Dora Graux, dernier prieur de la Blanche, et dom Cousin ancien
procureur de l'abbaye, ont affirmé à. F. Piet, que cela était pour eux d'une
vérité incontestable. Il n'en était pas ainsi des dons d'Agnès, de G. de Clian-
temerle et autres, cités dans le titre (Mémoires, p. 491).
' Son fils Raoul II, n'ayant eu qu'une fille, Eustachie, la seigneurie de
Raiz passa par elle aux Chabot. A partir de ce moment, les chartes de la
Blanche, concernant Bouin, portent un sceau, offrant d'un côté la croix de
Raiz, de l'autre les trois poissons, armes parlantes des Chabot.
156 CHARTE CONCERNANT LA FONDATION
Hugues de Thouars, seigneur de la Garnache, Marguerite,
«a femme {Marguerita, Montis-acitti et Gasnapie domina et
héros ; en 1239, elle ajoutait et Machecollii), et Olivier
de Choché. ayant fait la môme renonciation que Garsire,
Etienne, évêque de Nantes, confirma ces renonciations, par
une lettre datée de la même année ; Bouin faisait alors partie
du diocèse de Nantes. Dans cette lettre copiée par dom Fon-
teneau (T. ip. 347), Jean Geler est désigné sous le titre de
chapelain et -appelé Gerco ; dom Lobineau le nomme Eç/ebert.
Cette lecture différente d'un même nom, due à des traduc-
tions latines arbitraires et à des transcriptions fautives, se
retrouve pour Olivier de Choché, appelé aussi de Coché;,
Soché, Zoché et Souche.
Souche, d'après de la Nicollière (Pierre tombale d'Olivier
de Machecoid, à Vabbaye de Villeneuve,) est une terre de
la commune de Saint-Aignan, où se voyait autrefois une
forteresse féodale. Olivier de Choché qui en était le maître
dès 1210, était sénéchal de Machecoul. En 1224, il héritait
d'Eustachie de Port-Saint-Père avec Eudon, son frère, et
Agnès, sa sœur, épouse d'un Guillaume Goulard, dont le
nom, d'après l'abbé Durville, se trouve mentionné dans un
compte de saint Louis. Olivier de Choché portait le titre de
chevalier et seigneur de la Bénate, du fait de Pétronille, sa
femme*.
C'est par lui ou quelqu'un des siens, que fut fondé à Noir-
moutier le bénéfice ou rectorie de la Bénate, dépendant de la
paroisse de ce nom et dont le dernier titulaire fut messire
AUiot. recteur de la Bénate*.
' Dom Fonteneau et la plupart de ceux qui se sont occupés d'Olivier
(le Choché le considèrent comme ayant épousé en dernières noces Catherine
des Iiretesche et l'identifient avec Olivier de Cacho ou de Cazou, dont
il lera parlé plus loin. C'est une erreur ; une charte des Blancs-
Manteaux de Paris montre que Pétronille vivait, en 1238, au momer.t
de la mort de Catherine.
Une seconde famille de Choché eut pour chef, vers le milieu du Xlll» siècle,
Olivier de Machecoul, filt de Pierre do Dreux et époux de Marquise delaBénate.
> 11 se composait de 24 œillets de marais salants et de 75 ares de terre
labourable. (.Jules Piêt. Recherches, p. 6b4).
(A suivre). D' Viaud-Grand-Marais.
(J|'Iiroiiiqufs ^uMatse^.
VI
LES PRISONNIERS SOUS LA TERREUR
Hélas ! notre voie sera longue encore à parcourir; cepen-
dant ne perdons paB courage; mais rappelons-r.ous les pa-
roles favorites de ce philanthrope admirable que la mort nous
a ravi récemment : « Allons doucement, parce que nous
sommes pressés. » Dom Bosco.
LA Société des Amis de la Liberté, après avoir établi son
club dans l'église paroissiale, n'avait pu rester inactive.
Le 30 mai 1793, sous prétexte de sûreté publique, elle
vint dénoncer certains habitants encore innocents en appa-
rence sans doute, mais dont l'avenir était déjà gros de
suspicion. L'assemblée municipale était naturellement trop
avide de popularité pour ne pas comprendre l'éloquence
d'une pareille motion ; aussi s'empressa-t-elle de dresser au
scrutin une liste de ces coupables éventuels au nombre de 19,
qu'elle signala, à la prudence éclairée des administrateurs
du District qui se hâtèrent, conformément à la loi du 4 mai,
d'en ordonner l'incarcération.
158
CHRONIQUES SABLAISES
Cette première liste de suspects se composa des citoyens :
Fkvre, de Noirmoutier. Jeanne Bodard,
Rons, de Coëx, et ses quatre fils ec- Richard,
clésiastiques, Vkillon-Boismartin,
Osmane Boismartin. Veuve Linyer,
Dames Calisson, Femme Herbert, aîné,
Dbloynks, Femme de Fèvrb, chapelier,
Le curé de Palluau, Mère cI'Orillard, cabarelier.
Sbrvantbau-Brunière et sa femme,
Toutefois, après deux mois de réflexion, l'administration
se demanda si par hasard elle n'aurait pas agi avec une
regrettable précipitation, et, le3 août, elle se décida à rendre
à la liberté quelques-uns d'entr'eux. Mais on avait dû déjà
créer deux prisons supplémentaires. Au 7 nivôse (27 décembre
1793), le chiffre des détenus s'élevait à 98, car les places
devenues vacantes avaient été occupées sans retard. Voici
les noms des détenus à ce moment :
RiOD, père,
GiVBS,
Mercier, père,
Mkrcier, fils,
Baddri-Burcevib,
Veuve Angély, mère.
Cordon,
Veuve Gaudin,
Gaillard,
LiBAUDIÈRE,
BuoR,
MiCHEAU,
Mbrciread,
Bl'.JtCHARD,
BCFFBT,
Roi, Taîné,
CODILLARD,
Femme Ldcet,
Mbnamteau, d'Olonne,
Pierre Mignbr,
Martineau,
Femme Merlet,
NicOLLON, père,
NiCOLLON, fille,
Maimaud,
Veuve Linyer,
Deshommes,
Grossetikrb,
Femme Buor,
MiCHBAU,
Baudry,
Veuve d'HcesTHEL,
Marie, Julie et Marguerite Gaudin,
sœurs.
Catherine Bourgeois,
POTHIER,
Femme Mercier,
Françoise Roy,
Renaud, chef de brigade,
Catherine Fruchard,
CHRONIQUES SABLAISES
159
André Massonneau,
Paluu,
Rioc, fils aîné,
Rioc, fils jeune,
Menanteau, d'Angles,
Pierre Palisson.
Jean-Baptiste Cornièhe,
Pierre Traîneau,
Pierre Martillbt,
Louis Babinot,
Michei Barbier,
Hébbrï, l'aîné.
Femme Hébert,
Angélt, fille.
Anne Maignbau,
Barbeau,
Jacques Gbay,
François Ruchaud,
Rose et Marie Grollet,
Pédbnbau,
Femme Oidibb,
Catherine Ménager,
Marie Mbrson,
Florence Naudin,
Thérèse Bauhie»,
Thérèse Barellb,
Louis Tessibr,
Louise Naulbau,
Mathurin Pelletier,
Jantor et Benastibr.
Jeanne Bodakd,
Marie Blaisot,
Veuve GivAUDEAu,
Louise Blaisot,
Benoîte Jannbt,
Marie Morisson,
Thérèse Dobion,
Adélaïde Boctiron,
Marie Mornet,
Marguerite Pbrrochbau,
Adélaïde Nobiron.
Veuve Barbier,
Derval,
Badd,
Tessibr,
GuÉRINEAU,
Marguerite Minier,
Osmane Veillon,
Emilie Rampillon,
Jeanne Epaud,
Marie Epaud,
Catherine Petiot,
Hélène Remaud,
Madeleine Dugast,
Marie Gréau,
Veuve Lambert,
Marie-Anne Huet,
Gaudin, femme Deloynes,
Henriette Deloynes,
Marie Ridais,
Jacques Tûrtereau.
De plus, pendant cette période de la Terreur, nous trou-
vons encore dans les prisons de Brouage la liste suivante
de suspects de la Vendée ; i° Merland;, médecin, du district
de Fontenay ; 2° Voyeu, meunier , du district des Sables ;
3» Prouteau, laboureur des Sables ; 4" fille Ballon, de Talmont.
Conformément à la loi du 28 brumaire précédent, et à
l'instigation du Comité de surveillance révolutionnaire établi
aux Sables par le représentant Fayau, le Conseil de la
160 CHROiNIQUES SABLAISES
Commune les divisa par séries. Les prisonniers suspects,
disait la loi, devaient être nourris avec frugalité, les pauvres
par les riches. On décida que les vingt-un premiers de la liste
ci-dessus contribueraient pour une portion entière à l'ali-
mentation de leurs compagnons d'infortune, et que les huit
noms suivants ne paieraient qu'une demi portion de plus que
la leur. Les portions furent fixées à une livre et demie de
pain, et trois quarts de livre de viande;, ou l'équivalent en
légumes ou en poisson. Le bois nécessaire à la cuisson des
aliments fut fourni par le Comité des subsistances et payé
par les prisonniers. Il y eut pour cet article une exception en
faveur des détenus des communes des Sables, du Château
d'Olonne et d'Olonne, qui furent autorisés à faire apporter le
bois leur appartenant, mais qui durent fournir en même
temps les ustensiles indispensables à la cuisson des aliments.
Le boucher Bouhier et le boulanger Locquin furent
désignés comme fournisseuj's de la viande et du pain. Le
paiement s'en faisait à la fin de chaque décade. Quelques-uns
des prisonniers refusant de contribuer à la nourriture des
pauvres, on leur déclara que leurs meubles et immeubles
allaient être saisis et vendus pour acquitter cette dépense.
Le 8 nivôse (28 décembre 1793), M. Gazeaude la Boissière fut
incarcéré de nouveau dans la prison de Rosnay. On le taxa à
cinq portions, outre la sienne, pour a part des pauvres. Nous
avons vu que deux prisons supplémentaires avaient du être
créées, mais bientôt on reconnut les difficultés qu'entraînait
la surveillance de ces deux maisons^, dont l'une était la maison
de Rosnay et la seconde la maison Delange, occupée aujour-
d'hui par le Café de Paris, rue de la Poissonnerie; alors on
y substitua l'ancien couvent de Bon-Secours, sur lequel a été
construite depuis la caserne des Douanes, et que l'on dut
réparer immédiatement dans ce but.
Mais les prisonniers abandonnés à une complète inactivité
ne pouvaient en aucune façon fournir à la patrie la compen-
sation qu'ils lui devaient pour leur entretien. Le Procureur
CHRONIQUES SABLAiSES 161
de la commune signala au Conseil celte regrettable incurie
et demanda qu'elle fut prise en considération. Il proposa, en
conséquence, d'employer aux travaux publics ceux des dé-
tenus qui étaient valides ; et afin de les occuper en toute
sécurité, il émit le désir de faire requérir les ouvriers tra-
vaillant le fer, à l'exception des maréchaux ferrants, pour la
fabrication de chaînes destinées à maintenir les travailleurs
sous la surveillance d'une garde renouvelée chaque jour de
travail, et à leur donner ainsi la facilité d'être avantageu-
sement utilisés, sans inspirer de crainte d'évasion'.
Les moulins à vent n'ayant pu suffire pour l'alimentation
de la ville et de la garnison, surtout durant certaines pé-
riodes de temps calme qui furent quelquefois très prolongées,
on dut recourir aux moulins à bras, dont l'usage, pour les
besoins de l'armée, fut confié au garde-magasin Richard. Ce
genre de travail fut encore départi aux séries des détenus
valides, et commença à fonctionner le 11 nivôse (31 dé-
cembre 1793). Chaque jour, il fut fourni à cet effet un déta-
chement de seize prisonniers d'entr'eux ;, confiés à la sur-
veillance d'un gardien. Dix travaillaient sans repos, et les
six autres les remplaçaient successivement. L'administration
tarifait ainsi leur salaire : sur le nombre de quintaux de
farine obtenus et soumis à une estimation réglementaire, se
prélevaient d'abord les frais de nourriture, et le surplus du
produit était ensuite partagé entre les travailleurs.
Le calme atmosphérique, si e.xceptionnellement ininter-
rompu, cessa enfin ; le vent, soufflant avec vigueur put faire
tourner les moulins à pleines voiles ; toute inquiétude cessa
donc pour la famine. Les moulins à bras furent aussitôt sup-
* Avec quelle charmante vérité Pailleron a caractérisé cette époque !
« Un petit marmiton grandi, peut-être même retiré des affaires, devient con-
« seiller municipal en province ; il est alors un personnage important et
« fait ])artie des citoyens anonymes dénonçant les conspirations perma-
« nentes de ceux affligés d'un titre nobiliaire ou d'une distinction à laquelle
« ils n'atteindront jamais. Il sera toujours écouté; la bêtise humaine est si
« docile !»
162 CHRONIQUES SABLAlSEs
primés; en réalité, ils n'avaient produit qu'un résultat bien
minime. Les seize prisonniers attaciiés à leur service re-
çurent un autre emploi, et furent occupés avec une grande
hâte au nettoiement de l'horrible malpropreté des rues de
la ville.
Les districts de Ghallans et de la Roche-sur-Yon actuelle-
ment pacifiés avaient reçu des garnisons importantes ; leurs
administrateurs étaient rentrés dans leurs foyers et en
avaient repris la direction. Sur l'initiative du Comité révo-
lutionnaire, le Conseil de la commune les invita à faire
retirer des Sables leurs prisonniers respectifs, ou à se munir
à leurs frais, d'une maison spéciale pour les y maintenir.
Jusqu'alors, ils avaient été concentrés dans une confusion
absolue. Le Comité révolutionnaire comprenant combien ce
désordre était affligeant, demanda au Conseil de les diviser
en certaines catégories qui empêchassent cette fâcheuse
promiscuité. Poussé et Pravacin chargés de ce soin, visi-
tèrent les maisons de Rosnay et Delange, et donnèrent :
1" le tableau des détenus par mesure de sûreté générale ;
2» celui des accusés de vol, brigandage et autres crimes ;
3" dans la prison de la Coupe ils rencontrèrent les enfants
arrêtés avec leurs parents faits prisonniers dans les rangs
ennemis. Une députation de la Société populaire appela l'at-
tention du Conseil d'une manière spéciale sur cette troisième
catégorie et demanda qu'il fut avisé sans retard aux me-
sures à prendre à son égard. L'administration du district
reçut communication de ces visites, et la municipalité hâta
le plus possible les réparations projetées pour la maison
de Bon-Secours.
Nous avons dit combien les rues des Sables étaient mal-
propres et quelle odeur infecte répandaient de tous côtés
les fumiers que l'on y déposait. Comme le plus grand nombre
n'avait pas même de pavage, les eaux ménagères mêlées aux
eaux de pluie stagnaient sur la voie publique et y entre-
tenaient une fange infecte et dangereuse. Le soleil ardent
Cl 1 111 (MO L" lis sAni.Aisiis iCys
du mois d(î mars augmentait encore les conditions d'une
insaiub'ilé d'autant plus redoutable qu'une- épidémie cou-
linuait à sévir depuis plusieurs mois sans se ralentir, b^nfin
on s'ingénia à Irouver un remède, et voici celui auquel on
eut recours. Chaque charrette ayant apporté de la campagne
du Ijois ou des denrées pour la ville fut obligée à emporter
sa charge del'umier. Mais bientôt les paysans refusèrent ce
présent; alors l'administration du district, obligée d'inter-
venir, mit en réquisition les bouviers des communcis voi-
sines, et, afiu de les décider, la ville accorda à chacun d'eux
une prime caractéristique de cette époque de malheur; ils
reçurent en partant une livre et demie de pain !
Il était d'usage que les vidanges ne s'opéraient aux Sables
que par certaines femmes qui en avaient la spécialité. Or,
il advint qu'elles furent malades et incapables de se livrer à
leur travail au moment où les latrines des prisons devaient
ôtre vidées. Gomme chaque jour des prisonniers enchaînés
étaient utilisés pour les travaux publics, le 25 ventôse (15
mars 1794), l'agent national Achard fit au Conseil de la com-
mune la motion suivante : « Vous vous occupâtes hier très
« sérieusement des moyens de salubrité à l'air; mais un objet
« de grande importance échappa à votre surveillance, et à la
« mienne. Les latrines des maisons d'arrêt sont si pleines
« qu'elles regorgent de toute part; je requiers donc que de
« si<//(? vous donniez des ordres pour les faire nettoyer, et,
« pour y parvenir, j e vous observe fsicj que les seules femmes
« qui faisaient ce métier étant malades, vous n'avez de res-
« sources que daris les brigands enchaînés. Si vous adoptez
<< ce projet, qu'il est urgent de faire mettre à exécution, je
« vais en prévenir le commandant de la place, afin que
'< demain, à la parade, il commande une garde pour surveiller
« les brigands.
« Je vous observe en outre que plusieurs particuliers se
o plaignent de ce qu'ils ne peuvent faire nettoyer leurs
« latrines, je croirais donc qu'il serait convenable d'employer
Tome m. — Avril, Mai, Juin 1890. 11
164 CimOMQUES SABLAISES
« les mêmes forçais à les nettoyer en leur accordant
toulefois le même salaire que les particuliers eussent
« donné aux femmes qui faisaient ce métier : pour lequel
« salaire on prendrait un quart pour la garde qui accompa-
« gneraitles forçats dans leurs travaux, et comme jusqu'à
« ce jour on n'a employé que de larges bailles découvertes, je
« désirerais que l'on fît faire des bailles moins larges et qui
« fussent couvertes, pour empêcher les mauvaises exhalai-
« sons que répandent nécessairement les transports des
« ordures. »
Le Conseil prenant en considération ce réquisitoire^ y donna
son complet assentiment.
Dans cet état lamentable de souffrances, les approvisionne-
ments militaires devenantdeplus en plus rares, la troupe can-
tonnée à Beauvoir et dépendant de la division des Sables fut
sur le point de manquer complètement de subsistances. Les
riches produits du district de Gtiallans devaient naturellement
exciter la convoitise de l'armée. Aussi la commission admi-
nistrative près les armées de l'Ouest, rassembla-t-elle tous
les grains de la Grosnier pour les conduire aux Sables, sans
se préoccuper du sort du district de Challans dont les habi-
tants se virent, par ce fait, menacés de famine. L'adminis-
tration du déparlement et le conseil du district se récrièrent
sur cette mesure qu'ils déclarèrent aussi illégale que despo-
tique, car le décret du 14 frimaire (4 décembre 1793) avait
enlevé à cette commission tout pouvoir à cet égard. Défense
fut donc faite à l'autorité militaire de persévérer dans ses
agissements, et les navires chargés de grains à destination
des Sables furent frappés d'embargo.
La nouvelle de cette mesure produisit aux Sables la plus
nilKONlQUES SAULAISES 1(35
grande inquiétude. Aussitôt le comn:iandanl Dulour, l'ins-
pecteur général des subsistances, Grandcourl, Duniansin,
commissaire dé la Société populaire, et Debard, membre du
comité des subsisLaiices, partirent pour Ghallans, où ils expo-
sèrent avec véhémence devant le District, les effels inévi-
tables d'une pareille rigueur.
La sévérité de leurs reproches, certaines expressions d'é-
goïsme, d'insouciance, d'ingratitude employées par les Sa-
blais, blessèrent vivement les administrateurs qui refusèrent
de modifier leur arrêté et le maintinrent avec entêtement.
Le lendemain, un commissaire de l'Ile d'Yeu survint de-
mandant de prélever pour son île dix tonneaux de blé qui
lui furent refusés.
Le 5 pluviôse (24 janvier 1794), deux commissaires des
Sables vinrent faire enregistrer au district de Ghallans une
délibération du Gomité de surveillance révolutionnaire des
Sables, et l'arrêté suivant, daté de Rochefort, le 23 nivôse :
" Nous : représentant du peuple, envoyé dans les départe-
'< ments de la Gharente-Inférieure, de la Vendée, etc., con-
« sidérant que les mesures révolutionnaires décrétées par
« laGonvention nationale, peuvent seules sauver la chose
a publique et, voulant, autant qu'il est en nous, les rendre
« communes à toutes les parties de la république, autorisons
« le Gomité de surveillance révolutionnaire établi aux Sables
« à exercer provisoirement ses fonctions dans l'adminirtra-
« lions du district de Ghallans.
« Signé : Lequinio. «
Gette contestation eut un long retentissement. Quelque
fut la pénurie des communes du Marais, elles comprirent
bientôt de quelle importance étaient les réclamations delà
plajre des Sables. Aussitôt Saint-Gilles et Groix-de-Vie se
créèrent des greniers d'abondance. Le 12 pluviôse (31 jaifvicr
1794), l'administration leva l'embargo qui avait été mis sur
un bâtiment chargé de seize tonueaux de blé à destination
160 CHRONIQUES SABLAISES
de la ville des Sables, espérant que ses habilanls lui sau-
raient gré de cet acte fraternel.
.'•f> Le 14 pluviôse (2 février 1794) la municipalité de Groix-de-
^ Vie fit connaître au directoire (jue l'ofïicier commandant à
Saint-Jean-de-Monts venait d'enlever 136 têtes de bétail,
bœufs, vaches et taureaux qu'il lui envoyait en annonçant
un second convoi. La conscience du directoire se souleva
contre cet injustifiable brigandage, et il résolut d'en or-
donner la restitution aux légitimes propriétaires. Mais deux
jours après, le chef de la boucherie militaire des Sables,
Mombeau, ayant réclamé des bœufs pour son service fut au-
torisé à les prélever sur ce butin, ainsi que ce que réclamait
l'approvisionnement de l'île de la Montagne, mais après
équitable expertise et juste paiement.
De part et d'autre la guerre se faisait sans pitié et sans
merci. Pendant que les soldats emportaient au bout de leurs
baïonnettes les enfants qu'ils trouvaient au berceau, ladmi-
nistration du district donnait des nourrices à ceux qui leur
avaient échappé. Les soldats ne S3 bornaient pas au pillage,
ils fusillaient dans les champs les gens inoffensifs qui culti-
vaient la terre. Dans beaucoup d'endroits les instruments
aratoires étaient livrés aux flammes : d'autres cachés par
leurs propriétaires qui avaient péri dans cette guerre atroce,
étaient également perdus. Les plaintes si légitimes des cul-
tivateurs et des administrations n'étaient accueillies quelque-
fois par les généraux que par les plus grossières injures*.
Le 22 frimaire an II (12 décembre 1793) Carrier écrivit de
Nantes au général Haxo :
• J'apprends à Vinstant, mon brave général, que des commis-
saires du département de la Vendée veulent partager avec ceux du
déparlement de la Loire-Inférieure les subsistances et fourrages
qui se trouveront dans Bouin ou dans Noirmoutier . Il est bien
«
' Voyez Jei notes et dociimeiits pour servir à l'iùstoire du district d
Challans par Constant Merl'uid, 1886.
DFlIlONKjUl s SABLAISKS l'I?
éto/inanl que la Vendée ose réclamer des subsistances, apri-s avoir
déchiré la patrie par la guerre la plus sanglante, la plus cruelle ;
il entre dans mes projets, et ce sont les ordres de la Convention natio-
nale, d'enlever toutes les subsistances, les denrées, les fourrages, tout
en un mot, dans ce maudit pays; de livrer aux flammes tous les
bâtiments, d'en exterminer tous les habitants; car je vais inces-
samment t'en faire passer l'ordre ; et ils voudraient encore affamer
les patriotes après les avoir fait périr par milliers ! Opposes-toi de
toutes tes forces à ce que la Vendée prenne ou garde un seul grain ;
fais les délivrer aux commissaires du département séant à Nantes ;
je t'en donne l'ordre le plus précis, le plus impéralif. Tu m'en ga-
rantis dès ce moment, l'exécution ; en un mot, ne laisse rien dans
ce pays de proscription. Que ces subsistances, denrées, fourrages,
tout, absolument tout, se transportent à Nantes.
Signé: Le représentant du peuple : Carrier. Pour copie conforme
à l'original. Signé : Vauguelin, commissaire civil. »
Docteur Marcel Petiteau.
('A S7iwre K
• Notes et Documenta pour servir à l'histoire du Dixirict de Challanr, de
Julien Merland, p. '.ih, yii.
UNE PAGE
DE
GENEALOGIE VENDÉENNE
J;ii publié naguère, dans les Échos du BocaQe vendéen\ la
rapide esquisse d'une personnalité bas-poitevine qui
eut sous Henri IV une réelle célébrité. Je veux | crier
(le ce Vincent Bouhier, seigneur de Beaumarchais et de
maints autreslieux, qui eut l'insigne fortune de partager avec
Sully, d'Aubigné et du Plessis-Mornay, l'honneur d'ôtre l'ami
et le confident du Roi.
Bouhier a fait souche, et comme l'heure est plus que
jamais nux éludes généalogiques, il m'a semblé intéressant
d'rn faire connaître la descendance. Descendance illustre, au
sur plus, et qui mérilait à coup sûr de ne pas rester dans
l'ombre, puisque nous y relevons le nom des la Trémoïlle,des
Montmorency, des Noailles et des Bourbons eux-mêmes.
Ces notes sont malheureusement bien sommaires; en
revanche, je crois pouvoir en garantir, d'aprùs mon distingué
collaborateur, M. II. de Boismarlin, de qui je les tiens, la plus
complète exactitude. — Prises sur une pièce de la fin du
♦ III« année N« 6
UNE PAGE DE GÉNÉALOniR VENDJ^ENNE 169.
ilècle dernier el intitulée : Extrait de bi Généaloqie des
Boiihier, elles ont été complétées et rectifiées en tant que
besoin, d'après VHistoire des granda officiers, du P. An-
selme, et les notices données par ^Vi\ni-W\d.\s {Nobiliaire uni-
versel.^. I, III el X) sur les la Trémoïlle et les Montmorency,
notices dont la continuation pour la période moderne a été
faite d'après VAnnuaire Aelsl-BoveX d'Hauterive.
Vincent Bouhier avait épousé, le 12 juillet 1596', Lucrèce-
Marie Hotman', fille de François Hotman, écuyer, seigneur
de MotefontainC;, de Pailly et de Fontenay, conseiller d'état,
trésorier de l'épargne, ambassadeur en Suisse et de Lucrèce
Grangier. De ce mariage naquirent : 1" Lucrèce ; 2» Marie ;
3" Françoise Bouhier mariée à François 011 ier, marquis de
Nointel, conseiller d'État, trésorier général de l'ordinaire des
guerres, ambassadeur.
^¥f
I» LUCRÈCE BOUHIER, fille aînée de Vincent, héritière du comté
de Cliàteauvilain, épousa 1° le 13 mars 1610, Louis de la Trémoille,
M'* de Noirmoutiers, vicomte de Thouars, baron de Châteauneuf
et deSemblançay, Ss"" de la Roche Dire, de la Carte, de la Ferté-Milon,
' Cette date donnt^e par la g^-néalogie des Bouhier parait suspecte : en effet,
Lucrèce, fille aînée de Vincent épousa en 1610 Louis de la Trémoïlle. Elle
aurait donc eu <i peine treize ans au moment de son mariage. Si elle n'eit
pas absolument impossible, la chose semble du moins peu probable.
' François Ilotman, lieau-père de Rouhier, mourut à Soleure en 1600. La
charge de trésorier de l'épargne dont il était revêtu, passa à son gendre. —
« Son fils aîné, Timoléon Ilotman, trésorier de France, épousa Marie de
« Bouqueval, et leur postérité s'éteignit après s'être alliée aux familles de
« Colbert, de Maohault et de Bréget Philippe Ilotman, frère cadet de Timo-
« léon, continua la descendance, qui a contracté des alliances avec les Thé-
« venin (de Tanlay?), les Pochon, les Jogues, lesBayetel de Boissy. Elle a donné
« des maîtres d'hôtel du Roi, un capitaine au régiment de Normandie et un
« autre au régiment de Chartres. Armes: énianché d'argent et de gueules de
« six pièces » (Borel d'Hauterive, Annuaire de la Noblesse, 1870, p. 4o7).
170 LNK PAGE
etc., chevalier de l'ordre du Roi, conseiller d'Etat, capitaine de cin-
quante hommes d'armes des ordonnances, nomma lieutenant du Roi
au gouvernement de Haut et Has-Poitou, le 15 juin 1013, mort à
Paris le •i4 septembre de la même année, et enterré en la chapelle
de la Madeleine des Célestins de Paris — ; 2" on 1017, Nicolas de Lhos-
pital, marquis de Vitry et d'Arc, maréchal de France, chevalier des
ordres, lieutenant général au gouvernement de Brie, capitaine des
gardes du corps, nommé gouverneur de Provence en 1632 ; et pour
lequel le comté de Châteauvilain fut érigé en duché-pairie de Vitry
(!614). Le maréchal de Vitry mourut à 03 ans, le 2<S septembre 1645.
De son premier mariage, Lucrèce Bouhier avait eu pour enfants :
A. Louis de la Trémoille, qui suit ;
B. François, né posthume, mort le 27 novembre 1010.
Il" Louis de la Trémoille, créé duc-pair de Noirmoutiers en mars
10.")0, vicomte de Thouars, baron de Chàteauneuf et de Semblançay, etc,
etc, né le 25 décembre 1012, maréchal de camp en 10)4:',, gouverneur
de Charleville et du Mont-Olympe, mort à Châteauvilain, le 12 oc-
tobre 1600; épousa en 10)40 Renée-Julie Aubery (de Vastan), fille
unique de Jean Aubery, écuyer, seigneur de Tilleport, Conseiller
d'Etat, maître des requêtes, et de Françoise Le Breton de Villandry.
De cette alliance sont nés :
A. Louis-Alexandre de la Trémoille, duc de Noirmoutiers, né
en 1042, tué dans la guerre de Portugal contre les
Espagnols, en mars 1667.
B. .\ntoine-François de la Trémoille, duc de Noirmoutiers, et
de Royan, (né aveugle), marié T en 1688 à Marguerite
de La Grange-Trianon, veuve de Martin de Bermond,
conseiller au Parlement de Paris, fille de Louis de La
Grange-Trianon, écuyer, seigneur de Marconville, prési-
dent aux requêtes du Parlement, et de Marguerite Mar-
tineau;2"en 1700, à Marie Elisabeth Duret, fille de
François Duret, écuyer, seigneur de Chevry et de Ville-
neuve, président en la Chambre des Comptes de Paris,
et de Marie-Elisabeth Bellier de Platbuisson. Aucun
enfant ne provint de cette double union.
C. Joseph-Emmanuel de la Trémoille, abbé de Lagny, de
Sorrèze, de llaute-Combe en Savoie, de Grandselve, de
.Saint Arnaud près de Tournay, et de Saint Etienne de
Caen, auditeur de Rote à, Rome (1073.) créé cardinal du
DK cknhalugip: vendéenne 171
titr(> de la Trinité-du-Mftnt, (17 mai 1700), fommamleui-
do l'ordre du saint Esprit (1708), évoque de Baveux, (Jan-
vier ITl*;), archevêque de Cambrai, (avril delà même
année), mort à Rome ('.) janvier 1720),
I). E. Henry et Robert de la Trémoille, morts le premier au
combat de Senef(ll août 1074), le second en 1070, en
l'abbaye du .lard près Melun (il était muet).
F. Ann«-Marie do la Trémoille, mariée 1" en 1051), à Adrien
Biaise de Talleyraml. prince de Chalais, marquis d'Exci-
deuil, mort à Mestre près Venise (1070); 2" en 1075, à
Flavio Hercule Orsini ou des Ursins, duc de Bracciano
et de Santo Gemini, grand d'Espagne de F* classe, che-
valier des ordres du Roi. Elle fut caméra mayor ou
première dame d'honneur de la Reine d'Espagne. Elle
mourut à Rome, le 5 décembre 1722: c'est la célèbre
princesse des Ursins.
G Yolande-Julie de la Trémoille, dont l'article suit :
iï. Louise-Angélique Je la Trémoille, mariée en 1082 à
Antoine de la Rovere, duc de Lante et de Bomarse,
prince de Belmare et de la Roche-Simibalde, chevalier
des ordres du Roi, mort à Rome (5 mai 1710). Elle décéda
elle-même à Paris, le 25 novembre 1000,
K. Charlotte de la Trémoille, morte sans alliance.
Yolande-Julie de la Trémoille-Noirmoutiers épousa, le 31 dé-
cembre 1075, son cousin Fran(;!ois de la Trémoille, marquis de Royan,
comte d'Olonne, grand sénéchal de Poitou, gouverneur de Poitiers,
mort à Paris, le 12 juin U;oO. Elle mourut elle-même à Paris, le 10
mai 1093, ayant eu quatre enfants, dont trois décédés en bas âge, et
Marie-Anne do la Trémoille, la seule qui fit souche, comme il suit :
IV" Marie-Anne de la Trémoille, marquise de Royan, comtesse
d'Olonne, épousa, le (5 mars KV.iO, Paul Sigismond do Montmorency-
Luxembourg, duc de Chàtillon, com|i de Luco, brigadier des armées
du Roi, grand sénéchal de Poitou, mort i^n 1731, Elle décéda
elle-même le 2 juillet 1708, laissant un fils, qui suit .•
V°Cliarles-Paul-Sigismondde Montmorency-Luxembourg, duc
de Chàtillon et de Boutteville, puis duc de Luxembourg, lieutenant-
général des armées, gouverneur du Maine et du Perche, marié l", le
172 UNE PAGE
:'. juillet 171:'., à Annc-Catherine-Eloonore Le Tellior de Louvois-
Rarbc'v.ieux ; 2° le 19 avril 1717, à Anne-Angélique de Harlus de Ver-
tilly. lai^îsa de cette seconde union Charles-Anne-Sigismondqui suit :
Vr Charles-Anne-Siglsmond de Montmorency-Luxembourg,
duc de Chàtillon et d'ûlonne, maréchal de camp, épousa l°le22 octobre
1 734, Marie -Etiennette de Bullion-Fervacques ; 2° le 2 juin 1753, Agnès
Miotte de Ravannes, veuve de la Rochefoucauld, marquis de Bayer s ;
3°, en décembre 17(32. Marie-Jeanne-Thérèse de Lespinay deMarteville,
veuve de Joseph-Maurice-Annibal de Montmorency-Luxembourg,
comte de Luce, lieutenant général. Le duc de Chàtillon mourut, le
21 juillet 1777, laissant du premier lit :
A. Anne-Charles-Sigismond, qui suit -,
B. Anne-Paul-Emmanuel-Sigismond, prince de Luxembourg,
né le 8 décembre 1742, maréchal de camp (1784), capitaine
de la seconde compagnie des gardes du corps ;
C. Bonne-Marie-Félicité deMontmorency, mariée le 23 janvier
1754 à Armand Louis, marquis de Sérent-KerfiUy,
maréchal de camp, gouverneur du due d'Angouléme.
VIP Anne-Charles-Sigismond de Montmorency-Luxembourg,
duc de Luxembourg, pair deFrance, premier baron chrétien, lieutenant
général des armées du roi on 1784, épousa, leO avril 1771, Madeleine-
Suzanne-Adélaïde de Voyer de Paulmy d'Argenson, (fille unique
d'Antoine René, marquis d'Argenson, grand bailli de Touraine),
dame grand-croix de l'ordre de Malte, et première dame du palais
de la Reine en 1774. De ce mariage sont nés :
A. Anne-Henry-René-Sigismond de Montmorency-Luxem-
bourg, duc de Chàtillon, né 10 février 1772, marié à
N. de Lannoy, et mort sans postérité.
B. Cliarles-Emmanuel-Sigismond, duc de Luxembourg, né
le 27 juin 1774. capitaine dc^s gardes du corps sous la
Restauration, marié en 1847 à Caroline de Loyauté, mort
sans postérité, le 5 mars 18(51 .
C. Bonne-Charlotte-MariPAdelaïdo, qui suit:
VIII" Bonne-Charlotte-Marie-Adélaïde de Montmorency-
Luxembourg épousa, le 14 avril 1788, son parent Anne-Pierre-Adrien,
prince de Montmorency, duc de Laval et de Fernando-Luiz, pair de
France, grand d'Espagne, ambassadeur en Espagne sous la Restau-
ration, mort le xjuin 1837. De ce mariage sont issues:
DE GÉNÉALOGIE VENDÉENNE i7:i
A. Cliai'lottede Montmorency-Laval, née en 17'.)9, mariée en
1817 à Gustave de Lévis, marquis de Mirepoix, pair de
France, dont T Guy, marié en 1844 à Marie-Josèphe-
Hildegarde-Ghislaine, comtesse de Mérode ; 2" Sijrismond,
marié en 184:? à Juliette de Grillon.
B. Marguerite de Montmorency-Laval, née en 1811, mariée
en 18:^9 à Aimé-Cliarles-Raoul, marquis de Couronnel,
et mère, entre autres enfants, d'Emma-Charlotte-Cécile
de Couronnel, qui épousa, le 29 mars 1855, Georges-
Auguste do Barécourt de la Vallée, marquis de Pimodan
(c'est le célèbre; (général Pimodan.)
I bis. MARIE BOUHIER, dame de Beaumarchais, seconde fille
de Vincent, épousa en 1011 Charles Coskaér, marquis de la Vieuville,
baron de Nogent l'Artaud, Pavant, etc, chevalier des ordres, grand
fauconnier de France, surintendant des finances, premier capitaine
des gardes du corps, capitaine de cent hommes d'armes des ordon-
nances, lieutenant général de Champagne et Rethelois, etc, etc,
ministre d'état avant Richelieu, créé duc-pair de la Vieuville. en
1642. De cette union sont issus :
A. Charles, duc de la Vieuville, pair de France, chevalier des
ordres, lieutenant général des armées du Roi, gouver-
neur en \C <") du duc de Chartres (le Régent), marié le 25
novembre 1049, à Françoise de Vienne, comtesse de
Confolens, et père de : 1° René-François, ■/' Charles-
Emmanuel, marié à Marie-Anne de Mythes de Ché-
vrières de Sa'nt-Chamond, auteur des marquis de la
Vieuville Saint-CIiamond. — René-François, marquis de
la Vieuville, fils aine, né en 1052, gouverneur de Poitou,
épousa 1» Anne-Lucie delà Motlie Houdancourt ; 2* en
108'J, Marie de la Chaussée d'Eu ; et 3", le 20 avril 1710,
Marie-Thérèse de Froullay. Il laissa pour enfants : du
premier lit Louis, marquis de la Vieuville, filleul de
Louis XIV et de la Dauphine, allié en 1722 à Marie-Ma-
deleine Fouquet de Bellisle ; et Marie- Anne- Thérèse de
la Vieuville, mariée à Hector de Fay, marquis de Latour-
Maubourg ; — du second lit : Jean-Baptiste-René de la
Vieuville, colonel d'infanterie, marié en 1710 à Anne-
Charlotte deCreil ; et Marie-Madeleine de la Vieuville,
mariée en 1711 à César de Baudém, marquis de Para-
bère (c'est la fameuse Parahère, maîtresse du Régenta
17 i UNE PAf;E
H. Cliarles-Krançois de la Vieil villo, évéque Je Rennes,
(lt;(j0-167('.).
C. Lucrèce-Françoise, qui suit :
ir Lucrèce-Françoise de la Vieuville épousa Ambroise-Fran-
çois, duc de Bournonville, pair de France, maréchal de camp, gou-
verneur de Paris, chevalier d'honneur de la Reine Marie-Thérèse,
femme de Louis XIV. De cette alliance une fille unique qui suit :
III" Marie-Françoise de Bournonville épousa en 1071 Anne-
.lules, due de Noailles, pair et Maréchal de France, comte d'Aven,
chevalier des ordres du Roi, capitaine de la première compagnie des
gardes du corps, gouverneur et lieutenant-général de Cerdagne et
Roussillon De cette union sont venus pour enfants :
A Adrien-Maurice de Noailles, qui suit :
H. Jules-Emmanuel de Noailles, marquis de Mouchy ;
C. Marie-Christine de Noailles, mariée, le 13 avril 1087, à An-
toine-Charles, duc de Gramont, pair et maréchal de France,
prince deBidache, duc de Guiche, comte de Lesparre et
de Louvigny, baron de Hagueneau, chevalier des ordres,
d'oix sont issus les ducs de Gramont ;
D. Marie-Charlotte de Noailles, mariée, le 20 novembre 1690,
à Malo-Auguste, marquis de Coëtquen, comte de Com-
bourg, brigadier des armées du Roi ;
E. Lucie-Félicité de Noailles, mariée, le 30 janvier 1698, à
Victor-Marie, comte d'Estrées, grand d'Espagne, maréchal
et vice-amiral de France, vice-roi des possessions fran-
çaises d'Amérique, gouverneur de Nantes, ministre
d'Etat ;
F. Marie-Thérèse de Noailles, alliée, le 10 juin 1098, à Charles
de la Baume Le Blanc, marquis de la Vallière, maréchal
de camp, gouverneur du Bourbonnais, commissaire
général de la cavalerie ;
G. Marie-Françoise de Noailles, mariée en 1703 à Henry-
Emmanuel de Beaumanoir, marquis de Lavardin, lieu-
tenant général de Bretagne ;
H. Marie-Victoire-Sophie de Noailles, mariée, le 25 janvier
1707. à Louis de Pardaillan-Montespan d'Antin.
I"V" Adrien-Maurice de Noailles, duc de Noailles. pair et maré-
chal de France, prince de l'oix. comte d'Ayen, grand d'Espagne, che-
\)K (j:':NÉALni;ii'; \- 1: m ) i'; i; N N li 175
vulier des ordres du Roi et ilo la Toison d'or, capitaine delà pre-
mière ('oinpa;,Miio des gardes du corps, etc, etc, épousa, le 1.") avril
ic.'.is, Françoise d'Aubigné, fille de Charles, comte d'Aubig^é, cheva-
lier des ordres, gouverneur de Berry, et de Geneviève Piètre. De
cette alliance sont issus entre autres enfants :
A. Louis, duc de Noaillcs, pair et maréclial de France, auteur
de la branche ainée des ducs de Noailles et d'Ayen ;
H. Philippe de Noailles, duc de jMouchy, prince de Poix.
grand d'Espajne, maréchal de France, auteur des
Noailles-Mouchy ;
C. Sophie de Noailles, qui suit:
V° Sophie de Noailles épousa, en \'Si, Louis-Alexandre de Bour-
bon, légitimé de France (tils de Louis XIV et de M'"* de Montespan),
comte de Toulouse, duc de Penthièvre, de Damville et de Château-
vilain, amiral de Fi-ance, lieutenant général des armées du Roi, che-
valier de ses ordres et de la Toison d'or, gouverneur de Guyenne,
puis de Bretagne. De ce mariage est né Louis-Jean-Marie, qui suit :
vr Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvre, de Châ-
teauvilain, d • Rambouillet, de Gisors et d'Aumale, prince d'Anet,
comte d'Eu, amiral de France, gouverneur de Bretagne, s'allia, en
1744 à Marie-Tliérèse-Félicité d'Este-Modène. — De ce mariage pro-
vinrent :
A. Alexandre-Louis de Bourbon, prince de Lamballe, mort
en 1768, sans laisser de postérité de Marie-Thérèse-
Louise de Savoie Carignan qu'il avait épousée en 1766.
Cette princesse fut égorgée dans les massacres de sep-
tembre 17
(1 •>
B. Louise-Marie-Adélaïde, qui suit :
"VU" Louise Marie-Adélaïde de Bourbon Penthièvre épousa en
1760 Louis-Philippe-.lospph, duc d'Orléans, de Chartres, de Valois,
de Nemours et de Montpensier, comte de Montargis, de Beaugency,
"de Mortain, de Dourdan, de Beaujolais, etc, etc, etc, {Egalité) : elle
fut mère de Louis-Philippe, marié, en 180'J, à Marie-Amélie de
Bourbon, des Deux-Siciles.
17(3 UNE l'AGË DE GÉNÉALOC.IE VKXDÉEN.NE
Armoiries des gendres de Bouhier.
La Tvémoille- Noirmoutiers : parti de deux traits et coupé
d'un, qui fait six quartiers : en chef, au !*■• d'or, au chevron de
gueules, accompagné de trois aiglettes d'azur, becquées et membrées
du second, qui est de la Trémoille ; au 2 d'azur, à trois fleurs de
lys d'or, au bâton de gueules péri en bande brochant, qui est de
Bourbon ; au 3 fascé d'or et de sable, qui est de Coëtivy ; en
pointe au 1" d'argent, à la guivre dazur tortillée en pal, cou-
ronnée d'or, engoulant un enfant de gueules posé en fasce, qui
est de Milan ; au 2 d or, à la croix de gueules chargée de cinq
coquilles d'argent, et cantonnée de seize alérions d'azur, qui est de
Montmorency-Laval ; au 3 d'azur, à trois fleurs de lys d'or et
un lambel d'argent, qui est d'Orléans.
Louis^ premier duc de ^^oirmoutiers adopta pour armes un parti
de trois traits, coupé d'un, au 1 du chef de France, au 2 de Jéru-
salem, au 3 d'Orléans ; au 4 de l'empire d'Allemagne ; au 1 de la
pointe de Luxembourg, au 2 de Milan, au 3 de Laval, au 4 de Craon ;
et sur le tout de la Trémoille.
L'hospilal-Vitry : de gueules, au coq d'argent, becqué, membre,
barbé et cresté d'or ; à l'écusson d'azur, chargé d'une fleur de lys
d'or posé au franc canton.
La Vieuville ; écartelé, aux 1 et 4 fascé d'or et d'azur de huit pièces,
à trois annelets de gueules, rangés en chef et brochant sur les deux
premières fasces, qui est de la Vieuville ; aux 2 et 3 d'hermine, au
chef dentelé de gueules, qui est d'O ; et sur le tout d'argent, à
sept feuilles de houx d'azur 3, 3, 1, qui est de Coskaër.
Ollier de Xoinlel : d'or, au chevron de gueules chargé sur la cime
d'un croissant réservé soutenu d'un besan d'argent, et accompagné
de 3 grappes de raisin renversées de pourpre, pamprées de sinople ;
à la bordure d'azur, semée de fleurs de lys d'or.
Renk Vallette.
^^
LE SYNODE DU POIRE-SUR-VIE
4 AOUT 1795
( Renseignements inédits ;
-}Ot—
Arépoque oh furent publiés « La Vie et les Mémoires de
-lis' Brumauld de Beauregard, » ancien vicaire général du
diocèse de Luçon, plus tard évéque d'Orléans, en 1842, on
croj-ait que presque tous ses manuscrits avaient été détruits par
lui ou perdus ; mais une circonstance fortuite permit de retrouver,
bien des années après, des notes assez nombreuses qui n'étaient
qu'égarées, et nous sommes heureux de procurer à la Revue du
5a5-Poi7oM des renseignements que nous croyons inédits, sur les
décisions prises par le clergé vendéen, dans une réunion qui eut
lieu au Poiré-sur- Vie, le 4 août 1795.
On lira avec intérêt une ordonnance du général deCharette, dont le
quartier général était à ce moment-là à Belleville, par laquelle il
règle le paiement d'une pension aux Religieuses établies dans les
paroisses relevant de son commandement.
Dans un avertissement placé en tète de la Vie de J/s"" de Beaure-
gard, M. Emm. de Curzon, à l'obligeance duquel nous devons com-
munication du travail qui suit, explique que beaucoup des manus-
178 LE SYNUDE DE l>UlllÉ-SL"ll-VIE
crits laissés par son grand oncle, ont été écrits à la sollicitation de
personnes amies, et c'est assurément à des instances de ce ger.re
que nous devons l'envoi, en Vendée, de V Histoire du Petit Saint-
Cyr que M. Bitton a retrouvée chez un bouquiniste Fontenaisien,
et qu'il a publiée dans un volume de la Société d'émulation (année
1888).
Pendant son séjour à Luçon, de ITTC) à 17'.»1, l'abbé de Beauregard
s'était livré avec ardeur à l'étude des vieux documents alors très
nombreux dans les archives du Chapitre et des différents couvents,
et ses habiles et studieuses recherches lui permirent de composer
une Histoire des èvêques de Lugon, qui est actuellement à la biblio-
thèque de l'évêché.
, Il est regrettable que ce manuscrit, auquel tous les auteurs qui
ont écrit depuis sur ce même sujet ont fait de très larges emprunts,
n'ait pas encore fait l'objet d'une publication spéciale.
c
DE liOUTTEI'AiiNON.
LE SYNODE DU POIRE-SUR-VIE
4 AOUT 1795
APRÈS avoir subi une détention de trois mois à Fontenay,
en 179'J;, l'abbé Jean Brumauld de Beauregard, cha-
noine et vicaire général de Luçon, plus tard évêque
d'Orléans, dut s'éloigner de ce diocèse et se réfugia dans les
environs de Poitiers. Il y fut découvert au mois de janvier
1793, et mis en demeure de se reconstituer prisonnier ou de
se déporter Qiï Angleterre. Il opta pour ce dernier parti, espé-
rant qu'il pourrait trouver de là, l'occasion de revenir exercer
son zèle dans sa patrie.
Cette occasion se présenta au moment où fut décidée l'ex-
pédition de Quiberon. Au mois d'avril 1795, l'abbé de Beau-
regard fut chargé de porter à Gharette, les instructions des
chefs du parti royaliste et celles du premier ministre Pitt.
Ce dernier attachait tant d'importance aux siennes, qu'il se
rendit lui-même au bureau de la diligence, pour ne les re-
mettre à son envoyé qu'au moment du départ et qu'il ne re-
monta en voiture qu'après avoir vu partir la malle.
Ce ne fut qu'après de longues et périlleuses péripéties,
que l'abbé de Beauregard arriva, le 11 juillet 1795, à Belle-
ville, quartier général de Gharette. Ge dernier aurait voulu
Tome m. — Avril, Mai, Juin 1800.
12
A
180 LK SYNODE DE POIRÉ-SUR VIE
le retenir près de lui, mais l'cibbé de Beaureg..ird ne pouvait
accepter celte proposition. « J'abjure maintenant^ lui dit-il,
« la qualité d'envoyé politique. Je V'ux désormais prêcher
« l'Evangile sans pren Ire part aux affaires publiques. J'ai
« des ordonnances de mon évoque ; je les ferai connaître au
« clergé, et j'adminislrci'.ii le diocèse avec l'abbé de Cliarette
« de la Colinière, voire ciuisiu. »
M''" de Mercy, évè pie d ' Luçon, avait pu sortir de Paris
la surveille des massacres de Septembre; il s'était réfugié
en Suisse. Les premiers succès de ! insurrection de Vendée
lui ayant fait espérer la fin procliiiine de la Révolution, il
avait envoyé de Miudrizii), le i" janvier 170i, une Instruc-
tion pastorale destinée à tracer des règles de conduite, et le
1" juin de la même année, une î.rt ire pastorale de M^' l'évêque
de Litçon à son cb-rijé ji'Udi'.. pour le disposer à repren'Ire
avec fruit, après le schisme, les fonctions du saint ministère.
11 avait écrit, le 11 juin 171) l, à l'abbé de Beauregard, alors
en Angleterre : <■ J'ai su tjut ce (jne votre zèle apos-
« lolique vous a fait entreprendre : Je n'en ai point été sur-
« pris, j'y ai applaudi. j"(Mi ai remercié Dieu et je ne cess5*de
« lui demander de répandre sur vous et sur vos travaux
« apostoliques, ses plus aboiiiianles bénédictions. Vous
« paraissez dans l'ordre de la Providence^ devoir être mon
« prédécesseur dans mondiocèse Vous vou-. approcherez
« le plus que vous pourrez de mes instructions; mais je ne
« trouverai pas mauvais qu'on s'en écarte quand la nécessité
« ou un plus grand bien l'exigeront. »
« Il lui écrivait encore de Ravenne, le20janvier 1702: « Vous
M avez vu que je vous laisse la [tlénitude de mes pouvoirs
<< pour gouverner et décider dii tout, provisoirement, dans
" ce que je n'aurai pas prévu, et dans les changements que
« les circonstances peuvent ajipurter môme dans ce que j'ai
« voulu prévoir. "
Telle était la nii-si-in cl tels étaient les |>ouv()irs de l'abbé
de Beauregard. Son pi^-mier soin dut être de chercher un
LK bY.NOUK DE 1>()I llK-SL' Il-VIK 181
gila : il Le trouva dans la paroisse de Beaul'ou. L'église avait
été brûlée ; il n'en restait qu'un coin dans une des chapelles.
Le curé était vieux etcassé, ce fut une circonstance favorable,
qui lui permit de dissimuler l'importance de sa mission;,sous
le Litre modeste de vicaire du curé. Il s'astraignit à remplir
exactement toutes les fonctions d'un simple vicaire.
(( Je travaillais donc avec assez de fruit, dit-il, dans mon
vicariat de Beaufou et dans toute cette partie du diocèse.
« Quand tout fut bien établi, je crus devoir réunir en
synode tout le clergé du diocèse de Luçon, pour y faire
publier les ordonnances de Monseigneur de Mercy. Je fixai
le lieu de la réunion dans la belle église de Poiré, non loin
de laquelle se trouvait un château, dont les propriétaires
avaient émigré. Je fis part de mon projet à Gharette; il
m'offrit des rations pour les chevaux et un dîner vendéen pour
les prêtres. Je fis les convocations et fixai le jour et l'heure.
« Soixante prêtres se rendirent à cette cérémonie, qui
avait attiré un grand concours de peuple. Je chantai la
messe, je prêchai, puis nous nous rendîmes dans la grande
salle du château. L'abbé de Gharette de la Golinière et moi
prîmes nos places : je désignai un promoteur et un secré-
taire ; et après avoir fait reconnaître la signature de M»' de
Mercy par tout le synode, je fis lire ses ordonnances. On
établit en tête du procès-verbal les noms de tous les
assistants. •
« Un des articles de ces ordonnances disposait que
l'Evêque reconnaissait pour canonique tout ce qui avait été
ordonné par ses délégués directs, ou par ceux qui l'avaient
été en son nom ; mais qu'aussitôt que l'un de ses anciens
grands vicaires serait arrivé dans le diocèse, tous les pou-
voirs cesseraient, excepté ceux de ce grand vicaire.
« Get article passa assez facilement, sauf l'opposition qu'y
lit un religieux de la Ghancelade, prieur de Sainte-Marie de
l'île de Ré, qui se récria beaucoup, ayant eu des pouvoirs
directs dès 1792. Mais comme le synode déclara qu'on ne le
\
182 LE SYNODE DE POIRÉ-SU U-VII':
reconnaissait plus, il céda^ non sans mécontentement. Peu après
il adopta un système de dissidence, qu'il a poussé jusqu'à la
non admisssiondu Concordat. Il s'est fait depuiS;, le chef de ce
parti, et il a placé son siège à Fontenay-le-Comte, où des
femmes assez marquantes s'associèrent à son schisme.
« Il fut fait plusieurs règlements, dont un portait que toutes
les fonctions seraient gratuites ; que l'on pourrait seulement
recevoir des fidèles des dons modérés. On pria Messieurs les
Présidents du synode, de déclarer qu'on n'acceptait pas les
contributions que Gharette avait fait offrir.
u On régla rétendue de la juridiction de chaque ecclésias-
tique, les présidents furent priés de recevoir le prix des
dispenses et d'en former un fond pour les nécessités des
prêtres et des églises. On rédigea les articles qui durent être
remis à chacun de Messieurs les ecclésiastiques. «
ARTICLES ARRETES.
ï
A L ASSEMBLEE DU CLERGE TENUE AU POIRE.
Le 4 août 1705.
Baptêmes. — On réhabilitera les baptêmes faits par les jureurs et
intrus lorsqu'ils seront douteux, et ou pourra suppléer les cérémonies
sans Saint Chrême.
Messe. — On ne dira plus la messe sur deux corporaux.
Mariages. — Les mariages faits par les intrus seront réhabilités
selon les formes établies, ainsi que ceux faits devant la municipalité.
On observera strictement, quant au mariage, l'usage établi par l'Eglise ;
c'est à dire que les parties contractantes s'approcheront des sacrements
4e pénitence et d'Eucharistie.
Il a été arrêté qu'il sera fait des représentations au général en chef
de la "Vendée, pour pourvoir à la subsistance et au besoia des Reli-
gieuses nécessiteuses_, ainsi qu'à ceux des ecclésiastiques qui seraient
dans le besoin.
LE SYXODE DE POIRÉ-SUR-VIE 183
Arrêté qu'il sera fait par Messieurs les curés, une liste des reli-
gieuses qui seront dans leurs paroisses, laquelle sera envoyée à
Messieurs les Vicaires Généraux.
Arrêté qu'il sera fait des recherches au sujet des ornements, livres
d'église, calices, et généralement tout ce qui sert au culte de la religion ;
que rapport en sera fait aux Vicaires Généraux, afin qu'on puisse en
distribuer dans les paroisses qui en manquent.
Messieurs les Curés donneront un état des pauvres et autres néces-
siteux qui seront dans leurs paroisses, afin que les Vicaires Généraux,
de concert avec les Pasteurs, écrivent aux administrateurs pour avoir
des secours en leur faveur.
Arrêté que Messieurs les Curés donneront une liste des diacres et
sous-diacres qui sont dans leurs paroisses, afin qu'il leur soit enjoint
par les supérieurs ecclésiastiques, d'aider les prêtres dan s leurs fonctions ;
particulièrement dans celle du catéchisme qu'ils feront sous l'inspection
des Pasteurs.
Arrêté que Messieurs les Curés feront passer à Messieurs les Vicaires
Généraux, une liste de toutes les dispenses qu'ils ont accordées, en
vertu du pouvoir qu'ils ont reçu pendant la persécution du Seigneur
évêque, afin qu'il en soit tenu un registre exact, pour être mis sous les
yeux du Prélat, lorsqu'il reparaîtra dans son diocèse.
Fait et arrêté au Poiré le 4 août 1795.
Listes de MM. les prêtres catholiques qui ty^availlent au
Snint Ministère dayis les arrondissements des armées
catholiques et royales des pays bas et du centre Diocèse
de Luçon.
1 . M. Doussin de Voyer, desservant du Bourg-sous-la-Roche.
2. M. Ténèbres, curé de Croix-de-Vie, dans les marais de Soullans.
3. M. Alexis Mailliet Ribet, curé de Saint-Hilaire le Doyen, diocèse
de Poitiers, desservant des Essarts.
4. M. Chabot, curé d'Aubigny.
5. M. Robin, desservant d'Aizenay.
6. M. Legouix, desservant de Sainte-Cécile.
7. M. Blanchard curé de Belle Noue.
18 i LE SYXODE DE POIRÉ-SUR-VIE
8. M. Mor>^au curé de la Chaize-le-"Vicomte.
9. M. Allain, prieur de Saint-André Gouledoie.
10. M. Remaudet,. à Pont-de-Vie, paroisse du Poiré.
11. M. Mady, curé de Saint-Denis la Chevasse.
12. M. Renaud, curé de Chavagnes.
13. M. Buet. desservant de la Merlatière.
14. M. O'Brien, Irlandais, desservant de Boulogne.
15. M. AudureaU; vicaire de Saint-Denis la Chevasse.
16. M. Merland, curé de l'Aiguillon, desservant de Lairière,
17. M. Guédon de la Poupardière, curé de la Rabatelière.
18. M. Guillaudeau, chanoine de Montaigu, desservant les Brouzils.
19. M. Amiaud, vicaire de Saint-Sulpice le Verdon, desservant de
Mormaison.
20. M. Barhedette, curé du Grand-Luc.
21. M. Joussebert, curé de Beaufon.
22. M. Moreau, curé du Poiré.
23. M. Gillier, desservant de Legé.
24. M. Sauvage, desservant de Saint-Christophe la Chartreuse.
^5. M. Touret, desservant de Saint-Etienne-du-Bois.
26. M. Guyard, prêtre à Chauché.
27. M. Mitruay, curé de la Grotte.
28. M. Hervouet, vicaire de Bouaimé.
29. M. Huët, curé de Landevielle, à Luçon.
30. M Voisin, curé de Landeronde.
31. M. Gaboriau, desservant de Treize-Septiers.
32. M. Veillard, desservant de Saint-Etienne-de-Corcoué.
33. M. Duranceau, curé de Sainte-Foy.
34. M. Le Breton, ancien vicaire de Verne, desservant de Saint-
Michel-Mont-Mercure.
35. M. de Laveau, curé de Chàteaumur.
36. M. Serre, desservant de la Flocellière, missionnaire de Saint-
Laurent.
37. M. Paillar, desservant de Saint-Mars, aumônier des religieuses
de Cholet,
38. M. Bourcier, desservant d'Ardelay, curé des Moùtiers-sur-le-Lay,
39. M. Bourcier, prieur de Mouchamps.
40. M. Fumoleau, curé de Chavagnes-en-Pareds.
41. M. Vrignaud, desservant du Boupère, vicaire de Cheffois.
LE SYNODE DE POIRÉ-SUR- VIK l-^.")
42. M. Macé, desservant de Saint-Paul en Pareds.
43. M. Serillé, desservant au Chàtelier.
44. M. le frère Julien, capucin i]p Machecoul, dosservant au Petit-
Bourg des Herbiers.
4."). M. Briiieau, desservant de Saint-Fulgent.
46. M. Cornu, curé de la Barotière.
47. M. Desplobin, curé de Pu ym au frai s, à Ghantonnay.
48. M. Imbert, curé de la Ronde, pn-s la Châtaigneraie.
49. M. Marion, curé de Saint-Jacques-de-Montaigu, à Saint-Georges
paroisse de Beaurepaire.
50. M. Anguis, curé de Beaulieu, desservant à la Meilleraye.
51. M, Giraud, desservant à Landeronde, vicaire d'Olonne.
52. M. Gauthier, desservant de la Boissière.
53. M. Brcnnyat, desservant de Bazoges en Pailler^.
54. M. Jagueneau, à la Guyonnière.
55. M. de Gruchy, desservant à Venansault.
.^6. M. de Charette de la Colinièe, vicaire général.
37. M. J. Briimnnld de Beauregard, vicaire général du diocèse,
faisant les fonctions de vicaire à Beaufou.
On a vu que le synode avait refusé les contributions que
Charette avait offert de lever pour l'entretien du Clergé,
mais qu'il avait demandé qu'il fut pourvu à l'entretien des
religieuses. Il fut donné satisfaction auv vœux du clergé
Vendéen par l'ordonnance suivante :
a Nous François Athanase Charette de !a Contrie, lieutenant-général
des armées du Roy, général en chef de la Vendée.
« Toujours animé du honheur public, nous nous sommes appliqué,
dans la partie de notre commandement, àdiminnrr les horreurs de la
guerre affreuse et sans exemple, que les ennemis de la Religion et
du Trône nous ont livrée. Au milieu des combats nous n'avons
p.is négligé de pourvoir à la police intérieure. Les individus de
toutes les classes étant également l'objet de notre sollicitude, nous
n'avons pas oublié les ordres religieux et généralement tous les ecclé-
siast'que-i. Nous nous sommes particulièrement occupé de leur sort,
par notre règlement du douze octobre de l'année dernière ; les circons-
tancfs impérieuses où nous nous sommes trouvés, ne leur permettant
18(5 LK SYNODE DU POIRÉ-SUU-VIK
pas la libre jouissance des bénéfices et communautés dont ils avaient la
possession avant les troubles, nous sommes venus à leur secours d'une
autre manière, en les engageant par notre susdit règlement, à faire
connaître leur état aux conseils respectifs de leur résidence, et en
chargeant nos inspecteurs généraux de leur in liquer comment et où
ils doivent recevoir leurs moyens de subsistance. Soit que, malgré la
publicité donnée à notre règlement, ses dispositions ne soient pas
venues à leur connaissance, soit que la continuation des troubles ait
apporté obstacle à leur exécution, nous avons appris avec douleur qu'un
très petit nombre seulement, s'était présenté et avait pris part aux
secours que tous avaient également droit d'attendre D'un autre côté,
considérant que la somme des secours accordés à chacun devenait insuf-
fisante dans l'état actuel des choses, nous avons cru devoir statuer et
ordonner ce qui suit relativement aux religieuses dont on nous a fourni
la liste, sauf à régler ci-après, les traitements des curés et autres
ecclésiastiques qui se trouvent actuellement dans les pays de notre
commandement, ce que nous nous proposons de faire d'après les ren-
seignements qui nous seront donnés par Messieurs les vicaires généraux.
« Article {". — Il sera payé à chaque religieuse actuellement rési-
dente dans le pays de notre commandement, de quelque Ordre qu'elle
soit, une pension annuelle de mille livres, et à chaque sœur attachée
audit ordre, celle de sept cents livres ; dont le tiers sera acquitté en
bled, à raison de six livres le boisseau de froment du poids de quarante
livres, et de quatre livres seize sols le seigle même mesure ; et en bois
à feu, selon les besoins de chacune, au prix ordinaire.
a Art 2. •— Les dites pensions commenceront à courir de ce jour,
et seront payées par quartier et toujours d'avance, selon les simples
quittances des religieuses et sœurs.
€ Art. 3. — Autant que faire se pourra, ces pensions seront
acq"itfes par le Conseil de la résidence des dits religieuses et sœurs,
et en cas d'impossibilité, seront, sur leur réquisition, donné des ordres
par les inspecteurs .«généraux ou particuliers aux conseils les plus
prochains et en ayant les facultés , de faire les dits payements ,
qui ne pourront être retardés sous aucun autre prétexte. Mandons
aux chefs de divisions, inspecteurs généraux ou particuliers, de tenir
la main à l'exécution du présent, qui sera lu, publié et affiché partout
où besoin sera.
LK SYNODK DU P( )[UK-SUI'.-VIK
187
< Donné en notre quartier général de Belleville, le six septembre
mil sept cent quatre-vingt-quinze, Tan premier du règne de Louis
dix-huit.
Signé : Le chevalier Gharette
Veroionf.r, secrétaire.
« Pour copie conforme à l'expédition que j'ai par devers moi.
Baudry, inspecteur général.
« Le soussigné certifié l'extrait ci-dessus conforme à l'expédition
qui m'a été adressée par M. l'inspecteur général Baudry, à Pont-de-
Vie, le 16 septembre 1795.
Renaud, inspecteur.
CORRESPONDANCE
PAUL BAUDRY
ET
SON PREMIER PORTRAIT D'APRES NATURE
Mon cher Directeur,
Après vous avoir proposé ces deux ou trois pasessur les premières
années de Paul Baudry, j'ai longtemps hésité avant de vous les
envoyer.
La superbe monographie, oii l'amitié îi pieusement recueilli tant
de souvenirs intimes', aurait-elle donc négligé le moindre détail
de quelque importance? Et n'est-il pas téméraire de ma part de
songer a ajouter, même une ligne, à l'étude si pleine de délicatesse
et d'émotion que \ous receviez dernièrement' ? La brillante carrière
du Maître, les riches qualités de cette âme d'élite y revivent tout en-
tières. Pourrais-je dire d'avantage et mieux?
Paul Baudry, du reste, n'aimait pas qu'on s'occupât de lui et de
ses débuts dans un art oii il allait s'élever si haut. Il trouvait que
f les faits et gestes d'un artiste de sa sorte » n'étaient guère capables
« d'intéresserbeaucoup ! Il n'avait commencé à exister légalement
qu'au moment de son second prix de Rome ! »
' Paul Baudry, sa vie et son œuvre, par Cu. F.phrussi, 1887.
» Paul Baurlry, 7)ar A. Bonnin. [JRenie du Bas-Poitou, 2p année, 3' livr.
pp. 221-241),
|. PAUL BAUDRY 189
Je me jjarderai bien de le contredire et d'accorder à ses œuvres
d'élève ces « éloges maladroits » qu'il redoutait autant que les
critiques injustes.
Mais comme il mettait avi dessus de tout le culte du souvenir et de
la reconnaissance, et que « parler du père Sartoris, c'était lui faire un
grand plaisir, » il m'a semblé que, pour offrir à sa mémoire un
hommage en parfaite harmonie avec ses nobles sentiments,.je n'avais
qu'à rappeler, sans phrases, puisqu'il n'en dit rien lui-même, dans
quelles conditions « il vit pour la première fois» son premier maître,
et comment s'établirent entre ces deux âmes, si bien faites pour se
comprendre, des relations dont Baudry ne parlait jamais sans être
attendri.
Par une belleaprès-midi d'hiver, en 1840, je crois, Antoine Sartoris,
professeur de dessin au collège royal depuis quelques années, était
installé, dans son atelier, en face d'un chevalet sur lequel se dres-
sait une toile qui recevait ses dernières retouches.
II venait de terminer une Assomption de la Vierge, qu'on lui avait
commandée, et qui se voit encore aujourd'hui dans une des chapelles
de l'église Saint-Louis, à La Roche-sur-Yon .
En ce moment, le jeune Paul, à peine âgé de douze ans, apportait
des sabots au client de son père.
Il entre dans l'atelier. Dès qu'il se trouve devant le tableau « aux
couleurs voyantes, » que le temps a bien ternies depuis lors, il
s'arrête ébahi ; et comme frappé d'un enthousiasme qu'il ne peut
maîtriser, il s'écrie : « Moi aussi, je veux le faire ; je ne veux pas
d'autre métier que celui-là» Il renouvelait, à son insu, le mot
fameux du Corrège.
Ne sommes-nous pas ici en présence d'une vocation qui ne pourra
souffrir de contrainte ?
Sartoris fut très flatté, vous n'en doutez pas, d'avoir ainsi
rencontré un admirateur, dont la sincérité n'avait rien de suspect.
« L'excellent homme » ne devait pas non plus rester indifférent à
cet élan du cœur. Il devina que, dans cet enfant à l'œil vif et plein
d'ardeur, germait peut-être un talent qui ne cherchait qu'à se faire
jour.
Trop heureux, d'aider à lui frayer, qui sait ? la voie de la fortune et
de la gloire, il se rendit aussitôt chez le père Baudry ; et bien que
le brave sabotier eût rêvé pour son fils une autre destinée, celle de
violoniste, il eut la sagesse d'écouter les conseils de la raison, et
laissa son fils suivre l'étoile qu'il avait vue luire à l'horizon.
Paul devint dont l'élèA-e favori de Sartoris, et, comme il avait à
190 PAUL BAUDRY
cœur de réussir, il déploya, dès les premiers jours, cette A'olontéde
fer, cette énergie indomptable, dont il donna plus d'une preuve dans
le cours de son existence, hélas ! trop brusquement brisée.
Ses progrès furent rapides, et,dès qu'il sut tenir un crayon, il montra,
quoi qu'il en dise, cette sûreté de coup d'œil et de main qui carac-
térise ses esquisses et ses portraits.
On sait que,sur les instances de son maître,sa ville natale lui alloua,
en 1844, une pension qui lui permît de partir pour Paris où il pour-
suivrait ses études. Il fut présenté, en arrivant, à l'atelier de Drol-
ling, et le petit Vendéen, d'abord timide. et gauche, ne tarda pas à s'y
faire une place à part. Ses camarades pressentaient déjà qu'il serait
plus tard le grand Baudry.
En face de la maison de Paul habitait un forgeron, le père
Perrocheau, avec lequel sa famille était intimement liée. Les deux
artisans se visitaient souvent, et, plus d'une fois, surtout à la veillée,
au coin du feu. Paul avait été frappé de la physionomie expressivede
son voisin. « Ah! Si je savais dessiner, s'était dit souvent le jeune
Paul, avec quel plaisir je croquerais le profil du bonhomme! »
C'était en effet un type à peindre, un type alors légendaire à
Bourbon-Vendée, que ce petit homme court et trapu, d'une force
herculéenne, à l'air futé dans sa placidité, spécimen accompli du
Vendéen de la vieille roche, dont le front grisonnant était invariable-
ment coiffé d'un gigantesque bonnet de coton.
Un jour cependant, notre artiste en herbe se décide à tenter l'é-
preuve. C'était, il est vrai, dans les premières vacances qu'il venait
passer à Bourbon-Vendée, depuis qu'il avait quitté sa famille.
Le père Perrocheau causait avec le père Baudry, dans la cour du
sabotier et sur le seuil de son atelier. Paul était tranquille à côté
d'eux, semblant prêter une oreille attentive à leur conversation, et
les yeux fixés sur le forgeron, comme s'il buvait toutes ses paroles.
Tout-à-coup, sans qu'on s'en aperçoive, il tire de sa poche un
crayon Conté, et, sur un des auvents entr'ouverts, il trace, en deux
tours de main, une esquisse des mieux réussies ; puis, enchanté
de son ébauche, il va prendre un de ses pinceaux pour la complé-
ter, et, s'esquivant sans bruit, fait signe à son frère aîné qui jouait
dans la maison. Les deux espiègles se postent juste en face du
portrait et attendent anxieux à la porte de la cour, savourant d'a-
vance l'efTet qu'allait produire sur sa victime la « bonne farce »
de Paul.
Après avoir longuement discouru avec son ami, le père Perrocheau
songe enfin à rentrer à son logis. Jugez de l'émotion qui bouleverse
PAUL BAUDRY 101
tout son être, lorsqu'en se retournant il se voit « pourtraict au na-
turel. » Ses yeux lancent des éclairs, et de ses lèvres tremblantes
s'échappent des monosyllabes à peine intelligibles.
La ressemblance, il est vrai, était saisissante. C'était bien lui,
Perrochcau, leforgeron ! Impossible de s'y méprendre : son gros nez
bourgeonné, sa face rubiconde, et, comble du scandale ! son énorme
couvre-chef dont la houppe flottait au vent, tout était rendu avec
une délicatesse de touche dénotant une main déjà maîtresse d'elle-
même.
Il n'y a pas à en douter ! Le coupable, c'est ce vaurien de Paul,
dont les poches sont toujours garnies de crayons noirs volés on ne
sait où, et qui, malgré les semonces de son père, s'obstine à bar-
bouiller les murailles.
La rage du bonhomme, jusque-là concentrée, commençaità éclater
en tonnerre d'imprécations, quand il découvre les deux frères, dont
le sourire narquois le suivait, sans pitié, dans tous ses mouvements
Il saisit alors un énorme gourdin, qui se trouvait à sa portée, et, le
brandissant de son bras nerveux, il s'élance sur Paul, en criant d'une
voix étranglée par la colère : « Polisson, je l'avais bien dit, tu ne
feras jamais rien de bon. Et c'est pour cela que tu manges à Paris l'ar-
gent que l'on dépense pour toi! » Mais les deux jeunes gens ont jugé
prudemment qu'il vaut mieux ne point réclamer davantage l'appré-
ciation du modèle ; ils ont soin de mettre une distance respectueuse
entre eux et sa fureur, qu'ils provoquent encore de loin, les mi-
sérables ! par leurs gestes irrévérencieux.
Le père Perrocheau eut de la peine à se consoler de cette inso-
lence, et resta deux mois sans reparaître chez le père Baudry.
Quant à Paul, il retournait à Paris quelques semaines après, et,
l'année suivante, « l'élève de Sartoris » entrait le second à l'école des
Beaux-Arts.
Mais désormais lii n'était plus à nous seuls. L'art français comptait
une gloire de plus, et quelle gloire !
EuG. Louis.
La Roche-sur- Yon, 18 février 1800.
Tfï"^./
A PROPOS D'UN FER A CHEVAL MOYEN AGE
Monsieur Le Directeur,
Il y a bientôt deux ans à pareille époque, on faisait à Fontenay-le-
Comte, rue Benjamin Fillon*,à la hauteur du Collège communal, des
travaux de canalisation. Un ouvrier, au cours de sa journée, avait
jeté en dehors de la tranchée un vieux fer à cheval rongé par la
rouille et l'humidité.
Le hasard m"ayant appelé dans ces parages, mes yeux furent atti-
rés par cette vieille épave et je m'aperçus, en la ramassant pour
l'étudier de plus près, que j'avais là un spécimen assez bien conservé
et très reconnaissable d'un fer à cheval des premières années du
moyen âge.
En vous faisant part de cette trouvaille, vous m'avez prié de vous
en faire le sujet d'une petite communication qui put intéresser vos
lecteurs, ou tout au moins, fixer l'attention des chercheurs et des
curieux, pour le cas où de nouvelles fouilles viendraient ultérieure-
ment à être faites dans les mêmes couches de terrain, ou dans des
régions circonvoisines.
.J'avais, pensé pour bien faire saisir l'intérêt archéologique qui
s'attachait à cette petite découverte toute vendéenne, à vous préparer
une courte notice sur l'histoire de la maréchalerie moyen âge, mais
cela m'eût entraîné trop loin et d'ailleurs votre public, composé
d'hommes éclairés, n'a pas besoin de cette initiation.
J'ai donc supprimé ces prolégomènes pour arriver droit au but.
* La rue Benjamin Fillon où reposait à près d'un mètre au-dessous du niveau
du soi actuel, ce vieux fer à cheval-, est un des tronçons de l'ancien Chemin
Vert, vieux chemin celtique par où se faisait jadis tout le commerce de l'in-
térieur des terres avec les trafiquants de la côte. Sans aucun doute ce fer
presque neuf, très couvert, étampé au poinçon, garni de ses clous, rencontré
là comme une grande partie des trouvailles analogues, devait appartenir à.
ces chevaux de travail qui, vers les premiers temps de notre ère, sillonnaient
cette voie et se rendaient attelés ou chargés de lourds fardeaux, de Fontenay-
le-Comte sur les bords de la mer. D.
A l'I'.OI'nS D UN FER A CHiCVAI. MOYEN AGE
193
Le fer à cheval ci-dessus reproduit, fer parfaitement conservé et dé-
posé actuellement dans le musée d'antiquités de Monsieur de Roche-
brune, marque une époque de transition entre les fers des derniers
temps de la période gauloise et les premiers âges de l'époque franco-
romaine
Il a du être employé, sous notre climat et au milieu des populations
laborieuses et industrieuses qui vivaient sur notre vieille terre de
Vendée, pour utiliser les chevaux soit à l'attelage, soit au portage. —
Ce n'est pas le iev léger, ondulé, d'importation orientale, comme les
Gaulois nos aïeux l'avaient imaginé pour ferrer cette vaillante cava-
i/
Icrie qui fit, conduite par eux, trembler le monde romain;— ce n'est
pas non plus ce fer épais, plus correct dans ses formes, plus couvert,
comme les preux et leurs fils en garnissaient les pieds de leurs che-
vaux, pour aller guerroyer en Terre Sainte. — C'est une ferrure mixte,
qui tient de l'un et de l'autre de ces deux types et qui, comme tous
les arts liés au progrès des peuples en marche vers la civilisation,
étaiten train, sije puis dire, de s'accommoder auxexigences des temps
et de subir ses métamorphoses.
Elle tient, en effet, de la ferrure gauloise ou celtique par sa légè-
reté, son mode d'ajusture et d'étampure, — delà ferrure moyen âge
proprement dite, par sa matière première, sa couverture et sa tour-
nure, — des deux types enfin, par son clou dont la forme, dite en
clé de violon, caractérise la fer/ure de ces époques lointaines.
Ces quelques mots vous paraîtront peut-être bien succints en
raison de l'importance de la matière-, malheureusement,une exposition
plus détaillée m'obligerait à des développements qui ne seraient plus
en rapport avec votre publication. Je m'en tiens donc à cette courte
analyse, tout disposé à la rendre plus complète si quelqu'un de vos
lecteurs témoignait le désir d'avoir plus d'éclaircissements.
Capitaine D...
SIC vos NON VOBIS
LE PEINTRE-SCULPTEUR ELIE-JEAN DROUARD
DANS un très consciencieux et très érudit article sur le sculp-
teur Elle Drouard, mort à Fontenay le 24 juillet 1833*.
M. Léo Desaivre, met au nombre des oeuvres exécutées par
cet artiste la très belle chaire de N.-D. de Fontenay. 11 cite
en note, à l'appui de cette affirmation, V Eglise de Notre-Dame de
Fontenay page 76, par M. Félix Boncenne. 11 y a là, chez l'un et
l'autre de ces auteurs, une erreur grave qu'il importe de rectifier ;
car elle aurait comme résultat immédiat, pour tout homme qui sait
voir, d'attribuer à cet artiste un talent qu'il était bien loin de pos-
séder. La chaire dont nous parlons existait bien avant la révolution
de 8'.) ; elle avait dû être exécutée dans les premières années du règne
de Louis XVI, vers 1780, très probablement par les mêmes artistes
qui ont ciselé d'une façon si magistrale les stalles de la cathédrale de
Luçon ; peut-être, comme l'avance M. René Vallette=», serait-ce Pierre
Couquaud auquel il faudrait restituer ce beau travail. A la suite de
la révolution, dans les premières années du Consulat, à l'époque où
Napoléon voulant pacifier les partis divisés rappela tous les exilés et
rouvrit les églises au culte catholique, la chaire de N.-D. avait
beaucoup souffert : les nez, les bras des statues, la torche du génie
du mal, étaient ou brisés ou disparus ; il répara ces parties, mais il
fut moins heureux pour les délicieuses guirlandes qui manquaient
autour de la cuve de la chaire ; celles qu'il fit pour les rem-
placer étaient si lourdes d'exécution qu'il fallut enlever celles qui
ornaient l'escalier, pour les mettre à la place des siennes. Nous
• Bulletin de la société de statistique, sciences lettres et arts du dépar-
tement des Deux-Serres, n" 1 et 3 janvier-murs 1890, page -.82.
' Paysages et monuments du Poitou art. F'ontenay-le-Comte.
LE PEINTRE SCULPTEUR ELIE-JEAN DHOUARD 195
possédons ces deux médiocres ^'uirlandes achetées à Drouard
par notre aïeul maternel, M. de Vassé, alors maire de la ville de
Fontenay, et de qui nous tenons ces divers détails. Au nombre des
travaux médiocres exécutés par Drouard, il faut encore ajouter la
restauration des statues qui décorent le portail monumental de la
maison appartenant à M"» Pichard du Page, près l'église de Notre-
Dame, et plusieurs statues très lourdes de style et trop trapues
qui décoraient jadis la propriété de Brillac, entr'autres celles d'Hip-
pomène et d'Atalante que nous nous rappelons parfaitement avoir
encore vues, il y a une trentaine d'années, installées sur une longue
pièce de gazon entourée de charmilles. Les débris du tombeau du
colonel Robert subsistent aussi dans le cimetière de Notre-Dame. Le
travail en est lourd, pâteux, sans aucun style. Nous n'avons jamais
rencontré le moindre dessin de lui qui pût nous donner la certitude
que cet artiste, inconnu de nos jours, ait pu avoir quelque mérite.
M. Hanaël Jousseaume possède un certain nombre d'académies gra-
vées par Demarteau et imprimées à la sanguine-, elles portent toutes
la signature de Drouard et faisaient, sans aucun doute, partie des
études qu'il mettait sous les yeux de ses élèves.
Terre-Neuve, 28 juin 1890.
0. DE ROCHEBRUNE.
Tome m. — .\vril Mai, Juin 1890. 13
mu
CHRONIQUE
LA Vendée au Salon. — C'est au Salon des Champs-Elysées
que nos compatriotes, en fidèles observateurs des traditions
avaient tous envoyé leurs œuvres. Ajoutons avec un légitime
orgueil qu'elles y faisaient, comme les précédentes années, fort
bonne figure.
A la section de peinture , l'éminent collaborateur de cette
Revue,. M. Lansyer, exposait daux tableaux : Une Vue de la Loire à
Saumuff exquis paysage rendu de main de maître, et le Château de
Loches, aile de Charles VII eu Cour d'Agnès Sorel, dans lequel nous
avons retrouvé toute la précision de l'architecte consommé , en
même temps que la richesse de coloris accoutumée du grand peintre
vendéen. Puissent les succès remportés par ces deux toiles remar-
quables atténuer les dernières douleurs qu'a laissées, chez notre
illustre ami, une opiniâtre atteinte d'inlluenza !
Elle est également d'un de nos collaborateurs les plus appréciés,
cette Vue de Fontenay-le-Comte, prise d'une Tour du Vieux Cîmteau.
M. A. BoNNiN, l'auteur, est un enfant gâté de dame nature. Prose ou
vers, peinture ou pastel, fusain ou crayon noir ; tout lui réussit. C'est
à croire que toutes les fées se sont naguère donné rendez-vous
autour de son berceau.
Si nous quittons le paysage pour le portrait, nous trouvons dans
la salle n" 10, le Portrait de ma mère., de M. Brillaud, de Cugand,
toile remarquable par l'expression sincère de la physionomie, autant
que par l'heureuse tonalité du coloris. Du même artiste, une étude
d'un dessin également très correct : Femme plumant un poulet.
Les deux sujets féminins traités par M. Tillier, du Boupèrc, ofl'rent
CHRONIQUE 197
un plus vivant intérêt. C'est tout d'abord une femme, au type orien-
tal, mollement étendue sur un divan, une cigarette aux lèvres. De
là son nom : Cigarette. Bonne composition, mais manquant un peu
de couleur. Nous préférons le second tableau. Baigneuses, très
agréable comme ensemble et tout à fait charmant comme pose.
C'est encore une femme que nous présente M. Deliiumeau, des
Moustiers, sous le titre de Manouma. Nous aurions tort de
nous en plaindre, car le pinceau du maître a su donner à son sujet
une grâce exquise et une heureuse harmonie.
M. BiDAU, de la Roche-sur- Yon, nous transporte dans un autre
domaine — celui des natures mortes. — Pour la fête à Bébé et le
Matin sont deux toiles oii la simplicité domine. Est-ce à dire qu'elles
soient sans mérite? Certes non. C'est si difficile de faire tout à la
fois simple et bien.
Dans la section de gravure, M. Alasonnière, de la Roche-sur-
Yon, exposait deux eaux-fortes : VAumône, d'après Millet, et un
Cavalier, d'après Meissonnier. Deux très jolis morceaux très finement
exécutés, et dont ne sauraient se plaindre ni Millet ni Meissonnier.
A la sculpture, nous retrouvons notre vaillant concitoyen, M. J.
Robuchon, l'habile photographe des Paysages et Monuments du
Poitou, qui a quitté une fois encore l'objectif pour l'ébauchoir. Ce
n'est pas sans profit pour l'art, car ces deux nouveaux portraits-
médaillons de bronze sont admirablement traités.
L'architecture nous ramène en Vendée, où M. Libaudièue, de la
Roche-sur-Yon, vient de restaurer la curieuse église romane de la
Caillère. La façade nouvelle, dont il nous fait part, révèle chez lui
un incontestable mérite d'architecte. Ce n'est pas la première fois
que nous avons le plaisir de le constater.
Les travaux de restauration, qui se poursuivent dans l'église de
la Chaize-le-Vicomte, ont permis de découvrir sur les murs intérieurs
de ce curieux édifice quelques traces d'une ancienne litre seigneu-
riale, et notamment plusieurs écussons aux armes des Mornac,
marquis de la Chaize-le-Vicomte, {de gueules au chêne d'argent sur-
monté d'une /leur de lys d'or) et à celles des Le Roux de la Roche
des Aubiers (gironné d'argent et de sable de pièces), grande famille de
l'Anjou, à laquelle les Le Roux de la Corbinière, alliés des Mornac^
ont voulu se rattacher.
Cette découverte a son intérêt, car les litres seigneui'iales sont
peu nombreuses en Vendée. Il en existait naguère dans les églises
de Nalliers et de St-Martin-des-Fontaines. Celle de La Chaize-le-
198 CHRONIQUE
Vicomte, au dire de M. de Gouttepagnon ne remonterait qu'à la fin
du siècle dernier.
Dans un champ de la commune de Sallertaine, on a trouvé, il y a
quelques mois, une douzaine de couverts en argent portant deux
écus accolés.
Sur l'un d'eux se voient les armes de la famille du Tressay :
D'argent à la fasce nouée de gueules, chargée de trois besants d'or;
l'autre porte les armoiries de la lamille de Barleré ; Le sable à la
faite de gueules, chargée d'une étoile d'argent et accompagnée de
trois trèfles d'or posés 2 en chef et i en pointe. Avec ces deux mots :
« A enquerre ». Ce qui laisse entendre que le graveur n'était pas
certain de l'exactitude des armes reproduites.
A la Roussière, commune de St-Hilaire-de-Voust, nouvelle décou-
verte d'un souterrain-refuge.
Dans son cours d'archéologie régionale à la faculté des lettres de
Poitiers, M. Lièvre a examiné la question de l'origine des cendres
de Nalliers.
D'accord avec notre savant collaborateur, M. de Fleury, sur la
solution principale du problème, il s'en écarte cependant sur un
point. 11 croit aux usines de soude et de potasse, mais pour lui les
cendres employées ne viennent pas des alentours. Elles sont le
produit d'herbes marines incinérées sur place.
Echos des ateliers Vendéens.
M. 0. de Rochebrune est infatigable. Outre les planches qui
illustrent cette livraison, et dont tous nos lecteurs apprécieront
avec nous le grand mérite, l'éminent aquafortiste vendéen, en a
gravé plusieurs autres qu'il a également la gracieuseté de nous ré-
server. Citons notamment : Les pierres tombales de la Chapelle
Thémer (XII* XIII* et XIV* siècles), les gentilhommières des Moulières
de la Grand' Rhée et des Echardières et la chapelle de Notre-Dame de
Coussaye.
Il se dispose enfin à reproduire dans de plus grandes proportions
le curieux château de la Rocheloucault (Charente^. xVous reparle-
rons ultérieurement de ces planches, qui ajouteront certainement
un fleuron nouveau à la couronne du maître graveur.
Le pinceau de notre ami Bonnin ne cliôme pas davantage. En
dehors de sa vue de Fontenay qui a eu les honneurs du salon, on
lui doit un Portrait du général Digard.
De lui également un tout récent et délicat pastel : le Portrait de
if«« du G...
CHRONIQUE 199
Les autres arts ne sont pas en moindre estime dans notre ville.
M. Arthur delà Voûte nous en donne une délicieuse preuve avec
sa nouvelle romance : Comment l'amour vient (paroles d'A. Bonnin),
qui a obtenu à Paris comme en province le plus légitime succès.
Celui que vient également d'obtenir M. Alfred Rousse, directeur
de la Chorale fontenainenne, n'est pas moins mérité. Les 15 et
10 août prochains doit avoir lieu à Genève un grand concours inter-
national d'orphéons et d'harmonies. A cette occasion, les choeurs
imposés aux sociétés chorales, pour y être chantés, ont été mis au
concours entre tous les compositeurs français et étrangers.
Après examen des nombreux manuscrits envoyés ; on a choisi pour
être imposé aux chorales des divisions supérieures le chœur que
M. Rousse avait présenté (Le rat de ville et le rat des champs). Nous
apprenons en même temps que l'auteur a été nommé, comme com-
positeur français, membre du jury d'examen du concours.
Toutes nos félicitations.
L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres vient de proclamer
les résultats du concours des Antiquités nationales de cette année.
Trente-trois ouvrages, choisis parmi les plus importants publiés
en 1889 sur l'histoire et l'archéologie de la France, avaient été admis
à prendre part au concours. Trois médailles et six mentions hono-
rables ont été décernées. Sur ces trois médailles deux ont été attri-
buées aux ouvrages historiques d'intérêt général. Une seule a été
accordée aux ouvrages d'intérêt régional, et nous avons le plaisir
d'apprendre qu'elle a été obtenue par notre excellent collaborateur
et ami, M. Berthelé, archiviste du département des Deux-Sèvres.
M. Berthelé a été l'objet de cette haute et rare distinction pour
son travail intitulé : Recherches pour servir à V Histoire des Arts en
Poitou, qui lui avait déjà valu l'an dernier une des grandes médailles
de la Société française d'Archéologie.
Nous avons rendu compte en son temps de ce savant et intéres-
sant volume, un des plus remarquables qui aient été publiés jusqu'ici
sur les antiquités du Poitou, et dont l'éditeur, notre sympathique
confrère de Melle, M. Ed. Lacuve, a fait une œuvre typographique
de premier choix.
Nous renouvelons à l'auteur et à l'éditeur nos plus sincères
compliments.
En défrichant le bois de Touchelay, à peu de distance de Savenay
(Loire-Inférieure), des squelettes, des biscaïens et des balles ont été
découverts.
200 CHRONIQUE
Les squelettes sont les restes des Vendéens qui périrent après une
lutte héroïque, à la bataille de Savenay, le .-^4 décembre 1793.
Dans le premier volume de nos Chroniques du Bas-Poitou, nous
avons donné les noms d'un grand nombre de ces héros ignorés.
Le Conseil municipal de Fontenay, dans sa séance du 6 juin 189(i,
a nommé une Commission, dite des Archives, chargée « d'opérer un
iriage des nombreux titres et écrits se trouvant à la mairie et un
classement méthodique des documents intéressants, soit pour l'his-
toire locale, soit à tout autre titre qui peuvent s'y trouver mêlés. »
Trois des collaborateurs de cette Revue font partie de la Commis-
sion : MM. de Rochebrune, Jousseaume et Brochet.
Notre sympathique compatriote, M. Anatole Biré , avocat à la
Cour d'appel de Paris, fils du distingué sénateur de la Vendée, a
soutenu brillamment, en mai dernier, sa thèse pour le doctorat en
droit.
Sujets traités : Des Res sacrx , pour le Droit romain ; de La
condition juridique des édifices religieux, pour le Droit français.
Le ■^('i mai 18*J0, a eu lieu sous la présidence de M. Yves Guyot,
ministre des travaux publics, l'inauguration du chemin de l'er de
Fontenay-le-Comte au Breuil-Barret.
Des études ont été commencées en mai dernier, pour la création
d'un chemin de fer Decauville, de la gare de Challans à Beauvoir-
sur-Mer et à î^oirmoutiers.
Une calvacade historique a eu lieu à la Roche-sur-Yon, le 5 juin
1890 ; sujet représenté : Ventrée du roi Louis XIII à la Roche, au
retour de sa victorieuse campagne contre Soubise.
Le 9 avril, la voûte de l'aile gauche de l'église d'Oulmes s'est
écroulée sans accidents sur une surface de trente mètres carrés.
Le concours régional qui s'est tenu à la Roche-sur-Yon au com-
mencement de juin avait accordé une place aux travaux scolaires.
Nous y avons remarqué plusieurs monographies d'histoire locale
envoyées par des instituteurs de la Vendée, mais dans lesquelles
l'érudition était trop souvent remplacée par les ardeurs de la polé-
mique.
La ville de Thouars était en procès avec son architecte M. Loué.
Elle l'accusait de l'avoir, de propos délibéré entraînée dans des dé-
CHRONIyUE :i01
penses exagérées à roceasion do la construction de ses maisons
d'écoles.
Le conseil de préfecture des Deux-Sèvres, saisi de la contestation
a condamné l'architecte à 58,()00 fr.de dommages-intérêts et à la
restitution des honoraires p;ir lui indûment perçus.
(1,0 Temps, 24 avril is'.io).
De nombreuses ot intéressantes excursions ont été faites par les
archéologues fontenaisiens depuis notre dernier fascicule. Signalons
notamment celles de Xanton-Chassnenon, dont M. !.. Brochet rend
compte dans le présent numéro, et celles de Maillé, Doix, Thiré, La
Chapelle-Thémer, La Gai Hère, Notre-Dame-de-Coussaye, Les Mou-
lières, la Grand'Rhée et les Buttes Coquillères de Saint-Michel-en-
l'Herm, dont il sera ultérieurement parlé.
M. l'abbé Robert du Botneau, archiprétre de Notre-Dame-de-Bon-
Port, aux Sables-d'Olonne, vient de terminer la restauration inté-
rieure de cette église. l.'œuvre tout entière est digne des plus grands
éloges ; mais le ciboriiim de l'autel principal mérite une plus parti-
culière mention. Nous comptons sur notre savant collaborateur
sablais pour nous donner du nouvel édifice une description raisonnée.
Echos du Congrès des Sociétés savantes à la Sorbonne.
Nos collaborateurs et amis, MM. Régis de l'Estourbeillon et Jos.
Berthelé. dont l'érudition est toujours en éveil, ont fait à ce congrès
plusieurs communications importantes. Le premier a notamment
donné connaissance d'un curieux traité passé avec le peintre de Tax,
pour la décoration du couvent des Gordeliers de Poitiers, en l.")8().
Le second a fait lire une magistrale étude archéologique, sur le
donjon de Niort.
Notre savant ami, M. le lieutenant Espérandieu a reçu la rosette
d'officier de l'instruction publique , lors de ce même congrès.
C'est un juste hommage rendu au labeur constant, et à l'érudition
profonde de l'éminent épigraphiste Saint-Maixentais.
Nos meilleures félicitations.
Nous avons le regret de constater que la Commission des momi-
ments historiques, malgré l'avis qui lui en avait été donné, a été im-
puissante à protéger contre le vandalisme local la curieuse façade
romane de l'église de Poussais, monument cependant classé.
202 CHRONIQUE — NÉCROLOGFE
Z93 A
NÉCROLOGIE
M
ALBERT DE LA. BRIÈRE, fils de l'ancien receveur général de
la Vendée, mort à Paris le 2 février 1890. Il prit part au
siège de Paris, comme officier payeur du 35* régiment de
Mobiles, et fut maire de Bièvres.
M. l'abbé GUESDON (François-Louis-Célestin), prêtre habitué,
décédé à Mouchamps, ii l'âge de 62 ans, le 14 mars 1890.
Ancien professeur du collège des Eudistes de Rennes et de celui
de Valognes.
Le R. P. JOSEPH DENFS, missionnaire de la Compagnie de Marie,
décédé à Saint-Laurent-sur-Sèvre, le 19 mars 1890, à l'âge de 29 ans.
« Doué d'une intelligence remarquable, dit la Semaine catholique
de Luçon (N" du 29 mars), le P. Denis avait manifesté de bonne
heure des goûts artistiques très prononcés. »
M. FERDINAND GUYOT, ancien ingénieur en chef de la Vendée,
chevalier de la Légion d'honneur, décédé à la Roche-sur-Yon, le
3 avril 1890.
M"' MARTINEAU (Radégonde-Batilde), 86 ans, propriétaire, veuve
de M. Mathias Cougnaud, décédée le 11 avril 1890, à Fontenay-le-
Comte.
M. l'abbé JACQUES FAUCHERON, prêtre habitué à Fontenay, dé-
cédé le 22 avril 1890.
M. LOUIS CHADRNEAU, propriétaire à Saint-Benoit-sur-mer, dé-
cédé le 26 avril 1890, dans sa 61* année.
M. l'abbé MILCENT (Jean-Marie), curé de Saint-Paul-en-Pareds,
décédé le 26 avril 1890, à l'âge de 5« ans.
T
M. l'abbé BIBARD, curé-doyen de Chantonnay, ancien aumônier
des Mobiles de la Vendée en 1870-71, décédé le 29 avril 1890, des
suites d'une maladie gagnée au chevet d'un mourant.
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 203
A ses obsèques, qui ont eu lieu, deux jours après, au milieu «l'une
foule énorme, deux discours ont été prononcés : l'un par M. le comte
de Béjarry, sénateur, l'autre par M. le marquis de Lespinay. (Voir le
Publicateur du 4 mai 1890).
M. l'abbé GOUSSEAU, curé de Saint-Laurent-la-Salle, décédé le
6 mai ISOO, à l'âge de 04 ans.
M. DE NOMAISON (Jean-Baptiste), ingénieur, décédé à la Roche-
sor-Yon, à l'âge de 58 ans (16-23 mai 1890).
' "m. l'abbé AUGUSTE PAVAGEAU, ancien professeur à Richelieu et
ancien curé de Xanton, décédé le 8 juin 1890, dans le diocèse de
Versailles où il s'était retiré.
M. GRAND (Pierre-Nicolas), libraire, décédé à Fontenay, à l'âge
de 85 ans (6-12 juin).
M. l'abbé ISLE de BEAUCHAÏNE, curé de Mormaisnn, décédé, à
l'âge de 65 ans, le 9 juin 1890,
M. JOSEPH DE MONT! de REZÉ. décédé à Nantes, fin juin 1890, à
l'âge de 18 ans ; fils de M. Claude de Monti, notre excellent collègue
et ami, auquel nous adressons nos plus cordiales condoléances.
M. VEILLON deBOISMARTIN (Marie-Louis-Henri), élève de l'école
des Chartes, décédé au Havre, à l'âge de 28 ans.
Jeune homme de grand avenir, M. de Boismartin était le fils
unique de notre distingué collaborateur et ami, qui depuis plusieurs
années remplit au Havre les fonctions d'inspecteur des Douanes, et
auquel nous renouvelons l'expression de notre douloureuse sympa-
thie.
'hï'.
^-* CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
NOUS sommes bien en retard avec le Dictionnaire des Parle-
mentaires Français, (Te notre collaborateur et ami M. Ed-
frard Bourloton. Nous l'avions laissé à la 9« livraison.
Nous le retrouvons aujourd'hui à la 40«. L'intérêt des no-
tices peut seul rivaliser avec la rapidité de leur publication. Voici
les nouveaux noms Vendéens relevés par nous dans ces trente der-
niers fascicules qui, à l'égal de leurs devanciers sont pleins d'é-
rudition : Bienvenu (Léon), député de ISTO à 1885 : Biré ("Alfred-
Augustin), sénateur ; Biruteau des Burondières (Pierre-Calixte),
député à l'Assemblée constituante de 1 789 ; 5o5ca^ cîe i2éa/.s (François-
Léon, comte deMornac), député de 1827 à 1830; Bouhier de L'Ecluse
(Robert Constant), représentant du peuple aux Assemblées consti-
tuante et législative de 1848 et 1849, député au Corps législatif de
1852 ; Bourgeois {Pâ.ul), député depuis 1871 ; Comte de Chabot du Parc
(Augustin-Prudent;, député de 1827 à 18.')0; CAa/^neai^ (Jean-Louis),
député au Conseil des Cinq Cents ; Chaigneau (Jean-Emile) fils du
précédent, député do 1831, à 184G ; 67iam6oZ^e (François-Adolphe),
député de 1838 à 1848; Chapelain (Vincent), député au Cotiseil des
Cinq Cents ; Clemenceau [PïerrQ-Pa.\il), député au corps législatif de'
l'an XIV à 1810; Clemenceau (Georges-Benjamin), député depuis
1871 ; Cornulier de la Lande (Auguste, Comte de), sénateur de 1876 à
1886 ; David (Jean-Pierre-Louis), député de 1821 à 1822 ; Dillon
(Dominique), député en 1789 au Conseil des Cinq Cents, au Corps lé-
gislatif ; Du CluiffauU (Jacques-Gabriel), député de 1830 à 1834 et de
1835 à 1837 \Du Fougerais (Benjamin-François Ladouespe, baron^
député de 181 1 à 1818 ; Du Fougerais (Alfred-Xavier), représentant à
l'Assemblée législative de 1849 ; Esgonnière de TJdbeuf (Philippe-
René), député de 1818 à 1821 ; Farre (Anne-Louis-Henri, duc de la),
député en 1789 et pair de France ; Fayau (Joseph-Pierre-Marie),
conventionnel.
M. Ernest Merson, directeur de V Union bretonne, vient de
faire paraître chez Savine le premier volume des Confessions d'un
CHRONIQUE — DIBLIOGRAPHIE 205
journaliste. C'est l'histoiro au jour le jour de la longue carrière
littéraire fournie par notre éminent compatriote, qui s'est trouvé
pendant un derai-siècle môle à tous les grands événements de la
politique. L'auteur est, en elTet, un des vétérans de la presse dépar-
tementale. Il en est aussi l'un des représentants les plus justement
considérés. C'est sulfisammentdire le mérite de ses Confessions.
Ce volume a rempli de faits curieux et de piquantes révélations
sera suivi d'une seconde partie qui paraîtra bientôt sous le titre:
Confidences politiques.
La Société artistique et littéraire de VOuest, fondée à Paris par
notre très distingué compatriote M. Olivier Merson, a décidé la
création d'une Revue mensuelle qui sous le titre l'Ouest artistique et
littéraire servira d'organe à la nouvelle société.
Deux fascicules pleins d'intérêt ont déjà paru. Nous souhaitons
à ce nouveau confrère, longue vie et entière prospérité. (Rédaction :
11, rue des Feuillantines : Administration : 47, quai des Grands-
Augustins).
V Annuaire de la Vendée, dont nous avons déjà parlé dans notre
précédente livraison, vient de paraître.
C'est un très complet et très consciencieux recueil, qui est appelé
à rendre de très grands services au triple point de vue commercial,
administratif et industriel,
A y signaler, à notre point de vue, d'intéressantes et très exactes
petites notices historiques et archéologiques sur chaque commune.
Tous nos compliments aux auteurs, MM. Grit et Chaillou.
Ainsi que nous en exprimions le vœu précédemment, notre savant
collaborateur, M L. Brochet, a réuni en brochure (Fontenay, Baud,
1890, in-8", 80 p.), les différents articles qu'il avait fait paraître dans
V Avenir-Indicateur, sous le titre Fontenay dans le Passé.
M. le docteur Viaud-Grand-Marais vient de donner une nouvelle
édition de son très intéressant Guide du Yoyageur àNoirmouliers.
(Nantes, Mellinet, 1890, ?>' édition avec carte et gravures). C'est assez
dire le succès que cet ouvrage a obtenu auprès des touristes aussi
bien que chez les érudits de notre région.
De M. Ernest Lévèque : Recherches sur la famille Lévesque de
Saint-Maixent et ses alliances (Saint-Maixent, Reversé, 1890, in-S").
Curieuse étude généalogique où il est incidemment question de
nombreuses familles vendéennes . et notamment des familles
Sabouraud, François du Temps et Vallette.
206 CHT^ONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
Dans la Gazette des Beavx-Arts (N° du 1" avril 1890) : La Chapelle
funéraire de l'église de Bourneau (Vendée), par M. 0. de Rochebrune,
(p 327-330), avec dessins dans le texte, par G. Girault, et héliogra-
vure hors texte, par MM. Robuchon et P. Dujardin.
De M. Ch. d'Availles : Notes biographiques sur le général
d' Autichamp (1770-1859), d'après des documents inédits (1 vol. in-8°,
cavalier de 192 p., orné d'un portrait du général d'Autichamp.
d'après Emile Lasalle. — Clouzot-Niort, 1890). '
Le Clergé du Poitou en 1789, de MM. H. et P. Beauchet-Filleau,
a paru ces jours-ci (Fontenay, Gouraud, 1890, grand in-8% 290 p.),
avec une préface de M. l'abbé Largeault.
Le 3« fascicule du Dictionnaire des familles du Poitou dont
l'apparition avait été retardée par l'état de santé de M. Beauchet,
père, va incessamment sortir de presse.
De M. de la Marsonnière, président de la Société des Antiquaires
de l'Ouest :
r Notice nécrologique sur M. Beaussire (Biais 1889, in-8° 7 p. Ext.
du Bulletin de la Société des Antiquaires de VOue-it, 4' trimestre 1889).
2^ Les amitiés et les épreuves de Dom Fonteneau, d'après une cor-
respondance inédite. (Poitiers-Biais, 1S90 in-8<' 56 p. — Ext du
Bulletin de la Société des Antiquaires deVOuest, t. xir, année 1880).
Sous le titre Une famille de héros sous la Terreur, M. René Vallette
a publié une plaquette consacrée à la famille delà Bassetière (4 p.
in-8'' ext. de la Revue histor ique de l'Ouest).
Du même : Une excursion archéologique dans les cantons des VHer-
menauld et Sainte- Hermine. (Fontenay, Gouraud 1890 in-8° 22 p. Ext.
du journal La Vendée).
De notre excellent confrère, Jos. Berthelé : Une fonte de cloches an
temps jadis (Poitiers-Biais, 1890, in-8° 11 p. Ext. du Bulletin de la
Société des Antiquaires de V Ouest, 4* trimestre. 1889).
M. le lieutenant Jaguin, du 137* de ligne, prépare un historique de
ce régiment actuellement en garnison à Fontenay-le-Gomte.
De M. Eugène de Beaurepaire, une Notice biographique et littéraire
sur Julien Travers, père de notre très sympathique collègue de la
Société française d'archéologie. (Caen, Delesques, 1890).
Sous le titre : Une découverte au pays Sablais, M. Jules Richard a
publié dans r£'/027e de Za Vendée {'^'> du l*"" juin 1890) une note sur
GIIRONinUE — BIBLIOGRAPHIE 207
la découverte faite, il y a quelques années aux environs de Saint-
Jean d'Orbestier, d'un bijou de l'époque mérovingienne, qui au dire
de M. Fillon avait dû servir de sceau aux abbés de Saint-Jean.
De M. l'abbé H. Bouuiî : Petites Fleurs de juin, nouveau choix de
cantiques au Sacré-Cœur, (Paris, Haton, in-12, 88 p.)-
Du même : Un nouveau cantique composé pour la fête du P. de
Montfort : Le B. de Montfort protecteur de V enfance.
M. Mayeux, des Sables d'Olonne vient d'éditer une jolie mélodie,
Printania, dont les auteurs sont MM. Auguste Moreau, pour les
paroles, et Paul Masquerier pour la musique.
Dans V Etoile de la Vendée, continuation des Ephémérides Sa-
blaises, par notre savant ami, M. le docteur Petiteau.
De M. l'abhé J. de Martrin-Donos : Jehan de Harpedanne ou la
prise de Fontenay par du GuesclinQJ octobre 1372), mélodrame his-
torique en 3 actes et 7 tableaux, avec musique de M. PaulGrouanne,
qui doit être joué pou^ la première fois sur le théâtre de l'Insti-
tution Saint-Joseph de Fontenay, en juillet prochain. (Tours, Cattier,
1890).
Courrier des Paysages et monuments du Poitou : Dernières
livraisons parues : (156 à 162) : Sainte-Hermine et VHermenauld.
(Vendée) par M. René Vallette.
Sous presse : Niort (Deux-Sèvres) par MM. Jos. Berthelé etEm. Es-
pérandieu.
Nous profitons de la circonstance pour rappeler que les différentes
monographies de ce remarquable ouvrage se vendent séparément
avec titres spéciaux et peuvent former sur chaque localité de très
jolis albums qui se recommandent à l'attention des amateurs.
Sommaire de V Annuaire de la Société dEmulation (1889) : L'Ile
d'Elle deuxième et dernière partie par M. l'abbé Aug. Simoneau ;
Histoire du républicain Joseph Jaudin, par A. Bitton ; Jean-
Augustin Poëy-d' Avant et son cabinet d'antiquités, par A. Bitton ;
Ao^e sur les anciens seigneurs d'Olonne, par un Sablais (H. de
Boismartin) ; Les Juridictions Bas- Poitevines, par M. A. Bitton;
Autour de deux autographes, par M. Eugène Louis.
Sommaire des Echos du Bocage vendéen (VII* année n° 1 .) — Texte :
208 CIIRONIQLE — BIBLIOORAIMIIE
I. Le patriotisme chez les Fonienaisiennes en 93, par Edmond
Valmy, (A. Bitton 1).
II. Véglise S t- Jean- Baptiste de Montaigu, par Dugast-Matifeux.
m. Etat général des ci-devant Eglises situées dans les communes
de l'arrondissement du bureau d'enregistrement et domaines de
Montaigu, par X.
IV. Marguerite de Belleville, dame de Montaigu (suite et fin), par
Louis Prével.
V. Nicolas Rapin, poitevin, par Dugast-Matifeux.
Gravures : L'ancienne église de s t-Jean- Baptiste de Montaigu, par
Douillard.
Au moment de mettre sous presse, nous recevons de M. Jules de
Vorys, dont nous avons déjà eu l'occasion de louer ici le talent litté-
raire, une étude humoristique intitulée Popular, et dédiée à notre
excellent collaborateur et ami, A. Bonnin. Le volume en est déjà à
sa 2^ édition. Nous buvons à la centième.
Dans la Revue de l'Ouest, de Niort : (N»» des 3 et 5 juillet 1800), la
Cloche de la chapelle de Notre-Dame-des-Flots, légende vendéenne
par M. l'abbé Largeault.
Les Mémoires de la Société des antiquaires de l'Ouest (t. xii, an
1880), contiennent une très savante étude de M. l'abbé Lacroix, du
diocèse de Paris, intitulée : Richelieu à Luçon (p. 78-376).
M. Tabbé Baraud, curé de la Caillera, fait paraître chez Téqui, 85,
rue de Rennes, un ouvrage en 3 volumes in-l2 illustrés (prix : 9 fr.)
qui ne peut manquer d'être favorablement accueilli du public lettré.
Son titre : Chrétiens et hommes du XIX* siècle.
On nous annonce comme devant paraître prochainement chez
M. Gouraud, éditeur à P'ontenay: l'histoire en vers de Saint-Martin
de Vertou, laissée par M. feu Gonet, curé-doyen de Saint-Gilles-
sur-Vie.
Le 2 juillet 1890, a paru le premier numéro de l'Indépendant de
la Vendée, journ;i l de l'Appel au Peuple, bi-hebdomadaire (pet. in-
folio. La Roche-sur-Yon, directeur-gérant M A. Pervier, imp. Servant).
Le Directeur-Gérant : R. Vallette.
Vannes. — Imprimerie Euokne LAFOLYK, M, place des Lices.
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
Biographies inédites des Vendéens et des Chouans
Par .M. de la Fontenelle de Vaudorô
(suite).*
CADI, de Saint-Laurent, un des premiers officiers de l'in-
surrection vendéenne, se distingua dans plusieurs
circonstances, notamment au combat du Pont-Barré,
où il retint d'abord les républicains et aida ensuite à forcer le
passage. Il ne se trouva pas à l'attaque d'Angers^ mais il
alla y joindre la grande armée avec un renfort de cinq cents
hommes. Dans une autre circonstance, s'éfant portéàla
Roche-d'Araigné, près les Ponts-de-Cé, il mit en déroule un
corps de troupes républicaines.
Après les désastres d'Oulre-Loire, il devint officier supé-
rieur et membre du conseil militaire de l'armée de Stofflet.
En cette qualité, il signa la proclamation de Maulévrier (28
janvier 1795) adressée aux républicains, Tarrêté de Jallais
(2 mars) relatif à la pacification conclue à la Jaunaisavec les
républicains par les armées de Gharette et de Sapinaud, la
déclaration contraire relative à la paix et la proclamation de
Névi (4 mai), organique du traite de Saint-Florent, en tout
conforme à celui de la Jaunais.
Tome m. — Juillet, Août, Septembre 1890. 14
212 AUTOUR DU DRAPEAU RLANC
Gadi était un des meilleurs officiers de l'armée de la Haute-
Vendée. Il reprit le commandement de sa division, celle de
Chemillé, en 1815^ et fut chargé le 28 mai, par le général
d'Auticliamp, de pousser une forte reconnaissance surle Pont-
Barré, pour occuper l'ennemi, le tenir en échec etlui masquer
en même temps le mouvement que le reste du corps d"armée
allait faire vers la côle. Il continua à rester en Anjou avec sa
division pour garder les passages du Layon et le grand chemin
d'Angers à Cholet, jusqu'à ce que l'expédition de Thouars
ayant été définitivement arrêtée après un changement de ré-
solution, ont lui eût enjoint de se rendre en toute diligence à
Montaigu pour renforcer le 1" corps. La jonction eut lieu
seulement à Clisson, après l'affaire de Rocheservière et, par
conséquent trop tard.
CADI, frère du précédent, figura aussi comme officier parmi
les Vendéens,, passa la Loire, revint ensuite sur la rive droite
du fleuve où il fut envoyé dans l'armée d'Anjou et Haut-
Poitou.
GAILLAUD (Charles), cultivateur et maréchal-taillandier^
se distingua par sa bravoure dans l'insurrection vendéenne
et devint bientôt chef de la division de l'armée de Gharette
dont le territoire se rapprochait le plus de Luçon, et qui avait
primitivement été commandée par Baudry de Puyraveau et
Arnault. Son cantonnement était ordinairement aux Geri-
siers. Après une pointe du côté de Gerisay, la division
Gaillaud, qui avait livré plusieurs combats dans ces parages,
se trouvait presque coupée lorscfue le général Gharette vint en
personne la dégager.
Gaillaud se soumit à la République par une déclaration
du 17 février 1795, organique delà pacification de la Jaunais.
La paix entre les royalistes et les républicains ayant été
rompue, il reprit les armes et se signala encore dans plusieurs
afîaires, notamment en attaquant l'arrière-garde de la colonne
AUTOUR DU DRAPEAU RLANC 213
du général républicain Bonnaud, qui de Montaigu se dirigeait
sur Bellevillo. Le combat eut lieu sur la route, en sortant
des landes deSaint-Sulpice ; il fut sanglant — , mais insuffi-
sant malgré tout pour arrêter la marclie des patriotes.
Depuis, Gaillaud signa de confiance la demande faite à Gha-
rette, après la rupture du traité de la Jaunais, d'une paix
((ui semblait nécessaire au parti ; mais quand il apprit que
les princes ordonnaient de reprendre les armes, il songea
aussitôt à combattre.
Ardemment dévoué à son chef, Gaillaud ne l'abandonna
jamais, et ne se décida à mettre bas les armes qu'après sa
mort. Alphonse de Beauchamp, dans la première édition
de son Histoire de la r/uerre de la Vendée prétend qu'il fut
tué à côté de Gharetto, le 21 février 1796 ; mais c'est une
erreur que cet écrivain a du reste rectifiée depuis. Gail-
laud a survécu à toutes les guerres de la Vendée et, en 181 i,
il avait repris son poste. Après les événements de Paris, il
fut choisi pour faire partie de la députation des officiers
vendéens et fut parfaitement accueilli par le Roi qui le con-
firma dans son grade de colonel, lui en promit le brevet et
lui accorda bientôt après la croix de Saint-Louis.
En 1815, Gaillaud fut un des premiers à reprendre les
armes. Mais la présence des Napoléoniens à Bourbon-Vendée
l'empêcha de lever sa division avant la bataille du Mont-
Saint-Jean. Il se trouva néanmoins avec son état-major et
quelques cavaliers aux différents engagements qui eurent
lieu dans cette campagne. Ge fut lui notamment qui parvint
à rallier les fuyards à la bataille d'Aizenay.
Gaillaud fut un des chefs vendéens les plus distingués
et un de ceux qui surent gagner le plus complètement la
confiance des paysans.
GARRIÈRE (Mathuhin-François-Auguste, dit Lhonorcy),
avocat à Fontenay-le-Comte, se joignit aux royalistes dès le
premier mouvement'insurrectionnel, et fut, lors de l'organi^
214 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
salion du Conseil supérieur d'administration de Ctiâtillon-
sur-Sèvre^ nommé procureur général du roi près cette com-
pagnie. Il signa en cette qualité tous les actes du conseil
supérieur, et fut peut-être même le principal rédacteur du
règlement relatif à l'organisation judiciaire, Carrière suivit
la grande armée au-delà de la Loire. Fait prisonnier à la
déroute du Mans, il fut condamné à mort par le tribunal cri-
minel du département de la Sarthe (23 nivôse an II) et aussitôt
après fusillé. Aussi brave qu'intelligent^ c'est lui qui, lors de
la déroute de Châtillon-sur-Sèvre, se retrancha avec deux
canons à peu de distance de la ville et arrêta ainsi pendant
quelque temps la marche des républicains.
CHABOT DU PARC-SOUBISE (Le, comte Constant-Joseph
de) figura comme officier dans l'insurrection vendéenne del799,
à l'armée du comte de Suzannet et devint, en 1815, chef de
la division de Mouchamps qui faisait partie du corps ven-
déen du Centre.
CHABOT (Auguste-Prudent comte de), frère du précédent,
servit dans la campagne de 1815, comme adjudant général
de l'état-major du corps vendéen du général de Suzannet*.
CHABOT (Alexandre DE ), frère des deux autres, fut em-
ployé en 1815, comme major de la division de Mouchamps^.
GHANTREAU DE LA JOUBERDERIE (Le chevalier Louis
de) servait comme sous-lieutenant d'infanterie dans le ré-
giment de Hainaut, lorsqu'éclata la Révolution. Il se joignit
aux Vendéens, lors du premier mouvement insurrectionnel,
devint l'un des chefs secondaires les plus marquants de la
Il avait fait auparavant les campagnes de l'armée de Condé et avait été
décoré de la croix de Saint-Louis.
' 11 avait pris part à la campagne de Leipsig dans le régiment des gardes
d'honneur.
Les deux frères, Constant et Alexandre, furent décorés delà Légion d'iion-
neui' après la campagne de 1815.
AUTOUR DU DRAl^EAU BLANC lil5
grande armée vendéenne et échappa à ses désastres d'Ontre-
Loire. Il se jeta aussitôt parmi les ciiouans et, grâce à l'in-
termédiaire du colonel Loroy, fut agréé auprès du comte de
Puysaie. Il fut bientôt après chargé de Torg-nnisalion du
pays qui s'étend au nord-ouest de Rennes jusqu'aux Gôtes-
du-Nord. Ce fut lui qui se rendit auprès de Charles Boishardi
et le détermina à reconnaître Puysaie pour chef. Celui-ci vint
au quartier général de Chantreau, lorsqu'il voulut faire un
voyage à Londres, et il y appelâtes principaux chefs de la
Bretagne pour arrêter la conduite qu'ils devaient tenir en
son absence. Cormartin qui était du nombre fut choisi par
Puysaie comme major général. Chantreau et trois autres
chefs de division lui furent adjoints.
Le chevalier de Chantreau signa l'arrêté du Conseil mili-
taire des armées de Bretagne du 3 janvier 1795, portant sus-
pension d'armes, et la pacification de la Mabilais qui en fut
le résultat. Il se réunit ensuite à l'armée de Charette. Aussitôt
l'arrivée des Bourbons à Paris, il s'y rendit comme député
de la ville de Luçon qu'il habitait. Il signa aussi l'adresse au
Roi, en 1814, et fut même un de ceux qui la portèrent au pied
du trône. Lors du passage du duc d'Angoulême dans la
Vendée, il commandait la garde royale à pied. Enfin, en no-
vembre 1814, il fut fait chevalier de St-Louis.
CHASTKIGNER DU BERGERIOU (Le chevalier de), gen-
tilhomme de Pontenay-le-Comte, ancien officier au régiment
de la Reine, émigra, revint en France, et commanda un
parti vendéen entre Niort et Pontenay, du côté de Coulonges.
Il a signé l'adresse au Roi de 1814;, et, au mois de juin de la
même année, il a figuré comme lieutenant dans la garde
d'honneur à pied, formée à l'occasion du passage du duc
d'Angoulême dans la Vendée.
CHASTEIGNER (Fortuné de), neveu du précédent, servit
comme officier vendéen pendant l'insurrection de 1799. Il
signa aussi l'adresse des Vendéens au Roi, en 1814.
'il6 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
CHIFFOLEAU, capitaine de cavalerie àTarmée de Gharelte,
figurait en 1814 dans la garde royale à pied de Bourbon-
Vendée.
DAVID DE NOliOY, l'un des officiers les plus distingués
de l'armée du Bas-Poitou et du pays de Retz, commandait
d'abord la paroisse de Saint-Christophe du Ligneron, oii il
habitait, et amena un renfort de deux cents hommes au
général Charette, lors de sa première retraite sur la Gar-
nache. Il arriva que ce détachement, apercevant le gros de
l'armée, le prit pour un corps ennemi ; le chef eut bien
de la peine à le rallier. Ayant fait sa reconnaissance, de
Noroy retourna à son poste.
Gel officier coopéra à la conquête de Noirmoutiers et fut,
lors de la formation de Tétat-major de cette île, nommé
commandant en chef des volontaires. Quand l'armée de la
Basse-Vendée, qui se dirigeait sur l'Anjou, s'organisa à
Pouzauges, de Noroy en fut nommé major général. A la
brillante attaque de Legé, il reçut une balle dans la poitrine.
Cette blessure l'empêcha longtemps de pouvoir faire cam-
pagne et il fut remplacé dans son poste par le major en second,
Hyacinthe de la Roberie.
De Noroy a survécu à toutes les guerres^ et en 1814 il a
signé l'adresse au Roi.
DEHARGUES-LETIVAULT, fils du fermier général de la
de la Joblière, commune de la Ronde, entre la Châtaigneraie
et Bressuire, n'avait qu'une vingtaine d'années lorsque la
guerre de la Vendée éclata. Pourvu d'une bonne éducation
et possédant de la fortune, il acquit aisément de l'influence
sur le peuple du pays qu'il habitait et joua dans l'insurrec-
tion un rôle assez important. 11 prit part à l'attroupement
qui se porta sur Bressuire, le 24 août 1702 et qui était com-
mandé par Baudry d'Asson et Delouche. Cette insurrection
ayant été apaisée dès son principe, Dehargues fut obligé de
AUTOUR DU DRAPEAU BLANC 211
se cacher. Il se retira alors en Anjou auprès de la famille
Cesbron, à laquelle il était allié. Il fut néanmoins arrêté à
Ghalonnes, au commencement de mars 1793, par ordre du
maire Vial, et après interrogatoire du juge de paix, il fut
jeté en prison, comme prévenu d'espionage. Mais, lors de
rentrée des Vendéens ta Ghalonnes (21 mars 1793), on s'em-
pressa de lui rendre la liberté.
Dehargues rentra alors dans son pays, et devint l'un des
principaux officiers et même chef de division de l'armée de
Royrand. Il suivit ce général lorsque, pour faire diversion à
l'attaque de Nantes parles Vendéens, il se porta sur Ghan-
tonnay et Luçon. Dehargues poursuivit même à outrance
les troupes républicaines jusque dans les plaines qui envi-
ronnent cette dernière ville et qui devaient finalement être
témoin de la défaite de l'armée vendéenne. Il se retira alors
dans le Bocage avec la plus grande partie de sa division et prit
partà tous les événements qui précédèrent le passage delà
Loire. Il fut à cetteépoque très-utile à son parti. Arrivédèsle 18
octobre 1793, et l'un des premiers, à Varades avec des Essarts,
le chevalier Duhoux et deux ou trois mille Vendéens, il con-
tribua aux attaques qui facilitèrent le passage du fleuve.
Cette avant-garde repoussa victorieusement les troupes
républicaines commandées par l'adjudant général Tabary, à
qui était confié le poste important d'Ingrandes. Le général
Aulanier, qui se trouvait aux Ponts-de-Gé avec une portion
des anciennes garnisons de Valenciennes et de Gondé, fit de
vains efforts pour soutenir Tabary. Cette petite armée fut
battue, perdit deux canons et fut repoussée jusqu'aux portes
d'Angers.
A l'attaque de Laval par les patriotes, Dehargues tourna
l'ennemi avec sa colonne et l'attaqua par derrière, ce qui
décida du succès de la journée.
D'aussi beaux faits d'armes le firent nommer adjudant
général et membre du Conseil militaire de la grande armée
vendéenne. Aussi, depuis cette époque, vit-on Dehargues
218 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
assistera toutes les délU^érations. Il signa notamment l'arrêté
du 1" novembre 1793, rendu à Laval pour les bons et effets
royaux et les sommations faites au commandant et aux
officiers municipaux de Granvillo, le 2i du même mois de
novembre.
Enfin Dehargues était à son poste accoutumé, à l'avant-
garde, lors de la marche de la grande armée sur Dol. Six
mille hommes composaient ce premier corps que Wester-
mann attaqua avec son intrépidité ordinaire et sans même
avoir pris le soin de ranger ses soldats en ordre de bataille.
Le feu nourri des Vendéens allait faire lâcher pied aux
troupes républicaines, lorsque le général Marceau, à la tête
d'une forte colonne, vint rétablir le combat. Mais les roya-
listes ayant reçu eux-mêmes des renforts, l'action devint
générale. G"est alors qu'un étrange phénomène vint fortui-
tement surprendre les combattants. Il était huit heures du
matin, quand le ciel s'obscurcit au point d'intercepter la vue
à six pieds de distance. Cette obscurité fit rentrer les deux
armées dans leurs positions respectives, et chacune d'elles
prit les plus grandes précautions pour éviter une surprise.
Les coups étaient portés au hasard et le moindre écart
exposait les hommes à une mort certaine. Cette scène dura
plus d'une demi-heure. Pendant ce temps, l'arrière-garde
vendéenne terrorisée se réfugiait à Dol, tandis que l'avant-
garde restait seule immobile en face de l'armée patriote tout
entière. Quand l'obscurité eut été dissipée, les républicains,
supérieurs en nombre, se portèrent sur le corps d'armée de
Stofflet et le forcèrent de se retirer lui-même à Dol. La con-
fusion la plus grande se mit alors dans les rangs vendéens.
Dehargues avec quelques braves voulut rallier les fuyards ;
les prêtres s'armèrent des signes extérieurs de la religion ;
les femmes usèrent de leur ascendant pour rétablir le combat,
et finalement tout changea de position. Mais Dehargues, en
poursuivant des hussards républicains, fut emporté par son
cheval qui vint s'abattre au milieu (les rangs ennemis. Re-
AUTOUR DU DRAPEAU RLAN'C 219
connu comme chef à son écharpe blanche, il fut entraîné
immédiatement sur le derrière de l'armée républicaine et peu
après il périssait à Rennes sur un échafaud, dernier témoin
de son héroïque courag^c.
Toute l'armée vendéenne, qui perdait en lui un de ses
meilleurs officiers d"avant-garde, le regretta sincèrement.
Db^LAUNAY, servit d'abord dans l'armée républicaine et
fut fait prisonnier par le général de Sapinaud. Il se dit gen-
tilhomme normand, prit d'abord du service dans l'armée du
Centre et vint ensuite joindre Charette dont il capta la con-
fiance. Delaunay ne tarda pas à jouer un rôle important et
fut nommé commandant de la division des Sables d'Olonne.
C'est à ce titre qu'il a sa place marquée dans la galerie des
chefs vendéens. Il remplaça dans ce poste Joly qui avait pris
la fuite et qui fut peu après mis à mort. Delaunay ne tarda
pas à prouver qu'il était par ses qualités militaires digne de
la haute situation à laquelle il avait été appelé et fut griè-
vement blessé au combat de la Chambaudière. A l'attaque
du camp de la Roulière, près Nantes, il commandait l'avant-
garde vendéenne et déploya dans cette journée un rare
courage. Peu après, lors de l'assaut du camp de Fréligné,
une balle lui traversa la poitrine.
Mais Delaunay ne se signala pas seulement par sa bravoure.
D^un caractère bouillant et ambitieux, il s'adonna avec non
moins d'ardeur aux intrigues. Profitant de l'inaction momen-
tanée de Stofflet et de son armée, il fit tous efforts pour
animer les royalistes de la Basse-Vendée contre ceux de
l'Anjou. C'est à la suite de ces menées que les armées de
Charette et de Sapinaud, réunies à Beaurepaire, prirent,
le Gdécembre 179i, une délibération contre Stofflet portant
annulation des arrêtés de Jallais, l'abrogation du serment
prêté à cette occasion, la suppression de tout papier monnaie
et des qualités prises par le général de l'armée d'Anjou et
Haut-Poitou.
220 AUTOUR DU DRÂUEAU BLANC
Lors des premières démarches de Bureau de la Batardière
pour la paix, Gharette avait préparé une expédition sur la
Grève. Le général vendéen consentit à retenir les troupes qui
n'étaient pas en mouvement, mais il laissa agir le surplus.
Delaunay était du nombre de ces derniers, ainsi que de la
Roberie, commandant de la cavalerie royaliste. Nourrissant
depuis longtemps l'un contre l'autre une forte animosité, ils
profitèrent de l'absence du chef pour se jeter à la face les
injures les plus dures. Cette altercation retarda la marche du
rassemblement qui se dirig-eait sur Beaulieu. Arrivé de nuit
au poste de la Grève, Delaunay offrit la vie aux quatre cents
chasseurs de Cassel qui occupaient les retranchements. Une
décharge de mousqueterie fut leur seule réponse. Les roya-
listes qui n'avaient pas reçu le signal du combat et qui s'at-
tendaient, sur l'affirmation du général en second, de Couotus,
à rencontrer un ennemi en détresse, furent surpris, se dis-
persèrent et ne parvinrent à se rallier qu'à Beaulieu.
Cependant les conférences pour la paix se continuaient
avec succès et les conditions de l'entente commençaient à
transpirer. CVst alors que plusieurs braves jurèrent qu'ils
ne reconnaîtraient jamais la République et menacèrent de
prendre les armes. Delaunay fut de ceux-là et quitta bientôt
La Jaunais avec Savin et Lemoole pour aller porter dans le
fond de la Vendée la nouvelle du honteux pacte qui se mé-
ditait. Toutefois, il est juste de reconnaître qu'à côté de l'indi-
gnation que pouvait légitimement éprouver Delaunay, il y
avait également chez lui l'intention bien arrêtée de profiter de
cette cause d'agitation et de trouble pour supplanter son gé-
néral. Dans ce but, il n'hésita pas à le dépeindre comme un
transfuge prêt à prendre le commandement d'une armée
républicaine pour punir ses propres soldats s'ils restaient
encore attachés à la cause royale.
Ces déclamations prodiguées avec emphase produisirent de
l'effet, et sur plusieurs points les Vendéens se crurent trahis,
Gharette averti à temps quitta précipitamment le lieu dos
AUTOUR UU DRAPKAU RLANC 'iVîl
cont'érpnces et se rendit à Belleville. Il y rassembla ses
officiers, leur fit part des conditions de la paix et de ses pro-
jets ultérieurs, et parvint à apaiser la sédition. Les motifs
vrais de Dolaunay furent alors d'autant mieux connus qu'il
s'était offert de marcher à la tête des royalistes qui voulaient
combattre. Le général Gharetto envoya des cavaliers pour
l'arrêter au château de la Bouchère ; mais ils le manquèrent
d'un instant et il parvint à se sauver au quartier général de
l'armée d'Anjou avec ses meilleurs chevaux et ses trésors.
Bien qu'ayant naguère signé et môme rédigé des actes fulmi-
nants contre Stofflet^ il devint son plus enthousiaste partisan
et pour preuve apposa sa signature au bas de l'arrêté de
Jallais (2 mars 1795) pris par l'armée de la Haute-Vendée
contre Charette, Sapinaud et leurs partisans. Il coopéra
même au jugement portant peine de mort contre Prodhomme,
divisionnaire duLoroux, qui venait d'adhérer au traité fait par
Charette et de réunirsa division à l'armée de ce général. Puis
Stofflet ayant songé lui-même à traiter avec la Convention,
Delaunay, désormais attaché à ce chef et à ses opérations,
signa la déclaration des officiers de l'armée d'Anjou et du
Haut-Poitou, organique du traité de Saint-Florent, et la pro-
clamation de Névi, du 4 mai 1795, adressée aux habitants des
campagnes, à la suite de cette pacification.
La destinée de Delaunay fut aussi malheureuse que celle
du divisionnaire qu'il avait remplacé. Lorsque le marquis de
Rivière eut réconcilié Charette et Stofflet, à la suite d'une
entrevue au quartier général de l'armée du Centre, lepremier
exigea de l'autre que Delaunay lui fut livré. Arrêté dans
l'asile qui lui avait d'abord été accordé de bonne foi, pour être
conduit à Charette, il parvint à se sauver. On le fit immédia-
tement rechercher,etBossard, commandantde lacavaleriede
l'armée du Centre, parvint h le découvrir et l'arrêta dans la
commune de Saint-Malo. Delaunay fut traîné à Belleville
chez le général de Couëtus, qui l'accueillit avec bonté. Mais
Charette, instruit de son arrivée, donna avec vivacité l'ordre
de le mettre à mort.
222 AUTOUR DU DRAPEAU BLANC
En vain Delaimay découvrit-il ses blessures; en vain
essaya-t-il do rappeler sa bravoure et son dévouement à la
cause sacrée de l'autel et du trône. Tout fut inutile. Un féroce
allemand, charg-é des exécutions, le massacra en présence
de M. de Couotus lui-même, qui n'eût ni la force, ni le
pouvoir d'empêcher ce crime.
L'origine de Delaunay fut toujours inconnue- Dans la force
de l'âge, d'une taille avantageuse, ayant une figure ag-réable
et beaucoup d'esprit, parlant et écrivant bien, brave au delà
de toute expression ; il possédait, on le voit, les plus
précieuses qualités, malheureusement atténuées par deux
grands défauts : l'ambition et la cruauté.
(A suivre).
La I^ontenelle de Vaudoré.
'&^'
CARNET ÂRCHÉOLOGIOUE
I.
FXCURSION A MONTREUIL, DOIX ET MaILLÉ.
NOTRE première halte a lieu àMontreuil. Nous avions
vu, en effet, en passant devant la maison des
Sœurs institutrices^ un écusson sculpté à l'extrados
de la voussure d'une porte. Je le dessine : couronne
de comte en chef, armoiries ovales accouplées, à gauche
une tour fortifiée comme celle de Marie de la Tour d'Auvergne
duchesse de la Trémoille, à droite un gland renversé, lam-
brequins embrassant le tout. Eglise sans intérêt. Sur la place
près l'église, le grand portail cintré, avec sa petite porte pour
les piétons, de l'ancienne gentilhommière des Brunet. Au
sommet de la cerçure du grand arc, on voit les restes d'un
casque avec lambrequms surmontant un écu complètement
fruste.
Nous arrivons à Doix. Que dire de l'église ? L'architecte
Lévêque a passé là; c'est du grec et du romain le plus abo-
minable qui se puisse voir. Pour rafraîchir et ornementer la
nudité des murs et des voûtes, on y a récemment plaqué et
peint des pilastres encore plus grecs ou romains, et badi-
geonné des fleurons en grisailles qui ont sans doute la pré-
~'2Î CARNET ARCHÉOLOGIQUE
lentioli de rappeler ceux des voussures de l'arc de Titus à
Home ou de Saint-Remy de Provence. Sortons vite, ça fait
mal aux yeux.
Une demi-heure après, nous étions à Maillé, oîi les œuvres
abominables du susdit architecte Lévesque devaient encore
nous poursuivre. Tant qu'il a eu à édifier complètement des
églises rurales, en adoptant le style classique de l'antiquité
païenne, nous sommes obligés de mettre un frein à notre
indignation archéologique, puisque cet homme^, en définitive,
élevé sur le sol italien, n'avait jamais connu que le plein cintre
etlesordres décrits etcompassésparVitruve.Mais qu'il vienne
édifier sur la curieuse façade romane de Maillé un morceau du
clocher de Mouzeuil (barbaro-gDthique) que l*on connaît, en
assaisonnant le reste d'une rosaceenroue de charette flanquée
de pilastres et arcatures pris au dôme de Pise. Oh ! alors,
l'archéologue le plus à sang froid ne saurait y tenir ; il ne
peut s'empêcher de maudire une pareille macédoine archi-
m
tecturalc. Au reste, l'intérieur n'a pas été ménagé. A Lévêque
a succédé le plâtrier Montigny. Celui-ci, désireux de ren-
chérir sur son devancier, a planté au fond du chevet, sur
le maître-autel, une Assomption do la Vierge moulée en
plâtre, et, pour arriver à produire un petit jour céleste sur la
tête de sa grotesque statue et des chérubins boufiis envi-
ronnants, il n'a rien trouvé de mieux que de percer le mur
du chevet en y collant une sorte de guérite mal tournée.
C'est par là que s'infuse le petit jour céleste. Nous sortons
indignés, et afin d'oublier toutes ces déplorables restaura-
tions, nous dirigeons nos pas vers l'ancien fort d'Oignon, où
monsieur le maire veut obligeamment nous conduire. Toutes
les constructions défensives ont complètement disparu; deux
ou trois habitations privées remplacent aujourd'hui la de-
meure où Agrippa d'Aubigué composa et fit imprimer son
Histoire des histoires. Parfois la pelle du laboureur exhume
quelques deniers du seizième siècle, quelque sceau de bulle
pontificale, ou des débris de poteries vernissées. Pour notre
CARNET ARCHÉOLOGIQUE 225
part, nous conservons un joli poignard, dont la poignée et la
lame portent les plus délicates niellures, échiquelées or et
argent. Il y aurait pour messieurs les géologues une intéres-
sante étude à l'aire sur ce petit mamelon calcaire d'à peu
près 100 mètres de diamètre, sorti là en plein marais comme
un champignon, et produit vraisemblablement par quelque
éruption volcanique. En revenant à Maillé, M. le maire nous
montre une pierre tumulaire du XI" siècle, avec entrelacs sur
trois de ses faces. Dans une maison sise à côté, on conserve
encore quelques-unes de ces poteries en terre blanche,
trouvées il y a nombre d'années en si grande quantité dans
un vieux cimetière traversé par la route ; ces poteries datent
des X1V« et XV« siècles.
Au retour , nous prenons la route de Maillezais. Les
grandes ogives du transept de l'église abbatiale découpent
leur silhouette ajourée sur l'horizon rougi par le soleil cou-
chant. Aucune parole ne saurait décrire la poésie de ce
spectacle. Ce qui nous enthousiasme beaucoup moins, c'est
la déplorable restauration exécutée par M. Loué, architecte
diocésain, à la charmante façade de l'église du bourg, devant
laquelle nous passons en ce moment. Sans motif et sans
raison, il a cru devoir assommer le pignon de cette façade d'un
lourd clocher carré dont les colonnes et les moulures ne sont
nullement à l'échelle du monument. J'ignore ce qu'il y a eu
de billets de mille, engloutis dans cette inutile et pesante
adjonction. Mais en revanche nous avons pu constater que
l'intéressante abside avec ses absidioles insuffisamment
étayées, menace ruine, ainsi que toutes les voûtes inté-
rieures. La somme d'argent employée à édifier le clocher mal
venu de la façade eût été mille fois mieux appliquée à la
consolidation des absides.
226 CARNET arciiéologiquf:
II
Fouilles a la chapelle paroissiale de N.-D. de Goussay
ou COUSSAYE.
Notre-Dame de Goussay était dans le principe l'église pa-
roissiale du Poiré-de-Velluire. L'aspect extérieur et intérieur
du monument est étrange. G'est un rectangle trapu à fronton
bas, à voûte en berceau plein cintre ayant la forme d'un
caveau funéraire. La bâtisse primitive ne portait aucun con-
trefort ; au XIV' et XV* siècles, on en a établi six dans tout
son pourtour^ afin de résister à la poussée des voûtes épaisses
recouvrant la nef. Depuis quelquesjours.sur l'ordre de notre
ardent archéologue, M. Brochet, plusieurs ouvriers dé-
barrassaient le pavé des nombreux matériaux qui l'obs-
truaient, de telle sorte que, lors de notre arrivée, qui eut lieu
sur les onze heures, on avait mis au jour la marche bordée
d'un tore sur laquelle était scellée la sainte table, ainsi que
les premières assises de l'autel cubique en pierres de moyen
appareil Les ouvriers avaient déjà trouvé dans les décombres,
à ce même niveau, plusieurs doubles tournois de Louis XIII,
une obole en argent d'Edouard III d'Angleterre, le père du
Prince Noir, et une autre de Foulque, comte d'Angers. En
continuant les fouilles sous l'ancien pavé du sanctuaire et
même sous l'autel, In pioche des terrassiers exhuma beau-
coup de squelettes d'enfants mêlés à une grande quantité de
débris de verres du moyen âge et de briques et poteries
gallo-romaines.
Une seconde fouille exécutée le surlendemain obtint les
CARNET AnCllÉOLOOIQUE 227
mômes rùsultaLs; il sera nécessaire dy retourner encore,
afin de s'assurer si toute la nef de la chapelle renferme la
môme quyntitc fie sépultures d'enfants en bas âge'.
III
Excursion A Tiiiré kt a la Gaillère.
Nous parlons à heures i/2 et suivons la charmante vallée
qui s'étend depuis Sérigné jusqu'à l'ilermenault. En tra-
versant les majestueuses allées plantées d'ormeaux de la
belle terre de Claveau, nous voyons encore les traces du
désastre causé par le cyclone du 22 janvier 1890 ; nombre de
ces arbres énormes gisent couchés sur le sol par cette affreuse
tourmente : nous nous arrêtons à la Ghapelle-Thémer, où
nous examinons dans l'ancien cimetière de la commune les
cinq pierres tumUlaires des sires de Bodet. La plus ancienne
remonte au XIP siècle, les autres sont des XIH'= et
XW" siècles. La croix du même cimetière, aujourd'hui en
partie renversée, date également du XIV® siècle. Trois grandes
figures de saints, d'un travail médiocre, entourent sa tige.
L'église, ancienne chapelle du vieux château de Bodet, n'offre
qu'un faible intérêt. Le pilier soutenant le clocher présente seul
un accouplement de colonnes et des chapiteaux XIV° siècle
d'un effet agréable. J'attire l'attention de mes collègues sur
les vieux ormeaux du temps de Sully, dont les troncs
* Les voûtes de l'église du Poiré, où nous entrons avant de regagner Foh-
tenay, ont du être construites par les soins de Bertrand Barlot. On y voit îi
chaque clef son écusson, de sable à trois croix pattées d'arf/ent, entouré
du collier de l'ordre.
Mentionnons aussi un petit vin claii'et du crû, que M. le maire garde re-
ligieusement en bouteilles depuis :^0 ans, et qu'il veut bien nous offrir afin
d'apaiser la soif inextinguible qu'excite en nous un soleil tropical. Pétillant
et limpide, il rendrait des points au Grave le plus renommé.
Tome ni. — Juillet, Août, Septembre 1890. 15
228 CARNET ARCHÉOLOGIQUE
décrépits entourent encore la place de l'église. Nous donnons
ensuite un coup d'œil à la tour de Bodet, bâtie en 1620 ou
1630, à quelques vieilles cheminées XV* siècle existant dans
les vastes appartements habites par Duplessis-Mornay ; puis
nous gagnons le Fougeroux, et en repartons immédiatement
afin de constater la situation du dolmen de Thiré. Depuis
que je ne l'avais vu, la chambre intérieure a été complètement
vidée des pierrailles qui l'obstruaient ; l'entrée est à l'est; le
fond est fermé par une pierre granitique de 5 mètres de lon-
gueur sur 2 de hauteur ; la tablette de recouvrement n'existe
plus, ainsi que plusieurs blocs des fermetures latérales. Nous
apercevons de ce point élevé l'ancienne chapelle de l'h ôpital,
située dans le bourg même de Thiré. Il y a une très
grande analogie entre cette bâtisse et N.-D. de Goussay ;
même plan par terre, même voûte en berceau. Ici nous
sommes en plein XlIP siècle; une frise peinte, de la même
époque, se distingue encore dans tout le pourtour de la nef;
elle se compose de- feuillages courants et de rubans plissés.
Comme àCoussay, l'édifice a été cerclé de contreforts aux XIV'
et XV* siècles ; on y a monté une façade à cette dernière date.
L'église paroissiale a bon aspect, comme monument rural :
elle est à chevet plat, percé d'une grande baie ogivale à
meneaux, aujourd'hui obstruée par un rétable Louis XV.
Toutes ses travées sont voûtées. Sur l'autel, le XIII" siècle
règne en maître ; ailleurs le XIV et le XV* s'épanouissent ;
nous signalons une jolie crédence du XVl" siècle dans le bas
côté de l'épître. On y voit également de beaux bénitiers en
marbre rouge et un riche autel de même matière, qui,
nous a-t-on dit, devait provenir de la chapelle du château de
l'Hermenault.
A onze heures 1/2, nous regagnons le Fougeroux où un
plantureux déjeuner nous attend. A une heure, nous re-
montons en voiture afin de gagner la Caillère, but prin-
cipal de notre expédition archéologique. Nous avions hâte de
nous rendre compte de l'aspect des restaurations exécutées
CARNET ARCHÉOI.OGIQUK 250
à co vieux monument des XI" et XIl" siècles par l'habile archi-
tecte, M. Libaudière, sous l'inspirai ion de M. le curé du lien,
adorateur passionné de son antique église. La façade, re-
montée d'après son ancien type architectural, a très bon air.
Ainsi que presque toutes les églises romanes de la contrée,
le rez-de-chaussée se divise en trois sections perpendicu-
laires, formées par les deux contreforts rectangulaires d'angle
et deux fortes colonnes cantonnant la porte plein cintre dé-
corée de trois archivoltes. Celle-ci est accompagnée, à droite
et à gauche, d'arcatures dont la base des colonnes de
support repose sur le tailloir prolongé des chapiteaux de
la baie centrale. Ces arcalures, très étroites, correspondent
aux bas côtés si rétrécis de l'intérieur. Une fenêtre égale-
ment plein- cintre à double archivolte éclaire la nef. Le
tailloir des colonnes de support de son archivolte se prolonge
ef, forme cordon sur le chapiteau des grosses colonnes can-
tonnant la porte d'entrée. Nous eussions désiré ce cordon
placé plus bas, d'un profil plus fort, avec modillons, et servant
pour ainsi dire d'appui à la fenêtre centrale, ainsi que cela a
été exécuté par nos architectes bas-poitevins dans presque
toutes les églises romanes de la contrée. L'entablemeiit des
murs latéraux se profile en façade, découpant ainsi, avec le
pignon de l'église, un fronton de temple antique ; le tympan
en est occupé par une arcade trilobée qui ne nous semble
pas conforme au type poitevin. Tous les modillons de la
tour carrée élevée sur le transept eussent gagné en légèreté
à être chanfreinés comme ceux des angles. A part ces légères
critiques, tout l'ensemble du portail et des contreforts des
murs de la nef est exécuté avec soin et présente un coup
d'œil des plus satisfaisants. Les piles intérieures surtout,
accostées de leurs quatre colonnes cylindriques , ont été
reprises avec infiniment de soin et d'entente. Rien n'a été
modifié dans les étranges petits bas-côtés dont le plan par
terre et d'élévation est à peu près unique dans tous les
édifices religieux de cette époque : l'architecte d'alors a
230 . CARMiT ARCHÉOLOGIQUE
sans doute été préoccupé de la pensée de trouver, à l'inté-
rieur de l'édifice, une résistance sudisante à la poussée des
maîtresses-voûtes en berceau de la nef, en faisant disparaître
dans rég:lise elle-même ces contreforts, comme cela devait
être pratiquée, deux siècles plus tard, dans la magnifique
basilique d'Alby. En résumé, lorsque toutes les archivoltes
du rez-de-chaussée de la façade de l'église de la Gaillère
auront vu reproduire exactement la vieille ornementation de
chacun de leurs claveaux, elles n'auront rien à envier à nos
plus intéressantes bâtisses du XIP siècle. Pour ce faire, il
importera de,mettre sous les yeux de l'ornemaniste, non pas
un simple dessin plus ou moins exactement relevé, mais la
vieille pierre elle-même sortie du ciseau de l'artiste roman,
qui a pu s'appeler lui aussi Audebertus, car tout le rez-de-
chaussée de la Gaillère rappelle la donnée architectonique
de l'église de Poussais.
Toutes nos félicitations à M. le curé et à l'intelligent archi-
tecte qui ont su faire revivre, dans son ancienne splendeur,
un des plus intéressants édifices de la contrée.
Terre-Neuve. 25 juin 1890.
0. DE ROCHEBRUNE.
LES
PÈLERINAGES k LA SAINTE VIERGE
DANS LE DIOCESE DE LUCON
NOTRE- IJ AME DE GARREAU
A LA CHAPELLE-HERMIER.
L'histoire vient d'en être écrite récemment. M. l'abbé
Pontdevie, aumônier du lycée de la Roche-sur- Yon, en
a étudié les origines, les légendes, l'histoire, les tris-
tesses, les gloires, l'état présent. C'est assez dire combien cette
étude semble complète et combien sûr est le guide que nous
suivons.
Près de la chapelle de Garreau, dans le lit de la petite
rivière du Jaunay, une pierre, comme celle du Pas de la
Vieir/e, non loin de Pitié, est l'objet cT'une sorte de culte, peut-
être superstitieux, et se lie aux origines du pèlerinage.
M. l'abbé Pondevie y voit un souvenir du culte de la prière,
si fort en honneur chez les Celtes et les Gaulois: nous sommes
loin de contredire à cet avis. La chapelle elle-même aurait
remplacé un autel à Mercure, dont le nom se retrouve, dit-
on, dans la désignation du bourg.
Mais gardons-nous bien de décider la querelle récemment
entamée sur ce point dans la Revue du Bas-Poitou, entre
232 LES PÈLERINAGES A LA SAINTE VIERGE
l'auteur et son savant contradicteur, M. l'abbc Boulin, vicaire
de Saint-Etienne du Bois. Sans nous prononcer^ peut ôlre
sommes-nous, à Notre-lJame de Garreau, devant un de ces
sanctuaires si nombreux où le culte de Marie fut greffé, par
la main des premiers apôtres du pays^ sur les superstitions
païennes.
Ici encore, la légende, cette forme gracieuse de l'histoire
populaire^ n'a pas manqué d'embellir le sujet. Sur les bords
du Jaunay la légende non-seulement fleurit, mais elle fait
souche et s'épanouit en rameaux. On en compte ici jusqu'à
trois.
Voici la première : « Un jour, un religieux du prieuré de
la Chapelle-Hermier priait sur les bords du Jaunay. Soudain,
sur la pierre du ruisseau, il vit une lavandière qui blanchis-
sait son linge. Cette lavandière^ environnée d'une lumière
éclatante, n'était autre que la Vierge Marie, devant laquelle
le religieux tomba à genoux, il s'empressa d'élever près de
là la chapelle de Garreau. »
Ecoutez la seconde :
« Un chevalier du moyen âge, ou peut-être un chef gallo-
romain, — la légende n'a nul souci des dates, — s'était at-
tardé, le soir, dans un château ou une villa d'alentour. Lors-
(|u'il airiva pour traverser le Jaunay, un orage en avait grossi
les eaux qui coulaient tumultueuses et rapides. Notre cava-
lier n'hésite point, et s'engage au milieu du torrent. Bientôt
son cheval perd pied, et, quoi qu'il fasse, est entraîné à la
dérive. Pour la première fois, l'homme de guerre a peur :
la nuit est noire, i'eau profonde..., il va périr. En cet instant,
il fait un vœu à la puissante Mère du Sauveur. Si sa main
secourable le retire du danger, il s'engage à bâtir sur la
rive une chapelle à son Auguste protectrice... Le vœu à
peine formulé, une énorme pierre se détache du lit du Jau-
nay, surnage sous les pieds du coursier, et, merveilleux ra-
deau, transborde, sains et saufs sur la berge opposée, le
seigneur et son palefroi. »
DANS LE DIOCÈSE DE LUÇON 233
Le chevalier, fidèle à son vœu, se hâta d'édiflor le sanc-
tuaire de Notre-Dame de Garreau.
Troisième légende :
« Une enfant de dix ans gardait un jour son troupeau sur
le bord du ruisseau. Hélas ! la pauvrette était bien affligée ;
elle était sourde et muette de naissance. Soudain, sur une
pierre, au milieu du Jaunay, une noble dame lui taisait signe
d'approcher. Nouveau prodige : elle l'entend qui lui dit :
« Enfant, veux-tu me donner le plus blanc de tes agneaux ? >>
Autre merveille : la langue de la petite bergère tout à coup
s'est déliée :
— « Volontiers, belle Dame , répond-elle, si ma mère
« y consent, je vous donnerai mon agneau. » Et l'enfant de
courir vers sa mère à la villa de la Saunerie : « Maman,
« s'écrie-t-elle, une belle dame, brillante comme les anges
« du paradis, qui me demande le plus jeune et le plus blanc
« de mes agneaux !. . . »
Ravie, transportée de joie, la pauvre mère, à ce miracle
de bonté, reconnaît la Consolatrice de ceux qui pleurent : —
« Un agneau! répond-elle, chère fille, mais c'est toute notre
« bergerie qu'il faut courir lui donner ! Eh^ où est-elle, la
« belle dame ? »
Emues, elles arrivent sur les bords du ruisseau... Au milieu
du Jaunay, il n'y a plus qu'une froide pierre. La Dame avait
disparu. »
Gomme partout, la légende ici sertd'introduction à l'histoire.
Le pèlerinage fut, dès l'origine, desservi par les prieurs
de la Ghapelle-Hermier, membres dépendant de l'abbaye
d'Angles, de l'ordre des chanoines réguliers de Saint-
Augustin. On les y trouve, dès le commencement du
quatorzième siècle, y exerçant leur ministère et se défendant
contre les prétentions des curés de Martinet. Ceux-ci, plus
voisins du sanctuaire, plus souvent appelés par les pèlerins
isolés^ cherchèrent plus d'une fois, mais en vain, à s'établir
gardiens de la chapelle.
23 î LES PÈLERINAGES A LA SAINTE VIERGE
Son isolement laissait aux protestants toute facilité de la
piller. Ils n'y manquèrent pas et, après leur passage, la
chapelle était dans le plus lamentable état. En 1646, une
fondation de messes y est faite par Loyse Audry, en
faveur des Gordeliers d'Olonne. La nef principale fut
bâtie en 1657. En 1663, une demoiselle Marie de la Guérinière,
donna trente livres pour aider François Morisson de La
Bassetière à augmenter d'une nef la chapelle, déjà reconnue
insuffisante. Ces agrandissements se firent avec les matériaux
de l'ancienne chapelle, sur lesquels on reconnaît çà et là des
lignes de l'architecture ogivale.
Le dernier pèlerinage eut lieu les 7 et 8 septembre 1791.
Peu après, le chapelain, M. l'abbé Brillaud, curé de la
Chapelle-Hermier^ fut arrêté et conduit à Fontenay (août
1792) et mourut en Espagne.
L'église fut en partie briilée par les Bleus ; mais, dès les
premières années de ce siècle, la famille Fruchaud s'empressa
de la réparera ses frais. M. l'abbé Nicolleau, confesseur de
la foi pendant la tourmente, revint alors d'Espagne et fut
nommé curé de la Chapelle-Hermier. Son premier soin fut
de rendre au pèlerinage son lustre d'autrefois. L'antique
statue avait disparu : elle fut remplacée par une autre,
modelée par M. de Raggis, ancien chirurgien de marine. Nous
n'osons pas dire qu'il fut un grand artiste; mais il était, ce
qui vaut mieux, un excellent chrétien.
Aujourd'hui, le pèlerinage a retrouvé sa célébrité passée.
La veille de la Nativité, des pèlerins s'y rendent de fort loin;
de Challans, de Saint-Jean de Monts, des Sables, de la
Roche. Plusieurs passent la nuit en prières. Le 24 mars 1889,
quatre mille hommes du canton de Saint-Gilles s'y réunis-
saient sous la pré-sidence de M. Simon, vicaire général^ pour
implorer Notre-Dame de Garreau de protéger leurs vignes
menacées.
DANS LE DIOCftSE DE LUÇON 235
NOTRE-DAME DE LA SALETTE.
Ne quittons pas Notre-Dame de Garreau sans saluer Notre-
Dame de la Salette, sur la paroisse voisine de Martinet.
M. l'abbé Robert du Bolneau, archiprêtre des Sablesd'Olonne,
bénissait, le 19 septembre 1888, trois belles bannières des-
tinées à orner ce sanctuaire, fondé en 18G8 par mesdemoi-
selles Himène de Fontevaux.
NOTRE-DAME DE LA VICTOIRE
A LA GARNACHE.
La Garnache, distante aujourd'hui de quatre lieues de
rOcéan, en était encore très voisine au seizième siècle.
L'église était ruinée quand, en 1711, le B. Montfort vint
donner une mission dans cette paroisse. Avec la permission
de l'évêque et des habitants, il la fit restaurer sur un plan
qu'il donna lui-môme. Il plaça la Vierge sous une sorte de
pavillon soutenu par deux anges ; autour de la niche ovale se
déroulait un rosaire, et des rayons d'or et de flammes
partaient de la pieuse image.
A la Garnache, la dévotion à la Sainte Vierge se mêle
donc au souvenir si populaire et si vénéré du Bienheureux
Montfort. Cependant, nous écrit M. l'abbé Girard, curé de
cette paroisse, les uns attribuent son érection au souvenir
de Lépante ; d'autres supposent qu'elle fut primitivement
une chapelle en l'honneur de saint Léonard ; une troisième
tradition prétend qu'elle fut bâtie par des marins, sauvés du
naufrage à la suite d'un vœu à l'Etoile des mers.
En 1856, une épidémie de fièvre emporta en quelques jours
quatorze jeunes mères ; une procession fut faite et le fléau
s'arrêta. En 1873, le 2 février, vingt-cinq mille pèlerins se
pressaient autour de Notre-Dame de la Victoire. Plus récem-
ment, le 27 septembre 1888, trente mille Vendéens et Bretons
23(5- LES PÈLERINAGES A LA SAINTE VIERGE
assistaient à une messe solennelle, célébrée par Monseigneur
de Nantes dans une prairie voisine de la Chapelle. Tous les
députés et sénateurs de la Vendée avaient répondu à l'appel
de leur évêque, M*"" Gatteau.
NOTRE-DAME DE LA BROSSARDIÈRE
A LA TARDIÈREf
Le 15 août 1505, des protestants étaient réunis dans un
oratoire que leur avait bâti Charles de la Forest, sei-
gneur de Vaudoré, dans un petit village nommé la Bros-
sardière, à un kilomètre de la Ghâtaig-neraie. Un détache-
ment de la garnison de Rochefort, fort d'environ cinquante
cavaliers, parcourait la contrée, dans le but de protéger les
catholiques et de veiller à l'exécution des Edits. Ils se pré-
sentent devant le petit temple de la Brossardière. Un protes-
tant en sort et décharge sur la troupe un coup de son arque-
buse. Les huguenots se précipitent au dehors, et les soldats,
furieux au souvenir du massacre de tant d'innocents, de tant
d'églises incendiées, s'élancent sur les religionnaires, en
massacrent une trentaine, parmi lesquels deux catholiques et
en blessent quelques autres ; le surplus se sauva, et notam-
ment le ministre.
Beaucoup plus tard, en 1632, les seigneurs de Vaudoré, re-
venus oc à la religion de leurs grands-pères, » songèrent à
effacer ces lugubres souvenirs. Sur les ruines du temple
protestant, ils élevèrent une chapelle expiatoire. Peu à peu
le peuple d'alentour y vint prier, des grâces nombreuses y
furent obtenues aux pieds d'une image de la sainte Vierge,
et c'est de la sorte, comme' de lui-même, que s'établit le pèle-
rinage. Rome n'a point voulu y dresser « un monument au
crime », comme le prétend l'auteur de V Histoire des protestants
du Poitou, iT. 1", p. 249), mais, à plusieurs reprises, elle
accorda les indulgences accoutumées à ceux de ces enfants
qui visitent cette chapelle dans les octaves de l'Assomplion
el de la Nativité. {•
DANS LE DIOCÈSE DE LUÇON 237
NOTRE-DAME D'ESPÉRANCE
Autrefois de Bourgenet
A Talmont.
Le savant abbé Baudry, curé du Bernard, recueillit en
1874, dans une petite notice, ce que la tradition et l'histoire
ont pu sauver de ce pèlerinage ancien, récemment restauré.
NotrerDame d'Espérance, plus connue sous le titre de
Notre-Dame de Bourgenet, sur la paroisse de Saint-Hilaire
de Talmont, au bord de l'Océan, était la chapelle d'un prieuré
conventuel dépendant de l'abbaye de Maillezais, dont elle
partagea "les vicissitudes. Espoir des marins en détresse,
elle leur tendait son bras et sa protection. De là son nom.
Quant à son origine, elle remonte au onzième siècle, sinon
plus loin.
Elle serait, d'après la légende, avec Orbestier et la Meille-
raye, l'une des trois chapelles bâties par la reconnaissance
de trois princesses qui échappèrent miraculeusement au
naufrage. La construction primitive, la forme de la crypte,
accusent nettement l'architecture romano-byzantine.
Les bienfaiteurs de la chapelle et du prieuré furent les
princes de Talmont, Guillaume, Savary et Raoul de Mauléon,
auxquels succédèrent les seigneurs de Thouars, et enfin les
ducs de la TrémoïUe. Le district des Sables vendit la chapelle
le 23 juin 1791, et la statue fut jetée à la mer ; mais les flots,
qui la ramenèrent au rivage, noyèrent peu après, par un
temps calme, les deux marins coupables du sacrilège. Rendue
à son sanctuaire, la vénérable statue disparut en 1814, et fut
portée à l'hôpital des Sables^ gouverné par les Pilles de la
Sagesse. Elle y resta quelque temps sans honneur; mais, à
la suite d'une grâce obtenue, ces pieuses fillesdu Bienheureux
Montfort lui bâtirent sur la plage , à l'extrémité sud du
Remblai, une coquette chapelle uù Notre-Dame de Bour-
238 LES PÈLERINAGES A LA SAINTE VIERGE
genêt continue de recevoir l'hommage des marins,, sous le
titre de Notre-Dame de Bonne-Espérance.
Cependant l'antique chapelle et son pèlerinage semblaient
pour toujours voués à l'oubli. De la chapelle primitive l'in-
souciance ou la cupidité avaient fait une sorte de carrière,
où chacun puisait à son gré. Mais en Vendée les ruines se
relèvent toujours. Quand les murs eurent disparu sous
l'herbe et qu'il ne resta plus que la crypte, à peine soup-
çonnée, Dieu permit quun homme de cœur en devint pro-
priétaire.
M. le comte de Beaumont, aidé par le clergé de Saint-
Hilaire de Talmont et le peuple d'alentour, prit l'initiative
d'une restauration complète. Quelques semaines suffirent à
déblayer les ruines, à restaurer la crypte et à bâtir une élé-
gante chapelle. Le 25 août 1874, à l'appel de Ms"" Golet, évêque
de Luçon, plus de dix mille Vendéens, et neuf paroisses en
procession, vinrent célébrer cette résurrection inattendue.
Si nous ne craignions de réveiller une douleur qui n'est
pas endormie, nous parlerions du regret, mêlé à la joie des
pèlerins, qui ne voient plus, dans sa chapelle rebâtie, l'an-
tique statue de Notre-Dame de Bourgenet. . .
NOTRE-DAME DE RECOUVRANCE
A Saint-Gîlles-sur-Vie.
Nous devons à la plume élégante qui a rédigé l'his-
toire de Notre-Dame de Garreau. et qui nous a fourni tant
d'autres renseignements sur les pèlerinages vendéens, les
documents sur ce sanctuaire. « Gar j'ay, dit-il, avec le vieil
annaliste poitevin Jean Bouchot, une particulière affection
à parler des antiquités de la ville ou j'ay prins ma nativité. »
Notre-Dame de Recouvrance est un vocable que nous ren-
controns à Paris, à Orléans, en Bretagne, en Normandie et
ailleurs. Mnrie, sous ce titre, fui honorée par les marins de
DANS LE DIOCIOSE DE LUÇO\ 239
Saint-uilles, dès la fin du treizième siècle, si, à df'- faut d'ar-
chives disparues, on consulte ses vieilles murailles. Dès cette
époque, les pêcheurs payaient un tribut volontaire à Notre-
Dame de Recouvrance. Chaque bateau prélevait sur sa re-
cette quelques pièces d'argent qu'on ofîrait à la chapejlc.
Touchant usage que le « progrès » n'a pas fait disparaître !
Au quatorzième siècle, le pèlerinage était déjà en renom
sur la côte vendéenne. Le 28 mars 1364, Jehan Bernard, de
Saint-Jean de Monts, y fondait à perpétuité deux messes à
célébrer le jour de la Conception-Notre-Dame. Diverses libé-
ralités aidèrent, au seizième siècle, à la restauration de l'édi-
fice, mais au printemps de 1574, Saint-Gilles fut pris par les
huguenots, les prêtres chassés, le culte aboli, et la chapelle
tomba en ruines.
Elle ne put être réparée qu'en 1686. « On y plaça un autel
neuf, dans ce mauvais goût théâtral qui sévissait alors dans
toute sa laideur. La piété fut de tout temps fort ingénieuse.
Quand on chauffait le four banal, la « quêteuse de la Vierge »
recueillait dans sa jatte d'osier de petites poignées de pâte,
et de toutes les offrandes réunies, elle préparait lo « pain de
la Bonne-Dame. » Le dimanche suivant, ce pain était vendu,
à la sortie de la messe, au profit de Recouvrance.
Avec ce modeste tribut, avec le produit des troncs et di-
verses aumôaes, un enfant du pays, Jacques Bethuys, reli-
gieux Carme, entreprit, en 1701, une nouvelle restauration.
Un arrière-neveu de ce Carme, le capitaine Bethuys-la-
Bloire, natif aussi de Saint-Gilles, fut, en 1771, surpris par un
cyclone dans la mer des Antilles. En un instant, son navire,
la Marianne, est désemparé : « Nous coulons bas ! s'écrie le
capitaine. Un vœu, enfants, tous un vœu à Notre-Dame ! »
L'équipage pria, comme en de pareils moments les matelots
savent prier. ..nA Dieu vat ! » crie aussitôt une autre voix...
elle venait d'un oavire qui passait au large. Aussitôt, virant
de bord, ce dernier vient recueillir les naufragés. Le tableau
commémoratif de ce fait existe encore dans le sanctuaire.
240 LES PÈLERINAGES A LA SAINTE VIERGj^
La chapelle de Recouvrance était dans un état prot'père,
quand survint la Révolution. Saint-Gilles, qui avait acclamé
89. subissait 93 : la chapelle, dépouillée, devint un corps de
garde, puis une maison rl'arrèt. Enfin, privée de sa char-
pente, dont les poutres avaient servi à chauffer les fours
militaires, la pauvre chapelle fut adjugée, le 18 novembre
1796, moyennant cent huit fi'ancs.
Disons à la louange des habitants de Saint-Gilles que l'ac-
quéreur était un étranger , qui , bravant l'indignation pu-
blique, la démolit et prit les pierres pour clore son jardin ;
ce jardin lui-môme n'était que la prairie de la cure, où s'élève
aujourd'hui le commissariat de la marine. Consommant cette
ruine, une route passa sur le sanctuaire disparu.
Si le destructeur de la chapelle avait péri de. mort subite et
misérable, tout espoir de résurrection semblait cependant
pour jamais évanoui. Une croix de mission avait bien été
plantée, en 1826, sur l'emplacement de la chapelle, des vœux
timides avaient été exprimés, quand, tout à coup, on apprit à
Saint-Gilles qu'un enfant du pays, Narcisse Pelletier, délaissé
dans une île d'Australie et que sa pauvre mère croyait mort,
revenait après dix-sept ans. Quelle fête ! On le conduisit en
triomphe à l'église paroissiale, à cet autel de la sainte Vierge
oîi la mère était venue tant de fois le réclamer, et, ce jour
même, la population résolut de rebâtir la chapelle.
L'année suivante, 1880, M^"" Catteau inaTigurait le nouveau
sanctuaire, bâti dans l'établissement des Frères de Saint-
Gabriel, et non loin de l'ancienne chapelle de Recouvrance
NOTRE-DAME DE LA SAINTE FAMILLE DU GtlÊNE
A LA RaBATELIÈRE
C'est un pèlerinage récent.
Le tronc d'un vieux chêne a été le premier autel ; puis une
chapelle est venue se souder à ce sanctuaire rustique.
DANS LE DIOCÈSE DE LUÇON 241
La première pierre fut posée par M8' Poirier, évoque de
Roseau (Antilles), et la chapelle bénite par M" Golet, au mois
d'octobre 1874.
Dans cette même paroisse, le zèle de M. le curé Hillairet et
la bonne volonté des paroissiens, ont su transformer un
coteaucouvert d'ajoncs en une petite montagne factice sur
laquelle des sentiers, dessinés avec art, conduisent à N.-D.
de laSalette.
Trois groupes, comme au diocèse de Grenoble, représentent
les phases de l'apparition.
Le 23 septembre 1888, M. l'abbé de Suyrot bénissait la
montagne nouvelle, les statues et les groupes.
Et voici pour la catholique Vendée un pèlerinage de plus !
Aux Sables-d'Olonne, dans le vieux cloître du prieuré des
Bénédictines de Sainte-Rad ego ride, transformé en petit sémi-
naire, s'élève une remarquable statue de la sainte Vierge,
due au ciseau de Barreme^ d'Angers, à laquelle on peut
donner le titre de :
NOTRE-DAME DU SCEPTRE.
Un petit livre, intitulé : Le mois de Marie de la jeunesse
chrétienne, par l'abbé Michaud, curé des Sables^ raconte à
son sujet une touchante histoire que nous abrégeons. Par le
commun suffrage des maîtres et des élèves, la Mère de Dieu
avait été déclarée Reine du petit séminaire. Comme symbole
de cette royauté d'élection, un sceptre d'or fut déposé dans
les mains de la statue, et chaque classe, tous les ans, lui
payait quelque léger tribut.
Le 27 décembre 1835, un incendie éclatait au milieu de la
nuit. Activées par le vent du nord, les flammes menacent
bientôt de tout détruire. Les élèves s'échappent à grand'-
peine. Le supérieur, M. l'abbé Dalin, s'en va droit à l'image
de Marie, saisit le sceptre, et, le jetant dans l'endroit où le feu
242 LES l'ÈLERlXAGES A LA SAINTE VIERGE
est le plus dévorant : « Mère, s'écrie-t-il, c'est maintenant,
qu'il convient de montrer que vous êtes notre Souveraine I »
A l'itistaiit, le vent tombe et l'incendie s'arrête. Tandis que
les pièces d'or et d'argenterie sont retrouvées en lingots,
que le ter lui-même est tordu par les flammes, le sceptre,
légèrement noirci, apparaît le lendemain au milieu des
cendres encore brillantes.
Replacé entre des mains qui surent si bien s'en servir, il
est aujourd'Imi, ainsi que la statue, l'objet de la vénération
et le but d'un pèlerinage.
NOTRE-DAME DE LORETTE
A LA FlOCELLLIÈRE.
Sous le titre de Conte vrai du dix-septième siècle^ M. René
ValletLe a narré la galante histoire de M"° Hamilton,
surnommée, à la cour de Louis Xlil, la belle Ecossaise, et du
marquis de la Flocellière, Jacques de Maillé-Brézé. Mariée
in extremis, Elisabelh Hamilton ne jouit pas longtemps des
bijoux, perles et diamants sans nombre que lui avait donnés
son époux ; il les avait lui-même reçus de sa mère, Robinette
Hamon, et des reines Marguerite de Valois et Marie de
Médicis.
Si riche qu'elle soit, une corbeille de mariée ne fait pas le
bonheur, mais elle peut servir au rachat des fautes et aux
bonnes œuvres. C'est ce qui eut lieu. Elisabeth mourut
quelques jours après son mariage. Par son testament, du
26 février 1617, elle laissait diamants, perles et bijoux, pour
fonder un couvent de Carmes à la Flocellière, et une chapelle
de N.-D. de Lorette, qui ne fut terminée qu'au bout de dix-
huit ans.
Vendu en 1702, le monastère fut détruit par Grignon et la
chapelle brûlée. C'était une ruine, prête à disparaître en 1867,
DANS LE DIOCÈSE DE LUÇON 243
quand M. l'abbé Dalin, supérieur du petit séminaire des
Sables, précédemment successeur à Saint-Laurent-sur-Sèvre
du B. Montlort, l'ut nommé curé de la Fiocellière. La tendre
piété d' cet homme de Dieu pour Marie lui inspira la pensée
de rek'\er la chapelle et de ressusciter le pèlerinage. Il le fit,
comme il savait faire toute chose, avec un goût exquis.
Depuis vingt ans, la contrée garde le souvenir de la fête qui
marqua l'inauguration du sanctuaire restauré , et les
paroisses d'alentour y viennent en pèlerinage.
NOTRE-DAMh: DES MARTYRS DE LA VENDÉE,
A Saint-Etienne du Bois.
Sous ce titre, la paroisse de Saint-Etipnne du Bois garde
le souvenir, au hameau de la Tulivrière, d'un des plus
saisissants épisodes de la « guerre des géants ». Lorsque le
sanguinaire Turreau brûlait la Vendée et égorgeait sans
merci ses habitants, M l'abbé Ténèbre, curé de Groix-de-
Vie^ construisait lui-même cette chapelle, à la lueur des
flammes qui consuxaient les églises de Légé et de Saint-
Etienne. Ce pauvre sanctuaire,, bénit en secret par M. l'abbé
de Beauregard, grand vicaire de Lucon, servit au saint
prêtre d'église paroissiale. 11 y fut arrêté, après fructidor, au
au soir d'une première communion nombreuse. Déporté à
Cayenne, en compagnie de M. de Beauregard, le futur évêque
d'Orléans, l'abbé Ténèbre revint et mourut, en 182.^, curé de
Vairé. Un monument à la Sainte Vierge conserve de môme
le souvenir d'un massacre de cette affreuse époque.
Elevée à la hâte, la chapelle de la Tulivrière allait s'écrou-
ler, quand, en 1835, les. habitants la remirent en état de
recevoir la bénédiction solennelle que lui apporta, le 19 mai
de l'année suivante. M»' Soyer, évêque de Luçon. L'un de
ses successeurs, Me-^ Lecoq, y présidait un nombreux pèleri-
nage au mois d'octobre 1875.
ToME ni. — Juillet, Août, Septembre 1890. 16
244 LES Pi:LERl.NAGE.-< A LA SAINTE VIERGE
Aux Lues, paroisse dePuymaufrais, M. Amédée de Béjarry
a érigé une statue de Notre-Dame de Lourdes. Ghavagnes
en Paillers possède aussi dans l'enclos des religieuses Ursu-
lines, et sous ce titre, une grotte qui attire les paroisses du
voisinage.
Terre des martyrs, ô Vendée! c'est dans ta foi sans doute,
qu'il faut chercher le secret de tes héroïsmes. Mais les mille
arceaux, dressés au bord de tes chemins pour rappeler la
la Vierge Marie, les confréries en son honneur fondées dans
presque toutes les paroisses par le Bienheureux Montfort,
dont tu gardes le tombeau, le rosaire que récitaient tes
enfants en allant au combat, le Sacré-Cœur qui décorait leur
poitrine, toutes ces causes et d'autres encore ont suffi
longtemps à entretenir ton indomptable énergie !
Puisses-tu demeurer toujours fidèle à un passé si plein de
gloire* î
Le R. I^. Ji::a.\-Emmanuel Drochon,
des Auyustms de VAssomption.
' Ces pages, gracieusement offertes en primeur à la Revue, sont extraites
d'un très remarquable ouvrage illustré qui paraîtra en octobre prochain
chez Pion et Nourrit, éditeurs à Pai-is, sous le titre : Histoire illustrée des
pèlerinages français de la Très Sainte Vierge. L'ouvrage est orné de 350
gravures et de vingt cartes indiquant par provinces et diocèses le nombre des
pèlerinages et leur importance. Grand in-4o de i:JOÛ pages. Prix 20 fr. broché.
Respectueux de la liberté de nos collabarateurs, nous laissons au R. P.
Drochon toute la responsabilité des opinions émises au cours de cet article.
^M
LES SIÈGES
|)K
L'ABBAYE DE SAINT-MICHEL-EN-L'HERM
15G8-1569
ApiiKs avoir i-aiiiô de lo;iil eu comble les églises dd
Fontenay (5 septembre 1568) et, pendant plusieurs
jours, saccagé cette maltieureuse ville, les protestants
vainqueurs poursuivaient en Bas-Poitou leurs exploits san-
guinaires, pillant et brûlant sans pitié les monuments reli-
gieux qui se trouvaient sur leur passage. La désolation était
partout, dans lesvilles comme dans les campagnes, et l'évêque
de Luçon lui-même se voyait contraint d'abandonner son
palais épiscopal en cendres , après avoir lait transporter
quatre pipes, remplies des papiers et des objets les plus
précieux, dans l'abbaye de Saint-Michel-en-l'Herm. Ce mo-
nastère, qui était alors la place de sûreté des, catholiques de
cette région et qui jusque-là semblait avoir échappé au
vandalisme des protestants, allait bientôt partager le sort
commun et tomber lui aussi sous leurs coups.
Au dire de La Popelinière, un fort et une église auraient
été élevés à Saint-Michel pendant l'occupation anglaise.
Cette dernière, construite de façon à pouvoir supporter un
siège, avait des dimensions considérables, 'ùa cloîtres y
246 LES SIÈGES DE l'aMHAYE
étaient attenants ainsi que les autres bâtiments destinés à
l'usage des religieux. Le tout était entouré d'une muraille fort
épaisse, percée de nombreuses meurtrières. Mais dans les
derniers temps, on avait été obligé de la fortifier de bastions
à angles saillants et d'un fossé très profond, afin d'opposer
aux armes à feu une résistance plus grande*. Au milieu de
celte enceinte se dressait une tour de plusieurs étages, domi-
nant le pays et dans laquelle les religieux avaient amassé
un grand nombre d'engins de défense. En prévision d'un
siège prociiain, la puissante abbaye avait pris ses mesures
et les bâtiments regorgeaient de provisions de toutes sortes.
Mais en face du danger, les moines ne furent pas tous égale-
ment courageux, et, dès les premières annonces du siège, la
plupart d'entre eux se retirèrent à Angers ou dans des mai-
sons amies.
La défense de l'abbaye fut confiée par l'abbé au sacristain
Chàteaupers, gentilhomme du pays, qui avait toute sa con-
fiance. A l'instar du chanoine Ghàteauclers , le vaillant
défenseur de Luron, Chàteaupers examine avec soin les
murs d'enceinte, la tour et les bâtiments, veille à ce que
chacun soit à son poste, encourage tout le monde par son
exemple, et attend bravement les protestants qui s'ap-
prochent sous la conduite de Pierre des Vilattes, seigneur de
Champagne, de Jacques de Goulène, chevalier de Malle, et
d'autres gentilshommes. L'armée ennemie formée d'une
puissante cavalerie et de sept compagnies d'arquebusiers,
vint prendre position devant les murs de l'abbaye, dans les
premiers jours qui suivirent la prise de Fontenay. Du haut
des murailles, les paysans renfermés dans le monastère les
voyaient s'avancer dans le lointain, pillant et incendiant
leurs chaumières et leur granges. Deux couleuvrines amenées
de l'île de Ré vomissent la mitraille sur les assiégés, qui
• Ces bastions au nombre de quatre, portaient à leur sommet un chemin
(le ronde et d<;s échaui.'^uettes, dont les deux })rincipalei> rej^^ardaient Luçon
ei le bourt^de baint-Micliel.
DE SATXT-MICIIEL-KN-LHERM 2-47
résistent énergiquoment aux attaques des protestants et les
repoussent victorieusement après leur avoir tué cent vingt
hommes. Donnant alors « Ip^ moynea à fou^i les diables n,
Pierre des Vilattes fait enlever ^es blessés qui gisaient
autour de la place et, se retirant hors de la portée des
assiégés, prépare contre eux un vigoureux retour offensif.
Un assaut donné à quelques jours de là ne fut pas plus
heureux, malgré la trahison d'un moine, le capitaine Cham-
pagnaCy qui, connaissant le point faible de la place, s'offrit d'y
conduire 500 arquebusiers bien décidés à vaincre ou à mou-
rir. Le succès était sur le point de couronner leur audace,
lorsqu'un religieux, d'un coup d'arquebuse, atteignit mortel-
lement à la tête le moine apostat, chef de l'expédition.
Découragés par ce nouvel échec, les survivants battent en
retraite : l'abbaye était une seconde fois sauvée. Mais l'heure
marquée pour sa chute avait sonné !
Des émissaires de Pierre des Vilattes envoyés à La Rochelle
en ramenèrent sous caution trois canons et sept compagnies,
sous la haute drection du marquis de Goulène. Ils manœu-
vrèrent tant et si bien qu'à la fin de l'année, le capitaine
Lnqardo put de nouveau gagner le bourg après avoir rallié à
lui tous les soldats qui en gardaient les entréeset les avenues.
Afin de connaître parfaitement le terrain et assurer les ma-
nœuvres de l'infanterie, Paravant avait envoyé ses cavaliers
un peu dans toutes les directions. Mais Ghâteaupers« homme
de tète et guerripr sons le froc » veillait, et en stratégiste con-
sommé, il entreprend, contre un ennemi bien supérieur en
nombre, une guerre de rues et d'embuscades : la parfaite
connaissance qu'il avait des lieux lui donnait, du reste, un
avantage considérable. Des maisons crénelées, des barricades
élevées au coin des rues, les avenues du bourg avoisinant
l'abbaye transformées en tranchées gabionnées avec soin,
deviennent de redoutables forteresses derrière lesquelles les
assiégés peuvent sans danger tuer presque à bout portant
les cavaliers imprudemment engagés dans ce dédale de pièges
2-i8 LKR SIKGKS DK l'aBRAYE
e
Mais l'avantape du UD'iibrc demeurait toujours aux protes-
tants, qui, confiants dans leur succt^s, venaient de refuser aux
moines la ueufralité. Ces derniers ayant demandé appui au
comie de Lude^, gouverneur de la province, n'en avaient reçu
qu'un secours insignifiant, cinquanle hommes et cent dix
moines pris de remords, que le capitaine Vagitaf/ parYxni à
grand'peine à jeter dans la place. Livrés à leurs propres
forces et ne comptant plus <=ui' aucun secours étranger, les
assiégés prennent alors le parti de rompre les écluses, inon-
dant ainsi les environs, de sorto qu'il n'était plus possible de
faire approcher ilu canon par terre. Les protestants en firent
venir par mer. Vers la fi'i de décembre 1568, trois nouveaux
canons et deux couleuvrines munis de leurs affûts sont em-
barqués à La Rochelle à destination de Saint-Michel, sous la
direclion âe Scipion Verr/ano., célèbre ingénieur italien, et de
quelques canonniers anglais. Par suite des difficultés d'a-
bordage, une des pièces de canon, qu'on voit encore au-
jourd'hui dans le parc de M. l^eroux, resta envasée dans le
Clienal-Vieiix, d'où on la retira après le siège. Quant aux
autres, elles furent après des peines infinies hissées sur deux
forts bateaux plats recouverts de gros madriers. A marée
basse on inslalla sur les vases molles un plancher en bois,
et de puissants attelages de bœufs amenèrent à Saint-Michel
les pièces, qui furent immédiatement braquées sur l'avenue
de Luçon contre la courtine et la grosse tour.
Dès le commencement du nouveau siège, le capitaine La
Couture fut tué : les protestants sommèrentalors les assiégés
de se rendre, mais ceux-ci qui appelaient plaisamment
les pièces de canon amenées contre eux « des pompes de
navire, » accueillirent cette sommation par des rires et par
des quolibets à l'adresse des huguenots, t'urieux, ces derniers
se précipitent à leurs pièces et pendant cinf] jours entiers,
du lundi 3 janvier au vendredi 7, ils battent sans relâche les
murs de l'abbaye. Le vendredi soir enfin, la muraille située
du côté de Luron offrait une brêehe, mais elle était tellement
DE SAINT-MFC1IKL-EN-L*ERM 2-'é'.>
étroite que les assiégés s'en émurent à peine. Deux soldats
envoyés en reconnaissance déclarèrent que le pavé de l'égliso
était si bas etles défenses si solides, qu'il était inutile de con-
tinuer plus longtemps l'attaque de ce côté. Le capitaine
Gransevillr ayant voulu sonder avec un fer de lance la pro-
fondeur de la tranchée, fut tué sur le coup.
Guidés par des traîtres qui leur affirmèrent que la mu-
raille située du côté des cloîtres ne pourrait résister au
canon, les assiégeants changèrent aussitôt leurs batteries.
Prévenus de ce qui se passait^, les catholiques, de leur côté, se
mirent à creuser, derrière la muraille qu'on voulait battre, un
large et profond fossé. Des meurtrières percées dans le mur,
les moinespouvaienttirersansgrand dangeretpresque à bout
portant contre ceux qui oseraient tenter d'escalader la brèche.
Et d'ailleurs qu'avait-on à craindre? Une vieille prophétie
qu'on se répétait n'assurait-elle pas que la chapelle, bâtie
sous l'invocation de saint Michel, était imprenable^ et que
ceux qui voudraient y pénétrer de force tomberaient morts
sur place « la face tournée devant derrière ? » Les deux in-
succès des protestants ajoutaient encore à l'enthousiasme
des paysans et des soldats ; mais malheureusement cet excès
de confiance les perdit. Tandis que les assiégeants redou-
blaient d'énergie pour s'emparer de la place, on négligea
toute précaution, en même temps qu'une surveillance moins
grande fut exercée. Le samedi 8 janvier, l'artillerie pour-
suivant ses ravages avait tellement élargi la brèche, que
dix hommes pouvaient s'y présenter de front. Le lendemain,
dimanche, les canons cessent de tonner, et, à la voix de leurs
chefs, les assiégeants s'élancent en colonnes serrées à l'assaut
de la redoutable forteresse. Mais en arrivant sur la brèche,
la première compagnie se trouve arrêtée par une muraille
vivante : plutôt que de céder sous les coups des assaillants,
les moines se font tuer surplace et forment de leurs corps
un rempart derrière lequel combattent héroïquement les
assiégés. Mais le nombre doit l'emporter : paysans et soldats
250 LES SIÈOES DE l'aRRAYE
reculentdevant ce flot qui les submerge. En vain Châteaupers
prodigue prières et menaces : une panique indescriptible,
un sauve-qiii-peut général annoncent que les protestants
se sont enfin rendus maîtres de la place. Ivres d'un triomphe
chèrement acheté, les vainqueurs égorgent sans pitié tous
ceux qu'ils trouvent sur leur passage. Ni les supplications
des vieillards et des femmes, ni les larmes des enfants ne
les arrêtent dans leur sanguinaire besogne et bientôt les ga-
leries, les caves, les citernes sont remplies de cadavres ;
plus de 400 personnes trouvèrent la mort dans cet affreux
massacre. Un misérable du nom de Forteau, par un raffine-
ment de cruauté sauvage, réserva même plusieurs de ces
malheureux pour avoir chaque jour le détestable plaisir d'en
tuer un de sang-froid. Le butin fut immense, car, outre ses
propres richesses, l'abbaye de Saint-Michel renfermait tout
ce que l'évêché de Luçon, la noblesse et les principaux habi-
tants du pays avaient de plus précieux'. Châteaupers qui avait
réussi à s'échapper fut repris par les réformés. Pendant qu'on
discutait les conditions de sa rançon, un soldat trouva par
hasard des lettres destinées à certains amis etdans lesquelles
étaient assez malmenés la plupart des chefs de l'armée hu-
* Les vainqueurs ravirent aussi le trésor de l'abbaye, les vases sacrés, les
ornements, les reliquaires et jusqu'aux cloches et aux plaques de cuivre des
tomb 'S qui étaient situées dans l'église et dont quelques-unes remontaient
à une très haute antiquité Ils. s'emparèrent également du collier de l'ordre,
donné par Louis XI à saint Michel, à la suite d'un vœu fait par ce dernier
lors d'une chasse au sanglier qui eut lieu le 23 décembre 1472 dans le bois
de Maleboire près de Mortagn^-sur-Sèvre, où il était vpnu dnns le but de
régler le mariage de Philippe de Commynes avec Hélène de Chambes, et dans
laquelle il eût certainement perdu la vie, sans le courage de Nicolas Séguin,
prieur claustral de Saint-Michel en-l'Herm, qui, après avoir voué le roi à
saint Michel, tua d'un coup d'épieu, le sanglier blessé qui s'élançait sur lui,
prêta, le mettre en pièces. En témoignage dp sa reconnaissance perpétuelle
envers saint Michel, pour la visible protection qu'il venait d'accorder au
royaume et à sa personne royale. Louis XI, outre le collier en or qu'il por-
tait à son cou ce jour là, fit don à l'abbaye d'un relief d'albâtre, représentant
l'archange à cheval, perçant d'un coup de lance un sanglier furieux, à côté
d'un roi en prières. Ce magnifique relief, dû au ciseau du célèbre sculpteur
tourangeau Michel Colombe, fut brisé dans le pillage.
DE SAINT-MICIIEL-EN-L'IIERM 251
gnenote. Peu s'en fallut que le vaillant défenseur de l'abbaye
n'eût le sort commun : cejjendant, grâce à l'intervention du
seigneur de Champagne, il lut envoyé comme prisonnier à
La Rochelle où peu de temps après on le mit à mort. Forteau
laissé à Saint-Michel après le siège, avec ordre de ruiner
entièrement l'église et le monastère, exécuta la sentence
d'extermination avec le plus grand acharnement.
De cette immense et magnifique construction qui avait si
longtemps servi de boulevard contre les Anglais ; de cette
tour d'où la vigie signalait l'ennemi aux habitants de la 3Ôte :
de ces titres qui assuraient aux communes rurales du pays
la possession de droits importants dans le marais, il ne resta
plus rien. Des ruines gigantesques demeurèrent pendant de
longues années comme les témoins attristés de ce siège san-
glant dont les traces subsistaient encore en 1611, ainsi que
l'atteste l'extrait suivant d'une enquête faite à cette époque
sur le pillage et la destruction de l'abbaye royale de Saint-
Michel-en-l'Herm.
« Du lunli deuxième jour de mai 1011, à neuf heures du
« matin, au parquet et auditoire de Luçon, par Abraham
<< (iastaud, sieur du Vignaud, assesseur criminel au siège
« royal de Fontenay-le-Comte, ouïs les témoins que Pierre
« lies Villattes, sieur de Champagne, de la R. P. R., avec
<' nombre de soldats d'infanterie et de cavalerie de la R. P.R.
" allèrent mettre le siège devant la dite abbaye, laquelle ils
« forcèrent après avoir fait brèche au mois de janvier 1509,
« mirent à mort ceux qui étaient dedans, butinèrent ce
« qui y avait été réfugié par les voisins, et l'ayant démolie
« et désertée entièrement, n'y laissèrent que les ruines,
lesquelles s'y voient encore à présent que la
« dite église et abbaye furent assiégées par ceux de la dite
« religion, conduits par le sieur Fortereau nommé capitaine
«c et le dit feu des Villattes et Poullain qui forcèrent la dite
« place à coups de canons qui avaient été emmenés de La
^ Rochelle sous la caution, comme il ouï dire, et que tout ce
•J'/J T.KS SIKOER DE LARRAYE DE SAINT-MICHEL-EN-L'HERM
« qui fut trouvé dedans, soit de ce qui appartenait aux
<i liabitants du dit bourg que d'autres endroits, fut ravi et
« emporté par les soldats et les gens de guerre de la dite
• religion que ladite abbaye était forte et lieu de
« retraite pour les catholiques, et qu'elle fut assiégée par les
« capitaines Forteau, Verreau, Poullain avec le feu sieur de
« Champagne et par eux prise et forcée, et après avoir dé-
«< moli l'église et la dite abbaye, ils ont emporté ce qui était
a dedans que le dit feu sieur de Champagne était un
« des assiégeants et que môme sans des responsion les
«< habitants de La Rochelle baillèrent du canon pour battre
9 la dite abbaye qui fut prise un jour des Rois*. Deux
« témoins attestèrent ce dernier fait. Déposition de Jean
« Aymond, sieur de la Petitière, paroisse d'Azenai qu'en l'an
'< 1569 le feu sieur de Champagne, avec plusieurs autres,
•c sous le commandement de Valdune, lieutenant de M. de la
« Rochefoucauld, serait venu investir l'abbaye de Saint-
ce Michel, laquelle fut forcée à coups de canon et prise par
« assaut, et tuèrent ce qu'ils rencontrèrent d'abord, prirent
« et pillèrent tout ce qu'ils trouvèrent.
« Fait au lieu noble de la Petitière'. »
Fontenay-le-Comte, septembre 1890.
Louis Brochet.
* D'après le chroniqueur du Langon qui vivait en lôOg, les protestants n
seraient entrés dans l'abbaye que le dimanche 9 janvier.
' Extrait des manuscrits di' Dom Fonteneau, vol. 14.
I
LA l'OriTE L0I1I:e de LAI3UAYE DE LA BLANCHE^
A NOIRMOUTIEU.
(Kxl. ..les I*i.iijsrtrcs et yiounnintls iJh l'oiOjU).
CHARTES
CONCERNANT LA FONDATION
DE
NOTRE-DAME LA BLANCHE
A NOIRMOUTIER
(Suite*.)
Don fait par Hue les II, de Thouars, avant son élévation
A LA DIGNITÉ DE VICOMTE DE ThOUARS, DE VINGT SEXTIERS
DE FROMENT A PRENDRE SUR SON FROMENTAGE d'AiRVAULt'.
(1229).
UNivERSisChristifidelibuspre-
sens scriptum inspectu-
ris, Hugo vicomes Thoarcii,
salutem in Domino.
Noverit universitas vestra quod
donacionem quam de viginti
sextariis frumenti super fru-
mentagio nostro de Aurea valle,
ad mensuram ejusdem ville, an-
nuatim, in perpetuum capien-
ATOus les fidèles chrétiens,
qui verront cet écrit,
Hugues vicomte deThouars,
salut en Xotre-Seigneur.
Sachez tous qu'avant notre élé-
vation au titre de vicomte, nous
avions donné à Dieu et à l'abbaye
de l'Ile Dieu, pour le salut de
notre âme et celui de nos pa-
rents, vingt sextiers-' de fro-
' Voir la dernière livraison.
• Airvaiiit ou Oirvault dans les Deux-Sèvres, doit son origine à une église
fondée à la fin du X^ siècle par Aldéarde d'Aulnay, épouse d'Hébert II, vicomte
de Thouars.
^ Sexiier, actuellement sétier, raesui'e de grains de six boisseaux et variant
suivant les localités comme le boisseau lui-même.
254
CHARTES DE NOTRE-DAME-LA-RLANCIIE
dis, propter salutem anime nos-
tre et parentum nostrorum ,
ante tempus vii-omitatus nos-
tri, Deo et abhacie Insuie Dei
fecimus, nos, adepti viconiitatum,
jure hereditario , continofentem
gratam liabemus et firmam in
perpetuum et presenti cartula
sigilli nostri munimine roborata
confirmamus, volentes maxime et
districte precipientes, ut semel in
anno, in perpetuum, infra quin-
decim dies proximos post festam
omnium sanctorum, predicti fru-
mentagii nostri roceptores, visis
litteris abbatis predicte abbatie
super hoc dirigendis, mandate
ipsius, predicta vigenti frumenti
seitaria, expedite et absque mora,
non expectatoalionostro mandate,
intègre et fideliter persolvant.
Datura anno gracie M" CC° XX"
nono.
ment , sur notre fromentage
d'Airvault, mesure de cette ville
à prendre annuellement et per-
pétuellement. Ayant été investi
du vicomte par droit hérédi-
taire, nous avons pour agréable
et faite à tout jamais la dite dona-
tion, et nous la corroborons et con-
firmons en y appliquant notre
sceau, notre volonté et notre in-
tention absolues étant que chaque
année et à perpétuité, sous les
quinze jours qui suivent la fête de
tous les saints, les receveurs de
notre susdit fromentage, à la vue
des lettres de l'abbé de la susdite
abbaye et sur son commandement,
lui paient intégralement et fidè-
lement les susdits vingt sextiers
de froment, sans formalité, ni
retard et sans attendre d'autre
ordre de notre part.
Donné l'an de grâce 1229.
. Cette donation lut confirméR, en 12i6, par un autre vicomte
de Thouars du nom d'Aimery [IJamericua) et qui appelle Hugues
son oncle palernul [patruus mpAis). Hugues, le signataire de la
charte, est nommé Hugues l par les uns, et Hugues H par
les autres, tant le droit de viage* ou de succession collatérale
rend embrouillée la liste des seigneurs de Thouars. C'était le
troisième fils de Guillaume et d'Aimée de Lusignan et le frère
d'Aimery VH et de Guy, devenu duc de Bretagne par son
mariage avec la duchesse Constance. Hugues était seigneur
* Le droit de viage ou de retour qui régissait les seigneuries situées entre la
Dire et la Sèvre Nantaise, faisait succéder viagèrement les frères aux frères
suivant la coutume musulmane, au lieu des fils, qui ne reprenaient leurs
droite qu'à la mort de leurs oncles.
A NOIRMOUTIER
255
de Villiers et fut le premier époux de Marguerite de Morilaigu,
dame de la Garnache. Il avait rendu hommage, en 1226, à Suint-
Louis pour sa vicomte, à la mort de son frère Aimery.
Si, comme nous le croyons, le seigneur qui confirme la dona-
tion est bien Aimery VIII, fils de Guy 1" et d'Aaliz de Mauléon,
et époux de Marie de Lusignan, il n'était pas le neveu, mais
le petit-neveu de Hugues. Celui-ci eut un neveu du nom d'Aimery,
époux de Béatrix de Machecoul et seigneur de Machecoul et de la
lioche-sur-Yon, mais nous ne le voyons à aucune époque porter
le titre de vicomte de Thouars.
Donation a l'abbaye de l'IsIc-Dieu par Etienne Cagalon et
SA femme, avec approbation et augmentation par Hilaire
Cacalon, prêtre, leur fils (1231).
Universis Christi fidelibus pre-
sens scriptum inspecturis, Hila-
rius Cacalo, humilis presbiter, sa-
lutem in Domino. Noverit uni-
versitas vestra quod omnia tene-
menta que Stepbanus Cacalo ,
quondam pater meus, et Dex Laus-
saut, quondam mater mea, uxor
ejus, adquisicionis titulo parta,
possedebant, hec videlicet, vineam
que vocatur Chevillere, et bossel-
latam' deNoha, et bossellatam dau
Maicpas, et bossellatam de Pirau-
A tous les fidèles chrétiens qui
liront le présent écrit, Hilaire Ca-
calon, humble prêtre, salut en
Notre-Seigneur. Sachez tous, que
je reconnais que tous les tène-
ments que feu mon père, Etienne
Cacalon , et feue ma mère, Dex Laus-
saut, son épouse, possédaientàtitre
d'acquêt, soit la vigne, appelée
ChevillèreAdi, boisselée de la Nouhe,
la boisselée de Maupas, la bois-
selée de Piraudière, les Plantes^
la vigne appelée le Jomeau, au Bot,
deria, et Planctas", et vineam que la vigne de i'Espau , la terre de
* Boisselée, mesure agraire de 11 ares 50. Elle est un peu plus étendue à
Barbàtre et dans les mauvaises terres, et donne, suivant la nature du sol,
un boisseau, soit 80 litres, de revenu annuel, de froment, de seigle ou d'orge,
au propriétaire, les impôts étant à la charge de celui-ci. Il reste à l'amodiateur
ou colon, environ deux autres boisseaux pour son travail et la semence.
* Plancte ou Plantx, ici nom propre ; il signifiait un lieu planté ou ayant
été planté de vignes ou d'arbres fruitiers, actuellement plaiitis; en vieux
français, planteis.
250
CHARTES DE NOIRE-DAME-LA-BLANCIIE
vocatur le Jomeau, au Bout et vi-
neam de Lespau, et terram de Les-
2KIU, et domumque est juxta her-
beriagium' del'uncti Guillelmi Ai-
raut, et totum berbei'iagium quod
est juxta murum, et vineam de
FoilecCor, prout matrem meam su-
pradictam, pro salute anime sue et
patrisjneisupradictijDèoetabbatie
de Insula Dei ea legasse recolo, et
me conflteor concessisseeidem alj-
batie post mortem meam, immé-
diate . absque diminucione vel
alienacione aliqua, incommutabi-
liter iterum concedo imperpetuum
possidenda. Xecnon et quinque
solidos census supervineam meam
de Lerbaudere, et quinque solidos
census super vineam dau Noer, et
quinque solidos census super vi-
neam de \du Piraudere et super tre-
decim sulcos RaginaldiAuboyn, et
très solidos census super vineam
Mocet, supradicte abbatie sicut
matri mee placuit et inde me petiit,
post mortem meam annuatim as-
signo imperpetuum persolvendos.
Ut autem hoc flrmum et stabile
imperpetuum perseveret, J.Boaut,
tune temporis decani Asianensis,
et Pétri Burelli» tune temporis per-
sone» ecclesie de Hero Insula, si-
gillis présentera feci paginam ro-
borari, in testimonium veritatis.
Actum anno gracie m ce xxx i.
Lespau, la maison qui touche à
l'hébergementde défunt Guillaume
Airaud, tout l'hébergement qui est
près du mur et la vigne de Foile
d'u)\ ont été données par ma sus-
dite mère, à Dieu et à l'abbaye de
risle Dieu, pour le salut de mon
àme et celui de mes père et mère,
et que je confesse avoir concédé le
tout à cette abbaye, devant lui être
délivré immédiatement après ma
mort, sans aucune diminution ou
aliénation. Toutes ces choses, je
les lui donne de nouveau , d'une
manière absolue, pour être possé-
dées à perpétuité. J'assignede plus,
comme ma mère l'a désiré et me l'a
demandé, à la susdite abbaye, cinq
sous de rente sur ma vigne de
ÏErbaicdère, cinq sous de rente
sur la vigne du Noyer, cinq sous
de rente sur la vigne de la Pirau-
dère et sur les treize sillons de
Reginald Auboyn, et trois sous de
rente sur la vigne Mocet, devant
être payés chaque année après
ma mort.
Et afin que cela soit fermement
établi à tout jamais, j'ai fait appo-
ser àJ. Boaut, actuellement doyen
d'Aizenay, et à Pierre Bureau, curé
de l'ile d'Héro, leurs sceaux sur la
présente page en témoignage de la
vérité .
L'an de grâce 1:^31.
* IIeri!Euia(jii;m, héhergement, du Cange dit : sive diversorium (hôtcdlerie.)
Ce mot dans nos chartes est synonyme de loyis et signifie une habitation
d'une certaine importance.
* Burellus pour Bureau.
* Persona; la traduction exacte fuivuii 'personnage. On désigne parce mot
un ecclésiastique ayant droit au chu;ur et au chapitre, 11 se donne au prin-
cipal prêtre d'une église ou d'une chapelle et spécialement au curé.
A NOIRMOUTIER
257
Les sceaux manquent, comme dans la plupart des autres
chartes.
Le doyenne d'Aizenay s'étendait de Bois-de-Cené à St-Gilles,et
Noirmoutier en dépendait. Nous verrons dans les pièces sui-
vantes les doyens d'Aizenay aj^ir comme notaires ecclésias-
tiques , pour affirmer les donations faites par des femmes.
Leurs pouvoirs étaient très étendus, propter pauperes qui iwii
possunt ire Pictavis.
Les tènements de Maupas et des Plantes, dans le quartier
de l'Herbaudière, ont conservé leurs noms ; il en est de même
de la Noiihe. La Piraiidière, située près de la Blanche et non
loin de la Porte- Piraud, est devenue les Plnaudières ; les
Chevillières , les Clieriillières. Erbaudère est encore la pro-
nonciation locale de l'Herbaudière. L'Epau se trouve au N. 0.
de la ville, non loin de la Frelette, qui est peut-être la Foilc d'or,
à moins qu'où y doive voir la Follette, ou Feuillette, située à
l'Epine, en face de Monplaisir.
Le village du Bot ou du Bout, ainsi nommé parce qu'il forme le
bout de l'île du côté du sud, recule d'année en année devant
l'envahissement de la mer et des sables.
Bulle de Grégoire ly mettant l'abbaye de l'Isle-Dieu sous
LA PROTECTION DU SALNT SiÈGE ET CONFIRMANT TOUS LES
BIENS QUI LUI ONT ÉTÉ DONNÉS OU POURRONT LUI ETRE
DONNÉS A l'avenir (1235)*.
Gregorius Episcopus.servus ser- Grégoire, évêque, serviteur des
vorum Dei, dilectis flliis abbati serviteurs de Dieu, à nos chers fils
de Insula Dei, ejusque fratribus l'abbé de l'IsIe-Dieu et ses frères
* N'ayant pas eu sous les yeux l'original nous donnons le texte d'après dom
Fonteneau (t. i, p. oâ3), après avoir fait collationner sur le manuscrit de la
bibliothèque de Poitiers, la copie provenant de la collection d'Impost. Le
texte contient certainement des erreurs de transcription. Nous nous sommes
bornés a rectifier les mots Piblers, Emerbaudi et Maumoliaria, et à les
remplacer par Piliers Errebaudi, et MaiitioUaru.
258
CHARTES DE NOTRE-DAME-LA BLA.NCilt:
uim presentibus quam futuris re-
gulurem vitam professis in per-
petuum, suluteui et Apostolicam
bened"ctiitnem.
Religiosam vitain eligentibus
Apostolicum convenit adesse pre-
sidium, ne forte cujuslibet teme-
rijatis incursus, aut eos a propo-
sito revocet, autrobur(quodabsit!)
sacre reliyionis infringat.
Ea propter, dilecti in Domino
filii, vestris justis postulationibus
ciementer annuimus et monaste-
riuni sancte genitricis et virginis
Marie de Insula Dei, in que divino
mancipati estis obsequio , sub
beati Pétri et nostra protectione
suscepimus et presentis scripti
privilégie communimus.
Imprimis siquidem statuentes,ut
ordo monasticus, qui secundum
Deum et beati Benedicti regulam
atque institutionem Cistercien-
sium fratrum, à vobis, anteconci-
lium générale susceptum, in eo-
dem loco institutus esse dinosci-
tur, perpetuis ibidem temporibus,
inviolabiliter observetur.
tant présents que futurs qui ont
fait ou feront profession de la vie
régulière à perpétuité, salut et
bénédiction apostolique.
Il convient que la puissance
Apostolique vienne en aide à ceux
qui embrassent la vie religieuse,
de peur qu'une entreprise témé-
raire ne les détourne de leur
vocation, ou (ce qu'à Dieu ne
plaise !) n'affaiblisse la vigueur de
la sainte observance.
C'est pourquoi, chers fils dans
le Seigneur, accédant volontiers
à vos justes demandes, nous pre-
nons sous la protection de saint
Pierre et la nôtre, le monastère
de l'Isle-Dieu, érigé sous le
vocable de la sainte Mère et
Vierge Marie, dans lequel vous
avez été consacrés au service
divin, et le confirmons par les
privilèges énoncés dans les pré-
sentes lettres.
Tout d'abord nous ordonnons
que la discipline monastique, qui
selon Dieu, la règle de saint Benoit
et les constitutions des pères de
Citeaux est reconnue comme a-
yant été adoptée par vous dans
ce lieu, avant le concile général,
y soit à perpétuité, inviolablement
observée, aux temps à venir.
Preterea quascumque posses-
siones, quecumque bona, idem mo-
nasterium impresentiarum juste
ac canonice possidet, aut in futu-
rum, concessione Pontificum , !ar-
gitione Regum vel Principum,
oblatione fidelium, seu aliis justis
modis, prestante Domino, poterit
En outre nous ordonnons que
les possessions et biens de toutes
sortes que le monastère possède
actuellement, justement et cano-
niqueraent, et ceux qu'à l'avenir
il pourra tenir, des concessions
des Pontifes , des largesses des
Rois et des Princes et de la gêné-
f f^a»tf *^**»^^^»t
LA PORTE AUX I.loNS DE L AlîliAYE UE EA lîLAN'^IIE ,
A Ndll'.MOUÏIEl'..
O'-xt des Paysoijcs cl Monuments Ou PoUou).
A NOIRMOUTIER
259
adipisci. Arma voijis, vestrisque
successoribus et illibaU periiia-
neanta; in quibus liée propriis
duximus exprimenda vocabulis :
Locum ;pjum in quo prefatum
monasterium situm est, cum
omnibus pertinentiis suis ; — Gran-
giam de Barbas tria cum omnibus
pertinentiis suis ; — Grangiam de
Oro/«ï;,superBcssam, cum omnibus
pertinentiis suis; — quidquiil
habetis in nemorejuxta basilicam
béate Marie Magdalene, cum tota
ripa maris et aliis pertinentiis
suis ; — piscariam et quidquid
habetis in insula, que Piliers vul-
gariter appeliatur, cum possessio-
nibus que dicuntur Claudicium
Errebaudi, cum decirais et aliis
pertinentiis suis ; — totum usagium
quod habetis in foresta Ganaspie
ad usum furni vestri ; — quidquid
habetis in castre de Hero insula ; —
viginti modios puri vini, tempore
vindemiarum, quos habetis in Oys
et CGC solidosusualesannuatimin
terris de foresta olim Fetri Gas-
napie ; — molendinum in Insula de
Hero; — jus et possessiones in
Belveario; — que habetis ex con-
cessione nobilis mulieris Agne-
tis, in Hero insula ; — quidquid
habetis ex concessione nobilis
mulieris Thoraude, in Heroinsula,
scilicet in Mazura et in Campo pe-
troso; — iuinuum redditum cen-
sualem XXXX solidorum usua-
lis monete in burgesiam Beren-
garii militis ; — X solides usualis
monete super burgesiam Pagani
Oculi-Lupi; — X solidos usualis
Tome m. — Juillet, Août,
rosité des fidèles , ou acquérir ,
par la grâce de Dieu, de toute autre
manière légitime , vous soient
conservés, à vous et à vos suc-
cesseurs, en ferme et tranquille
propriété. Au nombre de ces biens
nous avons jugé à propos de men-
tionner les suivants en termes ex-
près : le lieu même où est situé le
monastèi^e avec tout ce qui en dé-
pend ; — la ferme de Barbàlre avec
toutes ses dépendances;— la ferme
d'Orowe^, sur la Besse, avec toutes
ses dépendances, — tout ce que
vous avez dans le bois proche la
basilique de Sainte-Marie-Made-
leine avec tout le rivage de la mer
et autres dépendances ; — la
pèche et tout ce qui vous appar-
tient dans l'île, du Pilier, ainsi
que le terrain dit le clos ù!Er-
rebaud, avec les dimes et ce qui
en dépend ; — tout l'usage que
vous avez dans la foret de la Gar-
nache pour le chauffage de votre
four; — tout ce qui \ous appar-
tient dans le château de l'ile
d'Héro ; — vingt muids devin pur
â percevoir, au temps des ven-
danges, dans l'ile d'Oys, et trois
cents sous à prendre annuelle-
mentsur l'ancienne forêt de Pierre
de la Garnache ; — le moulin de
l'ile d'IIéro ; — vos droits et pos-
sessions en Beauvoir; — ce que
vous avez reçu en donation de
noble dame Agnès, dans l'ile d'Héro;
— tout ce que vous possédez par la
concession de noble dame Thoraude
dans l'ile d'Héro, en Mazïire et
Cliainpoiroux ; — une rente an-
SEi'TEMBRE 1890 17
260
CHARTES DE NOTRE-DAME-LA-BLANCHE
monete super burgesiam Morandi
molendinarii et XXX solides u-
sualis monete super burgesiam
Pétri Gaut et Hayrois uxoris sue ;
— annuum redditum XX sextario-
rum frumenti in frumentario Au-
ree vallis ad mensuram ejusdem
ville; — possessiones quas habetis
in Bugnio ;— decimam et quidquid
habetis in retracta et passa et in
retracta Dai^n; —quidquid habetis
in terra ad montem Trespassant ;
— medietatemCtewt^icù' Berenga-
rii ; — XXX solidos usualis monete
super salinas in maresio quod di-
citur Raolere; — jus quod habe-
tis in rivagio navium ad portum
Belvearii ; — XX solidos usualis
monete super quindena Gasnapie;
— decimam molendini de Rie,quod
vocatur Taveau; — quidquid juris
habetis in maresio deMauviolaria,
— XXXX areas salinarum de For-
teria; — terras et possessiones
de la^awo^ere;— quarterium vinee,
juxta vivarium de capite nemoris
abbacie vestre, et quidquid juris
habetis ibidem ; — domos in Bel-
veario et in Burgo novo ; — plan-
tam de Maupas, et XXX quinque
solidos censualis monete in terra
de la Baralère ; — XX areas salina
rum in Bugnio; — annuum reddi-
tum VI librarum usualis monete
super maresio de Laubertère ; —
annuum redditum LX solidorum
usualis monete \\\ Bugnio, super
maresio do /'atme^Mre. — LXX soli-
dos usualis monete in maresio de
Bugnio ; — CG areas salinarum
prope molendinum Gélose ; — Ma-
nuelle de quarante sous de mon-
naie courante sur la burgesie du
chevalier Bérenger ; — dix sous de
monnaie courante sur la burgesie
de Payen Œil-de-Loup ; — dix sous
de monnaie courante sur la bur-
gesie de Morand le meunier, et
trente sous de monnaie courante
sur la burgesie de Pierre Gaut et
d'Hayrois son épouse ; — une re-
devance annuelle de vingt sextiers
de froment sur le fromentage d'Air-
vault (mesure de cette ville) ; —
toutes les possessions qui vous
appartiennent à Bouin ; — la dîme
et tout ce que à quoi vous avez
droit sur les retraites et les passes
et en particulier sur les retraites
de Loin ; — tout le terrain que
vous possédez aux pieds du mont
Trépassant ; — la moitié du clos
Bérenger ; — trente sous de mon-
naie courante sur les salines du
marais dit Raolêre ; — les droits
d'amarre sur les navires qui
abordent au port de Beauvoir ; —
vingt sous de monnaie courante
sur la quintaine de la Garnache ;
— la dîme du moulin de Rié, ap-
pelé le moulin Taveau ; — tous
les droits que vous avez sur le
marais de Maicvioltière et qua-
rante aires de salines en Portière ;
— les terres et possessions de la
Bassolière ; — le droit de quart sur
les vignes situées, près du vivier,
en tête du bois de votre abbaye, et
tout ce que vous avez de droit en
ce lieu ; — des maisons à Beauvoir
et à Bourgneuf; — le plantis de
Maupas ; — trente-cinq sous dé
A -NOIRMOUTIER
261
resium noviaii propè montent qui
dicitur Angeler* ; — LXXX areas
salinariini novas,qiias, olim.vobis,
Maurieius Volier cicricus contulit,
intuitu pietatis : — cum pratis,
vineis, terris, nemoribus, usuagiis
et pascuis in bosco et piano, in
aquis et molendinis , in viis et
semitis et omnibus aliis libertati-
bus et immunitatibus suis.
Sive laborum vestrorum depos-
sessionibus, quehabetis,ante conci-
lium memoratnm, ac etiam nova-
lium, que propriis manibus aut
sumptibus colitis (de quibus nova-
libus aliquis hactenus non perce-
pit) ; sive de hortis, virgultis et pis-
cationibus vestris, de nutrimentis
animalium vestrum,nullus a vobis
décimas exigere et extorquere
présumât.
monnaie courante sur la terre de
laDaralère; — quatre-vingts aires
de salines à Bouin ; — une rente
annuelle de six livres de monnaie
courante sur le marais de Lauber-
tlère ; — une rente annuelle de
soixante sous de monnaie cou-
rante sur le marais àQPaimesure,
à Bouin ; — soixante-dix sous de
monnaie courante sur le marais
de Bouin ; — deux cents aires de
salines près le moulin Gélose ; —
le Marais-neuf près du mont
Angeler ; — quatre-vingts aires
de salines nouvelles, que vous a
autrefois données, par esprit de
piété, le clerc Maurice Voher ; —
avec les prés, vignes, terres, bois,
usages et pacages dans le bocage
et dans la plaine, droits sur les
rivières, moulins, routes, sentiers,
et toutes les libertés et immunités
qu'ils comportent.
Que nul ne prétende exiger de
vous ou vous extorquer les
dimes, soit des récoltes prove-
nant de biens possédés par vous
avant le concile ci-dessus men-
tionné, soit des novales^ cultivées
de vos mains ou à vos frais (no-
vales sur lesquelles jusqu'à présent
personne n'a rien perçu) ; soit de
vos jardins, plantations, pèches et
(le la nourriture de vos bestiaux.
* Plusieurs noms de lieux ne se retrouvent pas, ayant été sans doute mal trans-
cris. Mons est employé pour dune. Le mons Trépassant a donné par corrup-
tion, Tressant, puis Tresson'; le mons Angeles est inconnu. Ma:iuve est
devenu Marais Zureau, en passant par il/a-ureuM.
* NovALES, terres nouvellement défrichées.
262
CHARTES DE NUTRE-DAMK-LA-ULAXCHE
Liceat quoque vobis clericos
vel laicos liberos et absolûtes, e
seculo fugiontes, ad conversionem
recipere , et eos absque contra-
dictione aliqua retinere.
Prohibemus insuper ut nuUi
fratrum vestrorum, post factam in
monasterio vestro professionem,
fas sit, sine abbatis sui licencia, de
eodem loco discedere ; discedentem
vero absque communium littera-
rum vestrarum cautione, nullus
audeat retinere. Quod si quis reti-
nere forte presumpserit, licitum
sit vobis, in ipsos, monachos vel
conversos, re^^ularem sententiam
promulgare.
lilud districtius inhibentes ne
terras, seu quodiibet beneflcium
monasterio vestro collatum, liceat
alicui personnaliter dari , sive
aliomodo alienari absque consentu
totius capituli vel maioris aut sa-
nioris partis ipsius, si que vero
donaciones vel alienaciones aliter
quam dictum est facta fueriiit, eas
irritas esse censemus.
Adhec etiam prohibemus ne ali-
quismonachus,siveconversus,sub
professione vestre domus adstric-
tus, sine consensu et licencia ab-
batis et maioris partis vestri ca-
pituli, pro aliquo fidejubeat, vel
ab aliquo pecuniam mutuo acci-
piat, ultrasummam capituli vestri
providentia constitutam, nisiprop-
ter manilestam vestre domus uti-
Qu'il vous soit permis de rece-
voir comme convers les clercs
ou laïcs, absous et libres de tout
engagement, qui fuient le siècle,
et de les garder sans que personne
puisse s'y opposer.
En outre, nous défendons à tout
frère après sa profession dans le
monastère, de le quitter sans la
permission de son abbé, mais s'il
en sort sans avoir en garantie vos
lettres testimoniales, que nul n'ose
lui donner asile. Dans le cas où
quelqu'un aurait la témérité de le
faire, nous vous permettons de
promulguer une sentence régu-
lière, môme contre des moines
ou des convers.
Nous vous défendons stricte-
ment de donner des terres ou
tout autre bénéfice appartenant
à votre monastère, à quelqu'un
en particulier, ou de les aliéner
de quelque manière que ce soit,
sans le consentement de tout
le chapitre, ou de sa majeure
ou plus saine partie ; si quelques
donations ou aliénations étaient
faites autrement qu'il vient
d'être dit , nous les déclarons
nulles.
Nous défendons de même à tout
moine ou convers, attaché à votre
maison par sa profession de se
porter caution sans le consen-
tement et la permission de l'abbé
et de la majeure partie de votre
chapitre, ou encore d'emprun-
ter au-delà de la somme fixée
dans les délibérations capitulaires,
si ce n'est pour l'utilité manifeste
A NOIRMOUTIKR
268
litatom. Quod si facere forte pre-
sumsorit, non tenoatur conventus
pro his aliquatenns respondere.
Licitura pretorca sit vobis in
causis propriis, sive civilem, sive
criminalem contineant questio-
nem, fratrura vestrorum testimo-
niis uti, no, pro defeotu testium,
jus vestrum in aliquo valeat
deperire.
Insuper auctoritate Apostolica
inhibemus , ne ullus episcopus,
vel alia quolibet persona, ad sino-
dos vel conventus forenses vos
ire, vel judicio seculari de vestra
propria substantia, vel possessio-
nibus vestris, subjacere compellat;
nec ad domos vestras causa or-
dinis celebrandi, causas tractandi,
vel conventus aliquos publicos
convocandi, venire présumât, nec
reg'ularem abbatis vestri electio-
nem impediat, aut de instituendo
vel reraovendo eo, qui protempore
fuerit, contra statuta Cistercien-
sis ordinis, se aliquatenus intro-
mittat.
Si vero Episcopus, in cu.jus paro-
chia domus vestra fundata est,
cum humilitate ac devotione qua
convenit requisitus, substitutum
abbatem benedicere et alia que
ad officium episcopale pertinent,
vobis conferre renuerit, licitum
sit eidem abbati, si tamen sacerdos
fuerit, proprios novicios benedi-
cere aliaque que ad officium suura
pertinent, exercere, et vobis omnia
ab alio episcopo percipere, que a
de votre maison. S'il avait l'impru-
dence d'agir autrement, la com-
munauté ne serait en aucune fa-
çon tenue d'en répondre.
Nous vous autorisons en outre
dans vos procès, soit en matière
civile, soit en criminelle, de pro-
duire en Justice le témoignage de
vos frères, de peur que par défaut
de témoins votre droit ne vienne
à dépérir.
De plus, de par notre autorité
Apostolique, nous défendons atout
évêque ou tout autre personnage
de vous forcer à vous rendre à
des synodes ou des réunions ju-
diciaires, à vous soumettre au
juge séculier dans les causes qui
concernent vos biens ou vos pos-
sessions, et encore de pénétrer
dans vos maisons pour con-
férer les ordres, juger des pro-
cès, ou pour y tenir des réunions
publiques ; d'empêcher l'élec-
tion régulière de votre ab-
bé, ou de s'ingérer d'une façon
quelconque contre les règles de
Citeaux, dans son instition ou
sa révocation.
Que si révoque dans le diocèse
duquel a été fondée votre maison,
requis avec respect et humilité,
comme il convient, se refuse à
bénir l'abbé nouvellement élu et à
remplir les autres offices qui re-
lèvent de la charge episcopale, nous
autorisons ledit abbé, pourvu qu'il
soit prêtre, à bénir ses propres
novices et à exercer les autres
(onctions de sa charge, et nous
vous permettons à vous-mêmes
264
CHARTES DE NOTRE-DAME-LA-RLANCIIE
vesti'o fiierint indebite denegata,
illud adjicientes, ut in rooipieiidis
professionibus que a bonedictis
vel bencdicendis abbatibus exhi-
bentur ; ea sint episcopi forma et
expressione contenti, que ab ori-
gine ordinis noscitur instituta,
ut scilicet abbates ipsi, salvo or-
dine suo, opiscopo profiter! de-
beant, et contra statuta ordinis
sui nullam professionnem facefe
compollantur.
Pro consecrationibus vero alta-
riuni vel eeclesiarum, sivo pro
oleo sancto, vel quolibet cclesias-
tico sacramento, nuUus à vobis sub
obtentu consuetudinis vel alio mo-
do quicquam audeat extorquere;
sed hec omnià gratis vobis epis-
copus diocesanus impendat. Alio-
quin liceat vobis quemcumquo
malueritis catholicum adiré antis-
titem gratiara et communionem
Apostolice sedis habentem, qui
nostra fretus auctoritate, vobis
quod postulatur impendat. Quodsi
sedes diocesani episcopi forte
vacaverit, intérim omnia eccle-
siastica sacramenta àvicinis epis-
copis accipere libère et absque
contradictione possitis, sic tamon
ut ex hoc in posterum proprio
episcopo nullum prejudicium
generetur.
Quia vero interdum proprii
episcopi copiam non liabetis, si
quem episcopuni i^omane sedis,
de recevoir d'un autre évoque
tout ce que le vôtre vous aura
injustement refusé, ajoutant que,
dans la prestation des serments
qui sont prononcés par les abbés
bénits ou à bénir , les évêques
doivent se contenter des formules
et expressions reconnues comme
instituées dès l'origine de l'ordre,
en sorte que les abbés fassent pro-
fession selon les règles de leur
ordre et ne soient forcés d'émettre
aucune profession contraire à
leurs statuts.
Pour la consécration des autels
ou des églises, pour les saintes
huiles, et pour l'administration
des sacrements, que personne
sous prétexte de coutume ou à
quelque autre titre n'ose rien
exiger de vous, mais que l'évéque
diocésain vous accorde tout cela
gratuitement. Dans le cas con-
traire, nous vous autorisons à vous
adresser à tout évêque catholique
de votre choix, en grâce et com-
munion avec le siège Apostolique,
qui muni de notre autorité vous
accordera ce que vous lui deman-
derez. Durant la vàcance du siège
diocésain, vous pourrez dans l'in-
térim recourir pour tous les sacre-
ments aux évêques voisins libre-
ment et sans qu'on puisse s'y
opposer, sans toutefois qu'il en
résulte pour l'avenir aucun préju-
dice pour des droits de l'évoque
diocésain.
Comme il arrive parfois que
vous n'ayez point à votre dis-
position" votre propre évêque,
A XOIIVMOUTIER
265
ut diximus, gratiam et communio-
nem habentem et de quo plenam
notitiam habcatis, pcr vos tran-
sira contigerit, abeobenedictiones
vasorum, vestium et consecratio-
nes altarium et ordinationes mo-
nachorum, auctoritate Apostolice
sedis recipere valeatis.
Porro si episcopi vel alii eccle-
siarum rectores in monasterium
vestrum, vel personas inibi cons-
titutas, suspensionis, excommu-
nicationis vel interdicti sententias
promulgaverint , sive etiam m
mercenarios vestros, pro eo quod
décimas, sicut dictum est, non
persolveritis, sive aliqua occasione
eorum, que ab Apostolica benigni-
tate vobis indulta sunt, sive be-
nefactores vestros pro eo quod
aliqua bénéficia vel obsequia ex
charitate prestiterint, vel ad labo-
randumadjuverint, inillis diebus
in quibus vos laboratis et alii fe-
riantur, eamdem sententiam pro-
tulerint, ipsam tanquam contra
Sedis Apostolice indulta prolatam,
decernimus irritandam née littere
ille firmitatem habeant, quas tacito
nomine Cisterciensis ordinis, et
contra indulta Apostolicorum pri-
vilegiorum constiterit impetrari»
Preterea cura commune inter-
dictum terre fuerit, liceat vobis
nihilominus in vestro monasterio,
exclusis excomraunicatis et inter-
dictis, divina officia celebrare.
si dans ce cas quelque autre évoque,
en grâce et communion avec le
siège de Rome comme il a été dit et
parfaitement connu de vous, vient
à passer par vos domaines, nous
vous autorisons, de par notre auto-
Apostolique, à le choisir pour bé-
nir les vases sacrés et les vête-
ments, consacrer les autels et or-
donner les moines.
Si des évêques, ou autres rec-
teurs des diocèses, promulguent
contrev otre monastère, quelques-
uns un de ses membres ou même
contre vos serviteurs, des sentences
de suspense, d'excommunication,
ou d'interdit, soit parce que les
dîmes, selon qu'il a été arrêté,
n'ont point été payées par vous,
soit à raison des privilèges qui
vous ont été concédés par la bien-
veillance Apostolique, ou encore
contre vos bienfaiteurs parce qu'ils
vous ont procuré quelque bien, ou
rendu par charité quelque service,
ou vous ont aidé dans vos travaux
les jours qui sont ouvriers pour
vous et fériés pour les autres,
nous déclarons ces sentences nulles
comme contraires aux induits
du Siège Apostolique, et sans
valeur les lettres obtenues su-
brepticement en taisant le nom de
l'ordre de Citeaux et contraires aux
privilèges accordés par les mêmes
induits.
En outre si un interdit général
était étendu à tout le pays, nous
vous permettons néanmoins de cé-
lébrer les offices divins dans votre
monastère, après 6n avoir exclu
les excommuniés et les interdits.
2m
CHARTES DK NOTRE-DAME-LA-BLANCHE
Paci quoque et tranquillitati ves-
trfi, paterna in posteruiu sollici-
tudine providere volentes, uueto-
ritate Apostolica prohibemus, ne,
in(ra clausuras locorum seu .cran-
giarum vestrarum,nullus rapinam
seu 1 urtum facere,ignem apponere,
sanguinem fundere, hominem te-
nore, capere vel interfu-ere, seu,
violentiam audeat exercera.
Preterea omnes libertates et im-
munitates a predecessoribus nos-
tris Romanis Pontiflcibus ordini
vestro concessas,necnon libertates
et exemptiones secularium exactio-
niim à Regibus et Principibiis vel
aliis fidelibus vobis rationabiliter
indiiltas, auctoritate Apostolica
confirmamus, et presentis scripti
privilcgio communimus. Decorni-
mus ergo ut nulli omnino liomi-
nura liceat prefatum monaste-
riumtemere perturbare, aut pos-
sessiones au ferre, vel ablatas re-
tinore, minuere, seu quibuslibet
vexationibus fatigare. Sed omnia
intégra conserventur, eorum pro
quorum gubernatione ac susten-
tatione concessa sunt, usibus om-
nimodis profectura.
Salva Sedis Apostolice autori-
tate et, in predictis decimis, mode-
ratione Concilii generalis, si qua
igitur, etc.
Datum Perusii per manum ma-
gistri Guillelmi , sancte Romane
Ecclesie vicecancellarii, sexto idus
Augusti, indictione octava, Incar-
nacinnis Dorainice, anno MCCXXX
Voulant aussi dans notre solli-
citude paternelle assurer votre
paix et tranquillité, de par notre
autorité Apostolique, nous défen-
dons dans votre clôture et vos
fermes de commettre quelque vol
ou rapine, de mettre le feu, de
répandre le sang, de saisir, arrêter
et tuer, soit d'exercer quelque
violence.
En outre nous confirmons par
notre autorité Apostolique et cor-
roborons par le privilège du pré-
sent écrit toutes les libertés et
immunités concédées à votre ordre
par nos prédécesseurs les Pontifes
Romains ainsi que toutes les li-
bertés et exemptions de chnrges
séculières qui vous ont été raison-
nablement accordées par les rois,
les princes et autres fidèles. Ainsi
donc, nous défendons à qui que ce
soit de troubler témérairement
votre monastère, de lui enlever ses
possessions ou de les détenir une
fois enlevées, de les amoindrir ou
de les endommager en quelque
manière. Que tous ces biens soient
conservés intégralement et soient
employés à l'usage de ceux qui
en ont reçu la concession pour leur
entretien et subsistance.
Sauf l'autorité du Siège Apos-
tolique et décrets du Concile gé-
néral au sujet des dîmes susdites.
Si donc etc.
Donné à Pérouse par le minis-
tère de Maitre Guillaume, vice-
chancelier de la sainte Eglise Ro-
maine, le six des ides d'août; in-
duction 8», année de l'Incarnation
"^ry^
GillîMINHIî l)i: I. AIîliATIAI.t: !)!•: LA MLANCIIE,
A NOIli.MOlIÏIKR.
(!v\f. lies l'aii!<(i(]':.'i ri yfonninenls du l'oilou]
A NOIRMOUTIER
267
quinto, pontificatus vero domini de N. S. 1235, du Pontificat du
Gregorii pape noni. annonono. seigneur le Pape Grégoire VllII,
la neuvième.
Six cardinaux, dit dom Fonleneaii, ont souscrit la bulle à la-
quelle est attaché un sceau de plomb, pendant à un lac de soie
rougeet jaune. D'un côté du sceau se voient les têtes des apôtres
saint Pierre et saint Paul, de l'autre, les mois ; Grpgorius VlIIl
P. P. et la devise : Sigmnnin bonum fac meciim, Domine.
Le concile général, dont il est parlé, avait été convoqué à
Rome ; il ne put avoir lieu par suite de l'opposition de Fré-
déric II, qui défendit aux évoques italiens et allemands de s'y
rendre et fit arrêter les prélats français*. L'empereur ne perdit
rien pour attendre et le concile s'étant réuni à Lyon en 1245,
il y fut excommunié.
Le pape peu sûr à cette époque des évoques, que leurs biens
temporels et leur genre d'élection livraient à la merci du pouvoir
civil, voulut créer à l'Église des auxiliaires dévoués en favorisant
le développement des nouveaux ordres monastiques. De là les
nombreux et importants privilèges qu'il leur accorda.
Le droit d'asile valut à l'abbaye, dans la suite des siècles, la
confiscation temporaire d'une partie de ses biens par Olivier de
Glisson, à la poursuite de son meurtrier, Pierre de Graon.
L'exemption des dîmes arrêta l'interdit lancé, vers 1520, par
Ladislas du Pau, évêque de Luçon, contre i'abbé Bacconais, qui
refusait de les payer.
En 1759, un autre évêque de Luçon, Gauthier d'Ancysc, se
» La détention des prélats français ne fut pas le longue durée. L^ plus
grand homme d'Etat pt le plus juste qui aitgouverné la France.LouislX, écrivit fi
l'Empereur allemand : « Nous regardons la détention de nos prélats comme une
injure et la Majesté royale perdrait sa considération, si nous pouvions nous taire
dans un cas semblable. ..Que votre Puissance impériale pourvoie àcette occurence ;
qu'elle pèse dans son jugement ce que nous venons de dire, et qu'elle ne se
borne pas îi alléguer sa volonté ou la force dont elle dispose, car le royaume
de France n'est pas si affaibli qu'il se soumettra à être déchiré par ses éperons. »
Devant cette lettre de saint Louis, l'Empereur comprit qu'il n'avait qu'à
s'exécuter et le fit immédiatement.
26<S CHARTES DE NOTRE-DAME-LA-BLANCHE
voyant fermer la porte du monastère placé, par la bulle en
deiiors de sa juridiction, ne putrcformer les g-raves abus qu'il
savait s'être introduits parmi les moines, qu'en menaçant
des tiers d'excommunication*.
Ce qui était autrefois une force pour les religieux devint
pour eux une cause de faiblesse, quand ils s'éloignèrent de
leur règle primitive et surtout lorsque l'abbaye tomba en com-
mande. Les évoques de Luçon et de Nantes peu favorables à
la Blanche, détournèrent leurs diocésains d'y entrer. Les prieurs
se virent dans l'obligation de recruter leur personnel un peu
partout et les choix laissèrent souvent à désirer.
Il n'en était pas ainsi au XIIP siècle.
Par une nouvelle bulle, Grégoire IX défendit aux évoques de
se servir des Cisterciens pour prononcer des lettres d'excom-
munication ou d'interdit , les mettant ainsi en dehors des
luttes d'une époque, où les armes spirituelles étaient fréquem-
ment employées.
D"" Viaud-Grand-Marais.
(A suivre.)
' Notre-Dame de la Blanche, p. 11, 10 et 24.
UNE POIGNEE DE DOCUMENTS
SUR
L'ABBAYE DE LA GRAINETIERE
L'histoire de l'abbaye de la Grainetière est à écrire :
plusieurs notices ont été consacrées à ce célèbre mo-
nastère du Bas-Poitou, mais toutes restent incomplètes
ou entachées d'erreurs; la date de la fondation, notamment,
n'a point été fixée d'une façon certaine.
Aux chroniqueurs futurs, qui auraient le goût et les loisirs
nécessaires à une étude de ce genre, je dois indiquer une
source de documents d'un intérêt réel, que le hasard vient de
mettre au jour : vieux parchemins qui dormaient depuis la
Révolution sous une vénérable couche de poussière et que
M. Maymaud, des Herbiers, a découverts, classés, et nous a
communiqués aimablement pour les lecteurs de la très inté-
ressante Revue du Bas-Poitou.
Ces documents sont au nombre de 144 : cinquante sont
écrits en latin et vont de 1100 à 1403 ; quatre-vingt-quatorze
sont écrits en français, le plus ancien date de 1318 et le plus
récent de 1755.
Quelques-unes des pièces citées par Dom Fonteneau font
partie de la collection, mais en très petit nombre.
La pièce de l'an 1100 suffit à rectifier, dans une certaine
270 UNE POIOXÉK DE DOCUMENTS
mesure, les erreurs relatives à la date de In fondation de
l'abbaye.
M. de Montbail faisait remonter cette fondation à 1106, tout
en ajoutant que la donation consentie par Jucaël, seigneur
des Herbiers, constituait une confirmation de dons « faits
par son père et autres de sa famille »
Thibaudeau et plusieurs auteurs ont donné la date de 1130 ;
cette date est également donnée par les textes de Gallia c/iris-
tiana, dont voici un extrait : « Hic locus beato? Marifo sacer
« primam débet originem Gisleberto de Casa, qui hune con-
« cessit Guillelmo de Goncampo, primo abbati Fontis-Dulcis
« circà li 30, secundam Gaufredo, abbati secundo, qui in ipso
t loco ordinis S. Benedicti fundavit abbatiam. »
M. Isidore Massé, l'auteur d'une très fantaisiste Vendée
poétique et pittoresque, a adopté la même date : « Louis Le
c Gros règne depuis deux ans sur la France, et c'est au
« printemps de l'an 1 i 30. Ce Guillaume est abbé de Fontaine-
« Douce (Fons dulcis). Il trouve ce vallon isolé favorable à la
« méditation, le demande à Gilbert de la Chaise, propriétaire
« de ces lieux, l'obtient et bâtit une chapelle qu'il consacre à
tt la Vierg-e. Bienfôt quelques disciples se joignent au saint
« anachorète, et lacharrue, déchirant cette terre vierge encore,
« trace des sillons que bientôt ont couvert des moissons telle-
a ment abondantes, que l'endroit en reçoit le nom de Grana-
« ter'ia, c'est-à-dire, terre des grains. »
La date de 1130 est également affirmée dans le Pou'dlé de
l'évêché de Luçon, par M. Aillery.
Enfin, M. Dugast-Matifeux, dans les Echos du bocage
vendéen (deuxième livraison de l'année 1885), dit, avec une
circonspection que l'on ne saurait trop louer : " L'abbaye de
Notre-Dame de la Grainetière, ordre de Saint-Benoît, située
sur la paroisse d'Ardelay, près des Herbiers, fut fondée
avant l'an 1 1 ')0 »
L'abbaye de la Grainetière existait avant 1100, puisqu'à.
cette époque il lui était fait une donation de 45 sols de rente
SUR l'ahbaye de la grainetière 271
sur lu terre de Marigiié, par Godelroid, lils d'AH'red, pour
le repos derâmed'Ozengarde, autrefois épouse de Guillaume
Juquel.
On peut croire que la Grainetière dut sa fondation, comme
beaucoup de monastères et d'églises, à la terreur qu'inspirait
l'approche de l'an mille... timor fecit, a ditlevieux Lucrèce.
Voici le sommaire des pièces latines dont il est question :
/ 100. — Donation par Godefroid, fils d'Alfred, de 45 sols
de rente, sur la terre de Marigné, pour le repos de l'âme
d'Ozengarde, sa fille, autrefois épouse de Guillaume Juquel.
Cette donation est confirmée par deux autres pièces, l'une
de 1100, l'autre de 1212.
1159. — Donation par Gautier de la Réorlhe et ses fils,
Godefroid, Philippe, Aimery et Maurice, de la terre de la
Galetière : cette donation faite dans l'église de Mouchamp,
au chœur, devant l'autel, le sixième jour des ides de dé-
cembre.
1201. — Donation par Guillaume, seigneur de Mauléon,
pourle repos de son âme et de celle de son épouse, Catherine
fille de Maurice, seigneur de Montaigu, des vignes dites de
Bram, plantées par son vassal Brotteau (Brottellus)^ et de
toutes ses autres vignes dans le même fief.
Deux pièces.
1220. — Donation par David Ameluns de sa terre de la
Lozeverse, au tènement du Monsirom.
1233. — Traité entre Pierre Caillaud (Cailléas;, seigneur de
la Gaillère et de Saint-Médard, au sujet d'une dîme sur la
terre de la Masure, au tènement de laPartenère.
1230. — Donation par Rodolphe Normand^ chapelain, et
Jean Normand, son frère, d'un quartier de seigle, payable
à l'Assomption, sur la terre de la Gautrie.
1241.— Donation par Etienne Tessier,du bourg de Chassay,
sur la terre de la Mothe.
272 UNE POIGNÉE DE DOCUMENTS
1245. — Acte d'affranchissement par Aimery, seigneur
d'Argenton.
1262. — Donation par Antius de Bazoges, homme d'armes,
et Godefroid Chotard, valet, de dix sols sur la Pipardière,
trois sols sur la Limousinière , d'une dîme sur la Gaillon-
nière et sur l'étang de Bois-Bernard.
1272. — Donation par Guillaume Forestier des Herbiers
(de Arberas, aliàs de Herberas), sur l'Oucheronde, le Prégras
et la Ribesihonnière.
1275. Donation par Chaigneau (Ghaonéas) et sa femme de
neuf setiers de seigle.
1280. — Lettre contenant donation des gerbes et terrages
dus en la paroisse de la Gaubretiùre, par Guillaume Estour-
neau (Estornéas), des paroissiens de la Gaubrelière et Pé-
Ironille, fille de Réginald Thébaud.
1289. Donation par Josselin, doyen deMontaigu, de dix sols
de rentes sur la Tartaudière.
1293. — Don fait à l'abbaye de la Grainetière par Aimery
Drochin, seigneur de Saint-Fulgent, de deux setiers de
seigle sur la Gastoulière, paroisse de Saint-Fulgent.
1295. — Arrentement de plusieurs terres pour cinq
boisseaux de seigle par Jean Pillos et sa femme, de
Vendrennes.
1298. — Gonstitution de six livres de rente sur le moulin
de la Bretellière, et sur tous les biens de Jean Le Gros,
valet, et Catherine, sa femme, paroissiens de Bournezeau,
lesdits biens sis à Tiffauges et à Sigournais.
1310. — Donation sur un pré.
1314. — Gonstitution d'une rente sur les Gabardières,
paroisse de Saint-I^hilbert de Pontcharrault.
1319. — Testament de Titius Focher, de Saint-Paul, cons-
tituant cinq livres de rente à l'abbaye de la Grainetière et
SUR L'AUrSÂYE UE LA f.RAlNETIl^RE 273
plusieurs autres dons. — En annotation, on lit cette re-
marque : « qui ne se paient point. »
1320. — Titre de quatre boisseau.x: de seigle, à la Talon-
nière et sur l'essart de la Chaillière, par Jean Ghallaus.
1321. — Donation de dix-huit deniers de rente sur une
maison du Boupôre par Guillaume Bordin et son fils.
1326. — Donation par Guillaume Gaillaud (Gailléas) et sa
femme, paroissiens de Saint-Médard de la Réorlhe, d'une
rente de sept livres et dix sols.
1328. — Donation faite par Tabari de biens meubles et
immeubles.
Deux pièces.
1328. — Echange aux abbés et religieux de quatre journaux
de vigne, situés dans le fief de la Cour, dépendant de la
maison de la Brétellière et de trois mines de seigle de rente
à prendre avec Etienne Chérézeau sur le Puy-Belliard.
1335. — Arrentement de biens sis en la paroisse du Boupère
par Jean Redux et sa femme Pétronille.
1336. — Titre de quatre livres et deux chapons sur, le Petit-
Chassay.
1337. — Donation de la métairie de la Goutancinière^ par
Jean, seigneur de la Rhaudis, valet, et une autre personne.
1338. — Donation de cinq setiers de seigle sur le moulin
Bourdin.
1341. — Donation de cinq setiers de seigle par Thomas
Soulard^ Jacques Charrier et leurs fils, paroissiens de Sainte-
Florence.
1365. — Reconnaissance de trois mines de seigle dues sur
la petite Belottière, paroisse de Saint-Mars-la-Réorthe.
1367. — Donation de la Barillière, paroisse d'Ardelay, par
Jean Barrée.
274 UNE POIGNÉE DE DOCUMENTS
1370. — Donation de la prée Jourdain, par Jean Simpche-
teau et sa femme.
1371. — Titres de un sol et deux boisseaux de seigle que
doit Jean Pourtau.
Cinq pièces.
1372. — Constitution de renies sur le fief Goyaux, paroisse
de Moucliamp, par Jean Hurlant, Jean Joannaul, et leurs
femmes.
137 i. - Fondation de la messe de la Pitanccrie, tous les
lundis de chaque semaine, par frère Jean, abbé de la Grai-
netière.
1375. — Arrentemenl d'une maison au Boupère pour dix
sols de rente à Pierre Arnault, à sa femme, et à leurs héritiers.
1397. — Don d'un setier de seigle sur les terres et près de
la Livrenière, paroisse des Herbiers.
1403. — Titre d'un setier de seigle sur le domaine de frère
Pierre Georget, aux Landes-Génusson.
Plus trois pièces sans date :
1. — Donation par Guillaume de GhanLemerle de dix-sept
sols de rente, payables sur ses domaines de Mouchamp.
2. — Donation parChotardde Mortagne, Béatrix sa femme
et ses fils, Astérius, Pierre et Guillaume, du pré dit Guioret,
en présence de Judicaël, Aimery de la Roche, et Girard
Poirier.
3. — Donation par Rodolphe de Mauléon et Guillaume, son
frère, de dix sols de rente payables à la Pentecôte de chaque
année, pour acheter du poisson à Saint-Michel en l'Herm.
Celte donation faite pour la rédemption des âmes des dona-
teurs et de leurs parents.
Voici la traduction de cette dernière pièce :
SUR L'AB ÎAYE DE LA GR^-INETIÈRE 275
« On fait savoir nux personnes pr.^scntes et à venir que
« moi, Rodolphe de Mauiéon, el moi, Guillaume, son frère,
a nous donnons au Seigneur et aux moines do Sainte-Marie
« de la Graineti()re, po.ir acheter du poisson à Saint-Michel
en l'Herm^ dix sols qui devront être versés à la Pentecôte,
« pour la rédemption de nos âmes et de celles de nos parents.
« Ce don a été fait chez les moines de Saint-Hilaire de Fon-
« tenay aux mains de Guillaume, abbé de ce lieu, et les té-
« moins sont^ savoir : Jean, abbé de Mouzeuil, et Guillaume,
t abbé de Trizay*, Etienne, Guillaume Bérard de Fontenay et
« les hommes d'armes Guillaume de Bealoc(?), Pierre Gérald
« de Saint-Michel, Jean de Nesmy, et Rodolphe de Forges. »
La donation de llOOestainsi conçue :
« Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, moi, Godefroid,
« fils d'Alfred, à tous les fils de notre sainte mère l'Eglise qui
« liront ou entendront cette charte, je fais savoir que, comme
« noble homme Aimery, fils d'Alfred mon oncle, avait donné
« au Seigneur et aux frères de la Grainetière, entre les mains
(I de l'abbé Jean, la terre de Marigné et ses héritages avec tous
« leurs tènemenls, à perpétuité, pour l'âme d'Ozengarde, sa
« fille, autrefois épouse de Guillaume Juquel ; moi, en échange
« de ces héritages que je ne voulais pas retenir injustement,
« j'ai assigné aux dits frères de la Grainetière quarante
« cinq sols sur la terre de Marigné, à prendre sur les revenus
« et produits, qui seront payés, à l'Assomption de la bien-
« heureuse Marie, tous les ans, de la main de Jean Fréfille,
« qui est vassal de la dite terre. S'il arrivait que ladite terre
« piit être ravagée par quelque accident que ce fût, de telle
« sorte que les susdits quarante cinq sols ne pourraient
' Dans une monographie qu'il a donnée sur les Herbiers, ;i l'occasion du
Concours régional de la Roche-sur- Yon, M. Brunet, instituteur, a traduit
les mots « abbas de Triazio », par « abbé de Triaize ». 11 n'y eut jamais
d abbaye à Triaize, et, par suite, jamais d'abbé ; mais une simple ferme re-
levant du monastère de Luçon. Cette traduction constitue une erreur
historique qu'un véritable érudit eût certainemeùt évitée.
Tome m. — Juillet, Août, Septembre 1890. 18
27(» UNE POIONKE DE DOCUMENTS
« être payés sur lesiY'venus et produits, j'ai assigné les mêmes
« quarante cinq sols aux. susdits frères sur toute ma terre de
« Ghafaut ; et si le vassal ou le seigneur de la dite terre cesse
« de payer cette rente soit par négligence, soit par oubli, soit
« par malice, après qu'il aura été mis en demeure, qu'il soit
« permis à l'abbé de mettre ma terre sous l'interdit le plus
« tibsolu jusqu'à ce que le bénéfice ait été payé aux susdits
« frères. J'ai concédé antérieurement ce don entre les
« mains du susdit abbé Jean et entre les mains do maître
« Arnault, alors archiprêtre d'Alpide* en présence de
« maître Guitton , alors doyen de Saint-Laurent. Gela fut
« fait à Saiiit-IIilaire le Vouhis, dans la maison des moines^
h en présence de Jean, moine de Saint-Jean, Gautier, in-
« tendant de la Grainetière, Pierre Verius, Amicus et Ré-
« ginald Nicole, hommes d'armes, Amicus étant préposé,
« Durand Arcelin, Jean Ménard et Jean Préfille, laïques, et
« beaucoup d'autres Ensuite, Guitton, fils d'Alfred, confirma
« celte donation à la Vineuse, et investit l'abbé susnommé
« en ma présence, devant les témoins Jean, moine de
a Saint-Jean, Gautier, intendant de la Grainetière, Briant
« de Montaign, Guitton, seigneur de la Motto, Amicus de
« Ghauché, hommes d'armes, Rufinellus, alors sénéchal de
« la Roche-sur-Yon et beaucoup d'autres. Et pour la plus
« grande autorité de cette charte, je l'ai revêtue de mon sceau. »
Quant aux titres français, ils ont trait à des procès, do-
nations, fermages, contestations, jugements rendus, etc. etc.;
on trouve souvent répétées, dans les baux et actes d'adminis-
tration des domaines de l'abbaye, de vives plaintes sur
l'abandon des terres , tant à cause des injures des guerres
que des surtaxes des tailles, et ainsi les biens sont sans aucun
profit ni revenu à ladite abbaye, tant par faute de répara-
tions qu'autrement, desquelles se font si grand frais, que le
* Afjiiffy — Peut être une corruption du mot « Alperii », Aupan'tls,
aujourd'hui l'arafs.
SUR l'abbaye de la gralnetière 277
prix des fermes y est entièrement consumé, môme insuClisant
pour y satisfaire. »
L'un des actes, celui du 13 juillet 1<)36, porte arrentement
à la famille Brejeon des métairies des Gabardières, paroisse
de Saint-Philbert du Pont-Gliarrault, moyennant un certain
nombre de produits et obligations, et notamment le charroi
de deux tonneaux de vin à aller quérir à Luçon.
Ce vin a à aller quérir à Luçon » devait provenir sans doute
du Bordelais ou tout au moins de la Saintonge, et jouir d'une
saveur plus apostolique que le petit vin blanc du bocage
vendéen.
Frère Jean des Entommeures avait-il passé par la Grai-
netière?
L. Chappot de la Chanonie,
Avocat et fjubliciste.
^^^.^
ÉCRIN POETIQUE
FARANDOLE
~J0«—
Le temps s'envole ;
Les ans, trop courts.
A tour de rôle
Suivent le cours
Qui les emporte,
Longue cohorte,
Dans le néant
Toujours béant,
Où tout se noie
Malheur ou joie ;
Ou le i)assé.
Sans fin ni trêve,
Est entassé
Et se fait rêve.
Le jour qui vient
Ne garde rien
Du jour qui sombre,
Enseveli
Dans la pénombre
Du grand oubli.
Le temps qui marche
A si grands pas
Toujours arraclie
Et ne rend pas
A notre vie
L'heure ravie.
FARANDOLE
Rien ne renaît :
Sourire ou peine,
Amour ou liaine,
Tout disparaît.
La Farandole
Macabre et lolle
Du temps qui luit,
Toujours poursuit
Sa ronde noire ;
Tout se réduit.
Même la gloire,
Au souvenir
D'abord vivace.
Puis qui s'efface
Dans l'avenir.
279
A. lioN.M.V.
JOURNAL
D'UN FONTENAISIEN
PENDANT LA RÉVOLUTION
1791'
25 juillet. — La m"^' décide l'ouverture à la circulation,
pour la Saint-Michel suivante, des deux anciens chemins
existant avant la clôture de la ville ; l'un descendant du Puy
t'aint-Martin et allant à la prairie ; l'autre passant entre la
maison occupée par la tour du couvent des Capucins et le
clos de Jarnigande et servant, en partie, de cimetière aux
protestants.
27 juillet. — La m'" interdit aux religieuses de Saint-Fran-
çois, de Notre-Dame, de l'Union-Ghrétienne, de l'Hôpital-Gé-
néral et de l'Hôtel-Dieu, de laisser dire, dans les chapelles et
oratoires de leurs maisons, d'autres messes que celles de
leurs aumôniers. La môme interdiction est faite aux Laza-
ristes àTégard des prêtres réfractaires. Les portes extérieures
des dites chapelles devront, en outre, être fermées jusqu'à ce
que les religieuses aient pour aumôniers des prêtres consti-
tutionnels et que les Lazaristes aient prêté serment.
' Voir la livraison de Juin 18IJ0.
JOURNAL d'un FONTENAISIEN PENDANT LA RÉVOLUTION 281
29 juillet. — Gensonné et Gallois, commissaires civils
chargés d'étudier les causes des troubles de la Vendée,
arrivent à Fontenay à quatre heures du soir. Ils descendent
à l'auberge de la Coupe d'or, place du Marché-aux-Porches.
Ils y reçoivent la visite de la m"^' et des autres corps admi-
nistratifs.
30 juil'et. — A deux heures du soir, les membres du
direct^" de dép', du district et de la m'^ se réunissent à l'hôtel
du dép' avec les commissaires. On y décide que les prêtres
réfractaires pourront dire la messe dans les églises parois-
siales et dans l'oratoire du collège, et que les autres églises
seront fermées.
Trois compagnies du 84* régiment d'infanterie arrivent
aux Sables.
Le détachement du 16" régiment de cavalerie, cantonné aux
Sables, retourne à Fontenay.
1" août. — Un décret enjoint aux Français absents du
royaume, à rentrer dans le délai d'un mois.
Le district de Ghallans mande à calui des Sables l'arrivée,
à l'Aiguillon-sur-Vie, de dix individus ayant participé aux
troubles de la Proutière, pris, le 29 juillet, sur un bâtiment à
Noirmoutier.
2 août. — Les prisonniers arrivent aux Sables. C'étaient
les sieurs Baudryde la Hurcerie, Charles Gazeau, Masson de
la Renaudière, Duhomme dit d'Archiais, (les deux frères)
Nicollon des Abbayes ; Théodore Gazeau ; L.-B. Robin des
Burondières, vicaire de la Boissière des Landes ; Marie-
Dézirée Gazeau ; Gabriel Masson.
3 août. — Les commissaires civils, accompagnés de Du-
mouriez, se rendent à Luçon. Ils se présentent à l'Hôtel de
Ville et déposent leurs commissions sur le bureau.
4 août. — On s'occupe de la formation des corps de gardes
nationales, destinés à la défense des frontières.
282 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
5 août. — Pierre Asselin, exécuteur des sentences crimi-
nelles, demande au district que le traitement de 1,800 livres
qui lui était fait par le comte d'Artois, ci-devant apanagiste
de Poitou, lui soit continué.
Gensonné et Gallois arrivent aux Sables. A midi, le direc-
toire du district va leur rendre visite.
Sur les trois heures, les commissaires sont arrivés au
directoire, où se réunissent successivement les maires,
officiers municipaux et procureurs des communes du district.
Ils prennent de chacun d'eux les renseignements relatifs aux
troubles, ainsi que les moyens de les apaiser. A sept heures,
la séance est levée, et les commissaires engagent les muni-
cipalités à rédiger leurs pétitions par écrit.
6 août. — A dix heures du matin, Gensonné et Gallais se
présentent au directoire des Sables et remettent sur le bureau
les commissions à eux délivrées. Us se renseignent sur les
troubles de la Proutière, ses causes et ses conséquences, et
observent qu'il importe, pour le bien de la chose, de s'occuper
incessamment de la suppression des curés et de la circons-
cription paroissiale. Us se retirent à une heure et demie'
du soir.
9 août. — Le 2" bataillon du 60" régiment d'infanterie,
venant de la Rochelle, passe à Luçon, se rendant aux Sables.
Une compagnie y reste cantonnée pour remplacer celle du
25« régiment (ci-devant Poitou). Le reste du bataillon, com-
mandé par Rambaud, se rend auxSables pour y tenir garnison.
12 août. — Le l*"" bataillon et cinq compagnies du 2' du
84* régiment d'infanterie, passent à Luçon et se rendent dans
l'île d'Oléron. Le 2" bataillon est cantonné à Challans, Ma-
checoul, Ghàtillun et le Croisic.
A 9 heures du matin, une compagnie du G0« de ligne part
des Sables pour la Roche-sur-Yon et une autre pour Luçon-
14 août. — L^3S commissaires civils quittent les Sables
pour se rendre à la Roche-sur-Yon.
PENDANT LA RÉVOLUTION 283
17 août. — Gensonné et Gallois retournent à Fontenay où
ils séjournent jusqu'au 3 septembre.
18 août. — Caisse patriotique. — Dans une assemblée du
Gonseil-g-énéral de la commune, le maire expose que la disette
de plus en plus grande de numéraire rendant les tran-
sactions de plus en plus difficiles, il devenait urgent d'y
obvier en posant les bases d'une caisse patriotii|ue, pour
l'échange des assignats contre des coupons, représentés par
des bons municipaux de diverses valeurs.
Le Conseil-général approuve la mesure et décide la création
d'une caisse patriotique au capital de 15,000 livres susceptible,
au besoin, d'un accroissement de 5^,000 livres. La m'é s'engage à
fournir 21,000 billets et une caisse fermant àdeux clés pour les
renfermer; 4,000 seront rouges et porteront : « Bon pour deux
livres » ; 7,000 seront bleus, avec la mention « Bon pour vingt
sois » ; 10,000 seront blancs et porteront « Bon pour dix sols. »
Au-dessus de la valeur de chacun d'eux seront les mots
Caisse patriotique, et en légende , aux quatre côtés du
billet : Délibération du conseil-général de la commune de
Fontenay-le-Comte, du 18 août 1791. Chacun d'eux portera
un numéro d'ordre et les signatures des sieurs//, de Bessé,
Garos et Vinet, commissaires nommés à cet eiïet. Au dos
seront les armes de la ville, et au pied la signature de Moreau,
maire. Ces bons de caisse devront être, jusqu'à épuisement,
échangés au pair contre des assignats de 5, 50, 60, 70, 80, 90 et
100 livres. L'ouverture de lacaisseaura lieu le 29 août suivant.
20 août. — On publie un décret de l'Assemblée Nat'"" relatif
aux traitements et faveurs à accorder aux fonctions relatives
au service divin dans les églises des ci-devant chapitres
séculiers ou réguliers.
22 août. — Un autre décret taxe à une triple imposition
les biens des émigrés restés à l'étranger.
284 JOURNAL d'un fontenaisien
23 août. — La m'^du château d'Olonne mande au district
que le dimanche, 21 août, il y a éclaté une émeute, et qu'elle
a été troublée dans ses fonctions à l'instigation des abbés
Boitel et Gourdin, curé et vicaire des Sables. Le district arrête
que Dardel et Degounor, deux de ses membres, accompagnés
de trois cavaliers se transporteront sur les lieux pour y prendre
telles mesures jugées nécessaires.
25 août. — Gensonné et Gallois invitent l'accusateur pu-
blic du tribunal des Sables-d'Glonne à hâter la procédure
dirigée contre les fauteurs de l'insurrection d'Olonne.
26 août. — L'Assemblée nationale décrète que les meubles
et ustensiles de cuivre et de bronze existant dans les com-
munautés, églises et paroisses supprimées, et susceptibles
d'être employées à l'alliage du métal des cloches, seront en-
voyés aux hôtels des monnaies les plus voisins, ou autres
lieux destinés à la fabrication des flans.
27 août. — Gensonné informe Gallot, député à l'Assem-
blée nationale, des progrès de la contre-révolution en Vendée.
29 août. — Goupilleau(de Montaigu), parti de cette ville le
27, arrive à Fontenay à 7 h. du soir, pour preudre part aux
élections des députés à l'Assemblée législative. Il descend à
la Coupe, où il rencontre le général Dumouriez et Gensonné.
30 août. — Les électeurs delà Vendée se réunissent,à 10 h.,
du matin, dans l'église des Cordeliers, pour la nomination
des députés à l'Assemblée législative et le renouvellement
des administrateurs du département. Les commissaires sont
élus ; les pouvoirs vérifiés. Goupilleau (de M.), est élu prési-
dent à la majorité absolue des suffrages.
— Un escadron du 16* régiment de dragons, caserne à An-
cenis (Loire-Inférieure), vient tenir garnison à Fontenay, sur
la demande de Dumouriez, en remplacement du 16' régiment
de cavalerie (Royal-Lorraine), parti depuis le 20 août pré-
cédent.
PENDANT LA RÉVOLUTION 285
Dumoiiriez donne l'ordre au capitaine Lagarde de se rendre,
avec 50 cavaliers, à La Châtaigneraie, pour de là se diriger
sur l'Absie, à l'eiïet d'y surveiller les agitateurs.
31 août. — Goupilleau (de M.) prononce un discours d'ou-
verture en prenant possession du fauteuil de la présidence.
Au 3» tour de scrutin, Guichet (Jacques-Charles), ancien no-
taire au Breuil-Barret, est élu secrétaire. La séance est
levée à sept heures du soir.
1" septembre. — Le Directoire de département requiert la
mié de faire délivrer 320 cartouches à l'officier commandant
le détachement du 11* régiment (ci-devant Royal-Roussillon]
qui doit se transporter, le lendemain, aux environs de la
Châtaigneraie, menacée d'un soulèvement.
Dans la soirée, la m'^ se rend, sur les 4 heures du soir, à
l'église des Cordeliers, où se trouvait réunie l'assemblée élec-
torale. S'approchant du bureau, le maire a pris la parole et a
témoigné au président, au nom de la commune, la sa-
tisfaction qu'elle éprouvait de la voir réunie dans ses
murs, se félicitant d'avance du choix que les électeurs
allaient faire, pour remplir le vœu de la loi. Goupilleau, après
quelques paroles de remerciements au discours du maire,
a invité la m"' à assister à la séance.
Au 1*'' tour de scrutin, Goupilleau (de M.) a été élu pre-
mier député à l'Assemblée législative par 15G voix sur 299
votants. 25 billets sont annulés pour défaut de désignation
suffisante entre son frère et lui.
2 septembre. — L'assemblée électorale continue ses opé-
rations. MomssoN* (Gharles-Louis-François-Gabriel) , est élu
deuxième député.
« Né en Bretagne en 1740, avocat da Poitou, administrateur du directoire
de département en juillet 1790, député à la Législative, puis -à la Convention,
membre du Conseil des Cinq-Cents, juge de la Cour d'apoel de Poitiers
en 1797, puis conseiller à la Cour impériale de Bourges, où il mourut en 181G
28(3 JOURNAL d'un fontenaisien
Dumoiiriez dirige un détachement de 30 cavaliers sur Saint-
Laurent-sur-Sèvre, pour y surveiller les agissements des mis-
sionnaires, et informe les administrateurs de la Loire-Infé-
rieure de son départ pour Châtillon~sur-Sèvre.
3 septembre. — Maignen', François, administrateur du
district de la Châtaigneraie, est élu député au 3* tour de
scrutin. Dans la soirée, l'abbé Musset' (Joseph-Mathurin),
curé de Falleron, passe également au 3" tour. Dumouriez,
Gensonné et Gallois partent pour Ghâtillon-sur-Sèvre, afin
d'y surveiller les agissements des prêtres réfractaires.
4 septembre. — Gaudin (Joseph-Marie-Jacques-François),
maire des Sables, est élu député au 3* tour. Dans la soirée,
TuiÉRioT^ (Alexis), administrateur du département, est éga-
lement nommé au 3* tour.
5 septembre. — Dans la matinée, Giraud de Saint- Vincent
(Etienne), juge de paix à Fontenay, passe au 3^ tour. Dans
la soirée, Gauuin (Jacques), vicaire-général constitutionnel
de la cathédrale de Luçon_, est élu huitième et dernier député.
6-7 septembre. — Les électeurs élisent comme suppléants
à l'Assemblée : Jousson", Pierre , administrateur du dis-
trict de Challans ; Mercier - Durocher\ André -Charles -
* Ils étaient deux frères, François et Pierre, tous deux membres du dis-
trict de la Châtaigneraie. François mourut le 3 juin 1796, étant membre du
Conseil des Anciens.
* Né en Bretagne en IT'iO, curé de Falleron à la dévolution, député à la
Législative puis à la Convention, membre du Conseil des Anciens, adminis-
trateur de la Loterie, commissaire du Directoire en Piémont, préfet de la
Creuse en 1800, membre du Corps législatif en 1802, réfugié en 1816 en Bel-
gique où il mourut en lsx'8.
» Administrateur du département en juin 1790, député à la Législative en
1791, puis juge du tribunal de Montaigu, décapité à Fontenay le l^'- dé-
cembre 1793, comme chef de rebelles.
* Jousson devint ensuite volontaire des chasseurs de la Vendée et fut tué
par les rebelles à Aizenay, le 2 octobre 1793.
* Auteur d'importants mémoires sur les Geurres de la Vendée, né à la
Rochelle le 9 novembre \~rj'i, mort à Fontenay le 20 avril 181C.
PENDANT LA RÉVOLUTION 287
François, avocat, et Boulanfjer, Martin-Louis-Joseph, juge
de paix de Mareuil.
7 septembre. — Gensonné et Gallois arrivent de Saint-Lau-
rent-sur-Sèvre, et annoncent que lys troubles sont apaisés.
8 septembre. — L'assemblée électorale continue ses opé-
ralions : lialaon, François-Marie, suppléant du tribunal du
district, est élu président du tribunal criminel à la majorité
relative des suffrages; Diipiiy, Pierre-Claude, est maintenu
accusateur public ; Goupilleau, Jean-François, député sor-
tant; est élu greffier au 3« tour.
Les hauts-jurés sont ensuite désignés. Ce furent BiaiUe-
Germon et Bouron, ex-constituants.
Dans la soirée, tous les députés et suppléants élus se réu-
nissent dans un banquet, et se donnent rendez-vous pour le
jeudi, 22 septembre, à l'hôtel Henri IV à Nantes, afin d'y
prendre, dès le lendemain, la route de Paris.
9-1 i septembre. — On procède au renouvellement des
membres de l'administration départementale.
Les nouveaux membres élus sont :
Rodrigue (F. A.), évêque constitutionnel ;
Pervitiqiiière {^. M. S.), ex-constituant ;
^Girard de Villars (Charles- Jacques-Etienne), président de
la Société populaire.
Gmttofi* (Jacques-Aimé-Emery), capitaine des canonniers
de St-Gilles.
Gauly (Jean-Baptiste), juge de paix de Mouchamps ;
* Né à Saint-Ciille.s-sur-Vie le 27 juin 1750, nommé le 24 avril 90, comman-
dant en chef du corps des volontaires nationaux, le 8 décembre 91, lieutenant
colonel du bataillon de la Vendée, le 13 février 93, lieutenant de irendarmerie
nationale du département, le 18 avril 94, président de la commission mili-
taire des Sables, maire de Saint-Gilles le 13 décembre 1800, mort à la Ro-
chelle sous la Restauration, auteur d'un opuscule en vers intitulé : Poésies
très fugitites. Fontenay-le-Comle 1787, Cochon de Chambonneau, pet. in-S"
de 79 pp. Il fut longtemps collaborateur des Affiches du Poitou.
288 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
Boulanrjer (\l. L. D.), juge de paix de Mareuil ;
Regain (René-Simon-Célestin), juge de paix des Sables ;
Bouquet, (Pierre), médecin à Luçon ;
Gallot, (Jean-Gabriel)^ médecin, ex-constituant;
Dejiogent, (Philbert-Aimé), juge de p.iix des Moutiers-les-
Mauxfaits.
Vinet, (Charles), notaire à Pontenay.
Moulins, (Isidoire-Elie), delà Vineuse, ex-officier de marine.
Fillon, (Pierre-Jean) l'aîné, notaire ;
Mercier-Durocher (A. Gh. F.) avocat ;
Fayau, le jeune (Pierre-Joseph-Marie), de Rocheservière.
CaillaiiU (Jean-Baptiste-Aimé), avocat au Tablier ;
Esnard, (René) homme de loi à Pontenay.
Clemenceau, (Pierre-Paul), médecin.
12 septembre. —Le directoire du district de Pontenay invite
les municipalités de son ressort à lui adresser les soumissions,
présentées par les soldats auxiliaires et volontaires natio-
naux, selon les instructions du directoire du département.
15 seplembre. — L'Assemblée nationale décrète que le
sceau de l'Etat portera désormais en légende : la nation, la
LOI, LE ROI, et que celui portant la loi, le roi sera brisé.
18 septembre. — Des réjouissances publiques ont lieu à l'oc-
casion de l'acceptation de la Constitution par le Roi. Dumouriez
y fait parade d'une fausse popularité en dansant des faran-
doles avec des femmes du peuple. La municipalité dépense
à cette occasion 389 livres sept sols, six deniers.
19 septembre. — Les membres du Directoire du district
des Sables ayant tous, pour divers motifs, donné leur démis-
sion, on procède à leur remplacement. Sont élus :
Bouhier, vice-président ;
Robert et Biret, membres ;
Gourdin et Sourouille, adjoints ;
Mercereau, substitut du procureur-général-syndic.
PENDANT LA UÉVOLLTION 289
23 septembre. — Les dragons d'Orléans, casernes à Fon-
tenay, se révoltent contre leurs officiers, suspectés de vouloir
émie"rer.
24 septembre. — Le déparlement requiert Dumouriez de
diriger, des Sables sur Saint-Gilles, un détachement de
trente hommes.
26 septembre. — A 9 heures du matin, le baron de Lé-
zardière sort de la prison des Sables, avec ses compagnons
de captivité, à l'occasion de l'amnistie prononcée par l'As-
semblée constituante.
30 septembre. — L'Assemblée nationale clôture sa session.
1" octobre. — L'Assemblée législative entre en séance.
Elle se trouve composée de 745 membres, dont 400 avocats
ou magistrats, 70 ecclésiastiques, 70 hommes de lettres et
205 propriétaires.
2 octobre. — Une fête publique à lieu à l'occasion de la pro-
clamation de laConstitution.DeSàOheuresdu matin, et à plu-
sieurs reprises dans la journée, le carillon des cloches et les
salves d'artillerie annoncent lacérémonie. A 1 heure et demie,
le Conseil-général de la commune se réunit à l'Hôtel de Ville,
et en part à 2 heures, précédé des tambours et gagés de ville.
Il se transporte successivement devant l'église Notre-Dame,
au carrefour Saint-Nicolas, et y fait donner lecture, par le
secrétaire-greffier, de l'acte constitutionnel. Revenant ensuite
à la mairie, il se dirige, escorté par un piquet de 50 gardes
nationales, sur !a place Royale, oii une salve d'artillerie
annonce son arrivée. Il gravit alors les degrés de l'amphi-
théâtre qui s'y trouve élevé, et y reçoit, en présence d'une
foule immense, les corps administratifs et judiciaires, qui
s'y sont successivement rendus. En face, se rangent, à droite
la troupe de ligne, et à gauche, la garde nationale.
S'avançant ensuite sur le devant de l'estrade, le maire fait
connaître à la foule le motif de la solennité, fait ressortir
200 JOURNAL d"un fontenaisien:
pour le peu|3le les avantages de la Révolution et de la nou-
velle Constitution, rattachement que l'on doit porter à la
Royauté, et la conduite à tenir par suite de l'acceptation de
la Constitution. Son discours est suivi de la lecture de l'acte,
qui est accueillie aux cris de uvive la Constitution! vive le
Roi! •> Après cette cérémonie, les autorités sont descendues
du théâtre et se sont dispersées, pendant qu'un détachement
reconduisait la m'é à l'Hôtel de Ville.
A 7 h. 1/2 du soir, l'amphithéâtre a été illuminé, ainsi qu'un
transparent, placé sur le devant et portant cette inscription :
FRANÇOIS, PLUS DE TYR.\N, VIVE A JAMAIS LE ROI,
POUR LE BONHEUR DE TOUS, IL RÈGNE PAR LA LOI.
A 9 h. a été terminée l'illumination générale des arbres
de la place et du monument.
Trois transparents de deux pieds de haut recouvraient les
trois côtés d'une pyramide, élevée pour former le bouquet
de fin.
Sur le premier, on lisait :
«
VIVE LA NATION, LA LOI, LE ROI.
A droite se trouvait une couronne civique, à gauche;, une
épée, surmontée du bonnet de la liberté.
Sur le second :
QUOI, LIBRES D'OPINIONS
SANS VIVRE DANS L'UNION !
Sur le troisième :
OUBLIONS TOUT LE PASSÉ,
LOUIS LE VEUT, C'EST ASSEZ !
L'illumination de la ville, dit le procès-verbal de la fôte,
ne présentait pas un moins beau spectacle que la place
Royale. Celles des hôtels du dépS du district et de plusieurs
IMCNDANT LA RÉVOLUTION 201
maisons parliculii'res étaicril liahilonionL agencées. Depuis
le (iéparl dos anloi^itôs, jusqu'à deux liouros du malin, des
ménciriers, |)lac(''s sur des estrades, y oui lai l cxéculer fies
danses, et la populatimi s'esf. retirée en ne cessant de mani-
fester sa satisfaction et son contentement, sans troubler un
seul instant la tranquillilé. Celle fêle avait coûté 281 livres
à la municipalité.
5 octobre. — Le rapport de (lensonné el de Gallois sur la
siluation morale et iiolilioue du |)ays, est lu à l'Assemblée
Législative : celle-ci se déclare satisfaite de leur conduite.
8 octobre. — F^'Assemldéo d-'-cide (pi'il sera envoyé des
troupes en Vendée et en IJrelagne.
24 octobre. — La m'''' alloue Or. livres, à titre de gralifica-
tion, au s'"Périot (Pierre), conducteur des travauxdcs routes,
pour le devis du plan des casernes de la ville.
3 novembre. — Goupilloau (de Pontcnay) esl noninu'.au
club des llei'binrs, président de la Société ambulaiile des
Anihdr In Coiis/z/iff/nn de la Vendée.
8 novsmbra. — Lasserre, commissaire des guerres, chargé
du classement des places de l'Ouest, prend possession des
casernes de la ville.
L'Assemblée met, sous le séquestre, les biens des princes
émigrés et condamne à mort, ceux rassemblés aux fron-
tières, qui nu rentreront pas (m France avant le l"" janvier 1792.
11 novembre. — La m"' l'ail notifier à tous ceux qui
jouissent de parties des anciens forts, fortifications, murs,
fossés, douves, remparis, portes, terrains vagues, gués et
rivages de la ville, la, vente qui lui en a été faile le 17 juin
précédent, et les somme de produire les titre^ en vcrlu des-
quels ils jouissent desdits immeubles.
(A suirrr. ) A. I'htton.
ToMii m. — Juillet. Août, Septembre 1800. 10
LE LIVRE D'OR DE LUÇON
L'exemple donné par M. René Vallette a suggéré à M, L. Ballereau
la pensée de réunir en quelques feuillets la biographie des hommes
célèbres ou des savants qui ont laissé une trace dans l'histoire de
sa ville natale. Nous sommes heureux d'olfrir à nos lecteurs la pri-
meur de quelques-unes de ces biographies qui ont le grand mérite de
faire revivre des noms illustres, trop oubliés de nos contemporains.
N. D. L. R.
Gehmain GOLOT. La famille Golot, originaire de Luçon,
fournit plusieurs chirurgiens célèbres. Germain fit des études
spéciales sur la maladie de la pierre, dont on n'avait pas
jusqu'alors, en France, ose faire l'extraction, bien que cette
opération fut pratiquée en Italie et en Allemagne. Ses pre-
mières expériences eurent pour sujets des cadavres; puis,
sûr de lui-môme, il demanda au roi Louis XI de commuer
la peine de mort, auquel un archer de Bagnolet, atteint de
la pierre était condamné, en celle de l'opération. Le roi,
ayant accédé à cette prière, Golot exécuta la taille avec une
habileté merveilleuse. L'archer en fut quitte à bon compte ;
quinze jours après^, il était sur pied et parfaitement guéri.
Laurent GOLOT fut également un opérateur très habile.
Il habitait la petite ville de Fresnel, en Ghampagne, quand
Octavian de Vièle, chirurgien de la ville de Rome, se lia avec
lui. Octavian, de retour à Rome, Laurent Golot vint s'établir
à Paris (1550). II était alors le seul capable de faire l'opéra-
tion de la taille, et le roi créa pour lui une chaire spéciale de
chirurgie dans sa maison.
LE LIVRE DOR DE LUÇON 203
La réputation dé Laurent Golot a été consacrée par le
médocin Rolfintius et par Ambroise Paré.
PiiiLn^PE GOLOT, pelit-fils du précédent, avait perfec-
tionné l'art de ses ancôtres. Praticien consommé et jouissant
à juste titre d'un grand renom de savoir, il était fort re-
cherché et ne parvenait qu'à grand'peine à secourir ses
malades. Le cardinal Ghigi l'avait à maintes reprises prié de
le venir visiter à Bologne, faute de temps, il ne put se
rendre au désir de l'Eminence et dut rester à Paris.
Philippe avait beaucoup simplifié la manière d'opérer la
taille mise en pratique par son aïeul Germain Golot. Après
une vie très laborieuse il vint mourir dans son pays, àLuçon,
à l'âge de 63 ans (1656).
Il laissait un fils nommé Philippe comme lui et comme lui
aussi médecin lithotomiste, qui fut le père de François Golot.
François GOLOT, de même que son père et ses ancêtres,
s'était appliqué dès son enfance à l'étude de lithotritie, et,
à leur exemple, il avait gardé pour lui la pratique de son art,
se gardant bien de la divulguer. Aucun reproche ne peut
toutefois lui être fait ; car il soignait les pauvres avec un
grand dévouement et obtenait, à THôtel-Dieu en particulier,
des cures extraordinaires.
Il ne voulut pas mourir sans léguera ses concitoyens au
ouvrage utile et réclamé des chirurgiens de son époque : il
\)ub['icii[e Traité de r Opération de la taille, avec des observa-
tions sur la formation de la pierre et la suppression d'urine.
Paris 1717in-12.
Son désintéressement, en publiant les secrets de son art,
pourrait bien être contesté, si Ion s'armait de ce qu'il dit
dans l'ouvrage précité, à savoir que « les chirurgiens » delà
Charité et de l'Hôtel-Dieu qui y gagnaient la maîtrise s'ins-
truisaient en nous surprenant; ils firent secrètcmentquelques
ouvertures aux planchers, entreles deux solives, directement
au-dessus de la chaire oij l'on plaçait les malades, pour y
être taillés. »
2yi LE LIVRE d"0R DE LUÇON
Jacques GOUPIL, né n Luçon d'une famille alliée à Ti-
ragncaii, fil à Poitiers de très brillantes études et devint le
précepteur de plusieurs gentilliommcs de la Saintonge aux-
quels il enseigna les belles lettres et diverses lang-ues. Il prit
à Paris, le bonnet de docteur en médecine sous le décanat de
Jacques Houllier.
Jacques Sylvius, qui occupait la chaire de médecine au
collège royal, étant mort, Henri II nomma Goupil pour le
remplacer (155r)). Il avait fait des études approfondies sur la
langue grecque et se rendit célèbre par la publication d'ob-
servations sur certains auteurs tels que Dioscoride et
Alexandre Tallien. Il mourut en 15G8, laissant inachevée une
lecture sur les œuvres d'Hippocrate.
On a de lui :
Phasis libellus de peaLihnlia ex Syrorum linfjua in grœ-
cam translatus, additis s'mml in eumdem castigationihus
(LutelicT ne fait pas partie du titre de l'ouvrage ce mot est
mis là en place de Parisiis^ lieu de l'édition 1518, " in-folio,
avec les 12 livres d'Alexandre Tallien),
Annotationes et scholia in Ambrosii Lconis Nolani, vcrsio-
npm lihrorum Joannis nrtnarii. Parisiis, loiS in-8". — Ultra-
jccti, 1G70, in-8».
Acluarii Joannis, /ilii Zarharbo, de aclionibtis et affectibus
spiritus animalis. {PàTi'sW^ 1457 in-8', en grec, avec les ou-
vrages de Jacques Sylvius).
Scholiani Pauli /Eginete, libros vu de remedica. Pedacius
Dioscorides de materia medica additis castigationibus.
Robert UK SALNOVE, fils de François de Salnove,
écuyer sieur de la Mongio et des Fossés de Luçon, et de
Marie Ilesnier, naauit à Luçon vers la fin du X'VP siècle.
Son père était sénéchal de Luçon, conseiller et écuyer delà
duchesse de Bar et maître des requêtes en son hôtel.
11 fit d'abord partie de la maison de Henri IV en qualité de
page et ftassa, en celte môme qualité, près du roi Louis XIII.
LK LIVRE d'or DR LUÇON 295
Ces deux princes lui prodig-uèreiit leur amitié et leurs faveurs.
Sur la recommandai ioii de Louis XIII, Christine de France le
fit écuyer en 1019 et peu après, Victor-Amédée l"" le nomma
gentilhomme de la chambre et le retint en Piémont pendant
18 années. Après la mort de Victor-Amédée, Salnove revint
à la cour de Louis XIII qui le nomma conseiller et lieutenant
do Louveterie.
La passion pour la chasse à laquelle il se livrait avec ar-
deur lui acquit lui yrand renom et une expérience dont il
profita pour composer un livre fort estimé, intitulé : La
Vé7ierie royale. Robert de Salnove y combat vivement les
théories de du Fouilloux et nous apprend que ce fut Louis XI 11
qui, le premier, se servit de chiens courants pour la chasse
au renard.
Salnove mourut vers l'année 1070.
BALLEREAU (Léon), architecte de la ville de Luçon, pré-
sident de la Société des architectes de la Vendée, membre
de la Société centrale des architectes, correspondant du
ministère de l'Instruction publi(iue, des Cultes et des Beaux-
Arts ; inspecteur de la Société Française d'Archéologie,
membre de la Société des Antiquaires de l'Ouest, secrétaire-
adjoint de la Société d'Emulation de la Vendée, naquit à
Fontenay-le-Gomte, au mois de février 1823.
Elève de M. Aloll, architecte du gouvernement, sous
l'habile direction duquel il était resté à Paris pendant dix
années, il avait acquis une connaissance profonde de son
art difficile et un talent de dessinateur bien connu. Ses
œuvres sont marquées au coin d'un caractère original qui
les feront reconnaître au premier aspect.
Archéologue distingué, les absorbantes occupations que lui
créait sa profession furent un obstacle constant à ses travaux
sur l'histoire des monuments. Il ne publia que peu de choses;
Mais il contribua pour une large part dans l'œuvre de M. l'abbé
F. Bauilrv, curé du Bernard.
296 LE LIVRE d"0R DE LUÇON
Il nous est resté de lui ces quelques brochures :
Une croix reliquaire du XI" siècle ; Notice sur le clocher de
V église primitive de Saint-Pierre ce Tal mont {Vendée), lue en
Sorbonne, le 10 avril 1873 ; Notice sur le portail de r église de
saint Nicolas de Brem, lue en Sorbonne, le 10 avril 1874 ;
Notice sur une épingle romaine en bronze.
La ville de Luçon lui doit la reconstitution de ses armes
qui lut l'objet d'ane étude remarquable.
11 mourut à Niort le 16 septembre 1877.
L. Ballereau.
LES ARTISTES DU POITOU
A L'EXPOSITION DE DINAN
GRACE au concours éclairé dp la municipalité de Dinan,quin'a
pas hésité à faire tous les sacrifices pécuniaires voulus, grâce
surtout au dévouement bien connu et à la compétence du
critique d'art, M. Olivier Merson, la Société artistique et
littéraire de l'Ouest dont le siège est à Paris, a ouvert dans la
ville de Dinan une exposition des Beaux-Arts, qui a duré du 15
août au 1.") septembre dernier. Cette exposition a obtenu un succès
des plus vifs et ce n'est que justice. Organisée, dans une des
villes les plus pittoresques de la Bretagne, dans un site superbe,
que chaque année visitent en foule les baigneurs des côtes bre-
tonnes, cette exposition renfermait des œuvres signées des plus
grands maîtres modernes ; mais on pouvait en outre j' admirer des
toiles dues au pinceau des artistes les plus appréciés des quatre
provinces du Maine, de la Bretagne, de l'Anjou et du Poitou.
Nous signalerons tout particulièrement celles de M. Luc-Olivier
Merson, le célèbre auteur de la Fuite en Egypte, Landelle, Luminais
Maignan et Guillon. M. Lansyer (de Bouin), l'éminent paysagiste
vendéen, collaborateur de la Revue du Bas-Poitou, ancien vice-
président de la Société, avait exposé des aquarelles qui attiraient
tous les regards. Parmi les autres artistes originaires du Poitou, on
trouvait encore M Bidau (de la Roche-sur-Yon), dont les peintures
décoratives ont été très remarquées, MM. Brouillet, Boisson, et
Magne, dont les envois témoignaient de réelles qualités. M. Perrault,
un artiste qui ne compte plus ses succès, avait envoyé aussi un très
beau panneau. Enfin M, Robuchon, que Grand Père et Grand Mère
et un Paysan vendéen signalaient à l'attention des visiteurs, avait
voulu mettre à la portée de tous les splendides ouvrages illustrés de
photographies gravées, qu'il a publiés sur le Poitou. On ne saurait
non plus passer sous silence l'œuvre exposée par M. Thibaudeau.
En dernier lieu, mentionnons parmi les œuvres d'artistes déoédés,
l'aquarelle à la gouache de Piette de Montfoucault.
Cette rapide énumération montre que le Poitou était dignement
représenté à l'exposition de Dinan, dont nous sommes heureux de
constater ici la pleine réussite.
D"" Marcel Baudouin.
JARD
Tni-TK !;i, côte entre les Sal)les et l'anse de l'Aiguillon
est (Jigne d'attirar le touriste, et par ses curiosités
naturelles et par les souvenirs tiistoriquos qui ja-
lonnent son parcours. Ce sont les falaises de Tanchet, du
Puits d'Enfer, de Saint-Jean, de la baie pittoresque du Ga-
yola, de la Mine ; toute cette rive taillée dans des terrains
secondaires, qui s'étend jiis(|u';uix masses rocheuses delà
Tranche, puis les plaines sans lin du Marais. Ce sont les
mines de l'abbaye de Saint-Jean d'Orbestiers et leurs bois de
cliènes verts, les tombeaux mérovingiens dn Cayola, la
Salle-le-Hoi, qui rappelle la mémoire de Richard Gœur-de-
Lion, Notre-Dame de IJourgenet, l'ancien monastère du
Veillon sur l'embouchure du Payré, la vieille abbaye deLiou-
Dieu-en-Jard ; le souvenir de l'antique église de la Tranche,
i|ni vit se célébi'L'r, on iOGO, le mar'iagc de Savai'y de Mauléon,
cl que les lluls l'OCOuvrenL mahiLiMianl (J(3 leui's ondes lim-
pides ; Saint-Michel en l'IIerm, son église, son couvent, etc.
Quelle merveilleuse excursion dans le présent, dans le
passé ! Quelle occasion de rapporter les innombrables lé-
gendes, les Lradilions de chacun de ces heux ! Malheureu-
seirent, il faut se borner, et nous ne parlerons aujourd hui
que de la commune de Jard.
Le village de Jard est appuyé aux plantations de pins et
aux dunes de la côte. De ses douze cents habitants, presque
tous livrés à l'agriculture et à la pêche, bien peu se doutent
qu'ils vivent sur un des points les plus anciennement habités
et les plus importants de la contrée.
Sans remonter à ITige de pierre, qui a semé sur ces champs
des vestiges irrécusables, nous noterons que Jard était un
élablissement gaulois qui tirait son nom de sa position au
couchant (?) {Err ou lard, occident, en gaélique).
La période gallo-romaine y est signalée par des débris
romains, des vases du Haut-Empire, la sépulture d'un
légionnaire romain découverte en 1878 par M. 0. de Roche-
brune; par les traces de voies antiques, par la tradi-
tion si connue d'une ville engloutie sous les sables ( Be-
lesbal, territoii-e enire Jard et Saint-Vincent-sur-Jard).
Certains archéologues, et nous nous garderons de les contre-
dire, placenta Jard, dans le petit golfe formé par le Payré,
l'énigmatique Portus Secor de Ptolémée et de Marcien
dont les savants s'imaginent retrouver l'emplacement à plu-
sieurs endroits de la côte vendéenne.
Le moyen âge, malgré de grandes obscurités, apporte
cependant des documents positifs. On sait qu'en 732, les
300 JARD
religieuses de Sainte-Croix de Poitiers, fuyant l'invasion
arabe d'Abdérame, se réfugièrent avec les reliques de sainte
Radegonde, dans une vîUa de Jard, alors entouré de
vasîes bois.
Sous cette époque mérovingienne, on y battit monnaie,
ainsi du reste que sous la domination romaine. Plus tard,
des chartes nous apprennent l'existence en 1070 du seigneur
Bozon de la Bavière; en 1093, d'un baron du prince de
Talmont, Léevin Mescliain^ etc. La Bavière, la Léevinière,
aujourd'tiui la Vinière, sont maintenant des fermes. L'église
de la fin du XI* siècle, visiblement plus vaste jadis, l'abbaye
du XIIP siècle de Lieu-Bieu en Jard, témoignent encore de
l'importance de la localité.
L'église, dédiée à sainte Radegonde, présente quelques
parties remarquables. Mais ce qui frappe le plus le visiteur,
c'est le grand tableau qu'elle renferme.
On nomme ce tableau, le tableau du Rosaire ou de la
Prise de la Rochelle. Bans le haut, la sainte Vierge et l'Enfant
Jésus, entourés d'anges, distribuent des rosaires aux prin-
cipaux personnages de l'époque agenouillés en bas : le roi,
le dauphin, Richelieu, le pape. . . . Bans le fond, on aperçoit
la ville de la Rochelle en flammes. Autour de ces motifs sont
représentés les 15 mystères du rosnire, et en dessous,, des
anges retirent avec le rosaire les âmes du purgatoire.
Cette curieuse composition, datée de 1628, est assez dé-
gradée. Mais, plus que les ravages du temps, les retouches
sont à redouter pour elle!
Le clocher de l'église auquel on accède par un petit esca-
lier en spirale, renferme quatre énormes bombes et deux
JARD '301
boulets, souvenirs dont le gratifièrent, probablement dans
les guerres de l'Empire, les vaisseaux anglais.
Aux croisillons et aux encadrements des ouvertures sont
gravées assez grossièrement un grand nombre d'inscrip-
tions dans le genre de celles-ci : —E. Biroii i621 .^E A 1620.
— Mourain 1777. —
L'abbaye de Lieu-Dieu en Jard, de l'ordre des Prémontrés,
fut l'ondée sous l'invocation de la sainte Vierge par Richard-
Cœur-de-Iiion en 1196. La charte de fondation porte :
Diploma Hicardi, Aar/lUe régis fondatoris Loci-[)pi in .fardo
1196
Datum.... IV die novembrin npnd Tallemundtim, anno octavo
nostri rcgjïi.
En note, constatation de la protection du roi de France
Philippe VI : Extat in chartorio Loci-Dei diploma Philippi
régis Franciœ, qui abbatiam patrocinio mo tuetur, mense
februario MCCCXXXU.
Dans la liste des abbés, de 1208 à la Révolution, il est dit :
Locus Dei iti Jardo ordinis Prœmonstrensis * fundala
jacet liichardus, Anglorum rex, seu pofitis itistauravit ut
liquet ex orir/inali fabula donationis •
Au XVI" siècle, les protestants détruisirent l'abbaye de
Lieu-Dieu.
< Le 2 avril 1568, un conseil ayant été tenu à Nantes
sous la présidence de l'évêque de Luçon, pour connaître
des vexations des protestants, l'abbé Jean de Malins y dé-
clara que le 31 mars de cette même année, le couvent et
l'église de .Tard avaient été saccagés et brûlés presque entiè-
rement, ainsi que le château de la Grange, demeure ordinaire
de l'abbé, et la métairie de la Châtaigneraie qui faisait la
meilleure partie du revenu de l'abbaye. » [Pouillé de l'évêché
de ÏAiçon).
Le monastère eut beaucoup de peine à se relever, et
encore il ne recouvra pas sa grandeur première. Aujourd'hui
les ruines de ses vastes bâtiments sont converties en ferme,
:m
.lARl)
de môme que le château de la Grange dont il reste dinsigni-
llants vestiges.
Une description de Lieu-Dieu nous entraînerait trop loin.
Nous ne pouvons qne recommander au curieux, aux chercheur,
de visiter ses immenses celliers voûtés dont des débris
d'enduit peint laissent apparaître le léopard d'Angleterre,
sa chapelle ogivale, ses salles, ses escaliers, ses tourelles,
ses douves.
Nos lecteurs trouveront peut-ôtre que pour l'histoire, nous
négligeons le côté lég-endaire. C'est que Jard était peu fertile
en traditions ou que, doté de l'esprit pratique, positil" mo-
derne, il a oublié ces récits d'antan, parfois si pleins de
poésie et d'enseignements moraux,
La seule lég-ende que nous ayons pu recueillir se rapporte
à la construction d'une chapelle dédiée à sainte Anne.
Cette petite chapelle, placée dans le bourg, presque à son
extrémité ouest, ne présente, en tant que monument, rien de
curieux. Sur une pierre placée au dessus du portail est gra-
vée la date de lGr)2, probablement de l'achèvement complet
de l'édifice.
Parmi les tableaux qui l'o.nent intérieurement, deux
méritent une mention ponr leur ancienneté, leur étrangeté.
L'un, sur aulel, représente sainte Anne tendant l'Enfant
Jésus à la sainte Vierge qui se recule comme frappée d'éton-
nement. Sainte Anne étant morte avant la naissance du
Christ, cette scène semblerait une sorte de vision, de pré-
diction de l'Annonciation.
L'autre tableau montre, sur un tombeau ou aulel, une sainte
Annevisibleàmi-corps.Dechaquecôtése voient des tombeaux,
d'où sortent des mains levées vers le ciel, et surmontés, l'un
.lARD 303
d'un vase funéraire, l'aulrc d'une sainte ou de la sainte Vierge
avec un enfant et une croix. Au dessus, planent trois tôtes
d'anges ; en dessous, apparaissent trois saints.
Par des actes notariés en date du 22 aoiit 1650, des habi-
tants de Jard s'engagent à subvenir aux frais de construc-
tion et d'entretien de la chapelle et donnent hypothèques
sur leurs biens, avec approbation de Pierre, évêq je de Lu-
çon et du secrétaire M?"" Brochard.
La bénédiction de la chapelle a eu lieu le 2i août 1650 par
« nous, Aymé Dupleix, prêtre, bachelier en théologie de
rUniversilé de Paris , recteur de Notre-Dame de Bon-Port
des Sables et doyen de Talmont •, l'abbé Godard étant curé
de la paroisse de Jard (1617-1661). L'érection de cette cha-
pelle avait été décidée à la suite d'un événement miraculeux.
Sous les premières années du règne de Louis XIV, vivait
à Jard une petite fille infirme nommée Anne. Sises membres
paralysés la rendaient un ol)jet de pitié, son intelligence, sa
douceur, la faisaient aimer de tous. Jamais, en vovant les
fillettes de son âge jouer, danser ou aller joyeusement à la
pêche sur la côte, jamais la comparaison entre son état et
celui des autres ne lui avait inspiré un sentiment d'envie,
de colère. Tout au plus, un regret se glissait-il timidement
dans son àme et couvrait parfois son joli et pâle visage d'une
ombre de tristesse. Vite alors, elle se reprochait cette im-
pression comme une otTense envers la divine miséricorde
de Dieu et elle se réfugiait dans la prière, la prière sainte,
seule force des faibles , seul soutien des malheureux,
seule consolation des affligés. Elle pensait à sa première
communion, à laquelle la préparait le curé;, à sa bienheu-
reuse Patronne, et le calme, la gaîté lui revenaient.
304 JARD
Ses parents, humbles cultivateurs, obligés de quitter la
maison pour travailler aux champs, portaient leur fille,
chaque fois que le temps était beau, au pied d'une barge. Là,
assise contre le foin, elle se distrayait à voir passer les habi-
tants du bourg, à répondre d'un sourire à leur bonjour
amical. Mais son grand amusement était de parcourir des
yeux ces espaces où son pied ne pouvait la mener.
Entre les magnifiques ormes qui couvraient alors cette
partie de la campagne, elle apercevait la plaine verdoyante,
les bois qui enveloppaient de leurs rameaux centenaires la
Grange, demeure des puissants abbés de Lieu-Dieu et l'an-
tique abbaye. Devant elle, s'étendaient les dunes cachant
rOcéan, dont la voix éternelle s'élevait derrière ce rempart,
tantôt terrible et menaçante, tantôt douce et harmonieuse.
Ces mélodies emplissaient l'air, berçaient la contemplation
mélancolique de l'enfant qui oubliant ses souffrances, son
immobilité, croyait errer, légère comme l'oiseau, dans
l'infini.
Un soir de ces brûlantes journées de la fin de juillet où
tout se tait dans la nature, où la nappe argentée de la mer
paraît une immense plaine de marbre, la fillette, fatiguée par
la chaleur, perdue dans une de ses songeries habituelles,
s'assoupit en murmurant une prière à sa patronne.
Tout à coupelle se réveilla brusquement. On l'avaitappelée.
Pourtant, elle ne vit personne. Seul, un rayon de soUmI.
trouant l'épais feuillage des arbres, se projetait sur le sol
en ardent cercle dor.
— Anne, Anne, répéta une voix mystérieuse.
Et, en môme temps, devant l'enfant surprise, mais non
effrayée, se montra au milieu du rayon, une Dame d'un
aspect vénérable, majestueux. Ses vêtements brillaient d'un
éclat surnaturel, une auréole céleste entourait son visage
imposant qui souriait avec bonté.
— Je suis ta patronne, mère de la Très Sainte 'Vierge
Marie. Dis à tes parenis de prévenir M. le curé que je veux
avoir une chapelle à cette place.
JARD 305
En achevant ces mots, sainte Anne disparut, laissant la
petite fille dans une picise extase.
Ses parents ne firent que rire au récit de cette apparition,
et croyant à un rêve, ils continuèrent leurs travaux sans
s'en préoccuper davantage.
Mais sainte Anne se montra de nouveau.
— Puisque tes parents n'ont pas fait ma commissiorf, dit-
elle, je te charge de ce soin, ma fille, et, je récompenserai ta
confiance en moi.
Prenant par la main la fillette, qui sentit une force in-
connue pénétrer son être, elle l'amena jusqu'à la porte de la
cure et s'évanouit dans les airs.
Anne était guérie !
G. Henri Colins.
CORRESPONDANCE
Luron, le 1890.
Monsieur i.e Directktk et Ami,
N'afez-vous pas, ainsi que moi, remarqué celait assez anormal,
à savoir que les artistes vendéens vivent à peu près dans l'isolem'nt.
Us seconnaissent par groupes restreints, mais ne songent guère à se^
coaliser pour lutter contre l'indifférence de leurs compatriotes Ils
demeurent donc souvent obscurs, même et surtout dans leur pays.
Quelques noms p. us en vue ont réussi à percer le voile du désin-
téressement qui a envahi la région ; on le doit aux succès des
œuvres signées de ces noms, œuvres méritoires au premier cliel'
puisqu'elles ont été conçues, exécutées dans une contrée éloignée de
tout centre artistique ; on le doit aussi aux publications que certains
savants se sont efforcés de produire et de répandre. Nous devons
citer en première ligne votre « Reçue du Bas-Poitou » qui a rendu
de grands servie -ss à toutes les brandies des Beaux-Arts en contri-
buant à populariser ces noms et les personnalités auxquelles ils se
rattaciient, en publiant les titres de leurs œuvres, en décrivant ces
dernières les accompagnant de notices explicatives destinées à les
faire connaître ; son devancier l'Annuaire de la Vendée ne doit pas,
non plus, être oublié, car il a longtemps été le seul bulletin artis-
tique de la Vendée.
Mais liien que les publications périodiques offrent des avantages
considérables à plus d'un point de vue, je demeure conVaincu que
rien ne vaut les associations. Que de talents devraient se faire jour,
avec l'aide puissante de la confraternité ; les œuvres produites res-
tent cachées, et les timides, lesdiscrets, les honteux pourrais-je dire
se tiennent à l'écart. Quels fruits ne retireraient-ils pas tous cepen-
dant, les artistes grands et petits, de visites bien organisées aux
collections publiques ou privées, aux monuments, aux sites pitto-
resques ; de conférences sur telle ou telle partie de l'art. In ou plu-
sieurs membres de l'association peuvent être chargés d'étudier, dans
leurs localités tel monument dans sa forme, son style, son histoire ;
do recueillir des indications précieuses sur les œuvres contenues
dans les musées et même chez les particuliers, qui généralement
se font un plaisir d'ouvrir toutes grandes les portes de leurs
demeures. Je connais ainsi des trésors, ignorés de la plupart, auprès
CORRESPONDANCE ;5(j7
desquels tout le monde poui-tant aurait un accès facile ; la majeure
partie des collectionneurs sont gens fort aimables et, pour ma part,
j'ai toujours et partout reçu le plus cliarmaiit accueil toutes les lois
qu'il m'a pris désir de pénétrer chez eux.
Et pour ceux dont les occupations seraient un obstacle à la fré-
quentation assidue aux travaux de la Société, tout aussi bien que
pour les dévoués, les ardents, les passionnés quand môme qui ne
manquent jamais une séance, quelles ressources ne retiraient-ils
pas des comptes-rendus de ces travaux, des relations de ces con-
lérences.
Je vois aussi en rove un projet qui me hante dès longten.ps déjà
et dont la réalisation concourrait éminemment à relever le niveau
de l'art dans notre Bas-Poitou, je veux parler d'un Salon régional
annuel ou bis-annuel oh les œuvres des Peintres, Architectes, Sculp-
teurs, Graveurs, Dessinateurs seraient exposées, oii seraient peut-
être organisées des auditions musicales, oii seraient distribuées des
récompenses.
Ai-je dit une sottise ?
Des ressources ? on les trouvera aisément ! Par des cotisations ;
par la vente possible des bulletins et comptes rendus, par le paiement
des entrées au Salon, auditions, séances etc. par des donations à peu
près certaines, des legs assurés !. .
Les membres de l'association seront nombreux ; on peut appeler
artistes non-seulement les seuls professants, mais aussi ceux capa-
bles d'une bonne critique et nous en connaissons.
Des pensées exprimées ci-dessus, je conclus qu'il y a quelque chose
à faire, quelque parti à tirer de l'union bien entendue des artis-
tes Vendéens, et mon vœu le plus cher serait exaucé si quel-
ques personnalités influentes, que tous nous connaissons et qu'il est
superflu de nommer, pcenaiSnt à cœur cette tâche peu difficile do
fonder la Société des Artistes Vendéens.
Veuillez recevoir. Monsieur le Directeur et Ami, l'expression de
mes sentiments respectueux et dévoués.
L. BALLEREAU, architecte.
N. I). L R. Vidée émise par notre distingué correspondant "st fort
louable et mérite de faire son chemin. Nous nous y associons de tout
cœur et ferons tous nos efforts pour en aider la réalisation. Nous
devons, du reste, ajouter que la « Société artistique et littéraire de
VOuesty » a déjà faH un pas dans le même sens en organisant^ cet
été à Dinan, une exposition artistique régionale.
Tome m. — Juillet, Août, Septembre iSOO. 20
CHRONIQUE
-«?S^:
LE vent est au préhistorique.
M. René Valielte, dans une récente exploration faite aux environs
de Pouzauges, vient d'y découvrir plusieurs monuments celtiques
inédits : au bois des Ecluses, près Pouzauges et à la Petite-Métairie,
commune de la Pommeraie, deux demi-dolmens ; dans la lande de la
Grande-Barre, même commune, un menhir et les trois supports d'un
dolmen. 11 a également rencontré à la Bédelinière une hache en granit.
Ajoutons, à ce propos, qu'un triumvirat vient de se former pour recons-
tituer la carte mégalithique de l'arrondissement de Fontenay. 11 est
composé de MM. A. Bitton, L. Brochet et René Yallette.
La ville de Poitiers se dispose à élever l'an prochain un monument à
Jeanne d'Arc et à organiser de grandes fûtes ù l'occasion de son inau--
guration.
Si la capitale du llaut-Poitou a des raisons particulières pour consa-
crer le souvenir du séjour de la grande héroïne française dans ses murs,
nous avons également, nous autres Bas-Poitevins, de tout spéciaux mo-
tifs pour nous associer à cette œuvre patriotique.
C'est, en effet, chez l'un de nos compatriotes, Jehan Rabateau, de Fon-
tenay, et alors avocat-général près le parlement de Poitiers, que fut logée
Jeanne d'Arc.
Nous applaudissons donc de tout cœur au projet de nos voisins, et nous
promettons d'apporter à sa réalisation notre plus dévoué concours.
Le 27 juillet dernier, notre Directeur réunissait en un banquet servi
sous les charmilles de son cas tel de Beauregard, près Mouilleron-en-
Pareds, les principaux collaborateurs de la Eevue du lias-Poitou.
La fête, agrémentée de poé-ie et de musique, a été empreinte de la
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 309
• plus franche cordialité et de tous points réussie. Plusieurs feuilles en ont
rendu un compte tout à la fois aimable et spirituel. Citons notamment :
La Revue de l'Ouest, le Mellois, la lievue Poitevine et Saintonyeaise, le
Gaulois et le G il Blas.
Aux uns et aux autres nous sommes chargé d'adresser le plus cordial
merci.
Notre spirituel confrère du Gil Blas, Edme Paz, a fait représenter, ce
printemps, au Cercle de la Pressp à Paris, une saynète en vers, à rimes
très riches, intitulée : En rentrant du Cercle. Cette say èt3 a été aussi
donnée au Cercle central des Lettres et des Arts, le 29 avril 1890. Dans
les deux circonstances, l'œuvre de notre compatriote a été très applaudie.
La revue jouée avec un égal succès cet été à Trouville — Le tout Paris
à Trouville — a de même été écrite par M. Edme Paz, en collaboration
avec M. J. de Hyce.
M. le docteur Marcel Baudouin, notre très distingué compatriote, qui
avait été Relégué par le Ministre de l'Instruction publique pour repré-
senter la France au Congrès international de médecine tenu récemment à
Berlin, est revenu de sa mission, le carnet plein de précieuses notes de
voyage dont il fera un jour part aux lecteurs de la Revue.
L'aimable maestro vendéen, M. Arthur de la Yoùte, qui était
cet été en villégiature à Evian-les-Bains, a fait exécuter, par l'orchestre
du casino de cette station, plusieurs de ses œuvres musicales inédites.
Ces auditions ont valu à l'habile compositeur les plus complets succès,
consécration nouvelle de son réel talent.
La nouvelle église de la Bruftière a été bénite, le 4 septembre 189U,
par Son Eminence le cardinal Richard, archevêque de Paris,
Ce monument élevé d'après les plans de M. l'architecte Ménard, a,
selon le Publicateur de la Vendée (n" du 7 septembre), grand air dans son
style romano-bysantin.
On annonce qu'un groupe de royalistes a entrepris de faire élever une
statue à Cathelineau, le Saint de r Anjou, au Pin-en-Mauges, près de
Beaupreau, à l'endroit même où eut lieu le premier soulèvement roya-
liste, sous la conduite de l'héroïque Vendéen.
*
Par arrêté ministériel du 11 courant, M. Filuzeau, architecte de la ville
de Fontenay-le-Comte, est nommé aux fonctions d'inspecteur des édifices
diocésains de Luron, en remplacement de M. Loué.
ÎS^ous souhaitons qu'entre les mains du nouveau titulaire, les anciens
monuments religieux de la Vendée soient plus archéologiquement traités
qu'ils ne l'étaient du temps de son devancier.
310 CHRONIQUE — NÉCROLOGIE
Le <.< méloJrame historique » de MM. l'abbé de Martrin-Donos et
G rouanne, Jehan de Harpedanne on la prise de Fonlenay par Du Guesclin,
a été représenté avec le plus grand succès sur la petite sc'.'ne de l'ins-
titution Saint-Joseph de Fontenay, en juillet dernier. Livret, décors et
e.xécution ont été très goûtés.
Des carreaux vernissés analogues à ceux qui font partie de la Oollec-
tion de M. Zénob de Bagneux, et provenant sans doute, comme ces
derniers, de l'ancienne fabrique de la Pellissonnière, ont été trouvés, il y
a quelque temps, dans la commune de Monsireigne.
Ils sont aujourd'hui en la possession de MM. Querqui. Nous espérons
en donner un jour une reproduction gravée.
Une bénédiction de cloches a eu lieu, le 7 septembre 1800, à la Bois-
sinre de Montaigu Le nouveau « chantre de bronze » sorti des ateliers
de M. Astier, de Nantes, porte les inscriptions suivantes : << Née en 4821 ,
trépassée le S novembre 1888, je suis ressuscitée le 7 septembre 1890 par la
bénédiction de Mz^ Clovis Calleau, cvrquede iuçon. Mon parrain, M. Vabhé
Isidore Petit, chanoine honoraire, et ma marraine ^7"^ Philomène Darbaud,
"m'ont nommée : Ilose-Pliilomène-Marie-lsidorine. »
Notre très cher collègue et ami, M. Henri-Daniel Lacombe, est depuis
quelques semaines l'heureux père d'un charmant bébé. Nous lui en
faisons nos bien sincères compliments, et dans l'espoir qu'au vingtième
siècle, il sera, à l'image de son auteur, un des plus fervents adeptes de la
Revue du Bas Poitou nous donnons au jeune poupon les plus fraternelles
accolades.
GIIRONIQUE — NÉCROLOGIE 311
NÉCROLOGIE
M
. l'abbé DENIEAU, curé du VoMe, auteur de Vllistoire de la
Vendée niililaire, décédé le l'J juillet 1800.
M. VICTOR-AUGTÎSTE LOUÉ, architecte, inspecteur des
travaux diocésains de Luçon, officier d'académie, décédé le 30 juillet
1890, à l'âge de 54 ans.
Bien que dessinateur habile et excellent praticien, M. Loué, sous le
fallacieux prétexte de les restaurer, a mis à mal de nombreux édifices re-
ligieux vendéens. Puisse Dieu ne lui pas en tenir aussi grande rigueur
que les archéologues 1
Mi'« MAGDELEINE PANNIER, df cédée ù Fontenay-le- Comte, le
7 août 1890, dans sa 97» année.
Née pendant les jours sang lants de la Terreur, M"e Pannier avait
l'esorit plein des souvenirs de ce tte néfaste époque.
Elle possédait un curieux musée mystique, des papiers de famille assez
intéressants et deux très jolis émaux religieux de Limoges.
Le R. P. VAILLANT, missionnaire de la Compagnie de Marie, décédé
le 13 août 1890, à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
M. le chanoine GANDOLIN, décédé le 21 août 1890. à l'âge de
70 ans.
« En dehors des heures qu'il consacrait à la prière, dit la Semaine
Catholique de Luçon, sa vie était studieuse et occupée. » Il fut pendant
un an environ chargé de la rédaction de la Semaine, et publia (chez
Gouraud, Fontenay), trois ouvrages de propagande : La vie populaire de
Noire-Seigneur Jésus -Christ , la Vie de la très sainte Vierge Marie et
l'histoire de VEglise naissante.
M">« HENRIETTE de MAYNARD , comtesse de LÉZARDIÈRE,
décédée le 23 août 1890, au château de Badiole.
Ses obsèques ont eu lieu à Luçon le 27 août.
M. HENRI i.s PUIBERNEAU, chevalier de la Légion d'honneur,
décédé le 13 septembre 1890, à l'âge de quatre-vingts ans, en son châ-
teau de Buchignon, près Fougère.
3i2 CIIRONImUE — NÉCROLOGIE
M, de Puiberneau, dit le Publicaleur de laVendée (n" du 17 septembre
1890), était un des hommes les plus distingués et a été un des person-
nages les plus considérables de notre pays.
le souvenir des services qu'il a rendus, comme grand propriétaire,
pénétré des devoirs de sa situation, membre des œuvres agricoles, maire
de Fougère, conseiller général pendant de longues années, député à l'As-
semblée nationale en 1871 et 1875, lui survit malgré la retraite où il a
voulu passer ses dernières années, se bornant à administrer paternelle-
ment sa commune, dont il a généreusement réédiûé l'église, et à rjpandre
autour de lui des bienfaits.
A ses obsèques, qui ont eu lieu le 10 septembre, deux discours ont été
prononcés par MM. Biré, sénateur, et Bourgeois, député.
M. Félix DE LA GRANDIÈRE, conseiller général de la Vendée,
décédé à Rocheservière à l'âge de 70 ans.
P. S. Nous avons commis dans la nécrologie du précédent fascicule,
en annonçant la mort de M. de Boismartin, une erreur que nous nous
empressons de rectifier.
C'est notre distingué collaborateur et ami lui-même, et non son père,
que la mort vient de frapper si prématurément. Nous n'en sommes que
plus douloureusement atteint, et nous profitons de la circonstance pour
renouveler à la famille de Boismartin l'expression de nos respectueuses
condoléances.
.,,>^K
■V
-r>
r.tiRONinuE — lîinLiooRAi'iliR 313
BIBLIOGRAPHIE
Dans les premiers mois de l'année prochaine, doit paraître chez
Pion un tiès intére&sant ouvrage. — Les Mémoires mililaires et
politiques du général Tercier — qui est appelé à faire sensation.
L'auteur de ces Mémoires, après avoir fait les campagnes d'Amérique
et d'émigration, et pris part à l'expédition de Quiberon, joua un rôle
important clans les guerres de la Chouannerie, où il commanda en
second sous Rochecolte et le général de Bourmont.
Notre très distingué compatriote et ami, M. Louis Chappot de laCha-
nonie, qui doit en faire la publication, a bien voulu nous promettre pour
notre fascicule de décembre prochain, la primeur de quelques-uns des
meilleurs chapitres de ce curieux manuscrit.
Des Anciens arlistes et artisans poitevins ou ayant travaillé en Poitou,
cités par notre excellent confière, Jos. Berthslé, dans le n" de la Uevue
Poitevine du 15 août 1800, nous retenons les noms suivants qui
appartiennent au Bas-Poitou :
Savary, moina de Saint-Michel-en-l'Herm, architecte du prieuré de
Bellenoue (Vendée), au Xl^ siècle ; Jean Pilerin, clerc de Luçon, chantre
de la chapelle pontificale à Rome, au XV^ siècle ; Pierre de la Noulx, des
Herbiers, scribe et miniaturiste du XV« sièc'e ; Le R. P. Benjamin de
^am^ -Pierre, auteur des plans du couvent des Carmes, étal)ii à la Flo-
celUère, en 1640; Paul Bernard ei Nicolas Habert, constructeurs de l'é-
glise de Notre-Dame de Bon-Port aux Sables-d'Olonne, en 1646.
Sous la signature beaucoup trop modeste de Harry, notre excellent
collaborateur et ami, H. Colins, a fiit paraître, cet été, (Mayeux, éditeur,
Sables-d'Olonne), un nouveau Guide aux Sables-d'Olonne cl aux environs,
où nous retrouvons, à côté du style merveilleusement délicat que chacun
lui sait, une érudition du meilleur aloi.
Cet élégant petit volume est accompagné de jolies illustrations de
M. Lanoë.
314 r.imoNinuE — bibliograpiIiE
Les poètes et compositeurs fontenaisiens ont une intarissable verve.
Nous en trouvons la preuve dans : Le Bouquet, de M. Arthur de la
Voûte, et dans Matinée d'avril, de M. Alfred Rousse : deux nouvelles et
exquises mélodies, dont les paroles sont dues à notre excellent confrère,
A. Bonnin. (Chatot, éditeur, l'aris, l'J, rue des Petits-Champs).
M. L. Brochet prépare une notice sur Saint-Michel en Vllerm. Cette
étude, comme toutes celles de notre érudit collaborateur, sera certaine-
ment accueillie avec faveur par le public lettré.
Le R. P. Guesdon, de Pouzauges, qui a séjourné en Cochinchine et au
Cambodge pendant quinze ans, va incessamment publier Une excursion
au Cambodge et au centre de V Indo-Chine, — volume de 3 à 400 pages,
accompagné de gravures, d'après des photographies prises par l'auteur
lui-même.
M. Olivier de Gourcufl prépare pour la Bibliothèque à dix centimes
d'Henri Gautier, un pendant à son petii volume des Poètes bretons, et
cela, sous le titre : Les poêles poitevins contemporains.
La Revue poitevine, a publié sous la signature de M. C, Puichaud un
intéressant article sur La petite église de Courlay et le musce des dissidents.
Le musée dont il s'agit est celui formé par un menuisier de Fontenay,
Jean Aubin, qui après avoir quitté sa ville natale alla se fixer à la
Plinelicre.
11 existe encore à Fontenay, entre les mains du sieur Perraudeau des
ornements, statues et autres objets sacrés ayant servi au culte dissident
En préparation : un magniGque ouvrage illustré sur la chasse à travers
les âges. Texte, par M. le comte de Chabot, du Parc-Soubise. Dessins
par M. Raoul Ga'gnard.
Notre excellent confière et ami, M. Henri Bourgeois, avocat à la
Roche-sur- Yon, offre gracieusement aux abonnés de la Revue satiès
curieuse brochure: Nos frères les animaux. Il suffit pour se la procurer
d'envoyer à l'auteur avec la bande de la Revue un timbre de quinze cen-
times pour l'alfranchissement.
Sous le titre Fédération poitevine et vendéenne de 1790, Le Libéral de
la Vendée (no'des '.] et 5 septembre 1890), a reproduit un article paru dans
la République française sons la signature de M. Cliassin, qui était l'année
dernière en Vendée, chargé d'une mission officielle à l'etlet de recueillir
des documents authentiques sur la période révolutionnaire.
Le troisième fascicule du Dictionnaire des Familles du Poitou (nouvelle
édition tièi augmentée), va être incessamment distribué.
CHRONIQUE — BIBLIOORAPHIK 315
De M. A, E^itton : Fiefs et Justices du Bas-Poituu (La Roche sur- Yon)
Servant, 1890, in-8°, 110 p. — Extrait de l'annuaire de la Société d'Emu-
lation de- la Vendée , (année 1889).
Dans le Publicateur de la Vendée, (n* du 18 juillet 1890), sous le titre
Une excursion archéologique : conipte rendu de la brochure de M. Reni
Vallette [Une excursion archéologique dans les cantons du l'IJermenault et
de Sainte- Hermine).
VEloile de la Vendée {n" du 24 juillet 1890) a publié sous le titre : les
Prisonniers Sablais sous la Terreur, un extrait des dernières chroniques
sablaises de notre savant collaborateur M. le docteur Petiteau.
De M. le chanoine Auber, historiographe ilu diocèse de Poitiers : His-
toire générale, civile, religieuse et littéraire du Poitou, t. vu. (Fontenay,
Gouraud, 1890, in-8», 537 p.)
Ce volume comprend toute l'histoire de notre région, depuis 994 jus-
qu'à 1110.
La Semaine catholique de Luçon, (n" du 9 août 1890) a publié un inté-
ressant article sur le Ciborium Renaissance de Téglise des Sables.
8ous presse, chez Gouraud, imprimeur- éditeur à Fontenay : Le liin
d'or de Luçon. par M. L. Ballereau, architecte.
Dans le dernier numéro de la Revue Poitevine (15 septembre 1890) : Le
3* printemps de hi Revue du Bas-Poitou (compte rendu non signé, par
Jos. Berthelé).
Dans le Mellois du 3 août 1890 : Une fi'te à Beauregard, — compte
rendu de la même réunion par E. Lacuve
Dans le journal La Vendée, ^continuation des Promenades historiques à
travers Fontenayle-Comte.
De M. le lieutenant Jaguin : V Historique du 137' régiment d'infanterie
(Fontenay, Gouraud, 1890, in-8° 170 p.).
De notre savant compatriote le docteur Marcel Baudouin : Hystéropexie
abdominale antérieure et opérations sus-pubiennes dans les rétrodévialiont
de Vutérus (Paris, bureaux du Progrès médical, 1890, in-8"* 4l4 p. av. pi.).
De M. Aristide Bellet : Premiers coups d'ailes, poésies, Fontenay, Gou-
raud, 1890 in-8° 36 p.
De noire compatriote, M. Aug. Barrau, VJle-aux-Moines (Léon Vanier,
éditeur, Paris),
31(3 CrtRONIQUK — HIRIJOGRAPHIK
.V. UelarueBeawaarchais contre M. Dancher de Beaumarchais Plaidoirie
de M' Cléry. (Nantes, Vincent Forestet Emile Grimaud, 1890, in-8', 20 p.).
De M. Jos. Berthelé : Le Donjon de Niort et son origine anglaise. (Niort)
bureaux de la Revue Poitevine, 1890, grand in-S**, 20 p. avec plan).
M. Garran de Balzan, des Chi\tellier3, a eu la gracieuseté de nous
adresser, par l'intermédiaire de M'"" X. Barbier de Montault, plusieurs
anciens documents vendéens inédits dont nous ferons profiter un jour ou
l'autre les lecteurs de la Revue.
R. DE Thivër^w.
Lr hirccteur-GéraiU : R. Vallktte.
Vit.iiiM. — ImiH-imfrie Eugène LAFOLYE, 2. place des Lice».
ly A ul..
r
2) OUJON.DE.LA. RoCHE- P (J S A-Y' ^
^^m^^
LA ROCHEPOSAY'
NOTES D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE
I. — LÉGi^ISE
L'ÉGLISE a été en partie reconstruite aux XIV« et
XV' siècles, remplaçant, sans aucun doute, une cha-
pelle beaucoup plus ancienne dont le clocher subsiste
encore, et qui, par le style de ses contreforts et de ses ouver-
tures plein cintre formées d'archivoltes à voussoirs égaux
et cunéiformes avec moulures étoilées, appartient sans con-
teste aux premières années du XII" siècle. La nef intérieure
de gauche contient plusieurs enfeux, probablement consa-
crés à l'antique famille des de Ghasteigner, dont les derniers
descendants viennent de sauver d'une ruine imminente le
vieux donjon féodal de leurs ancêtres. — Les arcatures de
cesenfeux sont en plein cintre et ornées dans leurs archivoltes
de feuilles de fraisiers, chicorées, etc., très habilement
modelées ; leur facture remarquable rappelle la superbe
arcature de Bourneau, du côté de l'épître, dans une arcade
* Bien que La Rocheposay appartienne anjourd'hui au département de
la Vienne, on aurait tort de croire que son histoire est étrangère à celle du
Bas-Poitou. Depuis le XV" siècle, en effet, cette seigneurie appartint aux
de Ghasteigner, ancienne et puissante maison, dont l'origine est intimement
liée à celle de la petite ville vendéenne delà Châtaigneraie.
• N. D. L. R.
Tome iv. — Octobre, Novembre, Décembre 1890. 21
3ii> LA ROGHEPOSAY
aveugle, nous avons retrouvé l'ancien marbre funéraire du
célèbre évoque de Poitiers' ; mais cette énorme plaque de
marbre noir, de 16 centimètres d'épaisseur, a été parfaitement
restaurée et remise en place; les brisures ont été remasti-
quées avec soin, le tout repoli, et les lettres rafraîchies
comme dorure. Nous avons gravé l'épitaphe de l'évêqueLouis
Ghasteigner, ce qal nous dispense de la transcrire ici. (Voir
planche II J.
En nous rendant au donjon, nuus ctierctions en vain la
curieuse enseigne d'hôtellerie que nous y avions vue l'an
passé au-dessus d'une fenêtre da XV* siècle ouverte sur
l'angle arrondi d'une maison de la même époque. Bien nous
en a pris de la dessiner alors, ce qui nous permet de mettre
sa curieuse légende sous les yeux de nos lecteurs^.
II. — Le uonjon.
UNE portion seulement de l'ancienne enceinte féodale
du château subsiste encore, vers l'ouest; mais elle est
en partie détruite et enclavée dans des bâtisses beau-
coup plus modernes. Tout le reste a disparu pour faire place
à des rues étroites et tortueuses circulant sur l'emplacement
jadis occupé par les tours, courtines et lieux d'habitation de
l'imposante forteresse. Le donjon seul, s'élevant aujourd'hui
presqu'au centre d'un petit jardin, est complètement con-
servé. Il a été construit sur un plan carré de 14 mètres en-
viron sur chaque face y compris la saillie des contreforts. Il
est buté sur chaque partie plane par des piles robustes d'un
mètre de saillie, avec empâtement à mi-hauteur et à leur base ;
• 11 y aurait une intéressante étude à faire sur ces vieilles enseignes dont
chaque jour qui s'écoule emporte les rarissimes débris.
> L'enfeu où se trouve la plaque funéraire d; l'évêque était autrefois en
style ogival, avec petits pinacles bordant les ouvertures de la baie. Un des
anciens curés de la Kocheposay, ayant reçu une somme d'argent pour orner
cette chapelle, ne trouve rien de mieu^ que de fiiire raser toutes les sculp-
tures et moulures qui dépassèrent le niveau de la muraille et de faire cintrer
In voiHe avpc du pl.îtrf !
LA UOCHKPOSAY 319
le tuul en moyen appareil de tuffeau à assises presque régu-
lières de 28 à 30 centimètres. J'ai compté 78 assises jusqu'au
sommet des mâchicoulis, ce qui donne une hauteur moyenne
de 17 mètres d'élévation au corps principal, qui seul appar-
tient à la construction primitive. La portion carrée bâtie en
retraite et couverte en ardoise nous a semblé complètement
moderne. La couronne de mâchicoulis est en partie détruite
par la gelée et le salpêtre; ce système défensif est, du reste,
beaucoup plus moderne que les murs du donjon, il a dû
remplacer au XIV* siècle les hourts en bois qui, en temps
de guerre, s'installaient toujours aux sommets des donjons
datant des XP et XIP siècles. Nous n'hésitons pas à faire re>
monter à cette dernière date celui de la Rocheposay; peut
être même les premiers étages de la base, où se voient
encore sur la face nord des moulures chanfreinées, peuvent-
ils dater de l'an mille.
Il existe encore sur cette même façade, au deuxième étage,
une ouverture plein cintre à archivolte, composée de clavaux
cunéiformes ; plus bas^ chaque travée placée entre les
contreforts présente un arceau plein cintre sans relief,
inscrivant chacun une meurtrière barlongue. L'ouverture
carrée placée au-dessus n'a aucun caractère précis ; elle
a dû être ouverte récemment;, ainsi que la baie cintrée
donnant accès, au rez-de-chaussée, dans une salle voûtée
en berceau avec grand appareil. Dans le principe, on ne
devait pénétrer dans cette salle que par l'intérieur du
donjon. La véritable porte s'ouvre à l'est ^ au rez-de-
chaussée de la tour; sur la droite, se trouve un escalier
étroit, montant par une pente droite et raide, dans l'épais-
seur de la muraille qui est de 2 mètres 70 centimètres, à une
vaste pièce* également voûtée en berceau, mais de moyen
appareil. Au sommet de la voûte, on voit encore une forte
dalle carrée qui s'enlevait à l'aide d'un anneau en fer, afin de
livrer passage, par l'orifice qu'elle recouvrait, aux munitions
de guerre que les assiégés faisaient ainsi parvenir rapidement
' Cette 11 environ 8 très sur 10 de côté.
320 LA ROCHKl'OSAY
à la plate-forme supérieure du donjon*. Les propriétaires
actuels ont eu soin de faire réparer tous les emmarchements
ruinés, et de rejointoyer avec soin les fissures du dallage su-
périeur par où la pluie s'infiltrait dans les maçonneries. Deux
étages existaient encore au-dessus de la salle voûtée du pre-
mier. Ces étages étaient fermés par un grillage de poutres
et solives, car il ne subsiste aucune trace d'arrachements de
voûtes dans les murs ; tandis que les trous des lambourdes
s'y remarquent dans tout le pourtour. De la terrasse supé-
rieure on jouit d'une vue très étendue et très pittoresque sur
l'immense vallée où coulent la Creuse et la Gartempe
qui vient y mêler ses eaux un peu avant le pont suspendu.
On suit de l'œil avec plaisir leurs capricieux méandres,
ombragés de hauts peupliers, jusqu'à ce qu'ils se perdent
dans les collines bleuâtres qui masquent la Touraine. Nous
adressons avec plaisir nos félicitations aux intelligents pro-
priétaires de cette antique forteresse, désormais à l'abri des
injures du temps et de celles des hommes bien plus dange-
reuses encore'. Tout près de là, sur la droite, subsiste encore,
de l'autre côté de la rue, un vieux logis avec tour à pans qui
a dû, au XW siècle, faire partie des bâtiments compris dans
l'enceinte du château'. Plus loin, sur la route de la Roche-
posay à Coussay-les-Bois, on trouve encore la vieille porte
d'entrée de l'enceinte urbaine, flanquée de deux tours avec
couronne de mâchicoulis ; nous y avons vu jadis le lion pas-
sant des de Chasteigner sculpté sur un écu inscrit dans un
trèfle quadrilobé.Nous craignons fort de voir prochainement
* Viollet-le-Duc eu décrivant dans son Dictionnaire d'architecture le
donjon de Coucy, a dessiné une planche remarquable qui explique parfai-
tement l'utilité de ces ouvertures que l'on trouve toujours au sommet des
voûtes des donjons du moyen âge.
' Ces travaux de conservation dus principalement à l'initiative de M. le
comte Alexis de ChasteiL^ner, ont été dirigés par M. Lavergne, agent-
voyer de l'arrondissement et architecte de la ville de Civray. —N. D. L. R.
' Au XVII* siècle, Chàtillon adonné de ce château une vue à peu près
complète. Mais toutes ces planches sont si mal dessinées et gravées, qu'il est
fort difficile à, un œil même très exercé' de pouvoir reconstituer l'aspect gé-
néral de cettp importante bâtisse militaire.
LA ROCHKPOSAY 321
cette curieuse porte disparaître, sous prétexte que le passage
n'est pas assez large pour la libre circulation des voitures.
* C'est ainsi que la plupart des villes n'hésitent pas à en-
lever ces vieux souvenirs du passé, sans songer qu'elles
écartent ainsi de leur enceinte les pas des touristes, amants
passionnés de ces antiques débris.
Terre-NeuTP, 27 novembre isnO.
U. DE ROCHEBRUNE.
m. — L?]s Seigneurs.
COMME complément de la savante monographie ar-
chéologique de M. 0. de Rochebrune, M, le comte
Alexis de Ghasteigner, de l'Académie nationale des
sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, et descendant
direct des derniers seigneurs de la Rocheposay, a bien voulu
nous autoriser, avec une parfaite bonne grâce à laquelle nous
nous plaisons à rendre hommage, à reproduire ici les très
intéressantes notes historiques qu'il a réunies en vue d'une
étude plus approfondie sur cette curieuse et pittoresque petite
ville.
N. D. L. R.
La Rocheposay faisait partie de l'archiprêtré de Ghâtellerault, de la
baronnie de Preuilly en Touraine, et de l'élection de Loches, généralité de
Tours.
Il y avait un prieuré sous le titre de Saint-Barthélcmy, dépendant, comme
la cure de Notre-Dame, de l'abbaye de Preuilly. Cette petite ville entourée de
murs, était le siège d'une chatellenie relevant anciennement de la baronnie
d'Angle, et, depuis le XIV» siècle, de la baronnie de Preuilly. Il reste une
tour carrée de l'ancien château seigneurial. On y suivait la coutume de
Touraine modifiée par une coutume locale relative aux biens des aubains et
des intestats.
322 LA ROCHEPOSAY
La Rocheposay fut désignée, suivant les époqaes, de diverses façons. —
Ecclesia Santa Maria de Rupe, 1099 {Bulle d'Urbain If pour Vabhayede
Preuilly.) — Râpes de Poizay. 1137 {Cart. de Noyers p. S40 ) — Rocha de
Pûuzai, 1208 (Cart. de la Merci-Dieu.) — La Roche de Pozay, 1295 [Ahh.
de la Merci-Dieu.) — Castellania de Rocha Pozay, 1302 (Fonteneau t. v p.
441). — La Roche de Pozé, 1311 (A bb. de la Merci-Dieu.) etc., etc*. i
Dans deux pièces, pa? citéîs jusqu'ici, du XIV-^ siècle, il est fait mention
de la Rocheposay.
La première est une convention passé} entre le roi Jean, et Edouard III,
à la date du 24 octobre 1360. L'^-roi d'Angleterre y rappelle Us articles du
traité de Brétigny, par lesquels il est convenu que les rois de France et
d'Angleterre se restitueront réciproquement certains pays et certaines
places. En vertu d'une convention nouvelle, le roi d'Angleterre restituera
avant la Chandeleur prochaine (1 360) les places retenues par lui ou les siens .
« Item, en Touragne : Lisle-Bouchart, la Rouche de Pousay,.... ' »
Il s'agit dans la seconde, des Commissions délivrées par Edouard III pour
l'exécution de la convention de Calais — (28 octobre 1360.)
Le roi d'Angleterre charge le sire de Pommiers, ainsi que Bérard,
et Arnaud d'Albret, de faire restituer au Roi de France les places retenues
par les Anglais : en Berry, Bourbonnais, Auvergne, Maçonnais, Lyonnais,
otTouraine. « en Tourayne la Roucht de Pousey occupiez puys
et contre lez trêves* »
I, — Le premier Seigneur connu de la Rocheposay semble être Effroy,
b" de Preuilly, qui jeta en 1001 les fondements de l'abbaye de Preuilly, où il
fut enterré en 1008. Il avait épousé, Béatrix d'Issoudun.
Puis viennent successivement :
II, — Geoffroy I", dit le Martel, apparaît vers 1030. Il avait épousé
Almonde.
' Dictionnaire Topographique du département de la Vienne, par Redet
p. 3C1.
* Archives Municipales de Bordeaux, tome i»"", livre des Bouillons, p. 75,
et 78.
* Archives municipales de Bordeaux, tome le', livre des Bouillons : p. 107
à 109.
LA ROCFIEPOSAY 323
ni. — Geoffroy II, s"" de Preuilly ot de la Roclieposay, trésorier de
Saint-Martin de Tours On possède plusieurs chartes de lui datées de 1047,
une autre pièce datée de 1063 II avait épousé Ameline de Blois.
IV. — Geoffisoy III, dit le Jourdain, b"" de Preuilly,';'" de Vendôme,
par son mariage avec l'héritière de cette maison, s"" de la Rocheposay, etc.
En expiation de ses fautes. GeofTroy III entreprit un pèlerinage en Terre-
Sainte. Il fut tué à la bataille de Rames, en Palestine, le 26 mai 1 103 .
V. — EsctiivARD F"", b"° de Preuilly, et s" delà Rocheposay. Foulques le
Réchin lui déclara la guerre en 1109, vint le b.oquer dans son château de
Preuilly, mais fut contraint de se retirer, après quelques jours d-i siège. On
ignore la date de sa mort ; il est cité dans des actes de 1115.
VI. — Pierre V, dit de Montrabel {de Monterabis), b"° de Preuilly, s" de
la Rocheposay, se trouvait en 1115 à la bataille de Séez. Il fonda, en 1116,
l'abbaye de la Merci-Dieu, fondation à laquelle son père Rschivard participa.
VII. — Pierre II, h°" de Preuilly et seigneur de la Rocheposay, s'opposa
courageusement à l'invasion des anglais en Touraine, en 1173. Il délivra
plusieurs chartes en faveur de l'abbaye de la Merci-Dieu. une. entre autres,
portant création d'une rente de 30 sous angevins, à prendre sur les péages
des ponts et gué de la Rocheposay, en 120i. Il mourut vers la fin de cette
année. Il avait épousé Aenor de Mauléon.
VIII. — EscHivARD II, b°°de Preuilly et sï"" de la Rocheposay, qui mourut
vers 1217 à son retour d'un pèlerinage à Jérusalem.
IX. — Geoffroy IV, b^^nde Preuilly, à qui le roi Louis VIII confia, en 1 223 ,
le gouvernement du château du Bouchet, en Brenne. Est-ce lui qui fut
sS'de la Rocheposay ou son second frère, Gosbert, que Carré de Busserolle
qualifie aussi s*"" le la Rocheposay ?
X. — EscHivARD III, b"" de Preuilly et s"" de la Rocheposay, (fils de
Geoffroy IV), fut convoqué au ban du roi, à Chinon, en 1242. Il rendit
hommage, en 1260, à Hugues, évéque de Poitiers, de la châtellenie delà
Rocheposay. Il mourut en 1265. Il avait épousé en secondes noces : Alis,
dame de Peroy, veuve de Ph. Patri.
XI. — Geoffroy V, b°n de Preuilly, s»"" de la Rocheposay, fit son testa-
ment en 1285, et mourut peu après.
XII. — EscHtVARD IV, b°" de Preuilly, s^"" de la Rocheposay, Il mourut en
1320 ; il avait épousé Marguetie Turpin de Crissé
XIII. — EsGHiVARo V, b"" de Preuilly, ss"" de la Rocheposay, reçut du
roi de France, en I3il, le titrede chivalier-banneret. Il refusa, en 1345, de
rendre hommage de la Rocheposay à l'évéque de Poitiers, et déclara ne
324 LA ROCHEPOSAY
relever que du Roi seul. Ce refus donna lieu à un grand procès qui n'eut de
solution que longtemps après.
XIV. — EscHiVARD VI. b"" de Preuilly et se"" de la Rocheposay, refusa,
comme son père, de rendre hommage de ce dernier fief aux évêques de
Poitiers. Ce différend se termina par une ordonnance royale de 1354, qui
donna gain de cause au ss'' de Preuilly et décida que la Rocheposay relè-
verait dorénavant de la Couronne. Il épousa en 3" noces, Sarrasine de Prie
de Buzançais. Il mourut en 1407, et sa femme en 1426. Tous les deux
furent inhumés à la Merci-Dieu'.
XV. — Geoffroy Chasteigner, chevalier, s*"" de Saint-Gçorges-de-Rexe,
de la Salle-d'Aistré, de la Rochefaton, fils d'Hélie Chasteigner II et de
Philippe de la Rochefaton, né vers 1382, mort en 1424, épousa en 1410
Louise de Preuilly, dame de la Rocheposay, et d'Andonville en Beauce,
Fille d'Eschivard VI, et de Sarrasine de Prie. Louise se remaria en 1432 à
Louis Bonenfant ; elle plaidait au Parlement avec son second mari en 1434,
contre Pierre Frottier et sa femme Marguerite de Preuilly (nièce de Louise)
pour la possesion des ch""" et chatellenie de la Rocheposay. Mais ils
transigèrent à ce sujet le 26 juin 1441. Elle a, dans cet accord, la qualité
de dame de la Rocheposay. « Le 30 septembre 1471, à sa requête, il fut
fait information contre Prégent Frottier, &" de Preuilly, (son petit-neveu),
qui, avec 50 hommes de la Tour de la Rocheposay, était venule 19 novembre
précédent briser ses coffres, et lui enlever toutes ses richesses, en argent,
joyaux et meubles notables ; action qu'il avait exécutée, muni de certain
mandement du Roi, par lequel Sa Majesté lui avait accordé la garde de la
ville et du château de la Rocheposay et qu'il avait obtenu, sous le faux
prétexte, que les enfants de Pierre Chasteigner, fiis aîné de Louise de
Preuilly, étaient passés au service du duc de Guyenne, frère du Roi, tandis
qu'ils avaient toujours bien et loyalement servi Sa Majesté, sans prendre
ni tenir autre parti que le sien. Aussi y eut-il décret de la Cour du
Parlement, pour appréhender au corps Prégent Frottier, avec 5 ou 6 de ses
plus notables complices, et faire saisir tous leurs biens. Mais Prégent ayant
tait évoquer le procès au Grand-Conseil du Roi, par la faveur qu'il avait
auprès de Charles d'Anjou, C^« de Guise, il y fut cependant ordonné que la
Rocheposay serait remise entre les mains de Louise de Preuilly et de se?
enfants, et que, pour les biens qu'elle avait perdus, elle en serait crue sur
son serment. Louise mourut le 25 février 1474, et fut inhumée en l'abbaye
de la Merci-Dieu.
» Recherches historiques sur Vancienne Baronnie de Preuilly, première
baronnie de Touraine, par J. X. Carré de BusseroUe. — Mémoires de la
Société archéologique de Touraine, tome IV, p. 210.
LA ROCHEPOSAY 325
XVI. — Pierre Chasteigner, chevalier, s"" de la Rocheposay, de Saint-
Georges de Rexe, du Lindois (dans l'Angoumois), de la Salle d'Aistré, de la
Rochefaton, etc. Il n'avait pas 14 ans le 2 septembre 1432. alors que parsen-
tence rendue en la justice de Niort, il fut, ainsi que ses frères, mis sous la
tutelle d'Héliot Chasteigner, leuroncle. Il rendit deux aveux en 1471; l'un de
son hôtel du Lindois, à Charles, s"" ie Montberon, l'autre aux c**^ du Maine,
comme b°" de Saint-Maixent, pour sa terre et sg""'* de Châteautison et son
fief de Marchais, à cause ds Jeanne de Varèze, sa femme, qu'il avait épousée
par contrat du 20 mars 1443. Elle était fille de Jean de Varèze, chevalier,
s' de Châteautison, et de Jeanne de Chasteigner, dame de la Melleraye.
Jeanne de Varèze fit un second t«stament, le 23 octobre 1501, à la Roche-
posay où elle mourut, et fut enterrée dans l'église de ce lieu.
XVII. — Guy Chasteigner, chevalier, se"" de la Rocheposay, de S*-
Georges-de-Reçe, du Lindois, etc., chambellan des rois Louis XI et
Charles VIIL il fit aveu en 1475 à la c'^"'" d'Angoulême pour les terres qu'il
tenait d'elle, à cause de sa baronnie de Montberon. Il mourut au Lindois
avant le 5 mai 1507, et fut enterré devant le grand autel de l'église parois-
siale du Lindois. Il avait épousé, par contrat du 14 février 1480, Madeleine
du Puy, fille de Louis du Puy, se' du Couldray-Monin, en Berry, et de Ca-
therine de Prie de Buzançais ; elle survécut à son mari de 1 3 ou 14 ans et fut
inhumée en l'église de la Rochefaton. Godefroy Chasteigner, 5* fils de Guy
Chasteigner et de Madeleine du Puy, euten partage, entre autres terres, celle
du Lindois, qui était dans la famille depuis 150 ans environ. Ses descen-
dants continuèrent la branche du Lindois, unie à celle de la Rocheposay,
sous le nom de Chasteigner de la Rocheposay seigneurs et b°°* du Lindois,
ainsi que le prouvent les documents que nous avons en mains.
XVIII — Jean Chasteigner, III« du nom, (l^"" fils des précédents) né en
1491, s^' de la Rocheposay, de S'-Georges-de-Rexe, delà Rochefaton, etc.
bon de Preuilly en partie. (Il fut mis en possession de cette partie de la baronnie
de Preuilly par un arrêt du Parlement en date du 29 avril 1544.) Chevalier
de l'ordre de S'-Michel, qu'il reçut des mains de Claude Gouffier, Grand-
Ecuyer de France, en l'église de la Rocheposay, chambellan et conseiller
des rois François 1®"" et Henri II, leur maitre-d'hôtel ordinaire, gentil-
homme de la Chambre, il fit en 1547 l'office de maître des cérémonies aux
obsèques de François l*"". Il mourut à Touffou, le l*"" juin 1568, et fut enterré
en l'église de la Rocheposay. Son épi*aphe fut faite par le fameux Scaliger.
Il eut des charges honorables, et servit avec zèle et glorieusement les rois
Louis XII, François 1*'', et Henri II. Il avait épousé, par contrat du 20 juin
1519, Claude de Monléon. dame de Touffou, d'Abain, etc., fille de Louis de
Monléon et de Sibille Chappron ; elle mourut le 8 juillet 1564, et eut sa
sépulture dans l'église de la Rocheposay,
32G LA ROCHEPOSAY
XIX. — François Ghasteigner, le 6^ enfant des précédents, S8' de la
Rocheposay, de Touffou, et Talmont b°° de Preuilly en partie, chevalier de
l'ordre du Roi, conseiller-maître d'hôtel et gentilhomme de la chambre des
rois Charles IX ei Henri III, gouverneur de Provence, etc. Né à ToufTou
le '2i avril 1532. Il accompagna en Pologne Henri de France, duc d'Anjou.
Il mourut en 1579, et fut inhumé en l'abbaye de la Merci-Dieu. Louis Ghas-
teigner, ss'' d'Abain, son frère, lui fit laire un tombeau avec épitaphe p<jr
Scaliger, Jean Boiceau, avocat à Poitiers, lui fit aussi une épitaphe en vers
français. Il épousa en 1566 Louise de Laval, baronne de la Faigne,
fille unique de Louis de Laval et de Léonore de Gastillio.
XX. — Il n'eurent qu'un fils, — René Ghasteig.ner, s»'' de la Rocheposay
etdeTouffon, 1)°" de Preuilly, qui mourut, âgé de 13 ans, pendant que le
roi Henri IV assiégeait Chartres en 1591 -, il fut inhumé à la Merci-Dieu,
près de son père. — Ce fut son oncle, Louis Ghasteigner, s^"" d'Abain, qui
hérita de lui. ^
XXI. — Louis Ghasteigner, s"" d'Abain, de la Rocheposa^ , etc., b"" de
Preuilly, chevalier dns ordres du Roi, conseiller en ses conseils privé et
d'Etat, capitaine de 50 hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur
et lieutenant-général de la Haute et Basse-Marche, naquit au château de la
Rocheposay le 15 février 1535. Il eut de très nombreuses chargf's, civiles
et militaires ; il fut, entre autres, envoyé par Henri III pour aller en son
nom rendre l'obédience filiale, à cause de son avènement à la couronne de
France, au pape Grégoire XIII et demeura 5 ans à Rome comme ambassa-
deur ordinaire de France auprès de Sa Sainteté. Il prit une large part aux
troubles et combats occasionnés par la Ligue, principalement en Poitou et en
Limousin, et tint toujours pour le parti du Roi. Il mourut à Moulins en 1595,
et fut inhumé à la Rocheposay, -- cérémonie que présida l'évêque de Poitiers.
Son épitaphe fut composée pa» J. Scaliger (qui fut assez longtemps précep-
teur de ses fils.) Il avait épousé, par contrat du 15 janvier 1567, Claude du
Puy, sa parente, fille de Georges du Puy, chevalier, se-- du Goudray, et de
Jeanne Raffin ; elle mourut en 1622 et fut enterrée dans l'église de Dissais.
Un (le leurs fils, Henri-Louis Ghasteigner, fut évèque de Poitiers de 1611
à 1650. Il fut inhumé dans l'église de la Rocheposay, où l'on voit encore
son tombeau.
XXII. — Jean Ghasteigner, IV", ss»- de la Rocheposay, d'Abain, etc.,
b°' de Preuilly, maréchal de camp des armées du Roi, succéda à son père,
romme gouverneur et lieutenant-général pour le Roi dans la Haute et
Basse-Marche. Il prit, lui aussi, une large part aux combats contre la Ligue
et contre les protestants. Il épousa, en 1605, Diane de Fonsèque, fille de
Charles de Fonsèque, b'" de Surgères, et d'Ester Chabot.
LA ROCHEPOSAY 327
XXIII. — Charles Chasteigner, m" de la Rocheposay, néen 16H, suivit,
comme tous les siens, la profession des armes. Il fut député par les gentils-
hommes du Poitou à l'Assemblée générale des Etats tenue à Tours en 1651.
Il avait épousé, en 1640, Charlotte Joussorand, fille de Philippe Jousserand,
chevalier, s"" de Londigny, et d'Anne d'Escoubleau. — Deux fils qui naquirent
de ce mariage moururent jeunes, et il ne resta qu'une fille, qui fit passer,
par son mariage, la terre de la Rocheposay dans la famille Ysoré de Pleu-
martin, qui la possède encore.
XXIV. — Ct\br[elle Chasteigner, dame de la Rocheposay, fut mariée, par
contrat de décembre 1662, à René Ysoré, III* du nom, m" de Pleumartîn,
lieutenant pour le Roi en Touraine et Poitou ; fils de Georges Ysoré,
M'» d'Ervault et de Pleumartin, et de Marie de RoucheroUes.
« Ce fut un seigneur très savant : il écrivit contre le calvinisme trois
volumes de controverses, qui se voyaient autrefois au trésor du château «le
Pleumartin. A cette époque, s'il faut en croire le père Jacob', la bibliothèque
de ce château était l'une des plus remarquables de France. On y avait
transporté les richesses et les objets précieux rassemblés par Louis Chas-
teigner d'Abain au château de la Rocheposay. Ces richesses avaient été
classées et inventoriées par Joseph Scaliger, précepteur des enfants de Louis
Chasteigner, qui habita quelque temps, à ce titre, le château de la Roche-
posay. (Extrait des Arch. du Château de Pleumartin*). »
XXV. — Georges Ysoré Ile, m'' de Pleumartin, sS' de la Rocheposay,
épousa en 1683 Geneviève Rolland. Il mourut en 1699.
XXVI. — Nicolas Y'soré, m'' de Pleumartin, s''' de la Rocheposay, épousa
par contrat du 4 décembre 1715, Anne Lelay de Villemare du Plessis.
XXVII. — Victor-Marik-Nicolas Ysoré, M'M'Ervault et de Pleumartin,
SB' de la Rocheposay, mourut en 1757 ; il avait épousé Madeleine-Françoise
d'Usson de Bonnac.
XXVIII. — Armand-Louis-François Ysoré, m"' d'Ervault et de Pleumar-
tin, avait épousé en 1784 Angadrème de Carvoisin.
XXIX. — Avant 1825, le donjon de la Rocheposay appartenait à
M. Hyppolite Boyer et à sa femme Ursule Delessard. Ils l'avaient eu par
succession de Jean-Louis Boyer, comme dépendance d'une maison.
i Notice sur les Bibliothèques de France. (R" du Châtelleraudais. etc.
abbé Lalanne).
* Histoire de CMtelleraud et du Châtelleraudais, par l'abbé Lalanne, curé
d'Oiré. Tome second, p. 384.
328 LA ROCHEPOSAY
XXX. — Ils vendirent ces immeubles en 1825 à M. de Talibon, notaire
à la Rocheposay.
XXXI. — Par héritage, le donjon revint à M'i" Marie-Noémie de Talibon.
XXXII. — Au mois d'octobre 1889, les derniers descendants des Chas-
teigner de la branche du Lindois et de la Rocheposay, s'en rendirent
acquéreurs, aux enchères, par suite de l'adjudication ordonnée, à cause de la
minorité de M"® de Talibon.
Ils viennent de terminer des réparations qui assurent pour longtemps la
conservation de cet intéressant monument.
C* Albxis de Ghasteigner.
^m
LA FEMME EN BAS-POITOU
Discours prononcé à la 53' séance publique annuelle de la
Société des Aïitiquaires de l Ouest.
(5 janvier 1890).
C'est plus particulièrement à vous, Mesdames, que je
dédie ces pages, modeste livre d'or du sexe char-
mant dont s'enorgueillit notre beau pays de Vendée.
Sans doute, j'eusse trouvé à cet égard dans l'histoire de
votre cité plus d'un sujet intéressant à mettre en lumière.
Mais vous savez ce qu'écrivait, un jour, mon illustre compa-
triote Benjamin Fillon : « De tous les lieux dont l'archéo-
logue s'efforce de reconstituer les annales, aucun n'est étudié
avec autant d'amour que celui où il a passé les années de
son enfance. » C'est là mon excuse.
La femme 1 Quel sujet a davantage tenté la plume
des écrivains! Il n'y a rien là pour nous surprendre.
Quiconque a feuilleté les annales du monde, a pu se con-
vaincre de cette vérité, que partout, à toutes les périodes de
l'histoire générale des peuples, à toutes les heures de l'his-
toire particulière de .l'homme, la femme a exercé une action
ouverte ou mystérieuse, mais toujours prépondérante.
C'est ce que je me propose de démontrer en passant rapi-
dement en revue les femmes du Bas-Poitou qui, aux diverses
époques, se sont rendue célèbres dans l'histoire, soit par
la pureté de leur existence et la générosité de leur coeur,
soit par l'élévation de leur esprit, soit par l'héroïsme de
leur conduite, soit même par les défaillances de leur vertu.
330 LA FKMME EN BAS-POITOU
I. — La femme chrétienne.
Gliaquo femme ici-bas a sa mission. S'il y a les prédes-
tinées aux œuvres de Satan, il en est d'autres qui sont en-
voyées sur la terre pour y répandre un parfum de la grâce
divine. Ces dernières ne font point défaut dans l'histoire du
Bas-Poitou. Bien qu'elle n'y m3ntionne, en efïet, la naissance
d'aucune sainte, nous avons cependant quelque droit à "re-
vendiquer pour nôtres cellesqui, dans leurs fréquents séjours
sur la terre vendéenne, ont prodigué à nos pères les exquis
trésors de leur âme chrétienne.
Sans parler de sainte Radegonde, de sainte Florence, de
sainte Triaise. de sainte Loubène, de sainte Néomaye, de
ainte Pezenne ou Pexine, de sainte Macrine, etc., dont les
noms sont encore en vénération dans maintes paroisses du
Bas-Poitou, qu'il me soit permis d'accorder un plus spécial
souvenir à cette vierge « très noble et très pieuse » dont il
est pai'lé dans la légende de saint Vivent, et qui fixa très-
vraisemblablement sa résidence à Ghaillé-les-Ormeaux (Sl-
miliaciis). Gléopatronie était son nom, et voici dans quels
termes la légende s'exprime à son endroit : « Vivent, se
rendant au pays d'Herbauges, s'arrêta d'abord à Signorissa
{Sirjournay, sans doute, ou selon M. l'abbé Baudry, la Sigo-
gnière, près de Mareuil), puis à Similiaciis (Chaillé-les-
Ormeaux), dans le dessein de préparer une demeure en ce
lieu pour la très noble et très pieuse vierge Gléopatronie,
qu'il avait convertie à la religion chrétienne. La sainte jeune
fille passa, en efTet, toute sa vie dans cette localité, uni
quement occupée à servir Dieu par la pratique continuelle de
l'oraison et de la charité envers les pauvres. »
Si l'on ajoute foi au vieux légendaire, dont le récit (visi-
blement interpolé) est consigné dans un manuscrit découvert
à la Bibliothèque nationale par Dom Ghamard', et qui
remonte au XI' siècle, Gléopatronie était fille d'un chef ou
' Ms. 13762, fol. 1. .337 — Fde». Pd».
LA FEMME EN BAS-POITOU 331
gouverneur romain, nommé Dacien. Vivent l'exorcisa et la
baptisa ensuite. La pieuse jeune fille eut une vision pendant
son sommeil : un ange lui conseilla d'employer le superflu
de ses richesses à la confection de deux candélabres et
d'autres objets devant servir au culte catholique et qu'elle
offrirait au Saint-Siège apostolique « ad apostolicam sedem»,
par elle-même ou par un mandataire. Elle obéit et chargea
Vivent de porter ses présents à Rome. Vivent accepta;, mais
effrayé par la persécution qui sévissait alors dans cette ville,
il s'enfuit, abandonnant son compagnon, saint Benoît (d'Ai-
zenay), qui le rejoignit néanmoins, en se servant, dit toujours
le légendaire, du manteau que lui avait donné Cléopatronie,
comme d'un vaisseau.
C'est pendant ce voyage que Vivent prépara une demeure
pour la pieuse vierge à Similiaciis, qui fut témoin jusqu'à sa
mort de ses insignes vertus et de son inépuisable générosité
pour les pauvres.
Dieu a mis, en effet, au cœur de la femme un tel besoin
d'aimer, que lorsque les affections ordinaires de la vie lui
font défaut, il faut qu'elle prodigue l'excès d'amour dont
son cœur déborde à quiconque souffre et pleure. Chateau-
briand disait mieux : «Les femmes ont un instinct céleste
pour le malheur. Seules, elles sont capables de ces dévoue-
ments prolongés qui ne reculent ni devant la fatigue, ni
devant le dégoût, ni devant l'ingratitude. »
J'en trouve deux exemples remarquables dans Marie Bris-
son et Anne Benoist qui vivaient à Fontenay, auXVIP siècle.
La première, fille de François Brisson et de Louise Gênais,
était le dernier représentant de la branche de cette illustre
famille qui avait produit le fameux président Barnabe Bris-
son. Héritière d'une fortune considérable, elle en fit toute sa
vie le plus digne emploi. 11 n'est pas une œuvre pieuse ou
charitable qui n'ait bénéficié de sa générosité, et l'histoire
de notre ville est remplie de faits qui témoignent à la fois de
son ardente passion pour la gloire de Dieu et pour le sou-
lagement des pauvres. A tel point, que le nom lui en est
resté, et que le souvenir de la Mère des Pauvres est encore
vivant parmi nous.
332 LA FEMME EN BAS-POITOU
Bien que d'une naissance moins illustre, Anne Benoist n'en
a pas moins une page glorieuse dans nos annales.
Elevée sous les yeux de Renô Moreau, curé de Notre-Dame,
et de M"* de la Chaulne, coopératrice du vénérable pasteur,
elle apprit à celte école comment on pouvait devenir la Provi-
dence des malheureux, même avec de modesles ressources.
Sans crainte de s'humilier, elle allait elle-même quêter à
domicile pour ses pauvres, précédant ainsi les admirables
Petites Sœurs qui se dévouent au soin des vieillards, ou
bien elle s'asseyait au chevet des malades pour panser leurs
blessures ou leurs plaies.
C'est le cas de rappeler cette parole de Voltaire : « Peut-
être n'est-il rien de plus grand sur la terre que le sacrifice
que fait un sexe délicat de la jeunesse, de la beauté, souvent
même de la haute naissance, pour soulager, dans les hôpi-
taux, ce ramas de toutes les misères humaines, dont la vue
est si humiliante pour l'orgueil humain et si révoltante pour
notre délicatesse. »
Et cependant, il est des plaies plus répugnantes encore
et un dévouement plus méritoire : — les plaies morales à la
guérison desquelles des vierges chrétiennes vouent la pureté
de leur existence. Cette héroïque tâche;, vous le savez,
Mesdames, s'exerce chaque jour à côté de vous, derrière les
murs de ce refuge si heureusement appelé le Bon Pasteur.
Mais ce que vous ignorez peut-être;, c'est que cette œuvre,
admirable entre toutes celles enfantées par la charité et par
la foi, doit son existence à une fille de la Vendée, ce berceau
de tous les héroïsmes. Rose-Virginie Pelletier, — c'était son
nom dans le monde, — naquit en effet à Noirmoutiers, le 31
juillet 1796, au lendemain de la Révolution, sur une terre
encore chaude du généreux sang qui y avait été versé, et
toute préparée pour y faire germer d'autres dévouements.
II
La Femme et les lettres.
a L'homme, dit quelque part la Genèse, est la tête de la
femme ; la femme est le cœur de l'homme. » Est-ce a dire
LA FEMME EN BAS-POITOU 333
que la femme doive borner là son rôle, que loules aspirations
intellectuelles lui soient interdites, et qu'il ne lui soit pas
possible, comme disait dans un langage imagé la belle
Lyonnaise, Louise Labbé, d'élever son esprit par dessus les
quenouilles ?
L'histoire s'est chargée de la réponse.
Lorsque le roi de Navarre se fut emparé de la ville de Fon-
tenay, en juin 1587, il en donna le gouvernement à un de ses
meilleurs ofTiciers, Charles Eschallard, seigneur de la
Boulaye. Après la mort de ce dernier, son fils, Philippe, lui
succéda sous la tutelle de sa mère, Marie du Fou.
Madame de la Boulaye, protestante zélée, jouissait à
Fontenay, dans l'un et l'autre parti, d'une grande considéra-
tion. Energique et habile autant que lettrée et même savante,
elle tenait'au château de Fontenay une véritable cour, dont
les vassaux du domaine royal et les meilleurs esprits de la
cité fontenaisienne fournissaient les principaux éléments.
Nicolas Rapin lui-même, qui était venu se reposera son
castel de Terre-Neuve des fatigues des camps et des agita-
tations politiques, ne dédaignait pas de se rendre à ces réu-
nions qui étaient, dit la Chronique, de véritables régals litté-
raires. Et c'est sans doute du pourpoint de quelque admi-
rateur de Marie du Pou que s'échappa,, un jour, cette jolie
strophe trouvée plus tard au château de Fontenay :
Les plaisirs innocents ont choisi pour asile
Ce palais, oii l'art semble épuiser son pouvoir :
Si l'œil de tous côtés est charmé de le voir,
Le cœur à, l'habiter goûte un bonheur tranquille.
Rapin, dont j'évoquais tout à l'heure le souvenir, avait
une nièce, Suzanne Cailler, qui figure avec distinction parmi
les poètes du XVIP siècle. Ses vers ont de la vivacité, de la
noblesse, et dénotent une riche imagination. On se plait
notamment à citer les Stances sur le trépas de Nicolas Rapi?i,
qui ont fait dire à Dreux-Duradier que la nièce n'était point
indigne de l'oncle.
La petite-fille d'un autre de nos grands hommes^, Marie
Tiraqueau, se fit également remarquer par la culture de son
Tome iv. — Octobre, Novembre, Décembre 1890. 22
334 LA FEMME EN BAS-POITOU
intelligence. On prétend même — n'en déplaise à la mémoire
de Molière.— qu'à 17 ans, la langue latine n'avait plus de
secrets pour elle.
André de Rivaudeau en a tracé un charmant portrait que
j'aurais mauvaise grâce à ne pas rééditer :
... Ni les grans cités, ni les cours des grans Rois
Qui maîtrisent l'Espagne et le peuple François
Ont en un seul sujet et sur plus belle face
Plus de gentil sçavoir, ni plus de bonne grâce
D'honneur, de courtoysie et de perfection'...
Ni la grâce, ni l'esprit ne manquaient non plus à cette
damé de la Rabastelière qui nous a laissé plusieurs ouvrages
en prose et en vers, ainsi qu'un livre de piété intitulé le
Solitaire de Terrasson^. G'éiduii la. fille de François Bruneau
qui succomba si vaillamment à Nordlingen, après avoir con-
tribué à l'une des plus belles victoires du Grand Condé
Toutefois, il y a loin des Cailler, des Tiraqueau et des Ra-
bastelière aux illustres dames de Rohan, dont l'esprit et la
beauté ont été si souvent célébrés. On se souvient de ce
qu'écrivait Agrippa d'Aubigné, parlant de Catherine de Par-
thenay et de sa fille Anne : « Les écrits des deux nous ont
fait cacher nos plumes plusieurs fois ; en elles deux les ver-
tus morales et intellectuelles ont eu un doux combat à qui
surmonterait. »
Catherine, la mère, avait du reste de qui tenir. N'était-
elle pas la fille de cette Antoinette d'Aubeterre « tenue pour
un miroir de chasteté entre toutes celles de son temps, pour
son bon entendement » ? Son premier maître, au Parc, où
elle vit le jour, fut notre grand algébriste, François Viète,
t Œuvres poétiques (édition de Sourdeval, p, 212).
» Née le 10 lévrier 1645 de François Bruneau de la Rabastelière et de Char-
lotte-Hélie de Pompadour de Laurière, Charlotte-Françoise avait épousé
Charles des Cars, marquis de Merville {Généalogie du P. Anselme^ t. ii, p. 232) .
LA FEMME EN BAS-POITOU 335
qui lui dédia plus tard un de ses ouvrages. Le commerce du
célèbre mathématicien devait naturellement diriger l'esprit
de la belle dame de Soubise du côté des sciences abstraites ;
la fréquentation d'André de Rivaudeau lui inspira de même
le culte de la muse; et, lorsque Charles de Quénellec, son
époux, eut succombé sous le poignard des assassins de la
Saint-Barthélémy, la jeune veuve demanda à l'élégie des
accents plaintifs pour pleurer son trépas.
Mais la poésie et les sciences n'eurent pas seules ses ado-
rations ; elle cultiva les lettres grecques, traduisit en fran-
çais les préceptes dlsocrate à Dominique et composa plu-
sieurs tragédies qui ne sont pas arrivées jusqu'à nous.
De la a belle Anne, savante et sage » et dont, au dire du
même Agrippa, « l'esprit a été trié entre les délices du ciel »,
on possède en revanche de nombreuses poésies. Nous n'en
citerons qu'une seule, assez peu connue, et qui, en raison du
souvenir qu'elle honore, revêt pour nous un double intérêt.
Il s'agit de l'épitaphe rimée pour le tombeau de Catherine
des Nouhes, fille de Madame de laTabarière, morte à Paris,
à l'âge de 19 ans :
Passant, no passe point, borne ici ton voyage,
Donne trêve à tes pas, mais non pas à tes pleurs ;
Arrouse sans arrest les cendres d'une fleur
Qui sentit de l'hiver dès son printemps l'orage.
Déteste d'Atropos l'inévitable rage.
Lamente ainsi que nous notre cruel malheur
Pleure l'aimable objet de notre âpre douleur,
Celle dont les vertus anticipèrent l'aage.
Non, ne la pleure point, son âme, dans les cieux,
Voit son bénin Sauveur, dont le sang précieux
La rendit son épouse et compagne des anges.
Plains celle à qui la mort fait tant de deuils sentir.
Qui l'avait mise au monde et qui l'en voit sortir,
Donne à l'une des pleurs, à l'autre des louanges.
Au reste, les deux sœurs d'Anne n'étaient pas moins
douées : Henriette, poète aussi, maniait avec habileté le
pinceau ; Catherine, la puînée, dont on connaît la fière ré-
336 LA FEMME EN BAS-POITOU
pense aux obsessions du trop galant Béarnais, brillait autant
par la beauté que par la grâce et par l'esprit. Elle excellait
comme musicienne et comme poète; malheureusement
aucun de ses vers ne nous est parvenu. Mariée au duc des
Deux-Ponts, elle mourui en couches, deux ans et neuf mois
après son mariage.
Au XVIII' siècle, le bel esprit fait place à la philosophie.
C'est alors que M"' de Lézardière écrit sa Théorie des lois
politiques delà Monarchie Française. Curieuse physionomie
que celle de cette jeune fille préférant aux plaisirs frivoles et
aux joies mondaines de son âge et de son rang les calmes
jouissances de l'étude. Issue d'une des plus anciennes fa-
milles du Bas-Poitou, elle eût pu aisément briller à la Cour.
Elle n'en franchit cependant que rarement le seuil, ce qui ex-
plique peut-être le mot désobligeant qu'on prête à Louis XV
à son endroit.
Douée d'un rare esprit d'investigation, elle résolut d'ap-
pliquer à l'étude de l'histoire la méthode que Descartes avait
appliquée à l'étude delà philosophie, et de ne rien accepter
qu'elle ne l'eût vérifié elle-même. On devine l'immense tra-
vail que lui coûta ce programme, et on comprend aisément
que ce n'était pas le fait d'un esprit vulgaire.
Aussi bien, en venant se fixera la Proustière, avec sa fa-
mille, elle ne pouvait trouver un lieu plus propre au recueille-
ment et àla méditation qui conviennent à de sérieuses études.
Un vieux château, entouré d'arbres séculaires ; à sa porte,
une abbaye dont on entendait la cloche aux heures de la
prière ; des chemins effondrés, comme on en rencontre par-
fois encore dans la Vendée ; par conséquent, des communica-
tions difficiles et une sorte d'isolement au milieu du Bocage^
— tout concourait à donner à cette demeure l'aspect d'une
maison de studieuse retraite.
Est-ce à dire que le baron de Lézardière ait fait choix de
cette habitation pour permettre aux goûts de sa fille un plus
facile essor ? Bien au contraire, il mit tout en œuvre pour la
détourner de la voie extraordinaire dans laquelle elle s'en-
gageait. Vains efforts, du reste, et qui ne firent que donner
plus d'éclat à l'irrésistible vocation de M"* de Lézardière.
LA FEMME EN BAS-POITOU 337
Interrompue un instant par la Révolution, qui avait mul-
tiplié autour d'elle les victimes, M"* de Lézardière, désormais
dans la force de l'âge et du talent, reprit, avec des jours
meilleurs, l'œuvre qui avait à si juste titre émerveillé Ma-
lesherbes, Bréquigny et dom Poirier.
Après tant de talent dépensé, on s'attend à une brillante
apothéose. Il n'en sera rien. M"® de Lézardière, son œuvre
parachevée, mourra ignorée, sans avoir connu les enivre-
ments de la gloire. Injustice de ses contemporains, dont l'a
vengée l'admiration de la postérité.
La capricieuse gloire ne s'est pas aussi longtemps fait
attendre pour M"° de Vertillac, cette illustre petite fille d'un
seigneur de Saint-Gilles-sur- Vie, Nicolas Daniau. Orpheline
très jeune, elle avait reçu, entre les mains d'une mère d'un
mérite distingué, une éducation brillante, connaissait le latin,
l'italien peut-être, et s'il faut en croire un de ses admirateurs,
possédait sur toutes choses, même sur les sciences^, des idées
très exactes. Si bien qu'avant de se marier — ce qu'elle fit,
du reste, assez tard, à 36 ans — elle avait parfaitement établi
sa réputation de femme savante dans la meilleure acception
du mot'.
Ne soyons donc pas surpris si M'" Lhéritier lui dédia un
jour ses Epitres héroïques en rimes aussi louangeuses :
Aimable et savante comtesse,
Que vous auriez brillé dans Rome et dans la Grèce
Par ce goût fin et ce rare savoir
Qu'en tous les temps vous faites voir !
Athènes, ni la Cour d'Auguste,
N'ont jamais vu d'esprit plus éclairé, plus juste ;
Et tous ces hommes excellents
Dont elles admiraient les sublimes talents
Eussent été charmés si vos doctes suffrages
Eussent couronné leurs ouvrages.
La châtelaine de Saint-Gilles aimait, du reste, à s'entourer
d'artistes célèbres et de savants illustres. C'est ainsi qu'elle se
1 Abbé Pontdevie. La chôtellenie de Saint-Gilles-sur-Vie et ses seigneurs
An. Soc. Eraul. Vendée. 1885, p. 18J et s. —
338 LA FEMME EN BAS-POITOU
la très étroitement avec le poète breton Desforg-es-Maillard,
et avec le marquis de Maffei, celui que Voltaire surnomma
le Sophocle Nérojiais. Au contact de ces grands esprits, les
connaissances de M"* de Vertillac ne pouvaient que merveil-
leusement s'accroître. Et cependant son mérite littéraire
n'était rien, paraît-il, comparé à ses vertus. C'est du moins ce
que nous apprend le Mercure de France dans le pompeux
éloge funèbre qu'il lui consacra en janvier 1652, quelques
mois après sa mort.
« Une si digne femme^ y peut-on lire, devait être pleurée
amèrement de tous ses amis ; aussi, il n'en est point qui n'ait
dit du fond de son cœur avec Horace :
Quis desiderio sit pudor aut modus
Tarn rari capitis
Quando ullani invenient parem. >
m.
La Femme dans la Légende.
Dans les légendes, dont le peuple poitevin s'est toujours
montré si friand, les grands premiers rôles sont généra-
lement tenus par la femme, à laquelle il accorde volontiers
une puissance surnaturelle et un génie supérieur, parfois
môme un redoutable empire et des passions extravagantes.
Jane referai point ici l'histoire des prêtresses celtiques
K qui volaient dans les airs par les nuits glacées », ni des
belles lavandières « qui blanchissaient au clair de lune le
suaire des morts ». Nos campagnes ont tellement conservé
le poétique souvenir de ces fées merveilleuses, de ces in-
nombrables dames blanches, qu'il n'est pas, à l'heure pré-
sente, une seule commune vendéenne, qui ne possède son
Pré de la Dame ou son Champ de la Demoiselle.
Je ne vous redirai pas davantage l'épopée si connue de
l'illustre Mélusine, dont la mémoire, à la façon du lierre,
s'est attachée aux vieilles murailles de nos donjons déman-
LA FEMME EN BAS-POITOU '339
télés de Pouzaug-es et de Vouvent. Mais, qu'il me soit
permis d'évoquer l'image plus oubliée de Béatrix de Mau-
léon, dont on raconte encore en frissonnant la sanglante
légende, à l'ombre des murs ruinés de l'ancienne abbaye
des Fontenelles.
Cette princesse était d'une humeur sombre et farouche,
comme on en voyait heureusement peu dans ce temps de
pages malins et d'amoureux trouvères. Le sire de Mauléon
étant parti pour la Terre-Sainte, la dame vivait dans la soli-
tude la plus complète en son manoir de Talmont. Les nobles
dames dont les époux étaient aux Croisades passaient leur
temps à filer et à faire delà tapisserie^ entourées de leurs
femmes. Ces innocentes occupations n'étaient pas du goût
de la dame de Mauléon, qui n'avait pour toute distraction
que la vue, éternellement magnifique pourtant, de l'Océan.
Un jour — jour funeste entre tous — l'ennuyée châtelaine,
accoudée à une fenêtre du sombre manoir, promenait son
regard distrait sur la campagne, lorsqu'elle aperçut un tout
petit enfant rose et blanc, qui se livrait à de gracieux ébats
dans la prairie voisine.
Elle fit appeler son cuisinier et lui montrant l'enfant :
— Tu vois, dit-elle, cet enfant; va le chercher et apprête-
moi son cœur pour m-on dîner.
Le pauvre homme frémit à l'idée de la sanguinaire fantai-
sie de la châtelaine et du crime horrible qu'il fallait com-
mettre pour la satisfaire. Il crut avoir mal entendu.
— Madame, balbutia-t-il, ..
— Obéis!
La dame était terrible dans ses colères ; elle avait com-
mandé ; il fallut obéir.
L'horrible mets parut si délicieux à Béatrix, qu'elle exigea
que chaque jour il figurât sur le menu seigneurial.
La terreur se répandit bientôt autour du manoir. Les
pauvres mères, à qui on enlevait leurs enfants, s'enfuirent au
loin pour dérober leurs chers trésors à l'ogresse de Talmont.
Un jour, le cuisinier se présente embarrassé et tremblant
devant la princesse, et lui dit qu'il n'y a plus un seul enfant
aux environs. Béatrix le regarde froidement.
340 LA FEMME EN BAS-POITOU
— Vraiment, lui dit-elle, tu es embarrassé pour peu de
chose. II n'y a plus d'enfants aux alentours, me dis-tu? N'as-
tu pas un fils ?
On juge du désespoir du malheureux père. Il comprit
seulement alors toute -l'étendue des crimes qu'une lâche
complaisance lui avait faitcommettre et fut saisi de remords.
Cependant il n'osait désobéir à sa_ terrible maîtresse. Gom-
ment faire? Au milieu de ses angoisses, un petit chien qu'il
aimait beaucoup;, frappé de sa tristesse et apercevant peut-
être des larmes dans ses yeux, s'approcha de lui en le ca-
ressant et lui lécha les mains. La vue de l'innocent animal
suggéra au pauvre cuisinier l'idée de le sacrifier à la place de
son fils unique. En effet, le cœur du petit chien fut accommo-
dé avec le plus grand soin, et servi à Béatrix. Mais à peine
en eut-elle goûté, qu'elle cracha avec dégoût; et, d'un ton à
faire frémir les plus braves, elle demanda quel horrible
ragoût on lui servait là. Le malheureux cuisinier se voyant
perdu se jeta à ses pieds et lui avoua ce qu'il avait fait pour
sauver son fils.
Le Seigneur attendait-il ce moment? Quoi qu'il en soit, la
châtelaine fut touchée de ce désespoir paternel et sentit le
remords lui étreindre le cœur; revenue à des sentiments
humains, elle sonda l'abîme dans lequel le démon l'avait
précipitée, et comprit qu'il fallait une pénitence proportionnée
à ses forfaits pour laver son âme. En conséquence, elle
ordonna que la route qui conduisait de Talmont à l'abbaye
des Fontenelles fût jonchée dans toute son étendue (17 kilo-
mètresenviron) d'épines, de ronces et de genêts, et, les pieds
nus, le corps ceint d'un cilice, elle parcourut le chemin de
douleur et d'expiation, en priant, pleurant et demandant à
Dieu et aux hommes pardon de ses crimes.
En arrivant aux Fontenelles, elle expira ; les religieux
recueillirent sa dépouille mortelle et l'ensevelirent dans la
chapelle.
Singulier retour des choses d'ici-bas : Aujourd'hui c'est la
santé de leurs enfants que les mères vont implorer au
tombeau de dame Béatrix !
LA FEMME EN BAS-POITOU 341
IV
La femme héroïque.
De ce que certaines ont parfois tressailli au bruit de la
poudre, il serait injuste de conclure que les femmes fussent
moins braves que les hommes. Nombreux, au contraire;, sont
les exemples de vaillantes qui sont tombées sur les champs
de bataille.
On a beaucoup admiré M''^ de Montpensier, la grande Ma-
demoiselle, faisant tirer le canon de la Bastille et dégageant
l'armée de Gondé, pendant la Fronde. Le Bas-Poitou, sous
ce rapport, n'a rien à envier à la Grand'Ville. L'énergie que
déploya M™^ de Harpedanne, défendant^, en l'absence de son
mari, la ville de Fontenay-le-Gomte contre Du Guesclin
vaut bien le courage dont fit preuve la fille de Gaston d'Or-
léans contre Turenne.
Mais c'est principalement à l'époque de la Révolution que
l'on rencontre si nombreux en Bas-Poitou les actes d'hé-
roïsme accomplis par les femmes. Les guerres civiles ont,
en effet, le don d'exciter plus vivement les grandes passions
du cœur humain.
On a vu pendant l'insurrection vendéenne des femmes,
non-seulement se battre avec un courage au-dessus de tout
éloge, ma^ pousser parfois jusqu'à l'acharnement leur ar-
deur guerrière. Doit-on leur en faire reproche? Elles avaient
à venger un père, un époux, un fils, ou à défendre leur vie et
leur honneur.
Sans parler de Mesdames de la Rochejaquelein, de Bon-
champs, deSapinaud, de Renée Bordereau, qui ont raconté
elles-mêmes leurs glorieuses campagnes, on trouve presque
à chaque pas, dans nos annales ensanglantées, une héroïne
nouvelle.
C'est Madame de la Rochefoucault, la fidèle amie de
Gharette,qui, après avoir lutté sans relâche aux côtés de l'in-
trépide général, va porter avec une égale énergie sa belle
342 LA FEMME EN BAS-POITOU
tête de créole sous l'ignoble couperet de la guillotine sablaise.
C'est Madame deBeauglie, qui, vêtue en amazone, la cara-
bine à la main, entraîne au combat trente cavaliers, soldés et
équipés par elle, dans cette même division des Sables
d'Olonne.
C'est Madame de la Roche Saint-André, qui, à travers les
grilles de sa prison, à Nantes, apercevant ses fils que l'on
conduit àl'échafaud, leur crie d'une voix déchirante, comme
la mère de saint Symphorien à son fils mené au martyre :
« Adieu, mes enfants, mourez en Vendéens ! »
C'est M"' de Jourdain,, dans tout l'éclat de la jeunesse et de
la beauté, qui, conduite vers la Loire, résiste aux supplica-
tions d'un soldat épris de ses charmes et se jette elle-même à
l'eau pour ne pas survivre à sa mère qu'on vient d'engloutir
dans le fleuve.
Aussi bien, l'héro'isme, en ces temps néfastes, n'était point
l'apanage de la seule noblesse : les paysannes rivalisaient de
.générosité et de courage avec les grandes dames.
M"* de la Rochejaquelein, dans ses Mémoires, parle d'une
petite fille de treize ans qui était tambour dans l'armée de
d'Elbée; elle raconte aussi qu'elle vit, un jour, arriver à
Gholet une jeune fille grande et fort belle, qui portait deux
pistolets à sa ceinture et un sabre à son côté. . . On l'inter-
rogea ; elle répondit qu'elle était de la paroisse de Tout-le-
Monde, et que les femmes y faisaient la garde quand les
hommes étaient à l'armée... Or, les généraux avaient défendu
fort sévèrement qu'une femme suivît les armées ; la veille
du combat de Thouars, notre héro'ïne vint trouver M. de
Lescure et lui dit : « Mon général, je suis une fille, M"^ de
Lescure le sait ; elle sait aussi qu'il n'y a rien à dire sur mon
compte ; c'est la bataille demain, faites-moi donner une
paire de souliers. Après que vous aurez vu comme je me
bats, je suis sûre que vous ne me renverrez pas. » Elle fut
tuée dans la mêlée, où elle s'était précipitée avec fureur.
La fille d'un boulanger de Mortagne-sur-Sèvre, la jeune
Lebrun, qui n'avait que seize ans, se fit de même cavalier
pour se battre à côté de son frère. Elle n'avait pas déguisé
son sexe. En caleçon et en jupon, la tête serrée par un
LA FEMME EN BAS-POITOU 343
mouchoir, elle croisait le sabre avec les hussards et les dra-
gons de la République. Rentrée dans ses foyers, après la
guerre, la jeune amazone se maria et vécut en bonne mère
de famille, comme si jamais elle n'eût quitté l'aiguille et le
fuseau.
Une humble paysanne de Tiiïauges, nommé Gorbète, sur-
prise par plusieurs soldats républicains, préfère endurer
les plus horribles traitements, plutôt que de se prêter à leurs
hideuses brutalités.
— Rends-toi, brigande^ lui criaient-ils, et nous cesserons
de te faire souffrir !
— « Jamais, leur répondit la jeune fille ; faites de mon
corps ce que vous voudrez, mais mon âme est à Dieu ! »
On se souvient enfin du vaillant Chevalier Adam, de son
nom Marie-Pétronille Adam, qui, vêtue d'un costume mas-
culin, se couvrit de gloire à Chantonay, à Saint-Florent et
dans un grand nombre d'autres combats.
Arrêtée, à la suite de la dispersion de l'armée de Royrand,
elle fut traduite devant la Commission militaire de Fonte-
nay et condamnée à mort. L'adversité ne fit point faiblir
cette grande âme. Pétronille Adam, frappée debout, tomba
en criant : Vive le Roi 1
Mais je n'ai point la prétention de rappeler ici toutes les
nobles actions dont furent témoins les champs de bataille
de la Vendée. Ce serait refaire l'histoire de la sublime épopée
qui a valu à nos ancêtres le titre si mérité de Géants et ce
n'est pas le lieu.
J'ai hâte, du reste, de tourner cette sanglante page de nos
annales et d'évoquer devant vous de plus souriantes images.
«+€►
344 LA FEMME EN BAS-POITOU
La femme et l'amour.
poète, merci d'avoir, dans ton délire,
Glorifié l'amour sur ta superbe lyre. . .
C'est, en effet, dans la langue des dieux qu'il faudrait
chanter cette « liqueur divine », dont les enivrements ont
inspiré tant de nobles actions et parfois encore de si écla-
tantes défaillances.
Le moyen âge, que certains historiens se plaisent à repré-
senter sous de sombres couleurs, n'a pas toujours été aussi
farouche. 11 suffit de rappeler les Cours d'amour — Mon-
taigu avait la sienne — où des discussions s'élevaient entre
les dameS;, afin de décider du mérite du chevalier qui avait
combattu ^our faire triompher leurs couleurs, du poète qui
avait chanté pour célébrer leur beauté.
C'est l'époque oîi règne et triomphe « la dame », cette
idéale personnification du besoin d'aimer, dont nous retrou-
vons la fidèle image chez Létice de Parthenay*. Elle avait
pour troubadour un certain Milhon, d'origine provençale,
qui avait été premier maître d'hôtel de Philippe Le Long, et
qui rima au château de Palluau quantité d'amoureuses
chansons. On a conservé un grand nombre de ces poésies
dans le recaeil manuscrit de La Curne de Saint-Palaye, à la
Bibliothèque nationale ; poésies, dont l'abandon pourrait
sembler indiscret, si l'on ne savait pas qu'à cette époque une
belle n'était point déshonorée par ces sortes d'aveux, quand
la réputation du poète pouvait lui servir d'excuse.
Du mariage de Maurice de Belleville et de Létice de Par-
thenay naquit[une seule fille Jeanne qui, élevée à cette école de
galanterie chevaleresque devint une personne accomplie,
pleine d'attraits et de mérites^ et mieux que cela — une
héroïne.
' Fille (le Guillaume V l'Archevêque, seigneur de Parthenay et de Marguè-
guerite de Thouars. (V. l'aysa'jes et Monuments du Poitou, art. Palluau,
par l'abbé H. Boutin).
LA FEMME EN BAS-POITOU 345
Aussi bien, la galanterie ne disparut point du Bas-Poitou
avec le moyen âge. Esther Imbert', une des belles aimées
d'Henri de Navarre, en est une éloquente preuve. Si on en
croit les Confessions catholiques du sieur de Sancy^ cet amour
ne fut point toutefois de longue durée, et aux royales faveurs
succédèrent bientôt l'oubli et la misère. On a même pré-
tendu que la pauvre Eslher ;uirait été empoisonnée par
Gabrielle d'Estrées.
Le poète a'ir, lit-il donc dit vfai ?
L'amour, l'amour qu'on aime tant.
Est comme une montagne haute.
On la monte tout en chantant,
On pleure en descendant la côte.
Plus heureuse a été la destinée de M"" de Chausseraye,
que nous retrouvons aux côtés du grand Roi. Son père, Anne
le Petit de Verno, était seigneur de Chausseraye, la Noue-
Buor, les Magnils, etc. ; mais il faut croire que ces nom-
breuses seigneuries rapportaient peu de revenus ; car il
paraît que la jolie fille, privée de ses père et mère, végétait
dans un état voisin de la misère quand le marquis de Vezins,
son demi-frère, eut pitié d'elle et l'amena avec lui à Paris, oii
il sut intéresser à elle ses puissants et opulents parents.
Elle avait, en effet, pour tantes la duchesse de la Meilleraye
et la marquise de Biron, toutes deux sœurs de sa mère, née
Anne-Ursule de Gossé; pour oncle, le duc de Brissac, marié
en premières noces à une sœur de Saint-Simon, ce qui
explique, de reste, la très peu charitable humeur de ce dernier
envers la pauvre orpheline du Poitou.
« Grande joueuse, fort galante et intrigante, puis dévote
aux grandes manches », tel est le portrait qu'en trace dans ses
Mémoires le prince delà Chronique.
Ce qui est vrai, c'est que M"^ de Chausseraye était une
grande et belle jeune fille, de beaucoup d'esprit et de très
* Fille de Jean, né à la Laudière, paroisse du Gué de Velluire, le 14 sep-
tembre 1566, ou à Fontenay, le 11 décembre 1570. ('B, Filloa Poitou, et
Vendée. T. Il)
346 LA FEMME EN BaS-POITOU
agréables manières, et qui, entrée en 1687, comme fille
d'honneur, chez Madame, n'eut aucune peine à conquérir
les bonnes grâces de Louis XIV. Dos lors, elle prit un em-
pire considérable sur l'esprit du puissant monarque, qui ne
manquait jamais de la consulter dans les moments difficiles
de son règne.
Les chroniqueurs ne nous fournissent malheureusement
aucun renseignement sur l'intérieur de M"" de Chausseraye;
on sait cependant qu'elle avait accès près de Louis XIV par
les petits appartements, et que pendant la régence elle eut
plusieurs fois l'honneur de recevoir, dans la maison qu'elle
occupait au Bois de Boulogne;, le petit roi Louis XV.
Les dernières années de son existence furent consacrées
aux bonnes œuvres avec une excessive libéralité, ainsi
qu'aux pratiques de la plus austère religion. Sa fortune, qui
avait considérablement profité des affaires deLaw^ fut léguée
à l'hôpital général, et elle vendit ses bijoux pour en faire
profiter les pauvres.
Tout est bien qui finit bien !
Pour n'être pas aussi brillamment apparentée, Jeanne
Cardin, la fille d'un receveur des finances des Sables au
XVIP siècle, n'en possédait pas moins des charmes exquis et
une incomparable beauté.
Le jeune officier, qui commandait alors la forteresse d'A-
rondel, François de Tollet^, seigneur de Beauchamp, ne fut
pas longtemps à s'en apercevoir et à en être épris. Mais
des difficultés insurmontables vinrent sans doute contrarier
son impatient amour, car, cédant à sa passion aventureuse,
il enleva la belle Jeanne et la tint enfermée au château de
la Chaume. Les Chaumois sourirent à cette impétuosité
chevaleresque, mais les Sablais, furieux de l'insulte, vinrent
faire le siège du château.
Toutefois les détonations des armes à feu ne furent que
le signal di\ la noce ; car le lendemain même, François de
Tollet, toujours aussi épris de la jolie enfant, la conduisait
à l'autel.
Mais hélas 1 Dans le livre de la vie l'amour heureux ne
tient qu'une page, et comme l'a dit encore une fois le poète :
LA FEMME EN BAS-POITOU 347
La rose vit une heure et le cyprès cent ans
Dès l'année suivante, le 10 novembre 1653^ le pont-levis
du château s'abaissait pour laisser passage à un funèbre
cortège : c'était la bière de la jeune épouse qui venait de
succomber aux suites d'un accouchement. Ses froides dé-
pouilles inhumées avec pompe dans l'église Saint-Nicolas,
reçurent pendant quelque temps les prières des jeunes
femmes Chaumoises ; puis vint l'indifîérence ; les généra-
tions passèrent, et aujourd'hui la pierre tumulaire, oubliée
de tous, forme le seuil intérieur de l'ancien magasin d'artil-
lerie et ne résonne plus qu'au choc mugissant des vagues
de la grève !
VI
La conclusion de ces pages, trop longues peut-être pour
ceux qui les ont écoutées et assurément trop courtes pour
celui qui les a écrites, c'est Prévost Paradol, — un fin con-
naisseur en cette délicate matière — qui vam'aider à la donner.
On a dit, avec plus d'esprit que de vérité, en faisant allusion
aux désordres que les passions produisent dans le monde,
que dans toute affaire oii le mobile d'un méfait ne se découvre
pas, il faut se demander où est la femme ? Mieux instruit
parles faits de notre histoire, nous avons pleinement le droit
de retourner ici cette injuste parole. C'est, au contraire,
lorsque nous remarquons une persévérance laborieuse dans
le bienfait, une patience invincible dans l'épreuve, une noble
sincérité à s'engager dans le bien, cette intuition parfaite des
choses de l'esprit et du cœur, cette simplicité dans l'héroïsme,
cette délicatesse enfin et cette douceur légère que la main de
l'homme ne saurait imiter, c'est alors que la question pi'over-
biale : « Où est la femme? » nous vient aux lèvres, non plus
avec le sens moqueur que le vulgaire lui donne, mais avec
une émotion profonde et une admiration respectueuse pour
ce trésor infini de charité que recèle le cœur des femmes, et qui
s'appelle suivant les circonstances dévouement ou amour.
René Vallette.
l^l^&^
k^^
VOYAGE DE SULLY EN POITOU
(Juillet i6oA)
« Le 9 juillet 1604, ^sur les [^cinq à six
heures du soir, Monsieur de Rosny fist son
entrée en la ville de ', Fontenay, assisté de
plusieurs j; et grand'noblesse Et le 10*
dudict mois, fistaussy sonentrée Monsieur
de Rohan*, qui fust sur "'les dix heures du
matin, et le eieur deRosny fust au'devant
dudict sieur^de Rohan avec ses gardes et
aultre noblesse, et furent iceux dicts
sieurs souper en la maison appelée Terre-
Neufve, appartenant à Monsieur R,apin.
Le canon tira sur les dix heures du soir,
comme ils [retournaient dudict lieu de
Terre-Neufve', ■
L'ÉVÉNEMENT dontil est question dans les lignes que je
viwns de transcrire était-il donc assez important pour
justifier le soin que l'on prit, dans une petite localité
du voisinage, d'en conserver le souvenir en l'inscrivant sur
les registres publics ?
Il s'agissait de rappeler une de ces tournées politiques,
comme il s'en est accompli sous tous les régimes, quand le
' Gendre de Sully.
» Extrait des Rnyistres d'Etat civil du Poiré-sous-Velluire (Notre'Dame d
Coussay). Document communiqué par B. Fillon et transcrit par M. Bitton
dans les Archives historiques de Fontenay, recueil manuscrit très précieux
pour l'histoire de notre Bas-Poitou.
VOYAGE DE SULLY E'I POITOU 349
chef du gouvernement ou ceux qui partagent avec lui l'admi-
nistration des affaires tiennent à se montrer aux populations
et à se rendre compte par eux-mêmes des dispositions des
esprits, que leur présence réussit quelquefois à modifier
momentanément.
Le Poitou, trop longtemps ensanglanté par les dissensions
religieuses, semblait entrer dans une période de calme
relatif.
Dès la fin de 1597, Nicolas Rapin avait cédé à son fils sa
charge de grand-prévôt de la connétablie, dont il resta véri-
tablement pourvu jusqu'à la fin de 1599. Retiré dans sa ville
natale, il y avait achevé son château de Terre-Neuve, com-
mencé par sa femme Marie Poictyer, et il cherchait à ou-
blier la vie orageuse des camps et les intrigues de la cour,
au milieu de ses amis, dans le calme de l'étude.
Son exemple avait été imité d'abord par la bourgeoisie,
assez confiante dans l'avenir et avide de goûter enfin un peu
de repos, et peu à peu le reste de la population s'était laissé
entraîner.
Toutefois le Poitou causait encore quelques craintes à
Henri IV. Depuis son abjuration, il voyait ses anciens amis
se défier de lui, et il était urgent d'empêcher les mécontents
d'une province facile à émouvoir de se joindre à ceux que
la conspiration de Biron avait démasqués.
C'est dans l'espoir de ramener à lui les esprits encore
hésitants qu'il envoya Sully faire une tournée dans le Poitou.
Car nul n'était aussi désireux de a maintenir le dedans de son
royaume en repos et tranquilité », et il était « asseuré que par
sa vigilence, par la bienveillance des gens de bien qui excé-
dent en nombre infiny les autres, par ses armes et son argent,
il empescherait d'esclater ces nuées de brouilleries » qui se
formaient à l'horizon, au détriment du bonheur des peuples.
Le voyage du sK"" de Rosny avait pour prétexte la prise de
possession de la province, dont il avait été pourvu le 10
décembre 1603. Il y remplaçait M. de Malicorne, que « son
extrême vieillesse et une indisposition continuelle » avaient
obligé de se démettre en faveur de son neveu, M. de Laver-
din, lequel, de son côté, avait déclaré ne pas vouloir quitter
Tome iv. — Octobre, Novembre, Décembre 1890. 23
350 VOYAGE DE SULLY EN POITOU
le gouvernement du Maine et du Perche, a où ses biens
étaient situez et assis. »
Le choix de M. de Rosny pour « la plus grande Prouince
de France » et une des plus difficiles à diriger n'était pas
justifié seulement, comme il le prétendait lui-même, par
« labienveillance du Roi » et sa propre « loyauté au service
de Sa Majesté. »
Henri IV n'ignorait pas qu' « en présence des pratiques et
menées de MM. de la Trémoille etdu Plessis, en Anjou, Poictou
etXaintonge », il fallait un huguenot pour gouverner ces
provinces. Il savait aussi que M. de Rosny apporterait, dans
ses rapports avec ses administrés, toute la prudence dési-
rable, etque, « suiuantles instructions du Roy, faisantpasser
par son entremise toutes les gratifications qu'ils tireraient
de luy, il prendrait toute la créance et la ferait perdre à tous
les Bouillons et brouillons », surtout en les amenante com-
prendre que, s'ils se comportaient « ainsi que de bons sujets
et loyaux serviteurs, il n'y aurait,, pour eux, de plus deffen-
sables places de seureté (voire y fust La Rochelle) que ses
bonnes grâces et sa parole'. »
Le voyage de M. de Rosny en Poitou ne dura pas aussi
longtemps qu'il en avait été décidé tout d'abord ; mais il n'en
fut pas moins un véritable voyage triomphal. Malgré sa
modestie, et la peine qu'il éprouve à parler de sa « personne
particulière », il ne peut s'empêcher de redire, dans ses
lettres à Henri IV, « les magnifiques réceptions qui luy ont
esté faictes, les honneurs qui lui ont esté rendus, et la
grande afïluence de personnes de toutes qualitez et de toutes
religions qui sont venues au deuant de luy à son arriuée en
cette Prouince, qui se sont trouuées à ses entrées dans les
Villes et l'ont accompagné par les chemins. »
Le 22 juin 1604, il arrivait à Poitiers. « Les habitants de
cette grande ville, que l'on a de tout temps estimés des plus
reuesches et fascheux », firent assaut de « courtoisie et de
civilité » à l'égard de M. de Rosny et de sa suite. C'était « à
* Voir les Mémoires ou OEconomies roxjales de Henry le Orand, par
Maximilien de Béthune, duc de Sully, 1644, in-folio, t. 2, pp. 254-2I>6.
VOYAGE DE SULLY EN POITOU 351
qui donnerait le plus de louanges à Sa Majesté, à qui tes-
moigneroit le plus de defference à ses volontez, et d'approba-
tion du choix qu'elle auoit fait » pour la représenter dans la
province*.
Le9 juillet, Sully faisait son entrée à Fontenay.
L'accueil qu'il allait y recevoir ne pouvait être de la na-
ture de ceux que l'on réserve à des inconnus. On se rappelait
l'avoir vu naguère devant la place, quand le Béarnais en
conduisait le siège, et lui-môme se sentait heureux de reve-
nir en messager de paix au milieu de gens qui avaient
éprouvé sa valeur dans les combats.
Aussi le maire, Jean Ghasteau, et les autres magistrats
s'empressèrent-ils d'accourir à sa rencontre pour lui offrir
leurs hommages et le prier de compter désormais sur la fidé-
lité de leur ville.
Ces témoignages de condescendance et d'estime durent
toucher son cœur; mais n'éprouva-t-il pas une joie plus
(iouce encore;, lorsque son ancien compagnon d'armes, Nicolas
Rapin, qu'il avait toujours affectionné, lui ménagea une de
ces surprises dont les esprits délicats ont seuls le secret?
Au moment où il se présentait à la porte de ce superbe
manoir de Terre-Neuve, « où le vent souffle » encore aujour-
d'hui « un bon air en toute saison », puisqu'il est resté le
séjour chéri des Muses et des Beaux-Arts, il vit s'avancer
trois jeunes enfants, chargés de lui souhaiter la bien-
venue.
On les avait habillés à l'antique, et, par leur costume
comme par leurs attributs, ils rappelaient Homère et Virgile,
les chantres harmonieux d'Achille et d'Enée, à côté desquels
on n'avait eu garde d'oublier « le prince des poètes >> d'alors,
le divin Ronsard.
Sully ne put contenir son émotion, lorsqu'il les entendit
réciter, l'un après l'autre, ces trois sonnets composés par
Rapin, où, tout en le remerciant de l'honneur insigne accordé
à son hôte, ils exaltaient au-dessus des héros de l'antiquité
« (Economies royales, p. 344.
352 VOYAGE DE SULLY EN POITOU
le vaillant ami d'Henri IV, et célébraient le protecteur que
les lettres avaient trouvé dans « un autre Mécène auprès d'un
ciutre Auguste. »
HOMÈRE A ROSNY.
Magnifique seigneur, tout plein de valeur haute.
Qui fais que notre ouvrage en France soit vanté ;
Des Champs Elysiens nous avons remonté
En faveur de celui que tu choisis pour hoste.
Moi qui d'un fort clairon sur la troisiesme coste
Des princes Argyens la victoire ay chanté.
Et l'éternel courroux d'Achille non dompté,
Et d'Ulysse facond la vigilance caulte,
Moi qui ay remporté le prix sur tous les Grecs,
Qui ay sceu de nature et du ciel les secrets,
Et rendu par mes vers l'honneur à la milice.
Je sors à l'air françois, par le vouloir des Dieux,
Pour venir enchanter tous ces aimables lieux.
Tels faits qui passent ceux et d'Achille et d'Ulysse.
VIRGILE A SULLY.
De ce fond caverneux, où jadis mon Enée
Par la sainte prétresse aux Enfers fut conduit.
Je sors à l'air du ciel, à quoy rien ne m'induit,
Que le désir de voir cette belle journée.
Sur les chantres romains la palme m'est donnée ;
J'ai l'amour des pasteurs au chalumeau réduit ;
« Puis, grossissant ma voix, par un plus fort conduit.
J'ai, pour les grands guerriers, la trompette entonnée.
Mécène auprès d'Auguste en crédit me monta ;
Et ma muse sa gloire aux laboureurs conta,
Lui rendant de ses biens la récompense juste.
Aussi son hoste et ceux qui sont chéris de moi
Attendent, grand Rosny, tout leur secours de toi,
Qui es plus que Mécène auprès d'un autre Auguste.
VOYAGE DE SULLY EN POITOU 353
RONSARD AU MEME '
Les François m'ont tenu pour un second Terpandre,
Tant que j'ay souspiré cet air de l'univers,
Ayant premier osé, par mes écrits divers,
D'un clairon plus hautain ma renommée espandre.
•
Je chantai sur mon luth les amours de Cassandre,
Quand Charles, mon fi:rand roy, désireux de mes vers,
Me fit sonner Francus ; mais sur les myrthes verts.
Devant l'œuvre parfait, il lui convient descendre.
Eh ! si tel patron que toi m'eust assisté,
J'eusse plus ardemment sur l'ouvrage insisté
Et porté son renom jusqu'aux peuples estranges.
Courage, grand Béthune, en faveur de celuy
Que tu viens honorer de ta vue aujourd'huy;
Nous venons enseigner à chanter tes louanges'.
De Fontenay,, Sully descendit à la Rochelle.
La réception y fut digne tout à la fois et du « lieutenant
général du Roy de France », et d'une population qui a tou-
jours tenu bien haut le drapeau de son indépendance et n'a
cessé de se montrer jalouse de ses privilèges.-
Dans un grand festin public on but à la santé « d'un si bon
Roy, » et l'on simula, à la pointe de Goureilles, un combat
naval, à la fin duquel les Français, victorieux des Espagnols,
amenèrent leurs prisonniers enchaînés <i au pied d'un ta-
bleau » de Henri IV'.
* Extrait de la iVofice biographique et littéraire sur Nicolas Rapin, par
Alfred Giraud, publiée dans \q Bulletin du Bibliophile de la librairie Teche-
ner, en 1850. Quand donc paraîtra l'édition des œuvres poétiques de N. Rapin
promise depuis si longtemps, et que la mort de M. Giraud semble avoir
ajournée indéfiniment.? Elle serait favorablement accueillie, même en dehors
de l'ancienne province du Poitou.
' V. Œcon.roy., pp. Zii-Sib, Y Histoire de la ville de la Rochelle, par Arcère,
t. ?, pp. 114-H5, et surtout SuZ/y à la Rochelle, â propos d'un album, par
M. de Richemond, brocb. in-8 de 16 p., impr. à la Rochelle en 1878.
354 VOYAGE DE SULLY EN POITOU
Les Rochelais du dix-neuvième siècle n'ont certes point
dégénéré, et ceux c^e leurs ancêtres, qui ont assisté aux
grands événements des premières années du dix-septième,
ont dû tressaillir d'allégresse sous la pierre de leurs tom-
beaux, en entendant les échos des fêtes splendides dont le
souvenir est attaché à l'inauguration du port de la Pallice.
En quittant la Rochelle, Sully se rendit à Saint-Jean (d'An-
gély) et à Brouage, où il fut reçu de la façon la plus affable
par MM. de Rohan et de Saint-Luc; puis, avant de sortir
de la province, « r.îmettant à une autre fois la visite du plus
haut et plus bas Poitou », qu'il ne devait jamais faire, il prit
le chemin de Thouars, pour y voir M. de la Trémoille.
Sur sa route, il rencontra plusieurs 3hefs du parti protes-
tant, qui l'accompagnèrent à Thouars.
Bien que M. de la Trémoille eût « ardemment désiré la
charge d.i Poitou, qu1l croyait mériter auant tout autre »,
il eut avec Sully « soit seul à seul, soit en compagnie des
seigneurs », plusieurs entretiens, « qui se terminèrent tous
en protestations de sincère et loyal » dévouement pour Sa
Majesté et son représentant.
Sully ne manqua pas d'assurer son hôte des bonnes in-
tentions du Roi, qui souhaitait « incessamment demeurer en
égalité d'affection, de faveurs et de bienfaits » avec tous
ses sujetS;, et lorsqu'il prit congé de M. de la Trémoille,
dont la santé était fort délabrée, il put se figurer que la
province du Poitou, et peut-être même la France et l'Europe
entière, touchaient à cette ère de paix universelle qui fut
un des rêves caressés par Henri IV*.
n n'allait pas tarder à reconnaître qu'il ne faut jamais
compter sans les passions humaines, qui seront toujours les
plus détestables conseillères.
Eugène Louis.
' V. (Economies royales, pp. 345-340.
LES
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCÎER
En nous offrant la primeur d'un curieux chapitre cïej Mémoires
inédits du général Tercier , notre excellent confrère et ami
M . C. de la Chanonie, a bien voulu y ajouter la spirituelle missive
qui suit. Bien qu'elle n'ait pas été destinée à la publicité, nous
nliésilons pas à la mettre sous les yeux de nos lecteurs qui appré-
cieront certainement comme nous toute la fine critique dont elle est
émaillée.
Mon cher Ami,
Voici quelques extraits des Mémoires du général Tercier, un
demi Vendéen, qui fut, comme on dit chez nous, un rude gas.
J'ai tenu, avant toute impression, à les donner à votre brave petite
Revue — à l'exclusion de toute autre, et malgré les demandes qui
m'ont été adressées de divers côtés — cela pour plusieurs raisons :
La première et la meilleure est ma vieille affection pour vous ; la
seconde, le désir de rendre hommage à votre courageuse ténacité,
digne de nos voisins de Bretagne ; car, j'admire que vous ayez pu
créer de toutes pièces, maintenir, agrandir, et surtout faire lire
votre Revue ddins notre bon pays de Vendée, que j'aime certes de tout
mon cœur, mais où — sans médisance — on a préféré toujours la
chasse aux lièvres à la chasse aux bouquins, et où l'on prise le nem-
rodique Jacques du Fouilloux mille fois plus que Pic de la Miran-
dole, un monsieur assez original pour s'être fait savant.
Et je conclus, cher ami, que notre siècle voit encore des miracles,
puisque vous en faites.
Mille bonnes amitiés.
C. DE LA Chanonie.
MÉMOIRES DU GENERAL TERCIER
LE vieil adage romain disait : De rniaiinis non ciirat prœtor .
L'historien de notre temps, à rencontre du magistrat
antique, a cure des moindres ré(!its ; il écoute, conserve
les plus simples paroles ; note tous les témoignages, d'où
qu'ils viennent ; enregistre, impassible, les pour et les contre,
les oui et les non; rassemble et compare les faits et les
hommes; fait jaillir enfm l'éclatante lumière.
On n'écrit plus l'histoire, en nos jours, à la façon deBobèche,
oudeM. Thiers — qui ne conta guère que des histoires—;
l'imagination, l'esprit de secte, les nécessités politiques, sont
jugés mauvais guides et piètres conseillers ; la magie même
du style reste impuissante à convaincre l'érudit, qui exige
des preuves et encore des preuves^rendu méfiant par les fabri-
cants de sonores légendes patriotiques, et sachant bien que
tout clinquant n'est pas or.
De là l'intérêt singulier qu'on porte aujourd'hui aux
Mémoires, recherchés, fouillés, analysés plus que jamais.
Les Mémoires du général Tercier' seront bien accueillis,
nous l'espérons, non-seulement des lecteurs de la Revue du
Bas-Poitou , à qui nous offrons la primeur de quelques
extraits, mais aussi de tout amateur de curiosités historiques ;
ils méritent d'être attentivement lus et sérieusement médités.
' Ces Mémoires sont la propriété de l'arrière-petite-nièce du général
Tercier, M™* la baronne de Lamartinière, qui nous a très gracieusement
autorisé à les publier.
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER 357
Pendant trente années, celui qui les écrivit combattit,
presque sans relâche, pour la cause royale, sans jamais
compter ses peines et ses souffrances, et l'on peut dire du
chevalier Tercier, suivant une illustre parole, qu'il a connu
toutes les extrémités des choses humaines : sa vie entière
fut une longue lutte, où il apporta une constante énergie,
une persévérance remarquable.
Claudc-Aîigiistin TERCiEn naquit le 8 novembre 1752 à Phi-
lippeville (Pays-Bas).
Son père, retiré dans cette ville, était d'origine suisse et du
canton de Fribourg. Capitaine degrenadiers, au titre français,
dans le régiment de La Tour du Pin, il avait été attaché à
l'état-major du maréchal de Lowendahl, et avait servi avec
distinction.
Son oncle paternel, Jean-Pierre Tercier, écuyer, censeur
royal, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-lettres,
avait rempli les fontions de premier commis aux AfTaires
étrangères : investi de la confiance de Louis XV, il joua un
rôle important dans la diplomatie du temps.
Augustin Tercier pouvait donc, à son gré, embrasser la
carrière diplomatique ou la carrière militaire : fils de soldat,
ce fut cette dernière qu'il choisit, et à l'âge de dix-huit ans,
en 1770, il entrait, en qualité de volontaire, dans le régiment
de Normandie-Infanterie, en garnison à Givet.
En 1771, il est nommé lieutenant au régiment provincial
de Lille.
Une ordonnance du roi crée, en 1772, quatre régiments
pour le service des possessions françaises aux Antilles ; ces
régiments étaient dénommés : c^ de la Martinique», v de la
Guadeloupe », « du Cap » et « du Port-au-Prince » ; Tercier
fut nommé lieutenant en premier au régiment de la
Martinique, dont le colonel était le comte de Sablonet ; et, le
22 janvier 1773, il arriva avec son régiment au Fort-Royal :
le gouverneur de la Martinique et de la Guadeloupe était le
comte de Nozières, maréchal de camp.
Capitaine le !*■■ septembre 1774, mes années, écrit notre auteur,
se sont écoulées doucement au sein du bonheur et des plaisirs
358 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER
jusqu'en 1778, qu'éclata la guerre entre la France et l'Angleterre.
Jeune, vif, ardent, recherchant la société où j'étais bien accueilli,
j'étais de toutes les fêtes et parties de la bonne compagnie.
C'est parmi les personnes qui la composaient que je fis connais-
sance de M"» Tascher de la Pagerie, la célèbre impératrice José-
phine. J'étais fort lié avec toute sa famille et j'ai souvent été passer
quelques jours sur l'habitation de madame sa mère.
Elle était jeune alors -, je l'étais aussi
Il m'a été possible de faire quelque bon mariage dans ce pays.
Plusieurs même se sont présentés. Mais, jeune encore, je ne pouvais
me décider , au printemps de ma vie, à sacrifier ma liberté. Je
m'étais donné comme principe qu'un officier ne devait point songer
à se marier avant l'âge de trente ans, et encore moins aux
approches d'une guerre qui paraissait inévitable.
La guerre éclata en 1778 entre la France et l'Angleterre.
Ici reparaît^ dans les Mémoires, M"" Tascher de la Pagerie,
dont le souvenir semble particulièrement doux à l'auteur :
C'est vers ce temps-là que partit pour la France le vaisseau
Le Fier, de 50 canons, capitaine le commandeur de Turpin, emme-
nant avec lui celle qui devait être un jour impératrice des Fran-
çais. Elle avait dix-huit ans, quoique VAlmanach Impérial lui ait
toujours donné neuf à dix ans de moins que son âge. Je l'accompa-
gnai du Fort-Royal avec sa famille à bord du vaisseau sur lequel
elle s'embarqua. J'étais, comme je l'ai dit, très lié avec sa famille,
qui, toute réunie, la conduisit et la remit entre les mains du capi-
taine, avec une mulâtresse pour la servir pendant la traversée.
Qu'alors elle était loin de tant de renommée ! Elle venait épouser
en France le vicomte de Beauharnais, dont le père avait été autre-
fois gouverneur des Iles du Vent.
Le 18 décembre 1778, Tercier est reconnu en qualité de
capitaine des grenadiers de son régiment : il fait, à la tête
de sa compagnie, de nombreuses campagnes; il assiste no-
tamment aux affaires de Sainte-Lucie, de la Dominique,
de Saint- Vincent, de la Grenade, etc. et ses Métnoires sont
remplis de détails curieux sur les hommes et les choses
d'alors.
La guerre d'Amérique se termina en 1783.
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER 359
A la paix, Tercier, dont la santé était fort délabrée par
neuf années passées aux colonies, retourna en France et
entra dans la maison du Roi, au corps des gardes de Mon-
sieur : il y servit jusqu'au licenciement, qui eut lieu en
1790 : l'année suivante, il fut fait chevalier de Saint-Louis.
Cependant, les événements politiques se précipitaient à
l'intérieur; la Révolution devenait chaque jour plus me-
naçante, et les princes avaient dû émigrer.
Fidèle à Monsieur, depuis Louis XVIII, auquel l'attachaient
et ses principes de fidélité et une reconnaissance person-
nelle qui l'honore, Tercier se rend à Goblentz et est admis,
en seplembre 1791, dans l'escadron des Gardes de Monsieur,
commandé par le capitaine comte Charles de Damas.
Mais ses illusions, ses espoirs d'un succès prochain
durent peu : bientôt il regrette sa détermination et peint ses
tristesses dans cet amer tableau :
A mon arrivée à Coblentz, je portai partout un œil attentif et
observateur. Après avoir tout vu/tout examiné sans passion, je
ne tardai point à être désabusé des espérances que j'avais em-
portées de France où tout se peignait en beau.
Tous les vices et les prétentions de la Cour sont accourus à
Goblentz. On voit des gens sans autres talens que ceux de l'intrigue
et de la suffisance, se faire nommer aux emplois et aux grades
qu'ils sont hors d'état de remplir. L'ambition la plus effrénée, abs-
traction faite des sentimens, prend effrontément la place du véri-
table royalisme. Il n'est point un émigr-é qui ne compte sur un
grade supérieur lorsque l'autorité royale sera rétablie. Le luxe le
plus révoltant, les moeurs les plus dissolues sont donné; en spec-
tacle aux Allemands, étonnés de notre conduite et de nos habitudes
Nous n'avons aucune de ces vertus d'abnégation qui devraient
être l'apanage des militaires dans les circonstances difficiles où
nous nous trouvons. Les grands, au lieu de se populariser et de
se faire chérir des gentilshommes de province, se font mépriser.
Incapables d'aucune privation, ils ne possèdent rien de ces qualités
austères qu'il faut savoir opposer à l'adversité. S'ils avaient con-
sulté et étudié l'histoire, ils y auraient appris comment doivent
se conduire ceux qui se trouvent aux prises avec l'infortune. Ce
360 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER
n'est point en pantoufles et en robe de chambre qu'on doit espérer
de faire une contre-révolution armée. Il faut des vertus que nous
n'avons point. Il y a parmi nous plus de philosophes modernes que
l'on ne pense, que l'amour-propre a fait venir ici et sur lesquels
il n'y a pas à compter. Au premier revers on les verra changer de
livrée.
Nos seigneurs de la cour sont mois et efféminés. Je sais, ajoutais-
je pur correctif, qu'Alcibiade était le plus voluptueux des Grecs et
n'en était pas moins l'un des plus braves ; que, forcé de quitter
Athènes, sa patrie, et retiré à Lacédémone, il sut se conformer à la
vie dure et austère des Spartiates ; il s'assej-ait sans répugnance à
leurs tables mal servies et mangeait sans se plaindre leur brouet
insipide. Je .«^ais qu'à Denain, à Steinkerque. àFontenoi, la noblesse
efféminée se battit avec la plus grande valeur. Mais il y avait alors
chez les î'rançais un sentiment unanime de gloire nationale qu'ont
altéré les fausses doctrines de nos jours. Si Henry Quatre, disais-je
encore, n'eût eu pour reconquérir sa couronne que des hommes
semblables à nos émigrés, divisés entre eux d'opinions et dévorés de
la soif d'une ambition ridicule, je doute que l'auguste famille des
Bourbons eût jamais monté sur Iç trône de France, Je ne prétends
pas, continuais-je, généraliser ici l'exception. Il y a dans nos ras-
semblements nombre de gens honnêtes, que l'amour et l'attachement
pour le Roi ont lait accourir auprès de nos princes, dans l'unique
désir de combattre pour la cause royale. Après tout, disais-je en
finissant, tout ce que j'ai vu et observé me fait regretter d'avoir
quitté Paris, et si j'avais maintenant à émigrer, je ne le ferais pas.
Mais quand à mon âge on a pris une résolution méditée, il faut
savoir être conséquent, y persister et se résigner à courir toutes les
chances du parti qu'on a embrassé. Aussi suis-je resté.
Nous ne nous étendrons pas sur la série d'événements
tragiques qui suivirent la déclaration de guerre de mars 1792,
et qui sont connus de tous. Tercier, son rég"iment licencié,
passa, en qualité d'officier, dans la compagnie des chasseurs
nobles de la légion de Damas; c'est avec cette légion qu'il
fit les pénibles campagnes de 1703, 1704 et 1795, dans les
Pays-Bas et sur les bords du Rhin ; le résultat de ces cam-
pagnes, qu'il étudie longuement dans ses Mémoires, fut des
plus funestes aux émigrés, et Tercier, avec sa légion, dut
se retirer et se cantonner à Stade, en Hanovre, sur l'embou-
chure de l'Elbe.
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER 301
En juillet 1795, les corps émigrés réunis en Hanovre
furent transportés à Portsmouth, et, de là, dans la baie de
Quiberon, où ils arrivèrent le 16; le débarquement s'effectua
le surlendemain.
Los Mémoire.^ décrivent avec un intérêt puissant les diffé-
renles phases de cette malheureuse expédition. Tercier,
fait prisonnier, n'échappa que par une audace et une présence
d'esprit extraordinaires au sort de ses compagnons d'armes :
il réussit à se faire passer pour étranger devant les commis-
sions militaires, et, après mille péripéties, parvint à se réfu-
giei dans une partie do la Bretag-ne soumise à l'autorité du
chef royaliste Georges Cadoudal.
Georges le fit conduire, avec son compagnon M. de Gué-
fontaine, au comte de Puisaye, qui, après le désastre de
Quiberon, était venu reprendre en Bretagne le comman-
dement général des forces insurgées : «l'entrevue fut assez
vive de part et d"autre, et Puisaye refusa à Tercier et à Gué-
fontaine les passeports qu'ils lui demandaient pour passer
en Angleterre ; il leur en accorda cependant pour se rendre
auprès du général Charette, en Vendée.
Mais ils ne purent passer la Loire: après un mois de
marche, Tercier et Guéfonlaine arrivèrent au quartier
général du vicomte de Scépeaux, établi à quelques lieues
d'Angers ; Tercier prend part, comme volontaire, à plusieurs
affaires, au milieu des soldats de Scépeaux, et s'initie à la
tactique spéciale aux Vendéens.
Quelque temps après, Tercier accepte, sur les instances de
Scépeaux, le grade de chef do division et se rend à son poste,
situé dans les environs de Laval : il est adjoint au célèbre
Taillefer, un chouan brave comme son sabre, mais dont l'ins-
truction est incomplète. Sa division a quarante lieues de
circonférence et comprend trois mille hommes armés, et
habitués à la guerre de partisans.
Dans cette guerre des provinces de l'Ouest, dit Tercier, les chefs ne
sont jamais plus en sûreté que lorsqu'ils ont un rassemblement
(à la tète duquelils se trouvent toujours), parce qu'alors ils sont
environnés d'une force militante, et que chacun est à son corps
302 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER
deffendant. Tandis qu'au contraire, dès qu'ils sont isolés avec leur
état-major, ils courent à chaque instant le danger d'être enlevés ou
de tomber dans un parti ennemi. Il est vrai de dire aussi que dans
ce pays tout le monde veille au salut de l'armée. Les femmes, les
vieillards, les enfants mêmes qni travaillent dans les champs, sont
constamment en observation, et la nouvelle de l'apparition de l'en-
nemi sur le pays arrive de village en village, de métairie en mé-
tairie, avec la célérité des télégraphes. Pendant la nuit, les chiens
de ferme aboyent et se répondent à plusieurs lieues à la ronde.
Chacun alors se tient sur ses gardes, on se lève, on va aux infor-
mations pour s'assurer du côté d'où vient l'ennemi.
Je confirmerai ici ce que Madame la marquise de la Rochejac-
quelein a écrit dans ses mémoires. C'est que les chiens de ce pays
sont tellement identifiés avec les opinions des habitans et de leurs
maîtres, que si une troupe royaliste traverse le pays, pas un chien
n'aboyé. Ils viennent au contraire caresser silencieusement les
hommes de la troupe. Ils étaient toujours muets pour nous, que
nous fussions isolés ou en nombre, et ils auraient étranglé un
soldat républicain. Admirable instinct de cet intelligent et fidèle
animal î
Dans les différentes affaires où je m'étais trouvé, soit en Bretagne,
soit en Anjou, à l'armée du vicomte de Scépeaui, j'avais bien ob-
servé la tactique vendéenne, à laquelle les anciens militaires, ac-
coutumés à combattre dans des armées régulières, sont d'abord si
étrangers. Avec un peu de jugement et de bon sens, j'en eus bientôt
approfondi la simple théorie, qui consistait à savoir bien s'em-
busquer pour surprendre et combattre avantageusement son en-
nemi, et surtout à perdre peu de monde ; à se précipiter sur lui
lorsqu'il chancelle , et à le poursuivre avec rapidité ; dans le
cas contraire, s'il tient ferme trop longtemps , à l'abandonner,
et à prendre ce que les Vendéens appellent « la déroute », sûrs
de n'être point poursuivis , parce qu'ils se retirent par vingt
chemins différens, et un à un, à travers les hayes, les champs et
les marais, qu'ils laissent en un clin d'œil derrière eux. Au con-
traire, le soldat français, qui a de l'ordre et de la discipline, ne peut
point se débander pour poursuivre l'ennemi. Comment se rallierait-
il? Il craint les embuscades, parce qu'il ne connaît pas les chemins
du pays : il n'a point la légèreté du soldat vendéen, qui, vêtu
d'une simple veste, n'a que son fusil à porter, et éparpille ses car-
touches dans ses poches. Cette guerre, dis-je encore une fois, est
une guerre toujours à la course. Vainqueurs, les Chouans, les
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER 363
Vendéens, avec la légèreté du cerf, poursuivent avec ardeur les
Républicains, qui, plus pesamment armés, sont obligés de suivre
leurs compagnies et de garder leurs rangs, tandis que le soldat
royaliste, dès qu'il cesse de combattre, ne se voit plus astreint à
aucune règle : il s'en va où il veut, et par les chemins et sentiers
qu'il juge le moins dangereux : s'il est trop pressé, il fuit rapide
et ne craint pas d'être atteint dans sa course : il franchit les hayes,
les fossés, avec d'autant plus de confiance qu'il connaît tous les
chemins.
Voilà en peu de lignes l'aperçu raisonné que je me suis fait de
cette guerre, devenue si fameuse, et qu'il est très facile d'apprendre
pendant le peu de tems qu'on l'aura faite. Mais c'est au chef actit
et intelligent à la bien conduire et à y adapter quelques-uns des
principes du véritable art de la guerre, comme celui de suppléer à
la faiblesse par la ruse.
Cette manière de guerroyer est celle de tous les pays qui s'in-
surgent contre un parti fort et puissant.
J'ai souvent réfléchi sur cette tactique des armées vendéennes,
dont les généreux efforts et les brillants succès ont fait l'admiration
de toute l'Europe dans les deux premières années de l'insurrection
royaliste. Tous n'avaient alors qu'un même désir, un seul but vers
lequel ils marchaient avec ardeur. L'ambition, les intrigues, se sont
ensuite glissées dans les camps, et la Vendée n'a plus jeté que de
pâles lueurs. Elle n'était déjà plus en 1795 ce qu'on l'avait vue les
deux années précédentes . La perte de ses chefs, la ruine totale des
campagnes, ont forcé un peuple indompté à accepter des proposi-
tions de paix dont les traités étaient bientôt violés par la foi punique
républicaine.
L'un de ces traités fut signé en mai 1796 : depuis une
année, Tercier guerroyait contre les républicains, sans
cesse sur le qui vive, se battant presque chaque jour, et
remportant des succès à peu près continus : il avait réussi,
par son énergie, et en payant décourage et d'audace, à mettre
dans sa division autant de discipline et d'obéissance que
pouvaient en comporter des rassemblements de volontaires
non soldés, sans grande instruction militaire, mais loyaux
déterminés et fidèles.
Pendant cette période, Tercier reçut des généraux com-
mandant en chef les armées royales du Maine et de
36i MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER
Normandie les éloges les plus flatteurs, et ses adversaires
même lui rendirent hommage.
Le traité de 1796 signé, Tercier se rendit à Amiens^ puis
à Paris.
Le gouvernement directorial venait de s'établir, et déjà le
mécontentement était général dans toute la France ; persé-
cutions, visites domiciliaires, mauvais traitements, rien
n'était épargné aux royalistes, qui, lassés d'une paix hypo-
crite à laquelle ils préféraient une guerre déclarée, se pré"
parèrent bientôt à reprendre les armes : les élections de
l'an V, suivies du coup d'Etat de fructidor, ne firent que les
encourager dans cette résolution.
Ce fut le comte de Rochecotto qui reçut des princes les
pouvoirs pour commander en chef dans les provinces du
Maine, Anjou, Perche, et pays Vendomois : Tercier, nommé
son général en second, fut chargé de dresser un plan d'or-
ganisation générale, mis sous les yeux du comte de Provence
et agréé par lui. L'organisation effective commença à se faire
aussitôt, malgré des difficultés et des dangers de toute sorte.
Mais le comte de Rochecotte fut pris à Paris et fusillé dans
la plaine de Grenelle, et Tercier, bien que devenu général
en chef par sa mort, demanda aux princes de confier le
commandement général au comte de Bourmont, ancien
major général du vicomte de Scépeaux : Tercier j ugeait néces-
saire de mettra à la lôte de l'armée royaliste un homme
particulièrement connu du gouvernement britannique et des
princes, et capable d'accréditer son ps^rti près de l'Angleterre.
Poussant l'abnégation de soi-même et l'oubli de toute ambi-
tion personnelle jusqu'au bout, il s'offrit à passer la Manche
pour faire agréer cette proposition, acceptée de ses officiers,
h. Monsieur. Il ne put réussir dans cette tentative, que fit
avorter la surveillance constante des autorités maritimes, et
retourna à Paris.
Arrêté et emprisonné, mais bientôt mis en liberté, Tercier
relrourna dans le Maine. Il acheva de réorganiser la chouan-
nerie, qui s'étendit jusqu'au déparlement de l'Orne, il nomma
partout des chefs de division et de canton, et bientôt, fin de
1799, l'Ouest reprenait les armes.
MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TËRCIER 365
A cette époque, M. de Bourmont arriva dans le Maine,
pour prendre possession du commandement en chef de
l'armée, que lui remit Tercier, nommé général en second.
La guerre civile dura peu de temps d'ailleurs : Bonaparte,
devenu Premier Consul, employa tous ses soins à y mettre un
terme : il sut user tantôt de la diplomatie et tantôt de la force,
les membres de l'agence royaliste de Paris, politiciens sans
habileté ou sans conscience, l'aidèrent dans sa tâche, et le
4 février 1800, le comte de Bourmont signa le traité de paix.
La paix signée, Tercier se retira à Paris.
Impliqué en 1803 dans la conspiration de Gadoudal, Moreau,
Pichegru, il fut arrêté e^ emprisonné pendant une année au
Temple. En décembre 1804 il fut relâché, faute de preuves, et
aussi, paraît-il, grâce à l'influence de l'impératrice Joséphine,
et mis en surveillance à Amiens.
C'est dans cette ville qu'il épousa, le 27 mai 1807, M"» Jeanne
•Le Picart de Millencourt, ancienne lectrice de Madame
Sophie de France.
A la Restauration, il reçut le brtivet et la retraite de maré-
chal de camp, 28 août 1816. Il avait bien gagné l'un et l'autre.
Le général Tercier mourut à Amiens le 23 février 1823, à
l'âge de soixante-et-onze ans.
En écrivant ces Mémoires, ce sont, dit-il, mes souvenirs que
j'ai voulu mettre un peu en ordre, pour, dans ma vieillesse, y
avoir recours, lorsque je voudrai faire un examen de ma vie. S'il
m'arrive parfois de les compulser, ce ne sera point pour y chercher
les jours de bonheur, ce serait peine inutile. Mais, en les feuille-
tant, je me promets la consolation d'y récapituler les événemens
et les nombreux dangers par lesquels il m'a fallu passer avant de
parvenir au port de la tranquillité, de remercier la Providence de
ce qu'elle a fait en ma faveur.
Mal passé n'est qu'un songe, dit-on avec raison. J'espère n'a-
voir plus à courir de nouveaux hasards. Retiré maintenant du
tumulte des affaires, je vis isolé, fuyant les grands personnages
qui figurent à leur tour sur les tristes débris de la scène du
monde. J'ai trop appris à connaître les hommes. Il en est peu dont
j'aie eu à me louer : je ne leur ai jamais fait que du bien quand je
l'ai pu, et ils m'ont abreuvé du fiel de leur perfidie.
Tome iv. — Octobre, Novembre, Décembre 1890. 24
366 MÉMOIRES DU GÉNÉRAL TERCIER
Dans l'état où la société se trouve actuellement, elle marche ra-
pidement à son déclin. Le luxe, les arts, la mollesse, l'amour immo-
déré des richesses, l'égoïsme surtout, ce ver rongeur des Etats,
l'oubli de tous les principes religieux et moraux, seuls conserva-
teurs des gouvernements établis, et qu'on s'est plu à détruire dans
nos temps modernes, voilà les causes majeures de notre prochaine
subversion, si Dieu, touché de nos malheurs, n'opère un nouveau
miracle.
Je ne serai point témoin, j'espère, de ce grand désastre. Mais nos
neveux auront à se débattre encore plus que nous avec les cala-
mités dont sont menacées les générations futures.
Je n'ai jamais visé à d'autre réputation qu'à celle d'homme de
bien et exempt de reproches, et ne suis point sûr d'avoir réussi :
mais ma conscience me suffit et je m'estime heureux de pouvoir
dire, comme Nérestan dans Zaïre :
J'ai rempli d'un Français le devoir ordinaire.
Ce vers renferme toute ma vie.
Le général Tercier fut un robuste soldat, un chef déter-
miné el habile, un chrétien et un royaliste sans faiblesses :
il mérite, à plus d'un titre, de partager les honneurs que dé-
cerne l'histoire aux combattants de la Vendée militaire^ à
ces paysans homériques qui se sont faits immortels par leur
fidélité et leur foi — deux choses que notre judaïsante fin de
siècle classe au rang des vieilles lunes.
G. DE LA ChANONIE.
ÉCRIN POÉTIQUE
UN CONVOI DE BLESSÉS'
A mon ami Alexandre Dubois.
C'est un soir de décembre, au milieu de Janville.
Les toits et les pavés de la petite ville
Sont depuis de longs jours drapés d'un blanc tapis :
On croirait ses échos pour jamais assoupis.
Tant, par la neige épaisse et par le froid intense,
Se manifestent peu de signes d'existence.
Tous les logis sont clos, mais de chaque foyer
L'on voit sur le ciel gris la fumée ondoyer.
S01XA.ME-DIX finit sous le sang et la glace.
Soudain résonne un bruit étrange, et vers la place,
Des seuils subitement ouverts, les habitants,
Femmes, enfants^ vieillards, se pressent, haletants.
Cette foule, navrée, à distance s'arrête.
Un groupe de soldats entoure une charrette,
Que surmonte un drapeau, — croix rouge sur fond blanc.
Le cheval qui la tire est là, tout pantelant.
Tout fourbu du trajet si long qu'il vient de faire ;
Son souffle et sa sueur montent dans l'atmosphère.
» On a essayé de traduire dans ces vers la scène si bica peinte par M. Paul
Grollcron et désormais si connue.
368 UN CONVOI DE BLESSÉS
Mais il est sain de corps, taudis (juc les blessés
Dans ce dur chariot pêle-mêle entassés,
Soullrent atrocement de (|ueh[ue allreuse plaie ;
Martyrs par les Prussiens jetés sur celte claie
Et qu'ils veulent traîner encor jus([u'à Toury.
Les cris de tous alors ne forment plus qu'un cri :
« INion ! non ! laissez-nous là ! C'est assez de torture I
u Ciu(i heures, nous avons subi cette voiture ;
« Abandonnez-nous donc au rebord tlu chemin ;
« Car nous n'en pouvons plus : pas un seul (pii, demain,
« S'il faut continuer, à Dieu n'ait rendu l'ame ! »
L'oflicier refusait de céder.
Une femme
Apparaît, et va droit à l'Allemand brutal.
C'est la sœur qui commande aux: sœurs de l'hôpital,
La mère Saint-Henri, que le courroux rend pâle,
Pale comme sa robe, et dont la voix très mâle
S'entend au loin : — « Monsieur, ne faites plus un pas :
« Ce convoi de blessés ne vous appartient pas ;
« Etant, grâces au ciel, entrés dans mon domaine,
« Ils sont à moi ; d'ici que nul ne les emmène ! »
Le chef veut protester, le chef est furieux.
Tendant le bras, la sœur, d'un ton impérieux.
Et le rouge montant à son front vénérable.
S'écrie : — « Assez ! assez ! Il est d'un misérable
« De faire ainsi souffrir de pauvres mutilés ! »
(( Puis elle ajoute : « Allons, charretier^ dételez ! »
Nantes, 9 seiitcmbre 1889.
Emile Giumaud.
JOURNAL
D'UN FONTENAISIEN
PENDANT LA RÉVOLUTION
1791'
13-15 novembre. — Les sections de la commune sont con-
voquées pour f)rocédpr à la nomination d'une nouvelle mu-
nicipalité, qui se trouve composée de la façon suivante :
Biaille de Germon, François-Thom.as, maire.
Jousserant, Pierrre-François, procureur, officier municipal.
Pigeau, Jacques, marchand, id.
Cliessé, Pierre, procureur, id.
Ballard, Antoine-Venant, chirurg-ien, id.
Durand, André, l'aîné, id.
Fillon, David, le jeune, notaire, id.
Chissoîi, René-Charles, menuisier; id.
G^>«rû^, JeaU;, notaire, id.
Phelipcau , Barnabe, procureur, notable.
Diipny, Louis-Benjamin, médecin, id.
Anmoji, Jean-Baptiste, propriétaire, id.
Raison, Michel-François-Venant, aîné, id.
Guér//, Pierre, père, orfèvre, id.
Chessebeiif, Jean, procureur, id.
Imbert, Pierre, marchand, id.
* Voir la livraison de septembre 1890.
370 JOURNAL d'un fo::^tenaisien
Papin, Pierre, professeur, id.
Perreau, Jean-Baptiste, curé de Notre-Dame, notable.
Belliard, Augustin, avoué, id.
Garos, Julien-Louis,, propriétaire, id.
Moreaii, Pierre-Philippe, avocat, id.
Brisson, Paul, père, médecin, id.
Hervé, Guillaume, curé de Saint-Jean, id.
Daudeteaii, Charles-Augustin, curé de Saint-Nicolas, notable
G^m^/rf<?a^^ Claude-Joseph-Victor, principal du collège, id.
Robert de la Baudusière, Benjamin, épicier, id.
Z??/;??/?/, Pierre-Claude, ex-procureur du roi, id.
Pichard,K\QTi.\s, avocat, procureur de la commune, id.
15 novembre. — Le conseil-général de la Vendée fait
l'ouverture de la session par une messe constitutionnelle.
17 novembre. — Goupilleau, (J. F.) préside,, à Pouzauges,
la séance de la société des Amis de la Constitution.
22 novembre. — A la suite de plusieurs démissions données
par ses membres, le conseil-général du département procède
à la réorganisation du Directoire, qui se trouve composé
comme suit.
Pichard du Page, (F. J.) procureur-gônéral-syndic ;
Pervinquière (M. J. S.) substitut ;
Girard de Villars\ Ch. -Jacques-Etienne, président du
Directoire;
Vinet, Charles, notaire, vice-président ;
Bonnamy de Belle fontaine, Charles-Auguste-Jean-Louis
maître particulier des eaux et forêts.
Denogent, Philbert-Aîmé, juge de paix des Moutiers-lès-
Mauxfaits.
Bougnef, Pierre, médecin àLuçon.
Esnard, René, greffier de la maîtrise des eaux et forêts.
' Ancien avocat au présidial de la Rochelle, président de la Société
populaire.
PIÎN'DANT LA RÉVOLUTION 371
Paillon, Jacques-René, avocat.
Lumiyiais, Laurent- Alexandre.
Fayau, le jeune, Pierre-Joseph-Marie, dit Bretonnière,
suppléant.
Mercier, André-Gharles-FrançoÉ, avocat, suppléant.
Gratton, Emery, capitaine des canonniers de Saint-Gilles,
suppléant.
Cougnaud, Jean-Mathias, notaire, secrétaire-général.
29 novembre. — Le directoire de département accepte
l'offre, faite par la municipalité, de contribuer de la somme de
mille livres à l'établissement d'un atelier de charité, oii seront
admises les gardes nationales volontaires qui désireraient y
être employées.
Un décret de l'Assemblée Législative ordonne à tous les
ecclésiastiques, de se présenter, dans la huitaine, devant
leur municipalité, pour y prêter le serment civique dans les
termes de l'art. 5, titre 11 de la Constitution (article l*"")-
Les prêtres, non assermentés^ ne pourront toucher aucune
espèce de traitement du trésor public, sans apporter la preuve
de cette prestation (article 4).
En cas de troubles, ces derniers pourront être éloignés pro-
visoirement de leur domicile, par arrêté du département. —
Des peines d'un à deux ans de détention sont édictées contre
les prêtres qui auront désobéi aux arrêtés, ou provoqué à la
désobéissance aux lois (articles 9 et 10).
5 décembre. — Les gardes nationales, appelées àformerl'ef-
fectif du bataillon de la Vendée, sont convoquées à Fontenay.
8 décembre. — Majou, Jean-Joseph-Daniel des Grois et
Esnard, René, administrateurs du département, sont délé-
gués, par le directoire du département, pour procéder à la
formation du bataillon des gardes nationales du dépar-
tement, dans l'église des Cordeliers, en présence du géné-
ral Dumouriez, maréchal de camp, et de Lasserre commis-
372 JOURNAL d'un fontenaisien
saire des guerres de la 12* division. Le nombre des volontaires,
qui se sont présentés pour le composer, a été reconnu
être de 493. Ils ont été divisés en huit compagnies, dont on
a extrait 64 hommes de la plus haute taille, pour en former
une de grenadiers. On a ensuite procédé à l'élection du l'^
lieutenant-colonel. Il en est résulté que sur 482 votans,
Gratton, administrateur, ayant obtenu 318 voix, majorité
absolue, a été proclamé premier lieutenant-colonel du
bataillon de la Vendée. A un nouveau scrutin. Bouquet,
membre du directoire de départemenf, ayant obtenu 314
voix, majorité absolue, a été proclamé second lieutenant
du bataillon, /'/z^yier ayant réuni 358 voix sur 439 votans, a
été proclamé quartier-maître dudit bataillon. La séance a été
levée et renvoyée au lendemain, neuf heures du matin.
9 décembre. — Les commissaires délégués continuent les
opérations électorales. Chaque compagnie procède, par scru-
tin individuel, à la nomination de ses capitaine, lieutenant,
sous-lieutenant, sergent-major, serg-ents et caporaux. Les
cadres se trouvent, par suite, composés comme suit :
Grenadiers
Capitaine : Touchard ;
Lieutenant : Queneau ;
Sous-lieutenant : DE^FER du Fief;
Sergent-major : Majou, Maurice ;
Sergents : Deluze ; Martin, Charles ;
Caporaux : Grammont ; Constantin ; Fleury, Auguste ; Fleury,
Joseph.
Première Compagnie.
Capitaine : Belliard', Aug-ustin-Daniel ;
Lieutenant : Fillon, Benjamin ;
'Né à Fontenay le 25 mai 1769, mort le 28 janvier 1832 fi Bruxelles, où il
était membre plénipotentiaire.
PENDANT LA RÉVOLUTION î"^"-?
Sous-lieutenanl : Vinet, Alexis;
Sergent-major : Gijkhy ;
Sergents : Martineau, Pierre ; Colin, Bernard,
Caporaux: Rouier, Pierre; RoniN, Joseph; Mitard, Henr i
Baudoin, Jean-Baptiste.
Deuxième Cojnpagnie.
Capitaine ; Pommeray ;
Lieutenant : Rouillé ;
Sous-lieutenant : Frigonneau ;
Sergent-major ; Miraillet ;
Sergents : Deschazeau ; Girard ;
Caporaux : Mercier ; Laloge ; Simon ; Guérin ,
Troisième Compagnie.
Capitaine : Ageron ;
Lieutenant ; Hulin-Lamottk :
Sous-lieutenant : La Coussais ;
Sergent-major : Loizellerie;
Sergents : Gcjignard : Niveleau, jeune.
Caporaux : Gendron; Niveleau, l'aîné; Gourdon ; Duperré.
Quatrième Compagnie.
Capitaine : Dorion ;
Lieutenant : Cormier ;
Sous-lieutenant : Jaunei ;
Sergent-major : Giraudeau ;
Sergents : Vosgien ; Ganachaud, C" ;
Caporaux : Vosgien ; Grenet ; Jousson ; Petit.
Cinquième Compagnie.
Capitaine : Claveau;
Lieutenant : Durand;
Sous-lieutenant : Charier ;
374 JOURNAL d'un fontrnaisien
Sergent-major : Macodin ;
Sergents : Martineau ; Gautron ;
Caporaux : Perreau ; Guilloteau ; Guilbaud ; Pouzin.
Sixième Compagnie.
Capitaine : Denfer du Clouzy, fils ;
Lieutenant : Faibvre :
Sous-lieutenant : Millouain ;
Sergent-major : Beurbey :
Sergents : Gotinoer ; Moreau ;
Caporaux : Geay ; Guu.baud ; Bourdin ; Ghanireau.
Septième Compagnie.
Capitaine : Boutin ;
Lieutenant : Mercier, Isidore ;
Sous-lieutenant : Bouquet, le jeune ;
Sergent-major: Coouemard ;
Sergents : Vinet, Louis; Pichard ;
Caporaux : Baudoin, Pierre ; Letourmi ; Lauspitault ; Chabot.
Hnitième Compagnie.
Capitaine : Vernier ;
Lieutenant : Joffrion, l'aîné ;
Sous-lieutenant : Brevet, le jeune ;
Sergents : Loyau; Barraud ;
Caporaux : Fériot, l'aîné ; Deusle ; Deguil ; Péault.
10 décembre. — Esnard et Majou, commissaires, ter-
minent les opérations relatives à la formation du bataillon
des volontaires, et remettent à Dumouriez le contrôle dudit
bataillon, d'un effectif de 493 hommes, et Lasserre en passe
la revue.
Le môme jour, à 3 heures du soir, les dames patriotes de
Fontenay se sont réunies pour offrir au bataillon le drapeau
PENDANT LA RÉVOLUTION 375
brodé par leurs mains. Le directoire de département s'est
disposé à recevoir les divers corps invités, lesquels s'étant
présentés ont été introduits. Une députation a ensuite été
envoyée vers les dames de la ville, pour les aviser de cette
réunion et les accompagner. Une seconde députation a été
chargée de les recevoir, et, au même instant, a introduit dans
la salle des séances un grand nombre de dames, dont le cortège
était précédé de jeunes gens des deux sexes. Les uns en uni-
forme, ont fait la haie, au milieu de laquelle s'avancèrent des
jeunes filles portant l'étendard de la liberté.
Une des dames, au nom de ses compagnes, a offert alors
au président du directoire de département le 'drapeau
préparé pour le bataillon'. En recevant ce gage précieux de
leur patriotisme, le président a témoigné, en ces termes^ à la
députation, les sentiments de reconnaissance de l'adminis-
tration départementale :
Mesdames,
« Le département reçoit avec reconnaissance le gage pré-
« cieux de vos sentiments pour la patrie. L'étendard de la
« liberté, que tiendront de vos mains les braves défenseurs
« de la Constitution, leur rappellera, dans les dangers, qu'ils
« combattent pour leurs mères, leurs épouses et leurs enfants.
« Que ne devons-nous pas attendre de leur courage, appuyé
' 11 avaitété convenu que la plus jolie femme de la ville présenterait l'éten-
dard au directoire ; mais en procédant à ce choix si délicat un si vif débat s'en-
gage entre les concurristes queDumouriez refusa le rôle de Paris qu'on vou-
lait l^i laire jouer. Une matrone le retour, jaune et rechignée, se substitua
à ses compagnes et s'avança tenant en main l'œuvre collective. Dumouriez
alla au devant d'elle, la conduisit au président qui l'embrassa sur les deux
joues et après l'avoir ramenée à sa place, se contenta de lui baiser respec-
tueusement le bout des doigts. A ce même instant se présentait une char-
mante ouvrière, chargée d'offrir un bouquet au général. Celui-ci agréa-
blement supris, détacha une fleur qu'il mita sa boutonnière, posa ses lèvres
sur le front de l'aimable enfant la fit asseoir au milieu des applaudissements
de l'assemblée, dans son propre fauteuil et se tint chapeau bas, derrière elle.
(Note de J.-M. Cougnard, secrétaire général du département).
.".TCi JOURNAf. d'un FONTENAISIEN
« sur d'aussi puissants motifs"? Nous verrons la bannière du
« département de la Vendée couverte de lauriers, et vous
« jouirez avec émotion de la récompense due à votre
« patriotisme. »
La députation des dames ayant manifesté le désir de se
transporter avec les corps réunis à l'église des Gordeliers,
la marche s'est ouverte au milieu de deux haies de la garde
nationale de la ville, les dames en tête, précédées des jeunes
personnesescortant le drapeau, suivies des administrateurs et
des juges. Le cortège ayant pénétré dans l'église, une des
dames' a prononcé le discours suivant.
« Messieurs, vous nous verriez gémir de votre départ, si
« nous ne songions point que vous allez entrer dans la car-
« rière de l'honneur et delà gloire! C'est la patrie qui vous
« l'ouvre ; c'est un héros qui va vous y guider ! Quel motif
« d'espérance et de consolation pour vous! Nous n'aurons rien
« à désirer, si vous daignez emporter, avec vous, un gage sa-
(' cré de notre estime et de notre reconnaissance. Que ce dra-
« peau en nous rappelant à votre souvenir, enflamme votre
M courage et votre patriotisme! Nos mains l'ont embelli; c'est
« à vous à l'honorer. Allez' combattre et vaincre ; la victoire
« vous appelle; et, à votre retour, les myrtes et les lauriers
« vous attendent. »
Présentant, à son tour, le drapeau au bataillon, en la per-
sonne de Gratton, son commandant, le président a prononcé
un discours suivi de celui du procureur-général-syndic.
« Généreux et braves volontaires nationaux !
« En suivant le drapeau de la liberté, tout nous dit que
<< vous vous ferez toujours gloire de n'avoir jamais d'autre
« ambition que l'honneur de marcher d'un pas ferme et sûr
« pour la défense de notre commune patrie et y ram.ener
« La citoyenne Saurin, épouse du sieur Varaillon, inspecteur des patentes
du df^partement.
PKNDANT LA RÉVOLUTION 'Ml
« l'ordre et la tranquillité ([ue les malveillants tendent à
« entraver en tout sens.
« vous tous qui avez été et serez toujours les colonnes
« inébranlables de notre sainte constitution, ne doutez
« jamais que le Conseil d'administration du département de
« la Vendée, veuille croiser cet élan, ce zèle brûlant du
» patriotisme dont vos cœurs sont enflammés. Cependant,
« permetlez-nous, comme organes de la loi, de vous inviter
« à ne jamais la perdre de vue et à la regarder toujours
« comme la boussole, le flambeau qui doit sans cesse éclairer
(( et diriger vos démarches ! Notre but à tous, qu'est-il autre
« chose que de travailler, comme de concert, à maintenir en
" harmonie la chose publique, d'où résulte uniquement le
« bonheur et la prospérité de l'empire français? Citoyens
Il volontaires nationaux, avec quel sentiment de respect et
« d'admiration ne devons-nous pas envisager l'hommage
« qu'ont fait à leur patrie les dames de cette ville, qui sont
« les mères, les sœurs, les épouses de la plupart de vous,
« en offrant à votre courage, à votre civisme, l'étendard de
« la liberté ! L'enthousiasme, avec lequel vous le recevez, est
« un sûr garant que vous vous plairez toujours à le voir
« flotter au milieu de vous : »
Prenant alors la parole, le procureur général syndic s'est
exprimé en ces termes :
« Citoyens, lorsqu'un dévouement généreux vous appelle
« à la défense de la patrie, je ne ternirai point votre gloire
« par de vains éloges que repousserait votre délicatesse. On
« enivre des esclaves avec des adulations. Il faut aux sol-
•< dats de la liberté une nourriture plus substantielle et plus
« saine ; ils sont faits pour entendre le langage austère de
« la vérité. Citoyens, vous avec recouvré la liberté par votre
« courage ; mais il faut plus que du courage pour la fixer
« invariablement parmi vous. Vous appartenez à la patrie
« par plus d'un titre, et quand elle arme vos bras pour la
378 JOURNAL d'un FONTENAltsJKN
'> délendre contre ses ennemis, elle les arme aussi pour
« protéger ses enfants ; elle vous place sous la dépendance
w la plus étroite de la loi. Elle vous prescrit une exacte obéis-
« sance aux chefs qu'elle vous a permis de choisir. Elle
« vous donne une constitution sage et paternelle à conserver
« dans son intégrité, un roi juste et bienfaisant à respecter
u et à chérir.
« Mais vous l'avez déjà manifesté, braves citoyens, ce res-
<( pect profond pour la loi, sur lequel reposent essentielle-
« ment la liberté, la sûreté, la tranquillité et le bonheur de
« tous. C'est dans le temple même de la Constitution;, si je
« puis m'exprimer ainsi, c'est parmi ses ministres, que vous
« avez cherché vos premiers guides. Vous avez voulu que
« ceux qui étaient éminemment appelés à protéger Tordre
« public,fussentencore ceux qui dirigeassent vos premiers pas
«i dans la carrière glorieuse que vous allez parcourir; et c'est
« ainsi que vous ratifiez l'engagement sacré de marcher
» constamment sous le double étendard de l'honneur et de la
« loi : de même qu'en suivant aux champs de la victoire, le
« drapeau que vous recevez des mains de la beauté, vous
a devez vous rappeler sans cesse les droits d'un sexe inté-
« ressant par ses vertus comme par ses charmes qui, pour
a un guerrier généreux, doit toujours et partout être excepté
« du nombre de ses ennemis.
« Citoy':;ns, vous devez votre existence à la loi, votre or-
« ganisation à ses ministres, votre formation à un général,
«■ dont l'intrépidité était digne de s'allier au patriotisme, vos
a premiers encouragements à l'innocence et à l'ingénuité.
« Vous n'oublierez jamais une si noble origine, vous con-
« serverez pur et sans tache le signe militaire qui vous est
« confié. Et vos administrateurs qui le vouent aujourd'hui
« à l'espérance, le consacreront bientôt à la plus juste re-
« connaissance. »
Le général Dumouriez a ensuite adressé l'allocution sui-
vante aux déléguées des dames de la ville :
PENDANT LA UÉVOLUTION 'il'.)
« Mesdames, vous honorez le bataillon de la Vendée en
« lui présentant le drapeau qui doit le guider dans la carrière
« de la gloire. Il vous rapportera l'éloge précieux de notre
« patriotisme pur et sans tache. Je suis sa caution. »
Cette allocution a été suivie de celle du lieutenant-colonel
G rat ton.
« Mesdames, les principes de la Constitution sont gravés
« dans tous les cœurs. Le drapeau que vous nous présentez
" en est la preuve. Les volontaires du bataillon de la Vendée
(.( le reçoivent avec transport. Des citoyennes ont pris soin
» d'en assortir les couleurs. Des hommes, dévoués au salut
delà patrie, vont se rallier au signe de régénération et de
« liberté. Je vous jure qu'ils ne l'abandonneront qu'à
« la mort. »
S'adressant ensuite aux membres du département :
« Messieurs, servir la chose publique, consolider l'édifice
« de la Constitution, obéir à la loi, voilà notre tâche com-
« mune. Les citoyens, pour la défense de la patrie, auront sans
« cesse ces objets devant les yeux; et ils seront, dans tous les
« temps, la règle invariable de leur conduite. »
Le cortège est ensuite retourné à l'hôtel du département.
Les dames se sont alors retirées, accompagnées de la même
députation. Les autorités^ après avoir suivi les membres du
directoir(3^ jusque dans l'enceinte de ses séances, ont pris
congé de l'Assemblée.
Cette cérémonie a été suivie de l'illumination générale de
la ville. La façade de l'hôtel, habité par Dumouriez*, était dé-
corée de transparents portant les inscriptions suivantes:
LA NATION, LA LOI, LE ROI.
AU BATAILLON DE LA VENDÉE
LA NATION RECONNAISSANTE.
COURONNEZ DE LAURIERS CE DRAPEAU
* Maison de M. Clals, notaire, rue Nationale.
380 JOURNAL d'un FONTENAISIEN
GAGE PRÉCIEUX DE VOS MÈRES,
DE VOS SOEURS, DE VOS AMANTES.
LES HOMMES LIBRES SONT ESCLAVES DE LA LOI.
TREMBLEZ, SATELLITES DES TYRANS
DEVANT LES SOLDATS DE LA LIBERTÉ
15 décembre. — Le conseil-général du département ter-
mine sa session. Le directoire reprend les rênes de l'adminis-
tration.
29 décembre. — Manuel, procureur de la commune de
Paris, demande au directoire du département des rensei-
i^nements sur les correspondants que peuvent avoir les
La Goudraye en Vendée.
30 décembre. — Le directoire de département arrête, qu'à
dater du 1" janvier prochain, le tribunal criminel exercera
ses fonctions, concurremment avec le tribunal du district
de Fontenay, dans le palais de justice de la ci devant séné-
chaussée de la ville.
Pichard du Page se démet de ses fonctions de procureur-
ji^énéral-syndic du département. Mercier (A. G. F.), suppléant,
remplace ce dernier.
A. BiTTON.
[La suite prochainement).
^^^W^
d^îtraiiiquÉS ^iibliuses
VII
LES PRISONNIERS SOUS LA TERREUR
{Suite.)
UN des vœux principaux de la Convention fut toujours
d'anéantir dans l'esprit du peuple les sentiments reli-
gieux. Pour arriver à ce but, elle chargea son Comité
d'instruction publique de réorganiser le calendrier romain et
d'y substituer sévèrement une forme plus républicaine. Cette
innovation fut imposée sans retard, et maintenue vigoureuse-
ment depuis le 5 octobre 1793 jusqu'au 1" janvier 1806. Les
noms habituels des saints furent remplacés par la liste fantai-
siste des objets les plus divers. Les fruits,, les fleurs, les lé-
gumes, les animaux se succédèrent d'une manière bizarre ;
on fêta le potiron^ l'héliotrop?, la laitue, le chiendent, le réséda
la betterave, le cornichon, la chicorée^ l'asperge, le radis, le
melon, la morille, le navet, la citrouille, l'oignon, le persil,
les échalotles^ l'ail, le serpolet, la carotte, le céleri, la truffe;
et dans l'ordre animal : l'oie, le dindon, le lapin, le chat, la
vache, l'âne, le cochon, la poule, le canard, la pintade, le
bouc, le mulet; puis les instruments agricoles : la fourche,
Tome iv. — Octobre, Novembre, Décembre 1890. 25
382 CHRONIQUES SABLAISES
le râteau, la faucille, la liotLe, l'échelle, le panier, l'arrosoir,
la pioche, la pelle, la cognée, la cuve, le pressoir, le ton-
neau, elc , etc.
Il y avait naturellement des fêtes. On honorait le fumier le
8 décembre, les épinards le 6 février, et c'est le pigeon qui
remplaçait Pâques. Une des fêtes les plus originales était
celle de l'opinion, espèce de carnaval politique, pendant le-
quel il était permis de formuler par la parole et par la plume,
toutes les accusations et toutes les critiques contre les
hommes publics et les puissants du jour.
Un certain nombre d'individus, embrassant avec servilité
cette religion nouvelle, avaient substitué à leur nom de bap-
tême le nom de la fleur, du légume, du fruit correspondant
à la date de leur naissance. Gest ainsi que le général Doppet
signait Pervenche^ et qu'un obscur conventionnel s'appelait
Mouron. Rien n'a la vie dure comme une absurdité. La Pro-
vidence n'assigne pas aux gouvernements un délai invariable
pour la punition de leurs fautes. Les unes portent avec elles
leur châtiment, les autres ne s'expient qu'à longue échéance.
La plupart de nos disputes, a dit Montaigne, sont grammai-
riennes ; entendons-nous donc sur le mot. Si quelqu'un avait
annoncé aux Français, en 1789, les odieux décrets que rendrait,
quatre ou cinq ans plus tard, une assemblée élue par eux,
est-il un seul homme qui n'eût haussé les épaules, et en
vérité avec toute apparence de raison?
La Révolution s'annonçait comme une idylle où tous
chantent en se couvrant de fleurs. Je dis tous, nobles, prêtres,
bourgeois, peuple, avec le même entrain. Klle a la tête dans
les cieux, comme a dit le poète ; qui pouvait prévoir qu'elle
aurait un jour les pieds dans le sang ? Le 3 septembre 1792,
Danton, ministre de la Justice, n'envoya-t-il pas sous son
couvert à toutes les communes de France une circulaire
signée par chacun des membres du Comité d'exécution, dans
laquelle les municipalités furent invitées à adopter le moyen
de salut public pratiqué par la commune de Paris, et à faire
CHRONIQUES SABLAISES 383
mettre à mort par le peuple tous les conspirateurs détenus
dans les prisons ?
Le Comité de salut public de la Convention nationale, après
avoir pris connaissance du rapport de la commission des se-
cours publics, arrêta, le 8 prairial an III (27 mai 1795) : « Il
sera fourni chaque jour, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement
ordonné, aux officiers et employés d'administration des hos-
pices militaires de la République, une ration de pain de mu-
nition de 24 onces et une livre de viande. Cette fourniture
n'aura lieu cependant que lorsque l'extrême difficulté de se
procurer des subsistances aura été certifiée par les munici-
palités dans l'arrondissement desquelles sont établis des
hôpitaux militaires. Les officiers de santé militaires des
Sables reçurent notification de cet arrêté, et furent admis à
profiter de cette faveur.
*
Les difficultés pour l'alimentation des habitants croissant
chaque jour, les représentants du peuple prirent une déter-
mination énergique à laquelle fut donnée la plus grande pu-
blicité. Les réfugiés, dont le nombre était si considérable,
reçurent l'ordre de quitter la ville sans délai, et l'on s'occupa
immédiatement de leur en fournir la facilité. Il s'établit alors
entr'eux une lutte incroyable pour inventer quelques moyens
de séduire les autorités^ ou de se créer une utilité qui permît
d'éluder l'expulsion. Les uns recherchèrent avec avidité les
moindres fonctions publiques,celles,par exemple, de membre
du Comité des subsista^jces. D'autres se placèrent à gages
comme domestiques. Bienheureux ceux qui purent être agréés
en qualité de geôliers dans les prisons^ emplois que les habi-
tants refusaient avec dédain. Les femmes nourrices sup-
plièrent pour se faire imposer le soin des enfants trouvés,
pauvres petites créatures recueillies dans les campagnes, et
384 CHRONIQUES SABLAISRS
dont les mères avaient succombé àlamisère, étaient tombées
dans les batailles, ou avaient péri sur l'échafaud. Ces enfants
étaient groupés à l'ancien couvent des Capucins.
Ceux enfin qui restaient sans emploi étaient réunis au son
du tambour et conduits au port^ où des barques les atten-
daient pour les transporter sur d'autres rivages. Une dernière
ressource se présenta encore.
Les Sœurs de saint Vincent de Paul, ces saintes filles de la
Charité qui dirigeaient l'hôpital Saint-Joseph depuis plus d'un
siècle, allaient en ôtre chassées. Leur crime ne pouvait être
que le bien qu'elles avaient fait. Le 5 germinal an II (25 mars
1794), l'administration du district fit choix, pour remplacer
ces filles dites sœurs grises dans le soin des malades de
l'hôpital, de sept femmes laïques toutes étrangères à la .ville.
Ce fut les citoyennes Olive Morisson veuve Boiscourbeau-
Bodet, Constance Boiscourbeau, Françoise Pertuzé^ Julie-
Marie-Thérèze Danieau-Marillet;, Victoire Boiscourbeau,
Catherine Pertuzé, et Louise-Jeanne-Françoise Danieau.
Le 12 germinal (!«' avril) elles se présentèrent à la maison
de ville pour prêter devant le conseil municipal le serment
suivant :
« Je jure de maintenir la liberté et l'égalité, d'être fidèle à
» la nation et à la loi^ et de mourir à mon poste. «
Aussitôt après, elles procédèrent à l'élection de leur supé-
rieure qui fut la citoyenne veuve Boiscourbeau ; et les
citoyens Dardel et Sané, spécialement désignés par le conseil
pour cet effet, les accompagnèrerent à l'hôpital et les instal-
lèrent dans leurs fonctions. Les Sœurs de Charité étaient
présentes ; elles fournirent leurs comptes, qui furent apurés,
et se retirèrent.
L'administration économe des Sœurs de Charité avait pu
jusqu'à la fin suffire aux besoins de l'hôpital. L'ère nouvelle
qui s'ouvrait allait présenter, avec des modifications encore
inusitées, ce que l'on appelait pompeusement le progrès. Un
avenir prochain se chargerait hélas I de le réduire à sa valeur
CHRON[QUES SADLAISES 385
véritable, et de dévoilerladésespéranteimpuissanceà laquelle
serait vouée la bienfaisance officielle.
Pénétrées des préceptes de leur fondateur, les Sœurs
chassées de l'hôpital ne s'enfuirent pas; elles demeurèrent
dans le pays cherchant toujours à étendre sur les mal-
heureux l'influence de leur bienfaisance. Quelques mois après,
sous la conduite de leur supérieure, Marie Véronique Boubay.
nous les retrouvons à Noirmoutier, suivant avec courage et
résignation le terrible chemin des martyrs pour tomber pro-
bablement sous les fusillades que préparait Tyroco.
Aujourd'hui, lorsque le voyageur parcourt ces contrées,
s'il s'avance dans ce sentier auquel la population a conservé
le nom de Chemin des Martyrs, il est surpris de trouver sur sa
route le sable blanc maculé de taches d'un rouge de sang
qu'un végétal semé par la nature y reproduit sans cesse.
Ce champignon est, d'après le docteur Nylander, le Peziza
trechispora de Berkeley et Broome. Plus d'une fois, dit le
D"" Viaud-Grand-Marais, il a dû donner lieu aux légendes
des pluies de sang.
Ne voyez-vous pas resplendir l'auréole impérissable au-
dessus de ces têtes qui s'avancent les yeux au ciel et le
front serein, comme les chrétiens des premiers âges mar-
chaient à la gloire, et disant, comme saint Gôme et saint
Damien allant au supplice : Nous élevons les yeux vers vous.
Seigneur, qui habitez dans les cieux* !
« En vertu de l'édit de 1616, Sendras inscrivit le 3 juillet 1700 dans le
registre de l'Armoriai général de France la communauté des Chirurgiens
et apothicaires de la ville des Sables :
« D'argent, à un saint Cosme et saint Damien de carnation vêtus de
gueules, leurs manteaux doublez d'hermines, et leurs têtes couvertes de
bonnetz quarrez de sable, le premier tenant de sa main senestre une boëte
couverte d'azur, et le second tenant aussi de sa main dextre levée une
fiole de gueules, et tous deux posez sur une terrasse de sinople de laquelle
naissent des simples de même. (d'Hozier).
Ce blason, religieusement conservé par les médecins de l'hôpital, orne
aujourd'hui leur cabinet.
« C'est avec un saint respect qu'il faut traiter les oeuvres de nos pères. ■
(Lecointre-Dupont).
386 CHRONIQUES SABLAISES
♦ »
Bientôt le temple de la Raison n'inspira pas plas de
respect que le nouveau culte auquel il était consacré. Nous
l'avons vu servir aux danses des jours de fêtes ; on l'employa
successivement à d'autres usages. Il reçut des dépôts de
cendres destinées à fournir le salpêtre. On y logea des sol-
dats; il devint une caserne pour cent hommes; enfin, oh
honte! il fallut recourir à des mesures réglementaires pour
qu'il cessât de servir de latrines publiques.
Les assignats n'avaient plus qu'une valeur illusoire. Un
paysan, étant parvenu à apporter en ville une certaine quan-
tité de beurre, en vendit dix-huit livres à raison de 50 livres
la livre. Ce succès lui fit perdre toute prudence. Le malheu-
heureux s'en vanta, il fut dénoncé, condamné pour contra-
vention à la loi du 29 septembre 1793, et son beurre fut
confisqué.
*
* *
Le 29 germinal (18 avril 1794) arrivèrent aux Sables les
représentants du peuple Hentz et Francastel. Le Conseil de la
Commune leur envoya aussitôt une députation pour les com-
plimenter et les inviter à assister à la plantation de l'arbre de
la Fraternité qui devait avoir lieu à la Chaume le jour môme.
On se ferait difficilement une idée du sans-culottisme avec le-
quel les représentants reçurent ce jour-là les différentes mis-
sions qui leur furent adressées. Leur premier soin fut de se
rendre à la séance du soir de la Société populaire et révo-
lutionnaire, et de la dissoudre afin de la régén-^rer. Ils appe-
, CHRONIQUES SABLAISES 387
lèrent les femmes à ses séances, pour leur donner V esprit .
public. Par suite de cet accroissement dans l'assistance, le
local devint insuffisant, et l'un des membres, se trouvant
trop pressé, se leva pour proposer de ne plus admettre les
femmes puisqu'elles n'étaient bonnes ù rien, pas même à
faire la guerre. Mais Hentz le foudroya de son éloquence,
et vengea complètement le sexe féminin.
Le grand travail d'épuration commença sans retard. Cha-
cun des membres appelé à la tribune soumit son civisme
à l'appréciation de ses concitoyens. Le Président, s'inspirant
d'un questionnaire étendu sous ses yeux, faisait gravement
les interpellations suivantes :
« Quelle est ton opinion sur la Révolution française?
« As-tu été noble ou prêtre ?
« As-tu appartenu à quelque émigré? Et, dans tous les
« cas, quand l'as-tu quitté?
« As-tu rendu des services à la chose publique?
<i Où étais-tu et que faisais-tu, pendant la grande bataille
« du Vendredi saint (siège des Sables)?
Réponse invariable :
« J'étais à mon poste^, et je défendais ma patrie contre les
« brigands. »
« As-tu lu les journaux depuis la Révolution. Quels sont
ceux auxquels tu es abonné ? »
Le club tenait ses séances au temple, dans la chapelle au-
jourd'hui consacrée à saint Jean-Baptiste. L'admission des
femmes ne put suffire au zèle des représentants. Des gra-
dins furent disposés pour que la jeunesse pût venir chaque
jour s'inculquer les principes de sagesse qui s'y profes-
saient. Après sa régénération, les membres de la Société,
voulant la maintenir toujours à la hauteur de son origine,
prêtèrent entre les mains des représentants le serment de
vivre libres ou de mourir ; et sur la proposition de l'un d'eux,
tous se levèrent spontanément, étendirent la main, et ju-
rèrent de s'entrepoignarder si jamais ils venaient à dévier.
388 CHRONIQUES SABLAISES
La voix des patriotes modérés, des républicains honnêtes
avait trop souvent fait prévaloir la froide* raison sur les en-
traînantes déclamations des sans-culottes ; aussi furent-ils
tous régénérés.
Chacune des administrations fut immédiatement brisée,
et les représentants se firent un jeu de les reconstituer.
« Rien n'est plus précieux disaient-ils, que les perruquiers
pour démêler les affaires embrouillées, et les tourneurs pour
leur donner une forme convenable. Aussi firent-ils entrer
au conseil de la commune les perruquiers Bouard comme
juge, Durand comme assesseur, IMonard comme assesseur,
et le tourneur Mitard.
Afin de compléter l'expérience, ils nommèrent juges du
tribunal du district Bouard et Mitard, qui siégèrent avec Du-
pleix et Moroilleau sous la présidence de Duget aîné, Mou-
rain Mélellus, commissaire national, et Biroché^ greffier.
Le nom de Mitard est resté légendaire et entouré d'une
sinistre célébrité. Interrogé à cette époque par un magistrat
qui lui demandait si ses fonctions de juge n'étaient pas
quelquefois pénibles et embarrassantes. « Eh non ! répondait-
il, je t'assure, citoyen, que la chose est plus facile que tu ne le
penses. Pour le civil sans doute on peut éprouver parfois
quelqu'hésitation, mais pour le criminel, oh ! jamais. «
Romain Mitard, tourneur etchaisier, était né en 1750.
Le titre de procureur de la commune, changé au mois de
janvier ilO'i, avait été remplacé par celui d'agent national.
Le général Garpentier arriva aux Sables le 16 germinal
aii n. Il succéda dans le commandement de la place à Dutry,
qui aussitôf, à la tôle do son arméC;, opéra contre celle de
Gharette ; et après s'être emparé de Noirmoutier, concurrem-
ment avec Haxo, chercha à détruire l'insurrection du Marais
CHRONIQUES SABLAtSES 389
de Saint-Jean dcMonLs cL du Périer. Sa domination se signala
comme la phase la plus terrible de l'histoire sablaise, et ne
laissa après elle que des souvenirs de sang et de désolation.
Le premier soin de Garpenlier avait été d'aller à l'hôtel de
ville avec le commandant de place Golet, pour s'assurer du
nombre exact des réfugiés encore présents aux Sables. On
leur fit connaître ceux qui, par ordre des représentants,
étaient venus se faire inscrire trois jours auparavant. Mais
comme quelques-uns d'entre eux avaient réussi à s'abstenir
afin d'éviter l'ordre de s'éloignera vingt lieues au-delà de tous
les pays insurgés, il les convoqua tous pour le lendemain,
sous peine, faute par eux d'obéir, d'être déclarés suspects.
Un jour, il se présenta à la Société populaire, mais reconnu
pour être un ancien prêtre, il fut exclu du Club. Ce défaut de
déférence le blessa vivement, et pour s'en venger il eut re-
cours à un moyen aussi original qu'énergique. Toutes les
nuits il faisait battre la générale, et tout clubiste qui ne se
rendait pas à son poste était emprisonné par son ordre et
dénoncé au Club. Pendant son commandement, la discipline
disparut entièrement des troupes républicaines. Le moindre
volontaire s'arrogea impunément sur les habitants des cam-
pagnes un droit dévie et de mort. Le pillage fut à l'ordre du
jour, et s'exerça sans retenue sur toutes les propriétés d'a-
lentour, se couronnant toujours par l'incendie. Nous avons
vu deux volontaires menacer de mort les paysans accourus
pour les empêcher de brûlerla Vannerie, propriété nationale;
les chaumières, les métairies furent réduites en cendres
comme les châteaux; les cultivateurs inofïensifs assassinés
sans prétextes pendant leurs travaux. Le 2 prairial an II, dit
Gollinet dans ses notes manuscrites, les volontaires fusil-
lèrent plusieurs paysans et pillèrent leurs maisons ; s'étant
approchés, sans rien leur dire, de deux jeunes gens occupés
à faucher un pré, il les assassinèrent. Les vieillards étaient
frappés dans leurs lits , les enfants égorgés sur le
sein de leur mère, les récoltes brûlées, les bestiaux
390 CHRONIQUES SABLAISES
enlevés, les meubles brisés et dispersés, les vêtements eux-
mêmes volés et emportés par les soldats. Les morts restaient
sans sépultures, les chiens et les loups se repaissaient de
cadavres humains, et dans certaines localités abandonnées
l'air était empesté. A quelles alternatives étaient livrés les
habitants des campagnes ! Restaient-ils paisibles en leurs
demeures^ par cela seul ils étaient également victimes des
deux partis. Confiants dans les sentiments religieux qu'ils
cachaient au fond du cœur, préféraient-ils suivre les royalistes
et les prêtres, c'était un série de misères, de dangers, de
fatigues qu'un homme pouvait affronter, mais pour lesquelles,
il le savait, toute sa famille répondrait devant les inexorables
républicains. Se décidaient-ils enfin à se réfugier dans les
villes sous l'égide protectrice de la République ; aussitôt ils
étaient rassemblés, entassés sur des navires dont la vue
seule faisait trembler leur naïve inexpérience, et expatriés
au nom de cette fraternité menteuse qu'ils avaient cru devoir
préférer à la mort. D'un autre côté, d'adroits émissaires
faisaient entendre à leurs oreilles les condamnations terribles
prononcées dans l'ombre par les royalistes, et qui ne man-
quaient jamais d'être mises à exécution.
« Tous les hommes, femmes et enfants qui ne se rendront
« pas, en les vingt-quatre heures de la présente proclamation,
« de tous les bourgs, villes, villages, métairies, borderies et
« fermes qui avoisinent les Sables, à l'armée catholique et
« royale campée à Grosbreuil, seront traités en républicains :
« eux, leurs femmes et enfants tués, leur bétail enlevé, leurs
« maisons brûlées.
T) A Grosbreuil, le 10 mai 1794 :
« Signé : Duchaffaud, pour le général Joly. »
Enfin des jours meilleurs commencèrent à luire. Carpentier
fut rappelé le 4 prairial, et deux jours après, Dutruy vint
reprendre le commandement qu'il avait déjà exercé : mais
dans les combats la défense reslainexorable comme l'attaque.
CHRONIQUES SABLAISES 391
*
» «
Le général Thureau, de retour aux Sables le 3 floréal, en
était reparti le lendemain pour la Rochelle, accompagnant
des représentants, avec une escorte de GO hussards. Le même
jour, le représentant Lequinio, allant de Nantes à Bayonne,
avait également traversé la ville des Sables avec pareille
escorte. Thureau profitant de ce séjour si court aux Sables
avait envoyé cinquante volontaires pour incendier Vairé. Le
5 floréal, 40 canonniers mayençais étaient arrivés de Nantes
chargés du produit de leur pillage. Les cruautés qu'ils avaient
commises sur leur passage étaient inouïes.
*
L'ex-curé Gérard avait été nommé membre de l'adminis-
tration du district par le représentant Fayau ; mais Hentz et
Francastel, loin de partager |à son égard les sentiments de
leur collègue, ne dissimulaient pas au contraire leur animad-
version. Aussi eut-il la prudence d'échapper, par une fuite
précipitée, au mandat d'arrêt qu'ils lancèrent contre lui.
Aussitôt après son départ, la municipalité abandonna la
maison Tortereau qu'elle occupait sur la Place de la Liberté,
et se tranporta à l'ancienne maison curiale, rue de la Liberté,
que Gérard n'avait pas cessé d'habiter.
L'armée manquait de chevaux pour les transports mili-
taires. Par décret du 18 germinal an II, tous les cantons de
laRépublique furentimposés àun certain nombre dechevaux.
La ville des Sables à elle seule formait un canton ; aussi
fit-elle rassembler sur la plage tous les chevaux qu'elle
392 CHRONIQUES SABLAISËS
possédait ; mais après un examen minutieux, il fut recormti
qu'elle n'en avait pas un seul qui pût être ofTert pour l'armée,
les défauts de taille, d'âge, ctc, les mettant tous hors rang-.
On s'adressa alors au canton d'Olonne pour acquérir les
cinq chevaux demandés ; mais on n'eut pas plus de succès,
et force fut d'envoyer un mulet et deux chevaux tels quels.
Il se faisait à cette époque une consommation considérable
de papier, qui commençait à devenir rare. Le Comité de
salut public décréta alors une réquisition de chiffons. La
municipalité, chargée de son exécution, nommades commis-
saires qui firent sur les habitants une stricte répartition.
Les chefs de famille et les adultes furent imposés à un3 livre
de chiffons; les domestiques et les enfants au dessous de 15
ans en furent dispensés.
*
La Commission militaire des Sables avait cessé de fonc-
tionner, et les prisons contenaient encore un nombre consi-
dérable de suspects qui depuis six mois attendaient leur
jugement , entassés dans des chambres trop étroites
et exposés à mourir de misère dans un prochain avenir. On
s'occupa alors de les déporteren d'autres villes. Soixante-trois
d'entr'eux, embarqués abord d'une petite barque, furent con-
duits à Noirmoutier. Henri Collinet,Foré etTyroco exerçaient
alors dans ce malheureux pays leur atroce domination, et,
sous prétexte de représailles, rivalisaient de cruautés avec
les troupes de Gharette. Les prisonniers, qui n'avaient reçu
pendant la traversée qu'une nourriture insuffisante, arri-
vèrent complètement épuisés. Un certain nombre d'entr'eux
ne put aller plus loin ; la faim, le mal de mer, des maladies
antérieures souffertes depuis longtemps dans les prisons,
et surtout la privation d'air, avaient anéanti leurs forces ; ils
tombèrent sur le rivage sans pouvoir se relever. Quelque
repos ; le moindre secours, du pain peut-être, eussent suffi
CHRONIQUES SABLAISES 393
pour les ranimer^ pour les sauver. Mais dès que Tyroco avait
appris leur apparilion dans la rade du Bois de la Chaise,
rassemblant à la hâte un détachement, il s'était porté au lieu
du débarquement. A la vue de ces misères, il se sentit ému,
il eut pitié ; mais une pitié de cannibale, que l'on no retrouve
que dans l'histoire de cette sanglante époque. « Leur con-
« damnation est certaine, dit-il, ils n'ont été traînés ici que
« pour y être fusillés. Des secours ne feraient que diiTérer
<( leur mort, terminons leurs maux. Qu'on les fusille ! » Et
l'ordre fut exécuté. Et le monstre se retira tranquille, impuni,
sans entendre même les reproches d'une conscience blasée
parle crime.
Les survivants furent maintenus en prison ; quelques-uns
d'entr'eux seulement avaient été jugés^ quand la journée du
9 thermidor sauva la vie à tous les autres.
Le 28 prairial (16 juin 1794)_, un nouveau détachement de
67 prisonniers fut encore envoyé à l'île de la Montagne.
Piet, dans ses Mémoires, porte à 200 le nombre des pri-
sonniers qui furent déportés ; 50 furent fusillés à leur
arrivée, 150 furent réservés pour le jugement.
GoUinet, dans ses Mémoires manuscrits, raconte que le
général Carpentier, aidé des Mayençais, avait fait embarquer
pour l'île de la Montagne, le 10 floréal an II (2 avril 1794),
soixante-trois suspects au nombre desquels se trouvait le
jeune Derval;, ecclésiastique de la Chaume, qui avait reçu le.
diaconat à Luçon en 1792.
Les royalistes avaient donné l'exemple de ces cruautés.
Après la prise de Noirmoutier, Gharette pourvut au gouver-
nement et à la défense de l'île, retourna à Bouin en emme-
nant huit cents prisonniers qu'il confia à la garde de son
divisionnaire Pajot, et alla ensuite camper à Machecoul.
Entassés dans la prison, les détenus avaient été tellement
accumulés qu'ils ne pouvaient ni se coucher ni s'asseoir ;
forcés de se tenir debout, manquant d'air, épuisés de fatigue,
ils donnaient quelquefois des coups dans la porte en se
394 CHRONIQUES SABLAISES
poussant les uns les autres pour changer de place. Il n'en
fallut pas davantage pourPajot; ces mouvements intérieurs
furent pour lui une révolte mettant la ville en danger. Dans
la nuit il en fit sortir sans examen, sans choiX;, une centaine
parmi lesquels il y en avait de 15 à 16 ans, et les fit fusiller.
(Le Bouvier-desmortiers, Réfutation des calomnies contre
Charette, p. 1 82).
L'hôpital militaire devenu insuffisant, il fallut se détermi-
ner à transporter des Soldats malades à l'hôpital civil
(Saint-Joseph). A cet effet, la municipalité chargea les deux
officiers de santé Gouin et Laisné de tarifer l'indemnité qui
serait due pour chaque journée de malade. Le chiffre en fut
fixé à la somme de 2 livres, 10 sols, 11 deniers, et commu-
niqué à la commission executive des secours publics. Mais
cet hôpital lui-môme était abandonné sans direction et sans
aucune surveillance, par suite de la mort de son receveur,
Bouhier du Vivier, remontant à plusieurs mois. Personne ne
s'était encore préoccupé de vérifier ses comptes ou de lui
donner un successeur. Une somme de 230 livres lui ayant été
adressée par l'administration départementale avait été dé-
posée à la mairie, oii elle attendait que quelqu'un fut chargé
de la recevoir. Enfin le 19 floréal (19 mai 1794) on avisa aux
moyens de reconstituer l'administration. Le citoyen Gilbert
fut nommé trésorier : la commission, formée des conseillers
Sané, Moreau et Maurin, sous la présidence du maire et l'as-
sistance de l'agent national, fit son rapport le 24 messidor
(12juillet 1794). Le duplicata de ce rapportdéposé aux archives
de l'hôpital ne s'y trouve plus, mais il doit exister encore aux
archives du district.
Depuis le départ des Sœurs de Charité, aucune des créances
dues à l'hôpital n'ayant été réclamée, ne lui avait été soldée.
Le 14 thermidor, Gilbert vint rendre compte de sa gestion. Il
CHRONIQUES SABLAISES 395
déclara avoir reçu 25»^ livres ; les dépenses s'étant élevées à
256 livres 5 sols ; mais voulant établir une balance exacte
entre le doit et l'avoir, il faisait remise des cinq sols auxquels
il avait droit. Le Conseil applaudit à ce désintéressement,
remercia le trésorier, et déclara lui continuer sa confiance.
Il ordonna que la quittance de la citoyenne veuve Bois-
courbeau fût annexée à son compte.
La citoyenne Servanteau, trésorière du Bureau de Charité
de la Chaume venait de mourir. La municipalité chargea une
commission de vérifier ses comptes, et de lui en faire un
rapport. Il en résulta que la recette s'était élevée à 915 livres
14 sols, et (jue la dépense n'avait pas dépassé 841 livres 10
sols. Les caisses de l'Etat devant seules désormais pourvoir
aux secours de la Charité, en reçurent le reliquat le 28
thermidor (15 août).
La malpropreté de la ville, abandonnée à l'incurie des
habitants s'accroissait tous les jours par le défaut de toute
surveillance. Lorsque par hasard les rues étaient balayées,
les immondices réunies au milieu, ou relevées au long des
maisons, en étaient rapidement répandues par les passants
ou l'égoutdes eaux pluviales ; aussi le 6 avril 1794 le Conseil
municipal, pressé par le comité de surveillance révolution-
naire, avait-il dû recourir à des moyens Louveaux et plus
efficaces. Les habitants reçurent l'ordre de balayer au moins
trois fois par décade le pavé de leurs demeures et d'en trans-
porter les boues et fumiers à certains lieux de dépôt soi-
gneusement indiqués. Le premier désigné fut la place de la
Constitution, près de la porte delà Barre.
Le même jour, les boulangers furent requis de livrer les
cendres de leurs fours, pour en extraire le salpêtre. Ils
eurent ordre de les déposer dans l'une des chapelles du
temple de la Raison. Les conseillers Fravacin et Monard
396 CHRONIQUES SABLAISES
furent commis à la surveillance et au règlement de ceservice.
Le 5 floréal an II (2-4 avril 1794), le Conseil avait fait une
proclamation pour avertir les habitants qu'il circulait des
assignats de différenl es valeurs portant au dos, suivant le
règlement du 2 août 1793 : Au nom du Roi : mais qu'une loi
les ayant annulés, ceux qui les mettaient en circulation
étaient passibles de la peine de mort.
Ce fut le 25 germinal an II (14 avril 1794) que fut pris
l'arrêté définitif du Conseil municipal ordonnant la création
d'un cimetière dans la luzernièrede Vaugiraud, et prohibant
toute inhumation en d'autres lieux.
Le 4 prairial an II (23 mai 1794), le général Carpentier se
présenta au Conseil municipal. Il déclara qu'entièrement
soumis aux lois, il allait se retirer à Saumur, lieu de son
domicile légal, et de là à Orléans, pour y vivre dans une
retraite définitive.
Le 5 prairial, le troisième bataillon du Cantal, fort de trois
cents hommes arriva subitement aux Sables, et ce ne fut
qu'avec une peine extrême que Ton parvint à lui fournir des
Icrgements. Deux heures après son arrivée, un détachement
nouveau, fort de cinquante hommes, formant la compagnie
desMoustiers, apparutaussi, réclamant également un refuge.
Toutes les maisons étaient remplies, il n'était plus possible
d'y admettre personne. A huit heures du soir, un autre ba-
taillon de trois cents hommes escortant un convoi, arriva
encore de Luçon. Sa fatigue était grande, il lui fallait du
repos, et il ne restait plus àlui offrir aucun gîte. Le tumulte fut
à son comble, mais aucun remède ne put y être apporté. Ces
malheureux, privés de logements, se jetèrent partout sans
abri. Tessier et Dupleix^ les deux conseillers en permanence
chargés de les recevoir, étaient à ce moment tellement ivres
que leurs collègues, scandalisés, prirent publiquement une
décision pour les censurer.
Le lendemain (0 prairial), le Conseil reçut du représentant
Prieur de la Marne un arrêté daté à Nantes, du 24 floréal.
CHRONIQUES SABLAISE8 397
par lequel les réfugiés devaient être exclus des départe-
ments maritimes.
Nous avons vu que le temple de la Raison était assujetti
aux usages les plus divers. Un piquet de cent hommes y
bivouaquait chaque jour. Il en résultait une malpropreté
telle que le 7 prairial le commandant de place vint requérir
le maire d'y entretenir un service convenable de nettoiement.
Il s'était organisé dans la campagne, et surtout dans la
commune du Ghâteau-d'Olonne^ un brigandage tel, que les
ouvriers frappés de réquisitions refusaient de s'y trans-
porter dans la crainte d'être assassinés. Le bois du Fléchoux
avait acquis à cette occasion une lugubre célébrité. C'était
là que les victimes étaient entraînées. Un personnage in-
connu, dissimulé au centre d'un arbre creux, entendait sans
être vu leurs réponses à l'interrogatoire qu'elles subissaient,
et prononçait sans appel l'arrêt inexorable exécuté sans
relard.
L'insurrection du département avait réduit l'agriculture à
l'état le plus lamentable. La misère qui sévissait sur toute la
France forçait le gouvernement à recourir aux mesures les
plus énergiquement révolutionnaires afin de procurer aux
habitants des villes et à l'armée les bœufs que le commerce
de la boucherie n'était plus capable de fournir en quan-
tité suffisante. Ces moyens généraux étaient loin cepen-
dant de satisfaire à tous les besoins. Aussi les populations
durent-elles elles-mêmes, pour s'alimenter, recourir à une
foule de bouchers de second ordre qui abattant clandestine-
ment chez eux des veaux et des moutons, les vendaient
Tome iv. — octobre, novembre, décembre 1890. 26
398 CHRONIQUES SABLAISES
au détail à un prix inférieur à celui da maximum. Ce com-
merce prit bientôt une telle extension que les boucheries
de premier ordre furent menacées de ruine^ et qu'il ne fut
pas douteux que dans un avenir prochain la Vendée, cette
terre promise des éleveurs de bestiaux, en serait complète-
ment dépourvue. La ville des Sables crut alors devoir inter-
venir ; et par une réglementation nouvelle, elle s'efforça,
sinon de supprimer, au moins de diminuer le nombre des
petites boucheries^ et d'enlever aux propriétaires réfugiés
la liberté de faire abattre chez eux, et pour leurs besoins,
les bestiaux qu'ils retiraient de leurs propriétés.
La récolte de froment avait été fort mauvaise en 1793. Au
mois de floréal (mai 1794) la disette se faisait pressentir de
la manière la plus menaçante. Les moyens, pris l'année
précédente pour arriver par les mélanges de céréales à
diminuer autant que possible la consommation du froment,
avaient dépassé toute limite. Les réfugiés dont les ressources
particulières avaient une grande valeur s'étaient vus en
grand nombre contraints d'abandonner la ville. Enfin, à
bout de ressources, l'administration adressa aux habitants
une proclamation patriotique pour ordonner aux proprié-
taires, au nom de l'égalité, de déposer leur blé dans les
greniers publics, et de se nourrir eux-mêmes du grossier
mélange des farines dont les vrais républicains devaient
se contenter. •
Nous avons vu la garnison entièrement logée chez l'ha-
bitant; mais quelquefois elle était si nombreuse que l'on
était forcé d'en distribuer une partie dans les campagnes
voisines ; ainsi arriva-t-il, le 5 prairial, au moment de l'arrivée
du bataillon du Cantal : on envoya alors des officiers prendre
leur logement chez le citoyen Boisson, fermier de l'abbaye de
Saint-Jean d'Orbestier.
Au premier rang des malfaiteurs doivent surtout ôtre si-
gnalés les soldats du 110« régiment d'infanterie et les chas-
seurs de Cassel. Chaque nuit des détachements entiers,
CHRONIQUES SABLAISES 399
souvent accompagnés d'un officier, parcouraient les cam-
pagnes, enfonçaient les portes des chaumières les plus inof-
fensives, pillaient l'argent, le linge, les vêtements des culti-
vateurs, le blé qui devait les nourrir, tuaient ou entraînaient
les moutons et môme les bœufs de l'étable. Si un voyageur
traversant cette province désolée, eût demandé la cause des
longs cris qui retentissaient dans le silence des nuits, les
paysans lui eussent répondu : Citoyen ! ne vous arrêtez pas,
continuez votre route ; car les volontaires sont près d'ici.
Ils ont mis une ferme au pillage ; ce que vous entendez,
ce sorit les plaintes étouffées des femmes outragées; ce
sont les cris des familles au désespoir! — Certaines com-
munes avaient ouvert des registres intitulés : Dénoncia-
tions, destinés à recevoir les dépositions des pauvres
paysans. La plume se refuse à reproduire tout ce qui s'y
trouve consigné. Les archives de la ville de Saint-Gilles-sur-
Vie possèdent sous ce rapport de lugubres richesses. Sur
toute cette vaste étendue de terre épuisée par la guerre on
ne voyait que des granges et étables vides, et des champs
non ensemencés. Les bœufs, les fourrages avaient disparu,
et de pauvres familles désolées attendaient avec anxiété le
retour incertain de leurs chefs, requis pour traîner au loin
sur leurs propres charrettes les différents objets indispen-
sables aux besoins incessants de l'armée. Combien d'entr'eux
ne pouvaient ramener leurs attelages abattus par les soldats
qu'ils venaient de secourir !
Le premier soin de Dutruy en reprenant son commande-
ment, fut d'adoucir ce régime de terreur implacable organisé
par son prédécesseur. Les ordres les plus sévères furent
envoyés à tous les détachements pour défendre aux volon-
taires de tuer ou de torturer les paysans; leur enjoignant
seulement d'arrêter et de conduire aux Sables les gens
suspects qu'ils rencontreraient. En même temps des pro-
clamations, répandues en grand nombre dans les campagnes,
invitaient à rentrer pleins de confiance dans leurs demeures
400 CHRONIQUES SABLAISES
tous ceux qui depuis six mois les avaient abandonnées,
leur promettant pour l'avenir une sécurité complète. (Prai-
rial an II — mai 1794).
De nouvelles dispositions militaires rendirent aux routes
la sécurité qu'elles avaient perdue ; les courriers recommen-
cèrent, le 14 prairial — 2 juin, le service régulier qu'ils
n'avaient pu faire depuis le 28 floréal.
Les actes militaires de Carpentier avaient été rarement
heureux. Les insurgés, s'avançant par degrés, étaient parve-
nus à forcer tous les postes de se replier successivement
sur la ville, qui fut bientôt resserrée de telle sorte qu'une
fois encore elle manquait de tout.
On se rappelle que le 23 juillet 1793 1a Convention natio-
nale avait ordonné que les cloches des paroisses fussent
mises à la disposition du Conseil exécutif, à l'exception d'une
seule, et transmises aux fonderies les plus voisines pour y-
être transformées en canons. Ce décret, transmis aux commu-
nes par Garât etGohier, n'avait pas encore été mis complète-
ment à exécution. Aussi, dans ce mois de prairial, la ville
fit-elle don à la Patrie, pour être transportées aux fonderies de
Rochefort, de 533 livres de cuivre et 5282 livres de métal de
cloche,
D' Marcel Petiteau.
'«>^ v^irr^ 7"^^^ k^V^ 7^^4 k^ »^
LA CONTRIBUTION
ET LES DONS PATRIOTIQUES DE 1789
A FONTENAY-LE-COMTE
-40fr-
EN vertu du décret du 9 octobre 1789, il fut demandé à
tous les habitants du royaume une contribution du
quart du revenu, des intérêts à 2 1/2 pour cent de
l'argenterie et bijoux d'or ou d'argent dont ils étaient pos-
sesseurs et de l'or et de l'argent monnayé qu'ils gardaient en
réserve.
Les municipalités furent autorisées à recevoir à titre de
dépôt les bijoux, vaisselle d'or et d'argent, argenterie des
églises et communautés dont les propriétaires consentaient
à faire le sacrifice pour augmenter le numéraire, ou pour ac-
quitter leur contribution patriotique.
Un registre imprimé fut envoyé à toutes les communes
du royaume, en exécution de la proclamation du Roi du
14 décembre 1789.
Or, nous avons eu récemment la bonne fortune de rencon-
trer celui de Fontenay aux archives de la ville, et nous avons
cru être agréable aux lecteurs de cette Revue en y relevant
pour eux les noms des déposants et la description des
objets déposés. En voici la nomenclature :
402 LA CONTRIBUTION ET LES DONS PATRIOTIQUES DE 1780
Morillon, procureur en cette ville, faisant pour M. Quéré,
lieutenant criminel — une paire de boucles et une garniture
d'épée, le tout en argent, estimé, — 56 livres 5 sous'.
Une grande cuillière à ragoût — 31. 6 s.
Daniel Robert, bourgeois, — une écuelle avec son couvercle,
une autre sans son couvercle, un petit chandelier en argent
— estimés — 310 1. 9 s.
Vinet, notaire, — 2 flambeaux d'argent — 1721. 14 s.
René Ghevallereau, lieutenant général au siège de la ville —
une garde d'épée en argent, 3 paires de boucles — estimées
82 1. 10 s. .
Une fourchette à découper — 39 1. 5 s.
J. B. Savarydes Forges procureur du Roy, — 2 couverts,
une paire de bosettes, une croix de classe — 77 1. 14 s. une
paire de boucles — 11 1. 3 s. une vieille pièce d'Espagne — 7 1.
5 s. — id. de France — 41, 10 s.
J. B Pichard de la Blanchère — 2 paires de flambeaux, 2
goblets, un porte-huilier, une fourchette, 4 paires de boucles
— 307 1. 13 s. un porte-mouchettes etsamouchette,une crécelle
4 couverts, une cuillère, 3 gobelets, une tasse, un mouilloir,
2 crochets, 2 petites chaînes — 3521. 10 s.
M"'Branchu de Surin — 2 compotiers — 6 1. 10 s.
Belliard, procureur, — une paire de chenets — 488 1.
Ghandoré, avocat du Roy, — deux cuillères à soupe, deux
id. à ragoût — 50 1. 13 s.
Un porte-huilier avec bouchons — 194 1. 4 s.
Bonnamy-Belle-Fontaine'. — 2 salières — 11 1. 6 s. une
écuelle à oreilles, un porte-mouchettes, 2 boucles de sou-
liers, une cuillère à café — 3 1. 10 s.
« Le sieur Desvantes l'aîn'? avait été chargé de l'experti se.
» l'ère du généraL
LA CONTRIBUTION ET LES DONS PATRIOTIQUES DE 1789 403
De LanglG; chevalier de saint-Louis, — une tabatière en or
— 633 1. 17 S.
M"' de Grimoard de la Loge, une écuelle, 2 boucles, — 101 1.
8 S. 2 boîtes de toilette — 225 1.
De Grimoard de Dissais et de la Loge, — une paire de
salières, une cuillère à ragoût, — 268 1, 2 s.
Une aiguière, une paire de bosettes, un collier de chien,
311 1. 14 s.
M°" de Boislambert — une écuelle à couvercle, 2 paires de
boucles, une paire de boucles de jarretières — 33 1.4 s. — un
porte-huilier avec bouchons, un gobelet, une tabatière, 2
canifs, une paire de ciseaux — 257 1.
Un manche de couteau, une paire de boucles en pierres,
une paire de boucles de jarretières, un hochet d'enfant, une
chaîne de montre, une paire de boucles, une autre chaîne de
montre, une agrafe de col, 2 paires de boutons de manche, un
crochet de col et un anneau de chaîne — 425 1. 8 s.
Duval, trésorier de France, — une paire de flambeaux, une
paire de boucles — 211 1. 8 s.
Un porte-mouchettes — 53 1. 8 s.
Jeanne Draud, veuve de Biaille de Germon, — une paire de
boucles, une autre de jarretières — 12 1. 7 s.
Une écuelle à queue, 2 gobelets, une paire de salières, un
couvert — 142 1. 8 s.
2 paires de boucles de souliers, une id. de jarretières
une boîte ûë montre, 2 chaînes, une paire de boutons et
autres boutons à pierre — 52 1. 16 s.
jjme Marguerite-Armande Brisson, veuve Babin, 2 salières,
une paire de boucles — 49 1. 10 s.
Une paire de bosettes, un goblet, une timbale, une cuillère
à ragoût — id. 2 cuillères à bouche, 2 à café, 2 dés à coudre —
1321.
404 LA CONTRIBUTION ET LES DONS P.'.TRIOTIQUES DE 1789
M""* Draud veuve Biaille, — 2 flambeaux, 2 écuelles —
3411.19 s.
Parenteau du Beugnon — 2 paires de boucles d'argent, un
ling-ot d'arg-ent brûlé — 65 1. 6 s.
Total général en or — 588 livres, 19 s.
— En argent — 4691 livres.
C'est, on le voit, une nouvelle et intéressante page à ajouter
à l'histoire de notre ville, et un ccmplément curieux à l'étude
naguère publiée par B. Pillon sur la contribution patriotique.
HanAEL JOUSSEAUME.
CORRESPONDANCE
-zséi^^sr
I.
A PROPOS DE PÈLERINAGES VENDÉENS
Monsieur LE Directeur,
J'ai applaudi de tout cœur à l'heureuse idée que vous avez eue de
publier dans le dernier nnméro de la Revue les pages de l'ouvrage
du R. P. Drochon, Histoire illustrée des Pèlerinages franco
de la Très Sainte Vierge, concernant le Bas- Poitou. Je regrette
seulement que l'auteur ait omis plusieurs lieux de pèlerinage de notre
Vendée aussi intéressants et aussi fréquentés que la plupart de ceux dont
il nous donne l'historique ou la légende ; entre autres Notre-Dame de
Bourdevert, Notre-Dame de Miséricorde, Notre-Dame des Lues, Reine des
Martyrs etc. . .
— Notre-Dame de Bourdevert, en Saint-Gervais, voyait encore, le 8 sep-
tembre dernier, plusieurs milliers de pèlerins, maraichins et bocageons,
prosternés à ses pieds et unis dans un même amour et une même prière.
Voici en deux mots son histoire.
Suivant la tradition, d'accord en cela avec les dénominations de cer-
tains lieux du pays, comme V Ile-Boisseau, le Pas-de-VIle, les Salines, le
Puits Salé etc., les eaux de la mer couvraient jadis une partie du territoire
de Saint-Gervais, au nord, entre la Chapelle de Bordevert et la ligne dite
de la Riveqm se prolonge jusqu'à Machecoul. Or d'après une première
version, de pauvres marins, surpris par la tempête dans ces parages,
406 CORRESPONDANCE
vinrent échouer sur cette i?ù'e OU ce bord et ne durent leur salut qu'à la
protection de celle que l'Eglise invoiue sous le nom si charmant d'Etoile
delà tner. La chapelle de Notre-Dame de Bourdevert, ou mieux Bord-de-
Vert, sur la rive du marais, aurait été bâtie en reconnaissance de cette
délivrance miraculeuse et ne serait elle-même qu'un ex-voto des pauvres
naufragés.
D'autres racontent différemment son origine, et cette seconde légende,
pour être plus simple encore que la première, n'en est pas moins pieuse,
ni moins poétique Ils disent que le vénérable sanctuaire de Notre-Dame
serait dû à la dévotion privée d'un bon fermier de la Fouilonnière à qui
la sainte "Vierge apparut dans un buisson. L'heureux paysan commença
par bâtir, au lieu même de l'apparition, une petite grotte rustique oîiil
déposa l'image de sa protectrice et qu'il orna de fleurs des champs.
Qi-elque temps après, le bruit du miracle s'étmt répandu aux alentours
attira à la petite grotte quelques âmes dévotes à Marie qui construisirent
une chapelle. Et cette chapelle, agrandie et inaugurée en 1715, est devenue
aujourd'hui le but d'un pèlerinage cher à tout le marais septentrional de
la "Vendée. « On y vient, chaque année, virer des voyages, comme à
* Garreau, dit M. l'abbé Pavageau dans le compte ren^u du pèlerinage du 8
<< septembre dernier; les mères surtout l'affectionnent particulièrement et
■< il n'y a pas, dit-on, dans la contrée avoisinante, un seul enfant qui ne
« soit allé exercer ses premiers pas à l'autel de la bonne Vierge et de-
« mander, par l'entremise de sa maman, de bien marcher un jour ausen-
« tier du devoir et du paradis. »
— Un autre but de pèlerinage, moins connu peut-être parce qu'il est plus
circonscrit, estcelui de Notre-Dame de Miséricorde, à la Chapelle -Palluau.
Une guérison miraculeuse lui a donné naissance dans les circonstances
suivantes.
Une jeune personne, nommé Feniotte, avait le sein rongé par un
cancer. Mais, vu son âge et la force de son tempérament, les médecins
consultés avaient déclaré que son état n'offrait rien d'alarmant, qu'il n'y
a"ait rien à craindre, tant que la tumeur ne s'ouvrirait pas. Cependant,
à me.sure que le mal intérieur étendait ses ravages, la jeune fille ressen-
tait des douleurs plus vives et ses souffrances se manifestaient extérieu-
rement par la pâleur et l'amaigrissement de son visage : elle ressemblait
à ces tendres fleurs qui, après avoir brillé quelque instants, se fanent et
s'étiolent promptement, parce qu'un ver lésa piquées.
Un jour qu'elle gardait ses agneaux dans un champ voisin du bourg, au
sommet du coteau qui domine la Vie, elle ressent tout à coup comme un
déchirement insolite qui se produit dans son sein gauche. Elle entr'ouvre
instiuctement ses vêtements, soit dans l'espoir de soulager la douleur qui
CORRESPONDANCE 407
la tourmente, soit pour constater l'état de sa plaie ; mais en la voyant elle
pousse un cri de détresse ; le sang coulait abondamment par une large
ouverture d'affreuse apparence. Feniotte se rappelle alors la parole du
médecin. « Je suis perdue ! s'écrie-t-elle en tombant à genoux ; ô Notre-
Dame de Miséricoi'de, ayez pitié de moi et venez à mon secours I » Sa
prière était à peine achevée qu'une Dame radieuse lui apparaît
C'était la bonne Vierge, la Mère de Miséricorde qu'elle venait d'invoquer...
Marie la consola par des paroles toutes remplies d'une tendre et compa-
tissante affection et la laissi, en la quittant, entièrement guérie
Une simple croix de pierre fut d'abord élevée à l'endroit du miracle.
Cette croix a été plusieurs fois renouvelée depuis : celle qu'on y voit au-
jourd'hui porte la date de 1342 et a été élevée par la famille Gaudin dont
le nom est gravé sur sa base.
Mais à la Chapelle-Palluau, où le culte de la Très Sainte Vierge a
toujours été fort en honneur, on ne se contenta pas de cet ex-voto. Une
vaste chapelle fut bâtie dans la suite, non loin de là, par la piété recon-
naissante des paroissiens, sous l'invocation de Notre-Dame de Miséricorie.
C'est actuellement la chapelle du Calvaire, anciennement dite des Ormeaux.
Elle fut construite en l'année 1762, comme en font foi deux inscriptions
gravées sur la pierre et placées au chevet du monument de manière
qu'elles puissent être lues par les passants et les voyageurs qui suivent la
grand'route de la Chapelle-Palluau à Aizenay. Chaque inscription se
compose d'un distique français.
La première est surmontée de l'ancien monogiamme de la très sainte
Vierge formé de trois lettres MRA. unies au-dessus par un trait et ac-
compagnées de deux cœurs renversés :
« Si le nom de Marie en ton cœur est gravé
« Passant, ne manque pas de lui dire un Ave. »
Et par dessous on lit : Mai 1762 — Ave Maria.
La seconde est surmontée du monogramme du Christ I H S dont la
lettre H est ornée d'une croix et de trois fleurs de lis, et qui est accosté
à gauche de trois clous et, à droite, d'un coq chantant :
« Respecte près d'ici Vinstrument des bourreaux
« Où pour toi Jésus -Christ a souffert tant de maux. »
Mai 1762.
L'intérieur de la chapelle n'offre rien de remarquable au point de vue
architectural : c'est une vaste pièce rectangulaire plafonnée proprement
et bien éclairée. L'autel est surmonté d'une statue moderne de la Sainte
408 CORRESPONDANCE
Vierge. De chaque côté, deux tableaux attirent le regard. Le peintre y a
représenté d'une façon assez correcte la scène du miracle racontée plus
haut. On y voit, d'une part, la jeune bergère à genoux au milieu de son
troupeau, montrant avec une angoisse visible son sein découvert à la
Vierge, souriante qui l'enveloppe d'un long regard d'amour et lui accorde
sa guérison. D'autre part, Feniotte, guérie miraculeusement d'un mal
réputé incurable, apparaît à genoux au pied d'une petite colonne qui
supporte l'image de sa bienfaitrice : c'est l'action de grâce après le bienfait
reçu.
Nous ne saurions dire si d'autres grAces semblables ont été obtenues en
ce lieu par l'intercession de Notre-Dame de Miséricorde ; tout ce que
nous savons, c'est que la lampe suspendue devant l'autel est un ex-voto.
La chapelle des Ormeaux fut brûlée et saccagée pendant la Révolution ;
mais elle fut promptement restaurée dans les premières années de notre
siècle. Cette restauration était complètement achevée en août 1824 et la
bénédiction du sanctuaire eut lieu le 15 novembre de la même année.
Voici la teneur du double procès-verbal rédigé à cette occasion par
lequel se trouve confirmée la tradition du miracle.
€ Aujourd'hui, quinze août mil huit cent vingt-quatre.
€ Nous soussigné, desservant de la paroisse de la Ghapelle-Palluau,
« après avoir recueilli le témoignage des plus anciens de notre paroisse
« sur le fait du miracle qui fut cause de l'érection d'une chapelle dite
« des Ormaux (sic) sous l'invocation de Noire-Dame de Miséricorde et
« maintenant dans l'enceinte du calvaire ; après avoir examiné avec toute
« la prudence qu'exige le cas et reconnu par des témoignages non suspects
« l'authenticité du miracle opéré par l'intercession de la Sainte Vierge
« sur la personne de la nommée Feniotte, lequel miracle fut constaté
<t dans les temps par procès-verbal en due forme et par un monument
« que l'impiété et l'anarchie ont détruit de nos jours ; désirant conserver
« la connaissance d'un miracle aussi bien prouvé, nous avons formé le
t projet de réédifier ladite chapelle sous l'invocation de la Très Sainte
« Vierge et d'y faire revivre le tableau tel qu'il était avant la Révolution,
€ où on voit la personne ulcérée d'un cancer qui prie en gardant ses
• moutons, la sainte Vierge qui lui apparaît, lui promet et lui donne sa
€ guérison. »
Le procès-verbal est signé : Baretau, 71 ans ; Dodin, ■'18 ans ; Violleau,
69 ans ; Chiteigner, 68 ans ; Louis Orceau, GO ans ; lîaynaud, 52 ans ;
Maillet, 66 ans ; Joutaneau ; Bourdin, 67 ans ; La Bricou, veve (pour
veuve) Esnard, 67 ans ; Elle Goupprie, 54 ans ; Périne Raynaud, 66 ans ;
Chauvreau, 63 ans ; Gilardeau, maire, 65 ans.
Suit le procès-verbal de la bénédiction :
CORRESPONDANCE 409
« D'après l'autorisatioa à nous accordée par Monseigneur l'Evèque de
t Luçon, nous avons bénit ladite chapelle avec les cérémonies prescrites
« parle Rituel. En foi de quoi nous avons signé, à la Chapelle-Palluau,
« le quinze novembre de l'an mil huit cent vingt-quatre. »
Daumaille, curé de Palluau — Jagueneau, curé de Froidfond — Roy,
curé d'Aizenay — Cocard, desservant de Falleron — Dannebons, des-
servant — Micheneau, vicaire au Poiré — R. Menoust, missionnaire de
France — Bertrand G. vicaire d'Aizenay B. C. — Bruneteau, prêtre.
curé de ce lieu. »
Pour la légalisation des signatures ci-dessus.
GiLARDKAU, maire, ( timbre de la mairie)^.
Le 11) janvier 1825, M^"" Soyer, évêque de Luçon, accordait bénévo-
lement au desservant de la Chapelle-Palluau et à ses successeurs la per-
mission de célébrer ou de faire célébrer les saints mystères dans le
sanctuaire de Noire-Dame de Miséricorde. La lettre d'approbation épisco-
pale qui se voit encore à la sacristie de ladite chapelle est, elle-même,
un confirmatur du fait qui motiva sa construction et sa restauration.
Elle est signée René -François, évêque de Luçon, et contresignée
Lecomte.
La pieuse chapelle des Ormeaux continue d'être le rendez-vous des per-
sonnes pieuses de la chapelle- Palluau et des environs. Elle est très fré-
quentée, surtout au mois de mai et les jours de fêtes de la Très Sainte
Vierge.
— Le R. P. Drochon a omis aussi de mentionner le pèlerinage de
Notre-Dame des Lues, Reine des Martyrs.
L'histoire de ce sanctuaire a été écrite avec verve et talent par M. l'abbé
Jean Bart, ancien curé des Lues ; nous ne la referons pas ici. I/auteur
de V Histoire des Pèlerinages français de la Très Sainte Vierge eût trouvé
dans cet opuscule assez répandu quelques traits édifiants qui auraient
fait vibrer dans le cœur de ses lecteurs la fibre patriotique et chrétienne'.
— A côté du pèlerinage de Notre-Dame de la Salette, à Martinet, qui
vient à peine de naître d'un sentiment de noble et pieuse émulation pour
la plus grande gloire de Marie, nous aurions été content de voir figurer
aussi Notre-Dame de la Salette do Treize- Septier s dont la petite chapelle
recevait aussi jadis des processions chantantes et fut, un jour, témoin
d'une guérison miraculeuse opérée par la Sainte Vierge sur un petit
♦ Archives de l'église de la Chapelle-Palluau.
5 La Chapelle de Notre-Da})ie des Lues, Reine des Martyrs par l'abbé
eanBart, curé des Lues. Nantes. Libaros, libraire-éditeur, 1874.
410 CORRESPONDANCE
enfant de trois ans nommé Augustin Libaud'. Notre-Dame de la Saîetle de
Ghavagnes-en-Paillers et Noire-Dame de la Salelte des Bioazils, quoique
plus humbles que celle la Rabatelièré, auraient eu peut-otre aussi
quelques droits à n'être pas oubliées.
II y a également bien d'autres chapelles dédiées à la Très Sainte
Vierge qui sont, dans notre Vendée, le rendez-vous de ses dévots ser-
viteurs et dont la nomenclature eût été à sa place à la fin des pages con-
sacrées à notre pays dans la pieuse galerie du R. P, Drochon. Cdons Notre-
Dame de Pitié, àGrand'Landes; Notre-Dame du SaintRosaire, àlaBrufûère,
Notre-Dame de Don Secours, à Saint-Laurent-sur-Sèvre ; et, Notre-Dame de la
Meule.k l'Ile d' Yeu; à titre de souvenir, Notre-Dame des Herbiers ou de la Ven-
dée au sommet de la butte des Alouettes dont la première pierre fiitposée,
en 1823, par la fille de Louis XVI, Marie-Thérèse, duchesse d'Angouléme,
et qui n'a jamais été achevée., etc, etc. Mais ce serait peut-être une
nomenclature interminable, car c'est à chaque pas qu'on trouve des monu-
ments élevés à la gloire de Marie sur la terre vendéenne dont elle est la
patronne spéciale.
— Après avoir dit ce que nous aurions désiré trouver dans les pages
d'ailleurs très intéressantes du R. P. Drochon, nous sera-t-il permis
de dire aussi en quelques mots ce que nous avons regretté d'y voir?
Notre observation porte principalement sur l'origine du pèlerinage de
Notre-Dame-de-Garreau , à la Chapelle-Hermier. 11 est au moins étrange
que, tout en se défendant de vouloir se prononcer pour une opinion ou
pour un autre, l'auteur vienne servir à ses lecteurs, en les assaisonnant
seulement de quelques peut-être, les affirmations de M. l'abbé Pontdevie
qu'il estime être un guide sûr et auquel il est loin de contredire. Quant à
la réfutation motivée que nous en avons faite ici même, dans la Revue du
Bas-Poitou,* il se contente d'y faire allusion en termes tlatteurs pour
nous, mais sans en tenir aucun compte. Si le R. P. nous avait fait
l'honneur de nous relire, il lui eût été facile, d'après nos preuves, de
voir que l'historien de Garreau a fait fausse route en prenant ses utopies
pour des réalités.
Après tout, libre au R. P. Drochon de dire tant qu'il voudra, après
M. l'abbé Pontievie, que la pierre du Jaunay est un fragment ou un
souvenir de quelque vieil Hermès Gaulois dont le nom se retrouve, dit-on,
dans la désignation du bourg ; que le culte de Marie, à Garreau, fut
greffé par les premiers apôtres du pr,ys sur les superstitions payennes
' Le récit de cette guérison se trouve à la (in de l'opuscule publiée par
M. l'abbé Lussagnet et M. l'abbé P. Guibert secrétaire de Mk'' Baillés, à leur
retour d'un pèlerinage à la Salette (p 95) Lucon. Bideaux, 1853.
' Livraison de mars 18'J0.
CORRESPONDANCE 411
mais il n'en demeure pas moins vrai que c'est là une opinion de savant
en contradiction avec l'histoire et la tradition chrétienne.
Nous ne referons pas ici cette démonstration : elle a été faite et il n'y
pas été répondu. Nous ajouterons seulement que nous avons découvert,
depuis, une nouvelle autorité en M. l'abbé Aillery, le savant auteur du
Fouillé de Lur.on, dont M. l'abbé Pontdevie publie en ce moment les
intéressantes Chroniques paroissiales. Personne ne refusera de recon-
naître sa compétence dans la question qui nous occupe. Or, quand il
nous donnera la chronique de la Ghapelle-Hermier, à moins d'être un
faussaire, l'historien de Garreau devra publier un texte d'où non-
seulement ses interprétations fantaisistes de la légende sont écartées,
et pour cause, mais qui va directement contre sa thèse et confirme la
nôtre. Quand ce texte nous est tombé sous les yeux, naguère, nous nous
sommes réjoui de nous être trouvé, sans le savoir, en communauté de
sentiment avec le prêtre érudit à qui notre histoire religieuse est tant
redevable.
Si le R. F. Drochon préfère les interprétations de M. Pontdevie à celles
de M. Marchegay, de M. l'abbé Aillery et de toute la tradition populaire
et chrétienne, il est bien libre, encore une fois, mais il ne trouvera pas
mauvais, nous l'espérons, que nous nous inscrivions en faux contre ses
assertions déguisées. Nous ne cherchons et nous ne voulons en tout cela
que le triomphe de la vérité.
L'abbé H'^ Bûutin.
II
Les Sables-d'Olonne, 2 novembre 1890.
Monsieur le Rédacteur,
Je viens de lire la troisième livraison de la troisième année de la. Revue
du BaS'Poilou, et j'ai remarqué qu'une erreur de date s'est glissée dans
une note à la page 286, concernant Pierre Jousson, administrateur du
district de Ghallans, élu le 6-7 septembre 1701 suppléante l'Assemblée
législative :
Cette note est ainsi conçue :
« 4. — Jousson devint ensuite volontaire des chasseurs de la Vendée
a et fut tué par les rebelles à Aizenay le 2 octobre 1793. »
Je ne sais pas où l'auteur de la note a trouvé cette date, il a dû la
prendre dans un document erroné. — Je possède, en effet, dans des papiers
412 CORRESPONDANCE
de famille un certificat, sur papier au timbre de l'époque, constatant que
Pierre Jousson a été tué à Aizenay le 11 septembre 1793.
Voici la teneur de ce certificat que je transcris littéralement :
« Nous, officiers de la compagnie des chasseurs à cheval de la Vendée,
« soussignés, certifions et attestons à tous ceux qu'il appartiendra que le
€ citoyen Jousson a cervis dans notre compagnie pendant lespace de
« trois mois et qu'il sy est comporté en vrai Républiquain et Brave soldat
« et quil ny a que sa trop grande Bravoure qui a été cause quil a été tué
c par les Brigands à laffaire d'esenay qui a eus lieu le 1 1 du mois de
« septembre dernier vieux stil.
« C'est pourquoi nous avons délivré à la veuve le présent pour lui
« servir et valoir de ce que raison.
€ Challans le vingt-six tloréal, deuxième année Rep.
« (Signé) Jacques Bastard jeune, capitaine, G.Feuvre, l'aîné lieutenant,
€ J. Ganachaud sous-lieutenant. »
La veuve de Pierre Jousson s'appelait Géleste-Perrine GroUeau et
demeurait à Apremont.
Elle était fille de Joseph Gilbert GroUeau, receveur des domaines du
Roi au bureau d'Apremonten 1765, et de Perrine Dorion.
Elle a laissé deux filles :
L'aînée, Justine-Rosalie Jousson, épouse de François- AugusteRegnauld-
RifTaudière, propriétaire à Apremont, lesquels ont eu deux enfants :
Auguste et Victor. — Victor est décédé jeune encore avant ses parents :
et Auguste, après avoir été pendant plusieurs années notaire aux Lues,
s'était retiré, à la mort de son père et de sa mère, à Apremont, ovi il est
décédé célibataire.
La seconde fille, Zélie-Joséphine Jousson, s'est mariée en janvier 1814
à Jean-Angustin-JérômeMassé, propriétaire à l' Aiguillon-sur- Vie ;elle y est
décédée veuve et sans enfants le 10 mars 1887.
Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur, l'assurance de mes sentiments
distingués.
Letennbur.
Conservateur des hypothèques en retraite
^i}^'
'^^îik^
CHEZ NOS VOISINS
m.
UNE EXCURSION AU PAYS SAINTONGEOIS
, .-c?5a:yr > .
Monsieur le Directeur,
E vous adresse le compte rendu de l'excursion annuelle de la
Commission des Arts, faite le 19 juin dernier dans l'arron-
dissement de Jonzac.
Le point de réunion était à la gare de cette ville .
Le train arrive vers neuf heures. Une nuée d'excursionnistes,
venant de tous les côtés du département, débarque à la station. On
se compte, il se trouve quarante-cinq sociétaires réunis sous
la présidence de M. Musset. L'élément féminin y est parfaite-
ment représenté par douze charmantes dames, — j'allais écrire
douze héroïnes — car il faut être vraiment courageuse pour braver
la chaleur et affronter les fatigues d'une longue journée en voiture.
La première halte se fait à la Maladrerie de Saint-Simon de
Bordes, qui n'est plus aujourd'hui qu'une modeste cabane servant
d'étable. D'après un savant mémoire, lu à la Commission des Arts,
dans la séance du 26 juillet 1883, par M. l'abbé Létard, les Mala-
dreries où Léproseries étaient, à l'époque du moyen âge, des
maisons de secours destinées aux malheureux qui étaient atteints
de la lèpre, affection fort commune aux XI II" et XIV« siècles, et pro-
bablement importée d'Orient au temps des croisades. Au-dessus
de la porte d'entrée on lit péniblement la date de 1481.
Le second arrêt a lieu au château de Saint-Simon de Bordes. Mais
hélas nous ! n'y trouvons que des ruines ! ! ! ! Cette construction
bâtie vers la fin du siècle dernier, d'après les plans de l'architecte
Louis, a été victime l'année dernière d'un incendie dû à l'impru-
dence des domestiques du comte de Dampierre, propriétaire actuel
414 CORRESPONDANCE
de ce château , On pénètre dans la cour par un magnifique portail
en fer forgé surmonté d'une couronne de n^irquis. En face se
dressent les restes du castel, encore grandioses, malgré leur déla-
brement. Nous sommes en plein style Louis XVI. Les tourelles
sont remplacées par deux pavillons avec fronton rectiligne. De
chaque côté, la cour d'honneur est séparée des servitudes par une
balustrade à colonnettes qui va se relier à la porte d'entrée*.
Mais déjà notre président a donné le signal du départ. Quelques
minutes après nous arrivons au chef-lieu de la commune, dont
l'église mérite une attention particulière. Cet édifice peut, en effet,
remonter au XIII" siècle. Beau portail roman surmonté d'une fenêtre
de même style, avec faisceau de piliers du plus bel effet. Les
fenêtres accusent à l'extérieur l'époque de transition.
Nouvel arrêt à Agu délie. L'église cette fois ne mérite qu'une
très courte mention. On y retrouve quelques motifs d'archi-
tecture romane. Dans l'intérieur, une statue fort ancienne de saint
Eutrope, jadis dorée, mais actuellement complètement dépourvue
de toute ornementation. Le reste est à l'avenant. Jamais proverbe
n'avait dit si vrai : « Pauvre comme Véglise cVAgudelle. »
La dernière station avant Mirambeau est Allas-Boccage. Le pays
que nous parcourons depuis Jonzac est charmant par la variété de
son aspect. Tantôt nous traversons des bois épais, tantôt nous
franchissons des plaines, naguère plantées de vignes et aujourd'hui
pourvues de maigres céréales. Le parc de M. de Moneys, qui habite
une ancienne gentilhommière voisine, nous conduit à l'église d'Alias.
Cet édifice religieux ressemble beaucoup à celui de Saint-Simon.
Le portail est moins élevé et l'arcature romane placée au dessus,
moins bien conservée. Nous remarquons à l'intérieur une superbe
cuve baptismale, de forme octogonale et agrémentée de colonnettes. Le
bénitier mérite aussi d'être signalé. Reposant sur une pierre de
taille, élevée d'un mètre, il est ornementé sur trois côtés. Les sculp-
' Le premier propriétaire de ce château avait été Charles du Chailleu,
seigneur de Saint-Simon et autres lieux, gouverneur de Saint-Domingue.
Pendant la tourmente révolutionnaire, il fut vendu comme bien national,
moyennant une paire de bœufs et deux chapons, puis il passa à M. Blanc,
qui le vendit au baron de Lajus, chambellan de Napoléon III. En 1870, le
comte de Vallée, propriétaire dudit château, par suite de son mariage avec
M"« de Lajus, le céda à la bnronne de Dampierre, veuve de M. Roger de
Dampierre, premier secrétaire d'ambassade à Lislionne. Depuis quelques
années, il appartenait à son fils le baron Roger de Dampierre, marié depuis
peu à une mexicaine M"e Etcheguren.
CORRESPONDANCE 415
tures appartiennent au style ogival flamboyant avec des médaillons
représentant un dessin eflfacé par le temps, puis un autre montre
l'image du soleil. Sur la principale face, on distingue deux anges
soutenant un écusson chargé de la colombe inspiratrice. En sortant
de l'église, une inscription latine placée sur un des murs de gauche
de la porte dentrée fixe mon attention. Elle rappelle que l'église a
été construite par Ramnuffe, recteur de cette paroisse et décédée
en 1261. J'ai remarqué que les trois églises de Saint-Simon de Bordes,
d'Agudelle et d'Allas-Bocage, avaient été construites vers la même
époque, et, signe caractéristique, le maître-autel est tourné vers
l'Orient, en même temps que le vaisseau opère une légère incli-
naison symbolique de l'axe, en souvenir du corps de N. S. .J.-C.
sur la croix. Quelques excursionnistes sont en retard, retenus par
une forte discussion archéologique. Enfin ils arrivent au lieu du
rendez-vous, accueillis par les clameurs générales du reste de la
bande car il est près de midi et ventre affamé rCa pas d'oreilles.
Quatre kilomètres nous séparent encore de notre déjeûner
qui doit avoir lieu à Mirambeau. Après avoir dépassé deux
ou trois hameaux sans importan<>e, nous gravissons une forte
côte, puis, rendus sur la crête de la colline, une vaste étendue
de territoire se développe devant nos regards émerveillés. La
Gironde se montre à l'horizon avec ses eaux sablonneuses, puis à
perte de vue, on distingue Royan avec ses maisons blanches et les
rives vertes du Médoc. Le château de M. le comte Duchâtel s'élève
sur le bord de la route, à l'entrée du bourg de Mirambeau. Nous
aurons occasion d'en reparler tout à l'heure.
Le festin terminé, la caravane se remet en effet en marche pour
aller visiter ce magnifique castel. Une barrière fort modeste donne
accès dans un parc immense qui recouvre les fossés de l'ancienne
forteresse du moyen âge. En 1346, le château de Mirambeau fut
pris après un siège opiniâtre par le comte de Derby, lieutenant du
duc de Lan castre. ^^IJjlant les guerres de religion, l'armée calviniste
commandée par le prince de Condé, voulant châtier son féal le baron
de Mirambeau, suspecté d'être passé à rennemi, vint assiéger le
château, mais Condé fut obligé de céder, en voyant arriver l'armée
du duc de Mayenne.
Il y a quelques années, un incendie ayant en partie détruit la
demeure de Louis-Philippe, sa veuve l'a fait reconstruire avec une
richesse, une magnificence, une somptuosité indescriptibles. Sur la
porte d'entrée, nous relevons cette inscription « Bienveillance et
liberté ». Cela est d'un bon augure ; malgré l'absence du châtelain,
nous sommes en effet admis à visiter cette demeure princière.
416 CORRESPONDANCE
• Elle consiste en un vaste parallélogramme avec deux ailes en
saillie. Le côté droit (probablement le reste de la construction pri-
mitive), est orné de sculptures du style ogival flamboyant. La
partie gauche, de même style, mais toute moderne, renferme une
porte ressemblant à l'entrée des anciens monastères, tandis que le
centre est agrémenté de dessins rappelant l'époque de la Renais-
sance. Les fenêtres sont garnies de meneaux.
La première pièce visitée est la salle à manger, dont l'ameuble-
ment est splendide et les murs ornés de tapisseries des Gobelins ;
puis on passe dans la salle de billard, pour se rendre ensuite à
une immense galerie pouvant être comparée au plus somptueux
atrium des temps antiques et renfermant, de distance en distance,
des piliers à cannelures du plus gracieux effet. Le salon particu-
lier du maître de céans est un véritable musée, avec ses tableaux
de maîtres de l'ancienne école flamande et ses babuts antiques.
Le premier étage est aussi richement meublé, mais les deux styles
prédominants sont le Pompadour et le Premier Empire. La
bibliothèque occupe toute la façade donnant au midi du château.
Vue splendide s'étendant sur les eaux de la Gironde et sur les cam-
pagnes du Médoc. On aperçoit le clocher du Petit-Niort, localité
célèbre parla rencontre en 1195 de Philippe-Auguste et de Richard
Cœur-de-Lion. L'entrevue aboutit à la paix entre ces deux mo-
narques. Les volumes de cette bibliothèque se comptent par milliers ;
un très beau buste en marbre blanc, représentant le comte Duchàtel,
père du propriétaire actuel, surmonte la cheminée.
Bref, il est près de quatre heures, quand nous quittons ce palais
des fées.
La route de Saint-Genis, où nous entraînent nos véhicules,
remonte vers le nord, à travers un pays plat qui n'a rien d'attrayant.
Après avoir traversé le village du Pérou, nous arrivons à Nieul-
le-Viroul. Deux monuments méritent la peine d'être visités :
l'église et une très belle croix hosannière.
Le bourg de Nieul a été notre dernière station avant le château
de Plassac. L'aspect du pays change radicalement : après le village
de la Bergerie, nousparcourons des bois taillis environnant le castel
de la Tenaille. D'après nos compa.'^nons de route, il y a une très
belle chapelle du XIl" siècle, style romano byzantin, ayant appartenu
avant hi Révolution à la communauté des Bénédictins. Malheureu-
sement l'heure est trop avancée pour l'aller visiter.
Voici enfin le château de Plassac, vaste construction datant de
1775, et édifié d'après les plans de l'immortel Louis, architecte du
CORRESPONDANCE 417
théâtre de Bordeaux. Toutes les voiturôg rentrent dans la cour
d'honneur et s'arrêtent devant le perron, occupé par le maître delà
maison, saluant gracieusement chaque excursionniste.
On nous tait tout d'abord pénétrer dans un magnifique vestibule,
partageant la construction en deux parties égales et formant le pa-
villon central. Quatre larges portes donnent accès sur cette large
pièce, garnie de divans, de consoles, de glaces entre lesquelles sont
ac olés des écrins renfermant les médailles obtenues dans les con-
cours par M. le marquis de Dompierre, président de la Société des
Agriculteurs de France. Au sommet du vestibule, se remarque une
très belle balustrade en fer forgé, et sur le mur, deux peintures
décoratives représentant François I*"" et Henri IV. Pendant la Révo-
lution, ces deux portraits avaient été entièrement badigeonnés, par
crainte de la Terreur. Le propriétaire actuel, en faisant, il y a
quelques années, des réparations, a eu la bonne fortune de faire
cette découverte.
Le temps et l'espace me manquent pour faire une description
complète de ce château. Je me contenterai de citer la galerie de ta-
bleaux, la bibliothèque, et quelques chambres ornées de curieux
meubles antiques. J'aurais mauvaise grâce à ne pas mentionner
également l'exquise amabilité avec laquelle le marquis de Dampierre
reçoit ses hôtes.
On se rend ensuite à la Tour du Pellerin, seul vestige de l'ancien
château féodal, servant dans l'origine de porte d'entrée. Le pont-
levis n'existe plus. M. de Dampierre nous fait voir la fenêtre par
laquelle un gentilhomme, gendre de la dame du lieu, parlementait
avec celle-ci, après s'être emparé du château pendant l'absence de
sa belle-mère. J'ignore s'ils ont fait la paix.
En consultant les documents relatifs à cette motte féodale, je re-
trouve une charte datant du 10 août 1370, par laquelle le château
de Plassac est donné à Jean de la Personne, vicomte d'Aulnay, par
Jean, duc de Berry, pour le dédommager des pertes que son vassal
avait essuyées pendant sa lutte contre les Anglais. En 1571, ce ma-
noir passa entre les mains du duc d'Epernon. Depuis le dix-sep-
tième siècle, il appartient à la famille de Dampierre.
Un vaste terrain vague entoure le château. C'est là qu'étaient na-
guère les anciennes douves. D'après la chronique, le château actuel
remplace celui du moyen âge. Un pont en pierre relie les apparte-
ments du rez-de-chaussée au splendide parc, qui n'a pas moins de
quatre-vingt-deux hectares de superficie, le tout clos de murs. Il ne
nous est pas permis d'en goûter longtemps les charmes ombreux ;
418 CORRESPONDANCE
car la cloche du château nous appelle à la salle à manger où nous
attend un lunch merveilleusement servi dans une magnifique vais-
selle aux armes de la maison : d'argent aux trois mâcles de sable.
Mon voisin de table me fait remarquer que ce sont les armes du
célèbre Bavard. Le héros de Romagnano n'a, en effet, laissé comme
héritiers que deux filles , dont l'une épousa un Dampierre au
XVI» siècle. Dans la science héraldique, les m.lcles signifient sagesse,
constance et gracieuseté : la tradition s'est perpétuée dans la fa-
mille et l'accueil cordial qui nous est fait suffirait à le prouver.
Mais déjà 8 heures sonnent. Dans le lointain, le cri strident de la
locomotive se fait entendre. Nous regagnons à la hâte la station de
Mosnac, après nous être donné rendez-vous les uns les autres à
l'année prochaine.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l'assurance de ma consi-
dération distinguée.
Ed. du Trémond.
CHRONIQUE
SouciEix de rendre hommage à la mémoire de nos grands hommes,
le Conseil municipal de Fontenay vient de décider à l'unanimité
que le profil de seize d'entre eux serait reproduit en médaillons
sur la façade du nouveau collège communal.
Voici la liste des seize élus : André Tiraqueau, Sébastien Collin,
Barnabe Brisson, François Vièle, Nicolas Rapin, Jean Besly, Julien Col-
lardeau, Malhurin- Jacques Brisson, le chevalier de la Coudraye, le curé
Ballard, le général Àuguslin Belliard, Rabelais et Pierre Lamy, et enfin
Benjamin Fillon.
M. 0. de Rochebrune a proposé que ce travail soit confié au sculpteur
vendéen Guitton, et il y a lieu d'espérer que la Municipalité se rangera
à cet avis.
Les découvertes succèdent aux découvertes dans le tènement des
Terres-Noires, commune de Saint-Sigismond. De nouvelles sépultures
viennent, en effet, d'y être relevées : les unes appartenant à l'époque
gallo-romaine, d'autres à l'époque mérovingienne. Dans les premières, on
a trouvé de nombreux débris de poteries et un magnifique vase en verre
de forme rectangulaire, dans le genre de ceux rencontrés à la villa de
Saint-Médard, près Fontenay.
On a également trouvé dans le port de la Corne de Maillezais, à 2m. 50
de profondeur, sous la couche de bris, les andouillers d'un cerf de tr.ille
gigantesque. Un des bois a été déposé au musée de Niort.
Le vandalisme est malheureusement chose trop fréquente dans notre
pays, pour que nous n'ayons pas grand plaisir à signaler les actes con-
servatoires dont les monuments vendéens sont parfois l'objet. C'est ainsi
que nous sommes heureux d'enregistrer la restitution nouvelle que
420 CHRONIQUE
MM. Beziau, Petit et Rousse, fabricants de fromages, au Poiré de Vel-
luire viennent de faire à l'ancien château du Ghâtellier-Barlot. Grâce
à leurs soins intelligents, une nouvelle tour a été relevée de ses ruines,
et nous ne désespérons pas de voir revivre, un jour ou l'autre, cette
demeure tout entière, telle que l'avait conçue l'architecte du XVI» siècle.
Echos des ateliers vendéens.
Notre éminent collaborateur, M. de Rochebrune. vient de mettre la
dernière main à une nouvelle et très-remarquable eau-forte qui repré-
senta l'une des façades du château de la Rochefoucauld (Charente).
M. René Vallette lui a consacré un article d'éloges très mérités, dans la
Vendée du 10 décembre dernier.
Notre excellent ami, M. A. Bonnin, a également enrichi son œuvre
d'une toile qui a sa place marquée au prochain salon. C'est une scène
très vécue des Vendanges au Bocage.
Signalons également dans l'atelier de M. de Verteuil, un joli bas-
relief: l'Apparition de l'Archange saint Michel à Jeanne d'Arc,q\ii fait grand
honneur au ciseau de l'aimable artiste, et, dans celui de M. J. Robuchon,
un buste très réussi de M. Gaston Guillemet, député.
Le R. P. Ingold a quitté la direction des Archives du diocèse de Luçon;
mais nous avons hâte d'ajouter que, contrairement à ce qui a été dit, le
sympathique érudit n'abandonne point pour cela la Vendée. Nous nous
en félicitons vivement et avons le boa espoir qu'il voudra fréquemment
faire profiter la Revue du Bas-Poitou de ses nouveaux loisirs.
A la section d'Art chrétien du Congrès Catholique tenu à Nantes en
novembre dernier, M. René Vallette a lu un rapport sur la Conservation des
monuments religieux, tendant à la création d'une chaire d'archéologie
dans chaque grand séminaire et à l'organisation d'un comité de conser-
vation des richesses d'ajt ecclésiastique au chef-lieu de chaque diocèse.
Ce rapporta été publié par l'^/oi/e de la Vendée (n" du 7 décembre 1890).
La Société artistique et littéraire de VOuest, dont le siège est à Paris,
prépare une fôte dont le programme sera exclusivement composé
d'œuvres musicales, poétiques ou dramatiques signées de noms appar-
tenant aux provinces de Bretagne, de Poitou, du Maine et de l'Anjou.
M. de Lavoùte, vient de terminer trois nouvelles compositions pour
musiques militaires. Une d'elles doit être jouée au concours musical qui
se tiendra à Fontenay au mois de mai prochain.
CHRONIQUE 421
De M. A. Rousse : un élégant Menuet qui a été exécuté pour la pre-
mière fois avec succès à l'un des derniers concerts de Niort.
Une réunion des architectes da Polloa et de la Saintonge a eu lieu le
2 novembre à Niort, sous la présidence de M. Loquet, architecte du dé-
partement de la Vendée.
A la suite d'un concours entre plusieurs sociétaires pour la composi-
tion du cachet et monogramme de la société, le bureau a choisi la compo-
sition de notre collaborateur et ami, M. Libaudiôre.
Dans la séance de la société des Antiquaires de l'Ouest du 16 octobre
1890, on a donné lecture d'une lettre de M. N,.. avocat à Bordeaux qui
sollicite des membres de la société des renseignements sur le point de
savoir si les habitants du Bas-Poitou ont fait usage d'échasses comme les
habitants des départements des Landes.
Nous ignorons absolument ce fait.
Les fouilles faites dans le sous sol de quelques unes des rues de Fonte-
nay pour la construction ou la réparation des égouts de la ville, ont amené
la découverte d'un nombre assez considérable de fers de chevaux des
époques celtique et gallo-romaine, d'un boulet du siècle dernier, et de
quelques deniers tournois sans intérêt.
Plusieurs buires en terre commune recouverte d'un vernis vert
ont été trouvées en octobre dernier au fond du puits de M. Ghamard,
à Mouilleron-en-Pareds. Elles sont aujourd'hui en la possession de M. Le
docteur Poirault, qui collectionne avec succès les faïences anciennes de
notre pays.
A la séance du 3 décembre dernier de la Société de statistique des
Deux-Sèvres, MM. Roy et Desaivre ont fourni des explications au sujet
du vase en terre nouvellement acquis de M. de Rochebrune, de Fontenay.
Ils ont fait l'historique de sa provenance ; ils ont examiné sa forme et son
ornementation et l'ont comparé à deux autres vases qui sont connus. Mais
ils ont réservé absolument les questions d'âge et de destination.
Les travaux de la nouvelle église de Saint-Laurent-sur-Sèvre se
poursuivent avec activité.
Une excursion botanique a été faite, le 7 juillet 1889, dans la foré*, de
Vouvent par la Société des Sciences naturelles de la Charente-Inférieure.
Au cours de cette excursion une plante nouvelle pour la Vendée
[seduyn reflexum) y a été découverte.
M. Odin directeur de l'Aquerium des Sables d'Olonne, doit prochai-
nement fonder une Revue des Sciences naturelles de l'Ouest. Tous nos
vœux.
422 CHRONIQUE — NÉCROLOGIE
NÉCROLOGIE
M
JEAN-FRANÇOIS du GARREAU de l/i MÉGHENIE, l'un
des fondateurs du journal la Vendée, décédé le 16 octobre 1890,
dans sa 78<= année.
M""» ERNEST MERSON, épouse du distingué directeur de V Union
Bretonne, décédée à Nantes, le 17 octobre 1890, à l'âge de 73 ans.
M. l'abbé EMILE BERTRAND, directeur et économe au séminaire
des Sables-d'Olonne, décédé le 22 octobre 1890.
M. P. N. AYRAUD, président du comice agricole de l'arrondissement
de Fontenay, officier du mérite agricole, auteur de nombreux ouvrages
d'agriculture, décédé en son domaine du Lys, le 29 octobre 1890.
A ses obsèques, qui ont eu lieu à Fontenay le 31 octobre, plusieurs
discours ont été prononcés : par MM. Gharier, maire, Guinaudeau, vice-
président du Gomice, Ghaigneau, vice-président de la Société de Secours
Mutuels et Fabre, sous-préfet de Fontenay-le-Gomte. (Voir h' Avenir -Indi-
caieur, n°s des 2, 5 et 7 novembre 1890).
M. H. BEAUSSIRE, conseiller d'arrondissement du canton de Saint-
Hermine, décédé à Saint-Aubin-la Plaine, fin octobre.
M. A. Voilant lui a consacré un article nécrologique (Avenir-Indica-
teur, des 2-5 novembre 1890).
Deux discours ont également été prononcés à ses obsèques : l'un par
M. le préfet de la Vendée, et l'autre par M. Soullard, conseiller-général.
(Voir Avenir-Indicateur du 3l octobre 1890.)
Mn^o la marquise de GODEFROY-MÉNILGLAISE décédée à Paris, à
l'âge de 78 ans, et inhumée à Saint-Michel-le-Gloucq, le 5 novembre 1890.
D'un esprit très distingué, M™* de Godefroy a publié la Vie du Monde
élevée à Dieu^ pages touchantes que lui avait inspirées la perte de sa fille
Hélène, enlevée à son affection à l'âge de vingt ans.
M. JULES-CONSTANTIN de GHABOT, décédé à Angers, le 6 no-,
vembre 1890, dans sa 61* année.
CHRONIQUE — NÉCROLOGIE 423
C'était le père de notre collaborateur et ami, M. le vicomte Paul de
Chabot, auquel nous adressons de nouveau nos plus sympathiques con-
doléances.
M. l'abbé PIERRE-AUGUSTIN ROUSSEAU, prêtre habitué à la
Gaubretière, décédé le 13 novembre 1890.
M. LÉON NIVELLEAU, décédé à Nantes, le 13 novembre 1800, à
l'âge de 71 ans, et inhumé à Pouzauges.
M. HENRI-CAMILLE PORGHIER de la-THIBAUDIÈRE, décédé à
Paris le 30 novembre 1890, et Inhumé à la Roche-sur-Yoa le 3 décembre.
M. MÉMIN MARIE-JOSEPH, baron de LAUZON, décédé au châ-
teau de Péré-en-Forêt, le 6 décembre 1890, dans sa 82" année.
M. LUDOWIG GUETTE, homme de lettres et compositeur musical,
que de nombreux liens de famille rattachaient 'à la Vendée, décédé à
Saint-Maixent (Deux-Sèvres), fin décembre.
424 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
LE troisième fascicule de la nouvelle édition du Dictionnaire histo-
rique et généalogigue des familles du Poitou a été remis, il y a
quelques semaines, aux souscripteurs.
De nombreuses familles du Bas-Poitou y trouveront leur
généalogie. Citons au hasard : les Bastard de la Cressonnière, les Baudéan
de Parabère, les Baudry d'Asson, les de la Bauduère, les de Béjarry, les
Belliard, les de Bernon, etc.
Nos compliments encore une fois aux savants auteurs, et tous nos
vœux les plus ardents pour le succès de leur œuvre.
M. le duc de la TrémoïUe vient d'ajouter à la liste déjà nombreuse de
ses remarquables publications un nouveau volume à luxueuse livrée et
dont l'intérêt n'échappera à personne. Il a pour titre : Les La TrémoïUe
pendant cinq siècles. (Nantes-Grimaud. grand in-4» 315 p.) Nous en
reparlerons.
M. Clouzot, l'éditeur de Niort si connu, vient de faire paraître une
troisième édition des Fables et contes en vers, par le docteur Auguste
Delétant. Cette édition — véritable édition de luxe — est illustrée par
M. Duplais-Destouches : c'est dire avec quel soin ont été exécutés ces
dessins, dont l'auteur avait indiqué lui-même les sujets.
Claude Delétant naquit à la Rochelle le 26 février 1802. Destiné
d'abord au commerce, il ne tarda pas à l'abandonner pour aller faire ses
étu'les de médecine en Angleterre. Il en revint avec le titre de docteur, et
en 1830 nous le trouvons dans sa ville natale, s'amusant surtort à taquiner
la MiT^e et délaissant la médecine.
Delétant avait l'imagination féconde, ne manquait ni d'humour, ni
d'esprit, et ses contemporains le tenaient fort en estime. Du reste, à cette
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 425
époque, faire des fables et contes en vers était très à la mode. La vogue
du docteur Delétant est très justifiée. Son livre est en effet un bouquet de
gracieuses fleurs aux fraîches et riantes couleurs, et dont on prend plaisir
à respirer le parfum.
L'auteur, encouragé par les applaudissements recueillis, avait préparé
la publication de ses œuvres. Cette idée fixe le poursuivait constamment,
rendant encore plus douloureuses les infirmités qui attristèrent ses
dernières années. Ce fut le dernier vœu qu'il ait formulé avant de dormir
son suprême sommeil. Ce que la mort impitoyable ne permit point, de
pieux amis l'ont fait, et c'est la troisième édition de ses œuvres que nous
venons de lire avec le plus vif plaisir.
VHistoirede V Abbaye de St-Michel-en-VHerm que vient d'écrire notre
sympathique collaborateur, M. L. Brochet, est présentement sous presse.
Parmi les curieuses choses inédites q l'elle contient, nous citerons le plan
de l'ancienne abbaye, récemment découvert aux Archives nationales et
qui a permis à l'auteur de rectifier plusieurs erreurs commises par les
précédents historiens.
L'ouvrage si impatiemment attendu de M. l'abbé Tricoire sur le Château
d'Ardennes et la Seigneurie de Moulidars en Angownois, vient de paraître
(La Rochelle, imp. NoëlTexier, 1890, grand in %" 460 p. avec lithog). La
place nous manque pour en faire aujourd'hui une complète analyse. Mais
nous tenons du moins à féliciter l'auteur du consciencieux talent d'his-
torien dont il a fait preuve en publiant ces pages, oià nous avons rencontré
avec plaisir plus d'un curieux renseignement sur le Bas-Poitou.
Tout en préparant la fin des Paysages et Monuments du Poitou, M. Jules ^
Robuchon s'occupe activement de recruter des collaborateurs et des sous-
cripteurs pour une publication analogue qui embrassera les cinq dépar-
tements de la Bretagne. Le voyage qu'il vient d'y faire a été très fructueux,
et il est revenu, nous le savons, avec les plus flatteuses promesses. Le
prospectus, récemment mis en circulation, fait entrevoir pour l'intrépide
auteur de nouveaux succès auxquels nous applaudissons de tout cœur.
Les Poètes Poitevins, de M. Olivier de Gourcuff, précédemment
annoncés par nous, sont tout dernièrement parus à la librairie Gautier.
Nous y relevons les noms de Jacques Béreau, Nicolas Rapin, André de
Rivaudeau, Romain du Pin Pager, La Servie, d'Angrly, Barreau, Edmond
Biré, Gustave Boisson, Paul Bourgeois, Crétineau-Joly, Adrien Dézamy,
Alfred Giraud, Emile Grimaud, l'abbé Lamontagne, Lubin Impost,
Edouard Richer,V a.hhé J. J. Rousseau.
426 CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE
Le Livre d'or de Litçon, de notre sympathique et érudit collaborateur,
ML. Ballereau, vient de paraître chez Gouraud à Fontenay-Le-Gomte,
sous forme d'une charmante plaquette in-8° de 66 pages, qui fait tout à
la fois honneur à la science de l'auteur et au mérite de l'éditeur.
Au cours d'un savant article sur l'Instruction primair'. avant 1789
en Sainlonge-Aunis. {Revue de Saintonge ei Aunis, X» vol, 6* livr). M. Louis
Audiat signale l'existence d'an instituteur à Saint-Martin-de-Fraigneau
(Vendée) au XVIII* siècle.
« A la Gaubretiêre.en 1789, il n'y avait point de régent approuvé, inais
seulement trois habitants mariés et bonnes personnes qui enseignaient
les petits enfants. »
En 1771, " la sœur Nicole Mercier et ses deux compagnes établies aux
Sables-d'Olonne » touchaient 450 1. pour leur nourriture et entretien.
Elles y avaient été établies, disent les Archives delà Gharente-Inférieure,
pour l'instruction des enfants et le soulagement des pauvres malades.
Des écoles de filles tenues par des laïques existaient à Ghassenon
(Thérèse Brange), à Foussais, à Vouvent, etc.
Souvenir du 27 juillet 1890. — Le troisième printemps de « la Revue du
Bas-Poitou ». —Tel est le titre d'une charmante brochure à peine sortie
des presses de M. Lacuve, le poète-imprimeur de Melle, et destinée seu-
lement aux « intimes de derrière les fagots. »
G'est le récit de la petite fête offerte cet été à ses collaborateurs par
M. René Vallette, directeur de cette Revue.
De Jos. Berihelé : Le Portrait d'un maire de Poitiers au XVI" siècle. —
François Palustre de Chambonneau et sa famille. (Tours- Péricat, 1891,
grand in-8° 62 p. avec héliograv. et lithog.)
M. Dominique Gaillé, secrétaire de la Revue de Bretagne et Vendée a.
consacré à notre illustre compatriote Emile Grimaud, le chantre aimé
des gloires Vendéennes et Bretonnes, une très intéressante et fort
gracieuse plaquette. (Lafolye, imp.-édit. Vannes, grand in-8° 23 p.)
M. Braud a terminé ses Promenades historiques à travers Fontenay-le-
Comte, dans le n° fie la Vendée du 15 octobre 1890.
Ge même numéro contient un article de M. René Vallette sur les Gou-
verneurs de Fonlcnay.
Dans VAvenir-Indicaleur (n" du !«■• octobre 1890), récit d'une Excursion
dans la forci de Mervent par les Sociétés de Gymnastique la Rcchelaistet la
Fontenaisienne, par L. B. (Louis Brochet).
CHRONIQUE — BIBLIOGRAPHIE 427
Le Publicaleur de la Vendée nous apprend l'apparition récente d'une
brochure due à la plume de M. L. Alasonière, vétérinaire à la Roche
sur-Yon, et intitulée Les Accouplements dans Vesp'ece chevaline.
Les derniers jours de l'année 1890 ont assisté aune joyeuse envolée
d'Almanachs nouveaux. Citons notamment : VAlmanach très complet
de la Vendée (La Roche-sur- Yen, Tremblay) ; Le grand Almanach vendéen
(F'ontenay, Gouraud) ; l'i/manac/i ^^ndra/ du département de la Vendée
(Fontenay, Baud).
Paru à la même époque : VOrdo du diocèse de Luçon, (in-12 47 p
Luçon, Rideaux.)
De notre excellent compatriote et ami, M. Arthur de la Voùle, une
nouvelle et charmante mélodie, l'Etoile, dont les rimes sont dues à la
muse toujours si merveilleusement inspirée d'A. Bonnin ('Chatot, éditeur,
19, rue des Petits-Champs).
Eléonore Robert, veuve de Louis Robert, seigneur de Boisfolssé (n" du
3 novembre 1870), Jamin « le Chouan » (n° du 14 décembre 1890).
U Etoile de la Vendée, des Sables-d'Olonne, a commencé la publication
d'une série de Souvenirs vendéens. Citons : Lareprise de Fontenay par Varnxée
Vendéenne (n° du 2 novembre 1890], Une victime Sablaise de la Révolution,
M. le docteur Marcel Petiteau continue dans le même journal ses inté-
ressantes Ephémérides Sablaises.
Notre confrère Ed. Paz a fait représeater le 27 décembre dernier un
joli prologue en vers au Cercle de la Presse, à Paris.
Dsiïïs le Libéral de la Vendée {n° du. 10 octobre 1890) : Renseignements
biographiques sur le général Jlaxo, — « Communication de M. G. Save,
homme de lettres. »
Le même journal a commencé la publication ù'Etymologies Vendéennes
tirées du Dictionnaire des noms de Lorédan Larcher.
Par M. A. Naud, instituteur à Saint- Yalérien : Histoire de la commune
de Saint-Valérien {Vendée), depuis les temps les plus reculés. (Fontenay
Gouraud. 1890, broché in-12 6(3 p )
Nous recevons de M. Aristide Bellet, de Chef-Boulonne, une élégante
plaquette ornée de sujets antiques, gravés sur bois, dont nous avons déjà
signalé Tapparxtion. Elle a pour titre : Premiers coups d'ailes.
Ceà charmantes pages poétiques se vendent* au profit de l'église du Bien-
heureux Père de Monfort » qui se construit présentement à Saint-Laurent
sur Sèvre. (Fontenay-Gouraud, grand in-8°, de 36 p.
428
SHRONIQUE
BIBLIOGRAPHIE
M. Henri Clouzot, fils de l'éditeur niortais, nous fait remettre au
dernier moment un très curieux volume de Notes pour servir à Vhisloire
de V Imprimerie à Niort et dans les Deux-Sèvres (Niort, Clouzot, 1891,
grand in-8°, 163 p.). Nous lui consacrerons une notice particulière dans
le prochain fascicule.
Qu'on nous permette enfin d'annoncer la reprise de nos Chroniques de
Bas-Poitou (III® série), dans le Publicateur de la Vendée.
R. DE Thiverçay.
JL.A JR.EYUE DU j3AS-f*OITOU
OFFRE
à ses Collaborateurs et Abonnés
SES MEILLEURS SOUHAITS
DE J^OUVEL /tt{^.
Le Directeur-Gérant : R. VALLETTE.
Vannes. — Imprimerie LAFOLYE.
PERIOD.
DC
611
P731
R4
V.3
^:)m>
)J
>)^
w
?^y>y J
s>>
3D
^3>>^^^
>lyS;^>Qu>)iS
'y
'^>
^3a>^-
31© V
J32)-
i'>&:iïi
^^'
-^2^5>:^
-j> à
>*>
i>.J>.
lifc^^^^
^ ^ S
^ )
'^-'Jj)
t>jS
^^mÈi^
■MM
^
£>3s^
>3]
3ÎDtJ)M>0niL
>)^:3y^.
V - ..— ^ ' -<.^
'i'^^^^^
W^^^
WJ
)i^3)i
GETTY CENTER LIBRARY
3 3125 00711 3109
»JJ
• Dm
îSie^
.".^^